SUR L'AIDE AUX
PAYS
" SOUS-DEVELOPPES "
Ebauche d'une lettre
àMessieurs les Présidents des Associations Bancaires des pays du M.E.C.
proposée par le Dr.
[Traduction:
*
Raphaël Mattioli
pages I-XIII]
*
*
SULL'AIUTO ALLE AREE SOTTO-SVILUPPATE
Minuta di una lettera
ai Signori Presidenti delle Associazioni Bancarie dei Paesi del M.E.C.
proposta dal dr.
[Testo:
Raffaele Mattioli
pagine 1-12 ]
T R A D UC T I ON
SUR L'AIDE AUX
PAYS
" SOUS-DEVELOPPES "
Ebauche d'une lettre
à Messieurs les Présidents des Associations Bancaires des pays du M.E.C.
proposée par le Dr.
l.
Raphaël Mattioli
Le problème des pays que l'on appelle " sous-développés" - et nous allons voir pourquoi je dis:
" que l'on appe.lle" ­
est à la mode depuis un certain temps déjà.
La bibliographie sur la question
mémoires,
rapports,
articles,
etc.)
(livres,
s'est
opuscules,
" sur-développée "
d'une manière impressionnante.
Vous comprenez donc que je ne me soucie pas de
croître,
l'ac­
parce que - en ce cas également - la quantité - à ce
qu'il me semble - a agi au détriment de la qualité.
En effet, l'argument se prête trop bien aux pleurnichan­
tes homélies des humanitaires, aux revendications aigries de tous
ceux qui se croient opprimés ou exploités, aux exercices tautolo­
giques des économistes, aux projets pyrotechniques des financiers
en vacances,
aux hypothèses apocalyptiques des statisticiens
et aux desseins utopiques des réformateurs universels.
Elle sert trop bien à prêter son appui pseudorationnel
au ressentiment des uns, et une justification pseudo-historique
à la vanité et à l'arrogance des autres.
La
constatation
évidente
qu'il
n'existe pas de pays
complètement développés et d'autres pays complètement sous-dé­
veloppés,
mais que chaque pays a des zones plus avancées que
d'autres,
des secteurs plus prospères et plus efficients que
d'autres, des ressources disponibles en mesure très différente,
qu'il jouit de privilèges qui se perdent petit à petit et a
connu des occasions perdues ou manquées (à la rigueur on pour­
rait appliquer à tous les pays le sarcasme lancé sur ces répu­
bliques
de
derrière
l'Amérique
elles " )
disais-je,
Latine
même
qui
cette
" ont
un
si
constatation
grand
avenir
élémentaire,
n'a pas suffi à rompre le schéma binaire habituel
et à reconduire l'attention sur le noyau de la diatribe.
Une
autre
vérité
évidente,
qui
intègre
la
première
- je dirai mieux: qui en est la traduction en termes dynamiques -
- II -
n'a pas réussi davantage à nous ramener sur le plan de la réa­
la constatation que tous les pays sont susceptibles de
lité:
développement, que tous sont appelés sans aucun doute à faire de
nouveaux progrès,
et qu'il n'est point du tout certain que les
plus " arriérés" soient ceux qui feront les progrès les plus re­
marquables:
pays
le
en ce sens on a pu parler des Etats-Unis comme du
plus
sous-développé,
tandis qu'un traité quelconque
d'anthropologie nous décrit des sociétés primitives fermées
dans leur perfection immobile et satisfaite.
Enfin,
aucun doute n'a surgi sur l'énoncé correct du
problème du fait symptomatique de sa " politicisation " ,
c'est­
à-dire de son passage du plan de la technique et du progrès social
au plan de la rivalité et de la concurrence entre les deux plus
grands " empires" du monde, - un plan sur lequel la profonde exi­
gence historique qui le fait naître se transforme en un autre
gigantesque .duel entre les deux blocs opposés,
et le terrain
destiné à édifier un avenir meilleur se transforme en un nouveau
champ de bataille.
Le plus urgent, par conséquent, c'est - me semble-t-il ­
2.
d'essayer d'encadrer le problème dans ses termes historiques,
c'est-à-dire dans la perspective des évènements dont il a tiré
son origine, sans se perdre dans le dédale des remèdes spécifi­
ques " excogités " pour l'éluder. Il faut donc le formuler comme
un problème de notre monde et de notre moment historique,
s'attarder à des théories abstraites développement économique,
sans
je dirais fictives - du
sans nous soucier de ce que sont les
" devoirs" ou les " possibilités" des pays plus développés et
sans nous laisser prendre par aucun sentimentalisme à l'égard
des malheureux et des parias,
tion face
de
la
à la
misère.
ni par des angoisses à répéti­
marée croissante
C'est
seulement
des
victimes
lorsqu'on
de la faim
aura
reconnu
et
dans
le problème des régions sous-développées l'aboutissement de
toute
l'histoire
économique
moderne
qu'on
pourra
l'acheminer vers une solution concrète et durable.
espérer
Il est donc
indispensable de faire un pas en arrière d'environ deux siè­
cles.
- III -
Notre monde économique est né - chacun le sait - avec
la
révolution
industrielle,
c'est-à-dire
avec une
série
de
découvertes scientifiques qui ont imposé une profonde trans­
formation des méthodes de production,
ont modifié rapidement
les rapports entre capital et travail et ont déterminé des chan­
gements substantiels dans la distribution du produit et jusque
dans " l'architecture" de la société.
La même formule est vala­
ble pour toutes les phases successives:
en réalité,
lution industrielle n'est jamais finie,
elle ne s'est jamais
arrêtée;
au contraire,
alimentée continuellement par de nou­
velles inventions et découvertes,
série
de
la révo­
bouleversements,
de
elle a provoqué toute cette
conflits
et
de
développements
révolutionnaires qui ont caractérisé 1'histoire du XIX8 siècle.
Parmi ceux-ci, il en est deux qui méritent une attention
particulière:
tard,
la
formation
aux Etats-Unis,
en
Europe
occidentale,
de vastes prolétariats,
conscients de leur condition et de leur force;
et,
plus
toujours plus
et la reprise du
colonialisme qui accrochait aux marchés européens les masses
amorphes d'une grande partie de l'Asie et de l'Afrique. Les deux
phénomènes sont liés et interdépendants:
le développement de
l'un a permis et-j'oserais dire - provoqué l'expansion de l'au­
tre.
Les hommes d'Etat du XIX8 siècle n'ont pas attendu Toynbee
et ses théories sur le " prolétariat" interne et externe, pour
favoriser parallèlement,
dans leurs pays,
la
multiplication
des industries dévoratrices de matières premières et génératri­
ces de masses d'ouvriers qui, arrachés à la terre, devaient être
nourris par l'importation,
et au delà des mers,
l'élargisse­
ment des marchés coloniaux et quasi-coloniaux, fournisseurs de
céréales,
de viandes,
de grains et de feuilles aromatiques et
consommateurs de cotonnades,
d'instruments ou de machines élé­
mentaires et de soi-disant " services" .
