“ Il modo di disegnare queste scale è cosa trita ” : note sur l’histoire de l’escalier en ‘ double colimaçon ’ Romano Nanni L e problEme des origines et de la réalisation du château de Chambord s’enorgueillit désormais d’une bibliographie moderne de plus d’un siècle d’histoire1. Dans la seconde moitié du XXème siècle, après le tournant donné aux études de Léonard et l’architecture française par la contribution de Ludwig Heydenreich en 19522 , grâce surtout aux historiens français et notamment à l’impulsion d’André Chastel3 – si l’on excepte la contribution fondamentale de Carlo Pedretti relative à la résidence royale projetée à Romorantin4 –, on a pris conscience de ce que furent les sources d’inspiration de Léonard et les orientations prises par ses projets successifs à partir de ses premières idées ; souvent les choix furent faits sur le terrain, abordant les problèmes selon les exigences du moment, au fur et à mesure que les difficultés se présentaient. En règle générale, et en nous limitant à l’implantation structurelle de l’édifice, nous savons que la réalisation de Chambord s’est faite en plusieurs phases et que des sélections et des mutations ont eu lieu : le modèle en bois de Domenico da Cortona à plan centré témoigne probablement d’une première conception. Est venu ensuite le déplacement du grand escalier d’honneur au centre de l’édifice ce qui eut pour conséquence une modification de sa typologie. A cela succéda enfin la mutation de l’orientation de la grande tour nord ( vérifiée par les fouilles sur les fondations ) par rapport au plan de fondation d’origine en svastika5. On formule aujourd’hui de nouvelles hypothèses de travail sur le legs possible de Léonard concernant les terrasses du donjon6. Dans ce contexte d’études toujours en mouvements, l’historiographie française est de plus 1 Cf. Jean Guillaume, La genèse de Chambord. Réflexions sur un siècle d’historiographie, dans «Revue de l’Art», 149 ( 2005 ), pp. 33-43. 2 Ludwig Heidenreich, Leonardo da Vinci, Architect of Francis I, dans «The Burlington Magazine», vol. XCIV, 595 ( octobre 1952 ), pp. 277-285. 3 Voir le témoignage et les indications sur le sujet de Jean Guillaume, La genèse de Chambord. Réflexions sur un siècle d’historiographie, dans «Revue de l’Art», 149 ( 2005 ), p. 53, note 64. 4 En ce qui concerne la bibliographie sur Romorantin je renvoie à la contribution de Pascal Brioist dans ce même volume. 5 Je me limite ici à signaler, en plus de l’article déjà rappelé dans la note 1: Jean Guillaume, Léonard de Vinci, Dominique de Cortone et l’escalier du modèle en bois de Chambord, dans «Gazette des Beaux Arts», t. LXXI ( 1968 ), pp. 93-108 ; Jean Guillaume, Léonard de Vinci et l’architecture française. I. Le problème de Chambord, dans «Revue des Arts», 25 ( 1974 ), pp. 71-84 ; Jean Guillaume, Léonard et l’architecture, dans Léonard de Vinci ingénieur et architecte, Montréal, 1987, pp. 207-286 ; Monique Chatenet, Chambord, Paris, 2001 ; Jean Sylvain Caillou, – Dominic Hofbauer, Chambord : le project perdu de 1519, Tours, 2007. L’article plus récent de Frommel, Sabine, Leonardo da Vinci und die Typologie des Zentralisierten Wohnhaus, dans «Mitteilung des Kunsthistorischen Institutes in Florenz», 50 ( 2006[2007] ), pp. 257300, s’interesse plutôt à l’assise planimétrique de Chambord. 6 Cf. Patrick Ponsot, Les terrasses du Donjon de Chambord : un projet de Léonard de Vinci ?, dans «Bulletin Monumental», 165-3 ( 2007 ), pp. 249-261. en plus convaincue de l’importance de l’apport des idées de Léonard de Vinci à Chambord, même si plusieurs filons d’inspiration sont à considérer. Les recherches de Jean Guillaume ont en particulier démontré que le grand escalier monumental hélicoïdal à double volute posé au centre du donjon de Chambord résulterait de la confluence de deux courants d’idées fondamentaux. Le premier serait celui des recherches inédites de Léonard développées à l’époque du Manuscrit B de