Sur ces nouvelles bases, naissait un système d'échanges
extrêmement profitable et fécond,
précaire,
mais dont l'équilibre était
puisqu'il était miné par une contradiction interne
entre ses moyens et ses résultats:
d'un côté,
il portait à un
renforcement des pays industriels et donnait ainsi une poussée
nouvelle à leur progrès technique dans toutes les directions,
- IV -
en augmentant leur écart vis-à-vis des pays arriérés, laissés
ou même repoussés en arrière sur la voie de l'industrialisation;
de l'autre côté, il attirait ces pays arriérés dans la communauté
spirituelle et économique des plus avancés: d'une façon directe,
grâce à la plus grande fréquence d'échanges et de contacts et,
d'une façon encore plus crue, par les marchés internationaux de
matières premières et de denrées, au moyen desquels les crises
et les dépressions des pays industrialisés se répercutaient
avec une violence catastrophique sur les économies plus fai­
bles et plus pauvres; et de façon indirecte, grâce à 1'accéléra­
tion incroyable
des
du processus d'amélioration des transports,
communications
et
de
la
reproduction
mécanique
de
la
parole et des images.
Cette
4.
sive
précarité, contenue
dans
l'extension
progres-
de la civilisation et de l'hégémonie européenne sur
le
reste du monde, cette faiblesse dialectique interne du proces­
sus dont elle était le ressort propulsif,
un élément corrosif et explosif,
nouveauté,
ni était restée,
mais,
en même temps,
n'était certainement pas une
non plus,
cachée aux yeux des cri­
tiques les plus intelligents et pénétrants du colonialisme au
XVIIIe
siècle.
L'abbé
expression classique:
Galiani en
donnait
déjà,
en
1772,
une
" mon avis est de continuer nos ravages
aux Indes, tant que cela nous réussira, sauf à nous retirer quand
nous serons battus.
détrompez-vous.
Il n'y a pas de commerce lucratif au monde:
Le seul bon est de troquer des coups de bâtons
qu'on donne contre des roupies qu'on reçoit.
du plus fort " .
C'est le commerce
Continuons donc, tant que nous sommes les plus
forts. Mais ne nous leurrons pas en croyant que ces " échanges"
soient conformes aux lois de la nature, soient bénis et sancti­
fiés par les théoriciens de l'économie, ni qu'ils puissent durer
éternellement.
Moins de trente ans plus tard,
Fichte,
au début de son
petit traité sur " l'Etat commercial fermé" - dont on s'est trop
facilement moqué - se posait la même objection:
les rapports
commerciaux entre 1'Europe et les autres continents qui lui per­
mettent de s'approprier leurs ressources et produits sans,
de
- v -
son côté, fournir une contre-partie qui soit d'une façon quel­
conque en rapport, sont contraires au droit et� l'équité. Même
les Etats européens qui ont une balance commerciale déficitaire
vis�
-vis des autres Etats européens participent � ce saccage
collectif du reste du monde,
en tirent profit et restent dans
la communauté européenne dans l'espoir d'en obtenir un avan­
tage encore plus grand. Il est clair que cela ne peut durer, mais
si quelqu'un objecte:
" jusqu'ici ce rapport a duré et aujour­
d'hui encore la sujétion des colonies et des esclaves dure et
durera tant que nous vivrons;
laissez-nous donc en tirer profit
tant que cela dure. Ce sera l'affaire de l'époque où ce système
tombera
en
morceaux
de
voir comment
s'en
tirer" ,
-
Fichte
admet qu'il ne peut répondre. Tout comme Galiani il reconnai t la
précarité d'une situation injuste,
et,
comme Galiani,
il ren­
voie la question � la postérité.
5.
Or, cette postérité c'est bien nous. La poussée du progrès
scientifique et de l'accroissement du pouvoir politique des
Etats européens a été telle que - pendant tout le XIX8 siècle, en
dépit de brèves crises qui auraient dû servir d'alerte --l' exploi­
tation coloniale des pays d'outre - mer et l'industrialisation
sur des bases capitalistes des pays de l'occident européen ont
continué et se sont accrues. A ces pays se sont joints, vers la
fin du siècle, le .Japon, d'un côté, et les Etats- Unis, de 1'autre.
Entretemps,
la tension interne se faisait toutefois
plus forte et ne se relâchait qu'avec l'explosion de la première
guerre mondiale, laissant, au moins, ce résultat positif: que,
depuis lors,
le problème des pays sous-développés s'est imposé
�la conscience européenne et n'a plus pu être évité, ni renvoyé,
et a dicté des solutions immédiates,
approximatives et frisant
l'hypocrisie - la conversion des colonies en " mandats" -, mais
qui représentaient
pourtant le traditionnel hommage du vice
�la vertu, l'hommage du pouvoir du plus fort�la nécessité dé­
sormais reconnue,
dans l'intérêt de tous,
d'abandonner la di­
vision entre pays arriérés et pays civilisés pour la remplacer
par une formule de collaboration ouverte � tout le monde,
diatement ou � distance de quelques années.
immé­
- VI -
Le mouvement ainsi amorcé se poursuivait dans la période
entre les deux guerres, soit à travers la politique de décolonisa­
tion adoptée par l'empire britannique,
la voie des " dominions" ,
nomes,
qui s'acheminait vers
des républiques,
des royaumes auto­
des protectorats et de quelques colonies survivantes,
soit grâce à la croissante opposition de l'opinion publique mon­
diale à toute nouvelle conquête coloniale,
soit à l'aide d'ac­
cords visant à stabiliser les prix de quelques matières premières
(bien que souvent ces derniers fussent unilatéraux et tendant
à conserver les anciens monopoles) ,
soit par une vigoureuse re­
prise des investissements (bien que concentrée, en grande par­
tie, dans les zones pétrolifères) dans certains pays parmi les plus
primitifs, soit, enfin, avec les efforts déployés un peu partout
- en Israël, en Russie, au Mexique et à Porto Rico - pour relever
rapidement une économie qui était restée à un niveau élémen­
taire jusqu'à
atteindre celui des régions les plus
Malheureusement,
6.
essayait d'adoucir,
recherche
par ce moyen,
on
se reformaient plus fortes que jamais.
La
scientifique,
les tensions que,
avancées.
stimulée
également
par
des
raisons
qui étaient bien loin d'être " idéales" , telles que la convoitise
de profits industriels multipliés, ou le perfectionnement d'ar­
mes toujours plus meurtrières,
rizons de la production:
amplifiait énormément les ho­
de nouvelles sources d'énergie,
de
nouveaux remèdes qui altéraient les tables séculaires de la
mortalité,
de nouveaux produits artificiels ou synthétiques,
meilleurs que les naturels, de nouveaux moyens de communication
et de transmission qui annulaient pratiquement les distances
et portaient,
d'un seul coup,
des nations entières dans les mi­
lieux de leurs métropoles plus avancées,
rapetissaient et ré­
volutionnaient la terre en multipliant ainsi et en comprimant
la charge explosive toujours latente dans l'union de produc­
tion et de recherche scientifique.
La deuxième guerre mondiale posait à nouveau,
la forme la plus aiguë,
nements
-
le problème qui,
et dans
à la lumière des évè­
renforcés par les calculs des statisticiens démo­
graphiques - ,
se révélait alors comme le problème de la survi-
- VII -
vance possible du genre humain sur la planète Terre, le problème
numéro un de notre génération.
Là où il paraissait plus urgent,
dans l'Europe ravagée par la guerre, il était saisi à bras le
corps par le Plan Marshall qui parvenait à remettre sur pied des
régions qui étaient
devenues brusquement
sous-développées à
cause des blessures reçues et à les reporter en première ligne,
parmi les plus développées.
" Nothing succeeds like success".
Les résultats heureux du Plan Marshall suggéraient de l'étendre
" mutatis mutandis"
à d'autres régions du globe - Point 4 du
Président Truman - alors que les résultats des plans de pro­
duction en Russie et en d'autres Etats indiquaient l'utilité
de cet autre instrument pour diriger et faciliter le dévelop­
pement économique.
plus avancés,
En même temps,
dans les pays relativement
les nouveautés de la
technique
ravivaient les
frictions habituelles à toute période de développement rapide.
Des installations non encore amorties se révélaient dépassées
et obsolètes. Les pays en train de se pourvoir d'un équipement
industriel
demandaient uniquement,
comme il est naturel,
des
machines et des instruments dernier cri de la technique.
Des
marchés traditionnels disparaissaient du jour au lendemain et
les débouchés industriels pour certaines matières premières,
considérées indispensables au cours des siècles - hier le sel,
la soie,
le soufre;
le pétrole,
aujourd'hui le charbon,
les métaux précieux
-
demain peut-être
se rédui saient d'une façon
inquiétante.
Moins apparente,
peut-être,
mais non moins réelle,
la
crise des " prolétariats" internes: la phase actuelle de prospé­
rité ne dait pas nous faire oublier à quel point leur situati on
est précaire - encore une fois précaire - pris comme ils sont
entre le marteau de la technique de la production,
des marchés toujours plus vastes,
qui consent,
de mauvais gré,
qui exige
et l'enclume de la politique
qu'on baisse ou
qu'on supprime
certaines barrières entre quelques zones limitées (et politi­
quement
d'autres
solidaires)
de
dans les pays
l'Occident,
tandis
qu'elle
en
érige
d'outre-mer pour sauvegarder l'auto­
nomie d'entités politiques et économiques à peine créées ou réso­
lues à croître plus rapidement qu'elles ne l'ont fait jusqu'ici.
- VIII -
·
Les Gouvernements,
facile,
à leur tour,
ne sont pas dans une situation
puisqu'ils ont tous des régions moins développées chez
eux et voient menacée l'opulence de celles plus développées
pendant qu'ils sont tiraillés dans des directions opposées par
la nécessité évidente de venir en aide et de valoriser celles
d'outre-mer
délaissées
aussi évidente,
jusqu'à
présent,
et
par
celle,
tout
de concentrer les efforts et les ressources
pour protéger ou augmenter la prospérité de leur propre pays.
Il est évident,
comme,
d'ailleurs,
donc,
que le problème doit être posé ­
il se pose de par lui-même avec une énergie
péremptoire - non pas comme un problème des pays sous-développés,
mais comme le problème des pays à l'avant-garde du progrès éco­
nomique: de ces pays qui, par le jeu de forces que j'ai évoqué,
voient le milieu dans lequel ils ont agi jusqu'ici - " die Welt
ist mein Feld" , disait Ballin - changer sous leurs yeux: voient
disparaître des marchés,
nement,
pulluler des concurrents,
tions et des machines,
ou
des
se fermer des sources d'approvision­
centaines
de
se rouiller des installa­
s'agiter des millions de travailleurs
millions
de
consommateurs-producteurs
potentiels, c'est-à-dire qu'ils voient s'altérer radicalement
leurs propres possibilités de vie et de travail et doivent, par
conséquent,
s'adapter
se
à
mettre
la
à
nouvelle
reconstruire
situation
-
un
ou
autre
" monde"
pour
bien réduire leurs
propres dimensions et s'étioler.
Les appels, les insistances,. les querelles indiscrètes
des pays
''arriérés '' servent à mettre mieux en lumière,
un jour plus cru,
qu'ils soient,
nolent,
cette situation. Mais,
sous
pour retentissants
et bien qu'utiles pour réveiller ceux qui som­
ils ne suffisent pas à changer la situation,
ils
ne
suffisent pas à rendre bilatéral un problème qui est dans son
essence unique et total - et à la solution duquel,
évidemment,
ces pays ne peuvent apporter au premier abord qu'une aide pas­
sive,
7.
faite d'acquiescement et de bonne volonté.
Voilà pourquoi j'ai parlé - dans une autre occasion - du
" paradoxe des régions sous-développées" : paradoxe, soit parce
que le problème touche et angoisse d'abord les régions plus dé-
- IX -
veloppées qui doivent s'efforcer d'élever à leur niveau toutes
les autres si elles veulent conserver leur rang,
que,
d'un côté,
soit,
parce
il leur impose un accroissement continuel de
leurs activités de recherche et de leur outillage - c'est-à-dire,
il leur impose de se " développer toujours plus" - et,
tre,
de l'au­
de se mettre idéalement sur le même plan que les " pays ar­
riérés " et,
pour
pouvoir
collaborer
avec
eux,
s'aligner
de
quelque façon sur leur mentalité, sur leurs méthodes et sur leur
point de vue.
En d'autres termes: la première enquête à faire concerne
nous autres " les développés" : il faut établir jusqu'à quel point
nous sommes aiguillonnés par notre propre progrès technique
et par les forces qu'il éveille dans notre société,
mer nos systèmes
à transfor­
de production et nos propres institutions.
C'est en fonction de cette nécessité qu'il faudra voir ensuite
de quelle manière on peut aider efficacement le progrès coor­
donné des pays moins développés,
et également de ceux que notre
"développement" accéléré pourrait repousser parmi les arriérés.
Naturellement,
il faudra alors se préoccuper également de la
manière de maintenir le contrôle sur les initiatives que l'on
mettra en oeuvre pour développer les autres zones, et qui auront,
pour la plupart,
les caractères et les dangers de toutes les
" affaires en société ou en participation " .
Je n'ai aucune prétention d e devancer les résultats
de cette enquête,
mais il me paraît évident que la structure
même de la société,
dans les pays les plus développés,
ne peut
survivre intacte aux tensions déchirantes qui se produisent en
elle.
Il me semble que,
en définitive,
tout programme d'in­
dustrialisation des pays sous-développés exige de renouveler
"ab imo" les principes et les valeurs dont s'inspirent encore
nos institutions fondamentales.
Il n'y a pas de raison de s'ef­
frayer de ces postulats de réforme implicites dans un plan qui
se propose de défendre l'ordre établi ou, tout au plus, de l'as­
surer contre le danger de revirements plus graves. Toute période
de développement économique rapide - depuis celle qui suivit
la colonisation des Amériques jusqu'à celle déclenchée par la
révolution industrielle - a été accompagnée par des agitations
- x -
profondes de la société, par l'affirmation de nouvelles classes
et par le bouillonnement d'aigres ferments.
L'extension à tout le globe d'un seul système écono­
mique intégré, la mise en valeur de toutes les ressources terres­
tres de l'agriculture et des mines,
des capitaux et des hommes,
des méthodes techniques,
est une entreprise d'une envergure
telle qu'elle comporte nécessairement des agitations locales,
des résistances désespérées et des secousses d'une violence
sismique.
8.
Mais c'est seulement ainsi, " in toto", que le problème
peut être affronté.
Les projets d'installer une nouvelle in­
dustrie ici, ou de construire une digue là, ou d'ouvrir une mine
sous ces montagnes,
blir une plantation
ou un canal entre ces deux mers,
dans
cette steppe,
nes ou de mauvaises affaires,
peuvent être de bon­
mais ce ne sont pas des apports
valables pour la solution du problème.
tations et pui.ts,
Digues et canaux,
plan­
on en a toujours fait et on en fera toujours,
avec des résultats plus ou moins satisfaisants,
tres finalités,
ou d'éta­
mais avec d'au­
sans entamer en rien le problème fondamental.
Dans de nombreux cas il est arrivé que ces ouvrages gigantes­
ques ont
blessé
d'une fois,
la
susceptibilité
des
indigènes,
qui,
poussés par le ressentiment et l'envie,
les ont
arrachés par la force aux propriétaires et aux usagers
à leur tour,
corruption,
quelquefois,
avaient arraché,
plus
(qui,
par la force ou la
les concessions nécessaires).
L'histoire récente nous offre des leçons par douzaines
sur la façon de ne pas agir si l'on veut sérieusement faire quel­
que chose de profitable à tout le monde et de durable.
arrive ainsi,
par exclusions successives,
Et l'on
à se rendre compte
que le problème des pays " sous-développés" - si l'on reconnaît
que, dans chaque pays, il y a, à tout moment, des zones moins dé­
veloppées que d'autres - doit être considéré comme le problème
de " l' e:xploitation globale du globe ".
Les facteurs qui apparaissent comme des idées abstrai­
tes dans les théorèmes des économistes - les facteurs classi­
ques de la production: le travail, la terre, le capital, etc.
-
- XI -
revêtent ici
une physionomie concrète, numériquement définie:
tant de bouches à nourrir, tant de bras à la charrue, tant d'hec­
tares de terre de telle ou telle autre qualité,
disponible pour chaque période considérée et,
tant d'épargne
en plus, la for­
midable inconnue des nouveaux apports présumables de la science
et de la technique.
Ce n'est peut-être pas encore le moment d'envisager un
plan mondial de développement et, en tout cas, il ne s'agira pas
d'un plan " quinquennal" , mais d'un demi siècle au moins. Pourtant,
l'approche immédiate ne peut être différente de celle du banquier
qui, ayant évalué les ressources - actuelles et potentielles dont il peut disposer,
plus profitables,
choisit entre les emplois possibles les
les moins hasardeux,
ceux qui s'accordent
le mieux avec les emplois déjà effectués et avec les tendances
déchiffrables du progrès économique.
Toutefois,
la di vergence commence
à se faire sentir
sitôt que l'on passe d'une considération de métier à un point
de vue plus profondément humain. Tandis que les banquiers et les
capitalistes visent au profit de chaque affaire et attribuent
un poids décisif à la comparaison des taux de bénéfice qu'elles
offrent individuellement, un programme rationnel de développe­
ment des régions arriérées doit se dégager du barème des ren­
dements individuels et immédiats (si on l'acceptait ce serait
abdiquer,
tuation
en principe,
de
fait)
le " grand dessein "
et substituer
au
de modifier la si­
mécanisme des soi-disant
forces naturelles du marché, une impulsion dynamique qui puisse
secouer les endormis,
fessionnels,
faire rougir de honte les mendiants pro­
faire marcher les paresseux,
relever les épuisés
et accompagner les vaillants, - et non parce que cela répond au
commandement
de la charité chrétienne,
mais parce que notre
destinée est liée à la leur.
Il n'y a pas de place dans tout cela pour des complexes
9.
d'infériorité,
s'agit
de
ou de fautes à expier,
réaffirmer
de l'Occident.
notre
il
fidélité aux traditions communes
Aucune arrogance,
tion claire de notre intérêt.
bien au contraire,
Et,
d'autre part,
surtout,
mais la percep­
aucune peur,
ni des
- XII -
concurrents possibles,
ni des réactions imprévisibles des peu­
ples qui sont sollicités si énergiquement à entrer finalement
dans l'Histoire,
dans notre Histoire.
Un corollaire immédiat découle de cette première con­
clusion et condition préalable:
le problème - actuel et brû­
lant - n'est absolument pas de la compétence exclusive ni des
pays liés au M. E. C. ,
ni,
et bien moins encore,
de leurs Asso­
ciations bancaires.
Il est sans nul doute un problème avant tout écono­
mique, et il a - il faut l'admettre - certaines caractéristiques
qui appartiennent à la technique bancaire,
mais il dépasse de
loin les possibilités des systèmes bancaires - isolément ou
associés - et exige des décisions et des mesures à l'échelle
mondiale:
miques,
décisions et mesures qui sont,
mais dans le sens le plus large,
elles aussi,
écono­
c'est-à-dire qu'elles
doivent pouvoir se placer dans le cadre d'un programme ration­
nellement complet visant au progrès technique,
nistratif,
politique de toute l'humanité,
civil,
admi­
en commençant,
na­
turellement, par les pays qui, conscients de leur intérêt, ac­
ceptent la responsabilité d'une entreprise aussi vaste.
Les pays du M. E. C.
se trouvent, par ailleurs, les uns
par l'expérience acquise dans les " colonies" ,
la réalité de leurs
les autres pour
" territoires d'outre-mer"
et tous parce
qu'ils ont toujours favorisé et stimulé les contacts avec les
peuples les plus primitifs des deux hémisphères,
dans la con­
dition singulière de " sentir" le problème très vivement et, par­
tant,
de pouvoir inviter avec quelque autorité les autres, sur­
tout les anglais et les américains,
à porter le poids décisif
de leur collaboration au plan de développement envisagé.
Ce
plan, enfin, devrait arriver à embrasser également les rapports
avec les pays du bloc communiste - qui doivent déjà résoudre le
problème chez eux,
avec des difficultés de démarrage peut-être
moins graves que les nôtres - et fournir ainsi des raisons pra­
tiques pour passer de la "coexistence" à la collaboration.
10.
" Hoc est in votis" . Mais,
que pouvons-nous conclure? .
.
.
en ce moment et en ce lieu,
- XIII -
Peut- être seulement une rectification du tir. Mais il
est toujours bon de ne pas gaspiller les munitions.
lage serait double si le tir au hasard touchait,
Le gaspil­
ou simplement
effrayait les " nôtres" . Laissons donc de côté, pour le moment,
les exercices sur les financements et les pré-financements,
sur les crédits à " moyen" et à " long" terme à l'exportation,
sur
la
libération
unilatérale,
bilatérale
ou
plurilatérale
des échanges avec les pays " arriérés", sur les ressources à mo­
biliser,
sur les garanties aux capitaux exportés,
les autres débats de ce genre,
Comités,
chaque
ressort de notre métier:
dre,
dont s'amusent Commissions et
avec les résultats que l'on sait.
les complications de
affaire
en
Les difficultés et
particulier
sont
du
nous devons les étudier et les résou­
chacun de nous selon ses propres capacités,
ses moyens. L'enquête
et sur tous
à amorcer est autre:
ses énergies,
" en quel sens et
dans quelle mesure l'économie des pays qui se sont maintenus
jusqu'ici à l'avant-garde
du développement économique tend­
elle à se transformer". De cette première découle,
par néces­
sité logique, une seconde question: " En quel sens et dans quelle
mesure peut-on et doit-on favoriser,
en fonction des tendan­
ces constatées dans les pays plus évolués,
progrès
dans
l'économie
et
la
l'organisation,
civilisation,
le
l'intégration
complète dans une " Weltwirtschaft" équilibrée et agressive, des
pays sur lesquels pèsent encore les ombres de l'époque coloniale
ou,
pis encore,
Milan,
les ténèbres d'un primitivisme barbare " .
le 1 6 Mai 1960.
T E S T O
SULL'AIUTO ALLE AREE SOTTO- SVILUPPATE
Minuta di una lettera
ai Signori Presidenti delle Associazioni Bancarie dei Paesi del M.E.C.
proposta dal dr. Raffaele Mattioli
Il
l.
-
vedremo
problema
porti,
dell'argomento
articoli etc.)
sionante.
aree
" cosiddette"
perchè
bibliografia
delle
si
è
-
cosiddette
è
(libri,
di
sottosviluppate
moda da un
opuscoli,
sovra- sviluppata
in
pezzo.
memorie,
modo
Non può quindi non· repugnare accrescerla,
chè una volta di più la quantità è andata,
La
rap­
impres­
anche per­
mi sembra,
a scapito
della qualità. Troppo bene il tema si presta alle flebili omelie
degli umanitari,
alle acide rivendicazioni di chi si crede op­
presso o sfruttato,
nomisti,
alle
alle tautologiche esercitazioni degli eco­
pirotecniche
proposte di
alle apocalittiche ipotesi
proiezioni
dei
finanzieri
a spasso,
degli statistici e alle utopiche
riformatori
universali.
Troppo
bene
serve
a
prestare un fondamento pseudo- razionale al risentimento degli
uni e una giustificazione pseudo- storica alla vanità e sicumera
degli altri.
Nemmeno l'ovvia constatazione che non ci sono paesi
del tutto sviluppati e altri sottosviluppati,
ha zone più progredite di altre,
ficienti di altri,
ma che ogni paese
settori più prosperi e più ef­
risorse disponibili in diversissima misura,
e conosce primati perduti o in via di perdersi e occasioni man­
cate o fallite - a tutti i paesi a rigore può applicarsi il sar­
casmo
lanciato
su
alcune
repubbliche
latino- americane,
che
" hanno un così grande avvenire dietro di sè" - , nemmeno questo
elementare canone interpretativo è bastato a rompere lo schema
binario abituale e a ricondurre l'attenzione sul nocciolo della
diatriba.
Nè è valsa a riportarci sul piano della realtà l'altra
palese verità -
integrativa della prima,
o meglio traduzione
dinamica di quella statica constatazione di fatto,
i paesi sono suscettibili di sviluppo,
- che tutti
tutti sono sicuramente
chiamati a far nuovi progressi, e non è detto assolutamente che i
- 2 -
più " arretrati" sian quelli cui toccheranno i progressi plu
cospicui:
in questo senso si è potuto parlare degli Stati Uniti
come del paese più sottosviluppato che ci sia,
mentre un qual­
siasi trattato d'antropologia ci descrive società primitive
chiuse in una loro immobile e soddisfatta perfezione.
E nemmeno ha suscitato dubbi sulla retta impostazione
del problema il sintomatico indizio della sua " politicizza­
zione ",
ossia della sua traduzione dal piano della tecnica e
del progresso sociale al piano della rivalità e concorrenza
tra i due maggiori " imperi" del mondo,
un piano cioè sul quale
l'alta esigenza storica che gli dà vita si converte in un'altra
gigantesca tenzone tra i due blocchi contrapposti,
e l'area
destinata a edificarvi un miglior futuro in un ennesimo campo
di battaglia.
La prima cosa da fare,
2.
dunque,
mi sembra sia di tentare
una messa a fuoco del problema nei suoi termini storici,
ossia
nella prospettiva dei suoi precedenti e delle vicende da cui
è sorto,
senza perdersi nella selva dei rimedi specifici esco­
gitati per girarvi attorno;
e di porlo quindi come un problema
del nostro mondo e del nostro momento storico,
senza indugiare
in ::tstratte, o meglio fittizie teorie dello sviluppo economico,
senza preoccuparci di quelli che sono i " doveri" o le " possi­
bilità" dei paesi più sviluppati,
e senza lasciarsi prendere
da sentimentalismi verso i derelitti e gli affamati nè da ricor­
renti angosce di fronte alla crescente marea di famelici dise­
redati.
Solo riconoscendo nel problema delle aree sottosvilup­
pate l'aboutissement di tutta la storia economica moderna si può
sperare di avviarlo verso una soluzione concreta e durevole.
E'
quindi indispensabile fare un passo indietro d'un paio di secoli.
3.
Il nostro mondo economico nasce,
la rivoluzione industriale,
scientifiche
che
impongono
metodi della produzione,
come sappiamo,
con
ossia con una serie di scoperte
una
profonda
trasformazione
dei
alterano rapidamente i rapporti tra
capitale e lavoro e determinano cambiamenti sostanziali nella
distribuzione
del
prodotto
e
anche
nell'architettura
della
- 3 -
società.
La stessa formula vale per tutte le fasi:
la rivoluzione industriale non è finita mai,
mata,
e,
perte,
in realtà,
non si è mai fer­
alimentata continuamente da nuove invenzioni e sco­
ha provocato tutta quella serie di rivolgimenti,
di con­
flitti e di sviluppi rivoluzionari che han caratterizzato la
storia dell'Ottocento.
Tra
questi,
due
meritan
particolare
formazione nell'Europa Occidentale,
attenzione:
e poi negli Stati Uniti,
la
di
vasti proletariati,
sempre più coscienti della loro condizione
e della loro forza;
e la ripresa del colonialismo,
che aggan­
ciava ai mercati europei le masse amorfe di gran parte dell'Asia
e dell'Africa.
I due fenomeni sono connessi e interdipendenti:
lo sviluppo dell'uno ha permesso e,
latarsi
dell'altro.
Nè
gli
uomini
hanno dovuto attendere Toy nbee,
tariato" esterno ed interno,
in
patria,
il
direi,
provocato,
politici
il di­
dell'Ottocento
e le sue teorie
sul " prole­
per promuovere parallelamente,
moltiplicarsi delle
industrie
divoratriei
di
materie prime e creatrici di plebi non più agricole che dove­
vano esser alimentate,
e,
al di là dei
mari,
l'allargamento
dei mercati coloniali e quasi-coloniali, fornitori di cereali,
di carni e di bacche e foglie aromatiche,
e consumatori di co­
di strumenti e macchine elementari e dei cosiddetti
tonine,
servizi.
Su queste nuove basi si stabiliva un sistema di scambi
estremamente lucroso e fecondo,
cario,
ma il suo equilibrio era pre­
perchè minato da una contraddizione interna tra i suoi
mezzi e i suoi risultati:
zamento
dei
paesi
da un lato esso portava a un raffor­
industriali,
e
dava
quindi
un'ulteriore
spinta al loro progresso tecnico in tutte le direzioni aumen­
tandone il distacco dai paesi arretrati,
respinti
l'altro,
indietro
nella
via
lasciati o addirittura
dell'industrializzazione;
dal­
attraeva quei paesi arretrati nella comunità spiri­
tuale ed economica dei più progrediti,
direttamente mediante
la maggior frequenza di scambi e di contatti e,
gior crudezza,
con anche mag­
mediante i mercati internazionali delle materie
prime e delle derrate attraverso i quali le crisi e le depres­
sioni dei paesi industrializzati si ripercotevan con rovinosa
- 4 -
violenza sulle economie più deboli e più povere;
mente,
con
e,
indiretta­
l' incredibile accelerazione del secolare processo
di miglioramento dei trasporti,
delle comunicazioni e della
riproduzione meccanica di scritti ed immagini.
Questa precarietà insita nella progressiva estensione
4.
della civiltà e dell' egemonia europea al resto del mondo, questa
interna debolezza dialettica del processo,
propulsiva,
ma insieme un
era davvero una novità nè,
di cui era molla
agente corrosivo ed esplosivo,
certamente,
non
era rimasta oscura agli
occhi dei critici più aperti e acuti del colonialismo sette­
centesco.
L' abate Galiani ne aveva dato fin dal 1772 una for­
mulazione classica:
" mon avis est de continuer nos ravages aux
I ndes tant que celà nous réussira,
nous serons battus.
détrompez- vous.
qu' on donne,
sauf à nous retirer quand
I l n' y a pas de commerce lucratif au monde;
Le seul bon est de troquer des coups de baton
contre des roupies qu' on reçoit.
du plus fort ".
Continuiamo,
dunque,
C' est le commerce
fin che siamo i più forti;
ma non ci illudiamo che questi "scambi" sian conformi alle leggi
della natura,
l' economia,
sian benedetti e santificati dai teorici del­
nè che possan durare in eterno.
Meno di trent' anni dopo,
Fichte,
sulla soglia di quel
suo troppo facilmente deriso trattatello sullo Stato Commer­
ciale Chiuso,
si poneva la stessa abbiezione:
i rapporti com­
merciali tra l' Europa e gli altri continenti,
per cui essa si
appropria le loro risorse e prodotti senza fornire da parte sua
una contropartita anche lontanamente adeguata,
al diritto e all' equità.
sono contrari
Persino gli stati europei che hanno
una bilancia commerciale deficitaria rispetto agli altri stati
europei,
partecipano di questo saccheggio collettivo del resto
del mondo,
ne traggon vantaggio e restan nella comunità europea
nella speranza di trarne un vantaggio anche maggiore.
E'
certo
che ciò non può durare, ma se uno abbietta: "Finora questo rap­
porto è durato,
finora dura la soggezione delle colonie e il
traffico degli schiavi,
e durerà finchè campiamo. Lasciate dun­
que che ne traiamo profitto fin che dura:
toccherà all' epoca
in cui questo sistema non reggerà più di vedere come cavarsela",
- 5 -
Fichte ammette che non ha una risposta da dargli.
Come Galiani
riconosce la precarietà d' una situazione ingiusta,
e come Ga­
liani rinvia la questione ai posteri.
Ora,
5.
quei posteri siamo noi.
La spinta del progresso
scientifico e del crescente potere politico degli stati europei
era tale che per tutto l' Ottocento continuava e s' allargava
-
nonostante brevi crisi ammonitrici -
lo sfruttamento colo­
niale dei paesi d' oltremare e l' industrializzazione su basi
capitalistiche dei paesi dell' Occidente,
gevano,
verso la fine del secolo,
Stati Uniti dall' altro.
vano,
ai quali si aggiun­
il Giappone da un lato,
e gli
Le tensioni interne però si accresce­
e trovavano un primo sfogo violento nella prima guerra
mondiale,
tra i cui risultati positivi è da annoverare questo:
che da allora il problema dei paesi sottosviluppati si è imposto
alla coscienza europea e non ha più potuto essere eluso nè pro­
crastinato,
e ha dettato soluzioni immediate approssimative e
insincere - conversione delle "colonie" in "mandati" - che rap­
presentavano però il tradizionale omaggio del vizio alla virtù ,
l' omaggio del superstite potere del più forte alla riconosciuta
necessità,
nell' interesse di tutti,
di superare la divisione di
paesi arretrati e progredì ti per sostituirle una formula di col­
laborazione aperta a tutti,
L' avvio così
guerre,
subito o a distanza di pochi anni.
dato era seguito nel periodo tra le due
sia con la decisa " decolonializzazione " dell' impero
britannico,
avviato a trasformarsi in comunità di dominii,
repubbliche e di
regni autonomi,
di
di protettorati e di poche
residue " colonie", sia con la più recente opposizione dell' opi­
nione pubblica mondiale ad ogni nuova conquista coloniale,
sia
con gli accordi (per quanto spesso unilaterali e monopolistici)
per stabilizzare il prezzo di alcune materie prime,
vigorosa ripresa degli investimenti
sia con una
(per quanto limitati in
gran parte alle aree petrolifere) in paesi tra i più primitivi,
sia con gli sforzi fatti un po'
sia,
dappertutto,
in Israele,
in Rus­
in Messico e Porto Rico per sollevare rapidamente un' eco­
nomia rimasta a un livello elementare sino al piano delle aree
pìù progredì te.
- 6 -
al
Ma,
6.
tempo stesso,
le tensioni che in tal modo si
cercava di lenire,
si riformavano più
forti che mai.
La
ri­
cerca scientifica,
stimolata anche da moventi tutt' altro che
"ideali", come l' ansia di maggiori lucri industriali e l' appre­
stamento d' armi sempre più micidiali,
orizzonti della produzione:
ampliava a dismisura gli
nuove fonti d' energia, nuovi rimedi
che alteravano le tavole secolari della mortalità,
dotti
artificiali
o
sintetici
migliori
dei
nuovi pro­
naturali,
nuovi
mezzi di comunicazione e di trasmissione che annullavano prati­
camente le distanze e di colpo portavano intere nazioni nel­
l' ambito delle loro metropoli più evolute,
rivoluzionavano
la
terra,
moltiplicando
rimpicciolivano e
e
comprimendo
così
la carica esplosiva sempre latente nel connubio di produzione
e ricerca scientifica.
La
seconda
guerra
più acuta il problema,
venimenti,
grafici,
mondiale
riproponeva
che appariva ormai,
convalidati
dai
calcoli
nella
forma
alla luce degli av­
degli
statistici
demo­
come il problema della possibile sussistenza del ge­
nere umano sul pianeta Terra, il problema numero uno della nostra
generazione.
Dove appariva più urgente,
guerra,
esso
era
affrontato
il Piano Marshall,
nell' Europa devastata dalla
con tempestiva lungimiranza con
che riusciva a risollevare aree divenute
bruscamente "sotto- sviluppate" per traumi sofferti, e a ripor­
tarle in prima linea tra le più " sviluppate". Nothing succeeds
like success.
estenderlo,
I l buon esito del Piano Marshall suggeriva di
mutatis mutandis,
ad altre aree del globo - Quarto
Punto del Presidente Truman - ,
mentre i risultati dei Piani po­
liennali,
in Russia e in altri stati,
indicavano l' utilità di
quest' altro strumento per indirizzare e promuovere lo sviluppo
economico.
Al tempo stesso,
diti,
nei paesi relativamente più progre­
le novità della tecnica riacutizzavano gli attriti con­
sueti in ogni periodo di rapido svolgimento.
cora
i
ammortizzati
paesi
in
via
naturalmente,
di
risultavan
" superati "
attrezzarsi
e
I mpianti non an­
obsolescenti.
industrialmente
E
richiedevan,
solo macchinario e strumenti che rappresentas-
- 7
-
sero l' ultima parola della tecnica.
assorbimento
sparivan
Mercati tradizionali di
repentinamente.
E
gli
sbocchi
indu­
striali per materie prime ritenute per secoli indispensabili,
- ieri il sale, la seta e lo zolfo,
oggi il carbone,
domani forse
il petrolio o i metalli preziosi - si contraevano in modo in­
quietante.
Meno visibile,
forse,
" proletariati interni":
ma non meno reale la crisi
la fase attuale di prosperità non ci
deve far dimenticare quanto " precaria " sia la loro situazione,
dei
ancora una volta -
tra il martello della tecnica produt­
tiva che esige mercati sempre più vasti e l' incudine della po­
litica che a mala pena consente si abbassino o aboliscano al­
cune barriere in alcune limitate
zone dell' Occidente,
sidio
(e politicamente solidali)
mentre altre ne solleva oltremare a pre­
dell' autonomia
di
entità
politico- economiche
neonate
o decise a crescer più rapidamente di quanto non abbiano fatto
finora.
Nè si trovano in una posizione comoda i Governi che,
tutti, hanno delle zone meno sviluppate in casa propria, e vedon
minacciata la opulenza di quelle più sviluppate,
e sono ti­
raillés in opposte direzioni dall' ovvia necessità di soccor­
rere e valorizzare le aree derelitte d' oltremare e da quella
non meno ovvia di concentrare gli sforzi e le risorse nel pro­
muovere o difendere la prosperità del proprio paese.
E' chiaro,
quindi,
che il problema va posto,
resto si pone da sè con perentoria drammaticità,
problema dei paesi sottosviluppati,
non come un
ma come il problema dei
paesi all' avanguardia del progresso economico:
che,
come del
per il gioco di forze cui ho a�cennato,
di quei paesi
vedono cambiarsi
sotto i loro occhi l' ambiente in cui hanno finora operato - Die
Welt ist mein Feld,
diceva Ballin -,
chiudersi fonti d' approvvigionamento,
vedono sparire mercati,
pullulare concorrenti,
arrugginirsi impianti e macchine, agitarsi milioni di lavoratori
e centinaia di milioni di consumatori- produttori potenziali,
ossia vedon mutarsi radicalmente le loro stesse possibilità
di vita e di lavoro,
e devon quindi provvedere a ricostruire un
altro " mondo " per adattarsi alla nuova situazione,
mensionarsi ed avvizzire.
-
o ridi­
- 8 -
Gli appelli,
le insistenze e le indiscrete querele dei
paesi "arretrati" valgono a metter meglio in luce,
evidenza,
questa
situazione.
Ma,
per
quanto utili a svegliare i dormienti,
quanto
in più cruda
clamorosi,
per
non bastano per trasfor­
mare la situazione, non bastan a render "bilaterale" un problema
che è sostanzialmente unico e totale,
quale,
ovviamente,
contributo passivo,
E'
7.
-
e alla soluzione del
essi non posson portare all' inizio che un
di acquiescenza e di buona volontà.
per questo che, in altro testo,
radosso delle aree sottosviluppate":
ho parlato del " pa­
paradosso sia perchè il
problema riguarda ed angustia soprattutto le aree più sviluppate
-
che,
se voglion mantenersi tali devon sforzarsi di portare
al loro livello tutte le altre - sia perchè impone loro da un
lato un continuo potenziamento delle proprie ricerche e delle
proprie attrezzature - ossia di farsi sempre più "sviluppate" - ,
e dall' altro di porsi idealmente sullo stesso piano degli "arre­
trati" e,
per poter collaborare con loro,
modo alla loro mentalità,
I n altre parole:
adeguarsi in qualche
ai loro metodi e ai loro punti di vista.
la prima indagine da fare riguarda
noi "sviluppati": bisogna stabilire fino a che punto siamo pre­
muti dal nostro stesso progresso tecnico e dalle forze che esso
suscita nella nostra società a trasformare i nostri sistemi pro­
duttivi e le nostre stesse istituzioni.
I n funzione di questa
necessità si dovrà poi vedere come meglio promuovere lo svi­
luppo coordinato dei paesi meno sviluppati,
e anche di quelli
che il nostro più rapido "sviluppo" respingesse tra gli arre­
trati.
E sarà necessario anche preoccuparsi del modo di mante­
nere il controllo sulle iniziative che si metteranno in opera
per sviluppare le aree depresse,
e che avranno per lo più il
carattere e i pericoli di tutti gli "affari in sociale o in par­
tecipazione ".
Senza alcuna pretesa di anticipare i risultati di que­
sta indagine,
a me pare chiaro che la struttura stessa della
società nei paesi più sviluppati non possa sopravvivere intatta
alle laceranti tensioni che in essa si creano:
tiva,
quindi,
e che in defini­
ogni proposito di industrializzare i paesi sot-
- 9 -
tosviluppati presupponga l' esigenza di rinnovare ab imo i cri­
teri e i valori cui ancora s' ispirano i nostri ordinamenti.
Nè
c' è da spaventarsi per queste implicanze revisionistiche di un
piano che vuol essere difensivo dell' ordine costituito,
contro
assicurativo
pì ù
menti.
pericolo
il
di
più
gravi
o al
rivolgi­
Ogni fase di rapido sviluppo economico - da quella con­
seguente alla colonizzazione delle Americhe a quella messa in
moto dalla rivoluzione industriale profondi sommovimenti sociali,
è stata accompagnata da
dall' emergere di nuove classi
e dal ribollire di acidi fermenti. L' estensione a tutto il globo
di un unico,
integrato sistema economico,
di tutte le risorse terrestri,
che,
agricole,
la messa in valore
minerarie,
tecnologi­
capitalistiche e umane è tale un' impresa che comporta ne­
cessariamente agitazioni locali,
resistenze disperate e scosse
di violenza sismica.
M a è solo così ,
8.
frontato.
i n toto,
che i l problema può essere af-
I progetti di fare una nuova industria qui,
o una diga
lì , o una miniera sotto quei monti, o un canale tra quei due mari,
o una piantagione in quella steppa,
tivi affari,
problema.
ma non sono i contributi validi alla soluzione del
Dighe e canali,
piantagioni e pozzi se ne son fatti
sempre e sempre se ne faranno,
ma con altri fini,
mentale.
posson essere buoni o cat­
con risultati più o meno buoni,
senza scalfire nemmeno il problema fonda­
In molti casi,
anzi,
quelle grandiose opere pubbliche
han ferito la suscettibilità degli indigeni,
caso,
spinti dal risentimento e dall' invidia,
che in più d' un
le han strappate
con la forza ai propietari e agli utenti (i quali,
a loro volta,
in qualche caso avevan strappato con la forza o la corruzione
le necessarie concessioni) .
A dozzine la storia recente offre
lezioni di come non si deve agire, se si vuol fare sul serio qual­
cosa di utile a tutti e di duraturo. E si arriva così ,
sioni successive,
sottosviluppati,
ha,
per esclu­
a rendersi conto che il problema dei paesi
o - quando si sia riconosciuto che ogni paese
in ogni momento,
aree meno sviluppate di altre - delle aree
sottosviluppate, va inteso come il problema dello "sfruttamento
globale del globo".
- 10 -
I fattori che figurano come concetti astratti nei teo­
remi degli economisti il lavoro,
la terra,
nomia concreta,
mare,
il capitale,
ecc.
- vi assumono una fisio­
numericamente definita:
tante braccia alla vanga,
data qualità,
tempo
i classici fattori della produzione:
tante bocche da sfa­
tanti ettari di terra di ogni
tanto risparmio disponibile per ogni periodo di
considerato,
più
la
formidabile
incognita
dei
presu­
mibili nuovi apporti della scienza e della tecnica.
A un piano mondiale di sviluppo, - e comunque non " quin­
quennale",
ma "semi-secolare",
- non è forse ancora il caso di
pensare. Ma l' approach immediato non può esser diverso da quello
del banchiere che,
valutate le risorse,
attuali e potenziali,
di cui può disporre, sceglie tra i possibili impieghi i più frut­
tiferi,
i meno rischiosi,
quelli che meglio s' accordano con gli
impieghi già effettuati e con le decifrabili tendenze del pro­
gresso economico.
La divergenza comincia però
a farsi sentire subito,
appena si passa da una considerazione di mestiere a una visione
di più alta umanità.
Mentre il banchiere e il capitalista mi­
rano caso per caso al lucro,
uti singuli,
e danno un peso deci­
sivo al confronto dei saggi di profitti di valta in valta atte­
nibili,
un programma razionale di sviluppo delle aree arretrate
deve svincolarsi dal cieco bareme dei rendimenti singoli e im­
mediati -
accettarlo vorrebbe dire abdicare in principio al
fiero proposito di modificare la situazione di fatto - e sosti­
tuire al meccanismo delle cosiddette forze naturali del mer­
cato un impulso dinamico che valga a scuotere gli assopiti,
sollevare gli esausti,
ad accompagnare i volenterosi,
a
a far
marciare gli ignavi e a far arrossire di vergogna i pitocchi,
e non perchè questo sia il dettame della carità cristiana,
ma
perchè il nostro destino è legato al loro.
Niente dunque complessi d'inferiorità o di colpe da
9.
espiare,
anzi un ribadito attaccamento alle tradizioni comuni
dell' Occidente.
Niente arroganza,
visione del nostro tornaconto.
nè dei possibili concorrenti,
E,
d' altra parte,
soprattutto,
ma la chiara
niente paura,
nè delle incognite reazioni delle
-
genti che vengono cosi
ll -
energicamente sollecitate ad entrare
finalmente nella storia,
nella nostra storia.
Da questa prima conclusione e pregiudiziale discende
un corollario immediato:
il problema,
attuale e scottante,
non
è assolutamente di competenza esclusiva nè degli stati legati
al MEC,
si,
nè,
tanto meno,
delle loro associazioni bancarie.
un problema anzitutto economico,
teristiche
tecnico- bancarie,
ma
possibilità dei sistemi bancari,
ed ha,
trascende
di
alcune carat­
gran
lunga
singoli ed associati,
stula decisioni e misure su scala mondiale:
anch' esse economiche,
si,
ma nel senso pi�
E',
le
e po­
decisioni e misure
lato,
ossia tali che
s' inquadrino in un programma razionalmente completo mirante
al progresso tecnico, civile, amministrativo, politico di tutta
l' umanità,
a
cominciare
del loro interesse,
naturalmente
s' arrogan la
dai
paesi
che,
consci
responsabilità di una
cosi
grande impresa.
I paesi del MEC si trovan peraltro,
alcuni per le loro
esperienze "coloniali", altri per la realtà dei loro "territori
d' oltremare",
e tutti per aver sempre promosso e stimolato i
contatti con le genti pi� primitive d' entrambi gli emisferi,
nella condizione singolare di "sentire" il problema molto acu­
tamente,
e di poter quindi autorevolmente invitare gli altri,
gli inglesi e gli americani soprattutto,
a portare il peso de­
cisivo della loro collaborazione al vagheggiato piano di svi­
luppo,
che dovrebbe investire anche i rapporti con i paesi del
blocco comunista - i quali già hanno da affrontare il problema
in casa loro,
con difficoltà di partenza forse meno gravi delle
nostre - e darsi ragione della possibilità di passare dalla "con­
vivenza" alla "collaborazione".
lO.
Hoc est in votis. Ma, in questo momento,
che
cosa
possiamo
concludere? .. .
Forse
solo
in questa sede,
una "rettifica
del tiro". Ma è sempre bene non sprecare munizioni. E sarebbe
un doppio spreco se gli spari a vanvera colpissero,
spaventassero,
o anche solo
i "nostri".
Lasciamo quindi da parte,
per ora,
sui finanziamenti e i pre- finanziamenti,
le esercitazioni
sui crediti "medi"
- 12 -
e " lunghi" all' esportazione,
sulla
liberazione
unilaterale,
bilaterale o multilaterale degli scambi con i paesi "arretrati",
sulle risorse da mobilitare,
sulle garanzie ai capitali espor­
tati e su tutti gli altri argomenti del genere, con cui soglion
lasciare il tempo che trovano commissioni e comitati. Le diffi­
coltà e le complicazioni dei singoli affari particolari ri­
guardano il nostro mestiere e dobbiamo affrontarle e risolverle
ciascuno di noi secondo le proprie capacità, le proprie energie,
i propri mezzi. Lo studio da promuovere è un altra:
in che senso
ed in quale misura tenda a trasformarsi l' economia dei paesi
che
si
san
economico.
mantenuti
finora
all' avanguardia
dello
sviluppo
Dal quale primo quesito discende per logica neces­
sità il secondo:
in che senso ed in quale misura possa e debba
promuoversi,
in funzione delle tendenze accertate nei paesi
più evoluti,
l' organizzazione,
mico,
il progresso civile ed econo­
la piena integrazione in una Weltwirtschaft equilibrata
e aggressiva,
dei paesi su cui ancora pesan le ombre dell' epoca
coloniale o addirittura le tenebre d' un barbaro primitivismo.
Milano,
16
maggio 19 60.
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Sull`aiuto alle aree sottosviluppate, 1960