l’Institut de France ( autour environ des années 1487-89 ), relatives à l’escalier hélicoïdal à double, quadruple et multiples volutes, placé au centre des grandes tours, recherches étroitement en relation avec des études d’architecture militaire elles-mêmes peut être même inspirées par les intuitions de certains prédécesseurs7. Le second courant aurait à voir avec la tradition française, dont on peut déjà observer les caractéristiques au château de Blois, notamment dans la cage d’escalier ouverte et réalisée comme un corps autonome8 . Le poids de cette tradition semble avoir été réévalué récemment dans les recherches de Jean Guillaume sur la reconstruction virtuelle du château de Bonnivet9. On y trouve en effet un grand escalier hélicoïdal à volute simple, hérité, non seulement de Blois, mais encore du château de Châteaudun et peut être du prieuré de Saint-Ouen à Chémazé10. Le mérite non secondaire de ces études est de nous encourager à construire un scénario progressif d’échange d’idées plus larges et plus libres entre les sources italiennes et les sources françaises. De ce point de vue il peut être utile de retourner aux sources connues afin de contextualiser de nouveau chaque trace et de lui attribuer sa valeur historique. Dans sa récente contribution, Margaret Daly Davis a mis en évidence l’importante circulation manuscrite des traités de Piero della Francesca, et en particulier de son De Prospectiva Pingendi, dont une grande partie est restée inédite jusqu’aux XIX-XXèmes siècles, ainsi que son influence significative sur les techniques de relevé des architectures antiques et plus généralement sur l’évolution du dessin d’architecture. Daly Davis 7 Tel l’exemple de Antonio Averlino, dit le Filarete, Trattato di architettura, ed. Milano, 1972, vol. II, pp. 539-541 et pl.110 ( f. 145 r ). 8 Jean Guillaume, Léonard de Vinci et l’architecture française. I. Le problème de Chambord, dans «Revue des Arts», 25 ( 1974 ), pp. 75, 78, 79 ; Jean Guillaume, Léonard et l’architecture, dans Léonard de Vinci ingénieur et architecte, Montréal, 1987, pp. 262-264, 266, 277-278, 283-284; Monique Chatenet, Chambord, Paris, 2001, p. 96. 9 Jean Guillaume, Le Château de Bonnivet. Entre Blois et Chambord : le chaînon manquant de la première Renaissance, Paris, 2006. 10 Déjà dans Léonard et l’architecture ( dans Léonard de Vinci ingénieur et architecte, Montréal, 1987 ), pp. 277-278, Guillaume avait souligné l’intérêt de Léonard pour des types d’escaliers en colimaçon de forme domestique appartenant à des usages locaux français. [133] a également tenté une première cartographie de cette influence, de Sebastiano Serlio à Jacopo Barozzi da Vignola en passant par Daniele Barbaro. Elle a également mis en évidence le témoignage d’Egnatio Danti dans son édition commentée des règles de perspective de Vignola, selon lequel il faudrait remonter à Piero della Francesca pour retrouver la paternité de la méthode de représentation en “ perspective ” des escaliers à “ double colimaçon ”, tels qu’on les retrouve à Chambord11. Je chercherai ici à développer un bref aperçu d’une enquête portant sur l’attribution pour laquelle penche Danti12 . Il convient de rapporter ici par écrit le texte qui concluait le volume en donnant deux exemples d’escaliers à “ double colimaçon ” accompagnés de xylographies : Delle quali la prima è la segnata a Z, e è simile al pozzo di Orvieto, eccetto che questa è fatta con li scalini, e quello è senza, cavato nel tufo per via di scarpello. Di così fatte scale se ne veggono gl’esempi appreso degl’antichi, e delle scale chiuse che girono attorno una colonna: e quest’aperte son molto commode ne’ mezi de gl’edificij, dove non si può haver lume da lati, e ci bisogna torlo di sopra; come ha fato il Buonarroti nelle quattro scale che fece nella fabbrica di San Pietro, le quali dall’apertura di sopra hanno tant’aria che sono luminosissime. Di simili se ne veggonno antiche qui in Roma ne’ portici di Pompeio. Ma quelle doppie, se bene hoggi non habbiamo esempio nessuno de gl’antichi, sono non dimeno molto comode, da poter fare nel medesimo sito due, tre, ò quattro scale una sopra l’altra, che vadino a diversi appartamenti d’un palazo, senza che un vegga l’altro: e se si fanno del tutto aperte, si vedranno insieme, e andranno ragionando; né si potranno mai toccare, & ogn’uno arriverà al suo appartamento particolare. Simile a queste è la scala che si vede in questo disegno, e di simili ne sono molte in Francia, tra le quali è celebre quella che Re Francesco fece in suo palazzo a Sciamburg. Il modo di disegnare queste scale è cosa trita per la via ordinaria, si come da Pietro dal Borgo, e da Giovan Casin Francese è particolarmente insegnato ; dove dimostrano, che fatta che s’è la pianta, come è la pianta Z, se ne fa un profilo da una banda, e con esso, e con la pianta si trovano tutti li termini delli scalini, e 11 Sur l’équivoque relative à la paternité du projet de Chambord attribué à Vignola cf. Jean Guillaume, Léonard de Vinci et l’architecture français. I. Le problème de Chambord, dans «Revue des Arts», 25 ( 1974 ), p. 82, note 2. 12 Nous ne devons cependant pas oublier que déjà Giorgio Vasari, dans ses Vies des artistes de 1550 comme de 1568, avait exalté à plusieurs reprises l’extraordinaire compétence de Piero dans la représentation des corps solides en perspective. Cf. Giorgio Vasari, Le vite de’ più eccellenti pittori scultori e architettori, éditions de 1550 et 1568, par R. Bettarini, commentaire de P. Barocchi, Firenze, 1971, III.1, p. 264. 134 Dessin de l’escalier hélicoïdal à double volute à Z, dans Jacopo Barozzi da Vignola, Le due regole della prospettiva pratica [...] con i comentarij del R.P.M. Egnatio Danti, Roma, 1583, p. 143. cominciando dalli primi che sono nel principio delle due scale alli due punti A, B, si segnano tutti un dietro all’altro. Si potranno anche queste scale disegnare con le Sag[o]me, con le quali questi due disegni son fatti, pigliando per la Sag[o]ma eretta il profilo di esse scale, e per la diagonale quella che da li punti diagonali cavati dalla pianta si formerà, si come di sopra delle sag[o]me dei Piedistalli, e delle colonne, e pilastri s’è detto. Il disegno X, è di quelle scale aperte, che si reggono senza aver nel mezzo posamento nessuno, essendo gli scalini fermati con la testa nel muro, e messi talmente l’un sopra l’altro, che un regge l’altro, e gli stessi scalini fanno volta alla scala : delle quali n’è fatta una tonda e scempia, molto bella e alta, nella fabbrica di San Pietro, che va da alto a basso, con li scalini di trevertino, da Iacopo della Porta pres- Dessin de l’escalier hélicoïdal à double volute à X, dans Jacopo Barozzi da Vignola, Le due regole della prospettiva pratica [...] con i comentarij del R.P.M. Egnatio Danti, Roma, 1583, p. 144. Dessins de modèles pour l’escalier hélicoïdal, dans Jacopo Barozzi da Vignola, Le due regole della prospettiva pratica [...] con i comentarij del R.P.M. Egnatio Danti, Roma, 1583, p. 145. tantissimo architetto di detta fabbrica. Un altra simile scala scempia aperta nel mezo con li scalini di trevertino, che fanno scalino, e volta, s’è fatta in forma ovata per salire da Belvedere alla Galleria fatta fare da N. S. Papa Gregorio xiij nel Vaticano, da Ottaviano Mascherini, che è riuscita molto bella, alla cui simiglianza ne fa al presente un altra nel palazzo che per S. santità fabbrica a Monte Cavallo, la quale è aperta; e ovata, ma si regge in su le colonne, simile a quella fatta da Bramante in Belvedere. Ma a questa ovata ci è più difficoltà, che non ebbe Bramante in quella tonda, atteso che nella circolare tutte le linee vanno al punto, e centro del mezo : che nella ovale vanno a diversi punti. Questa si disegnerà in prospettiva nel modo che della precedente s’è detto, tanto aperta come serrata : e si puo fare ancora che giri attorno a una colonna, e sia aperta di fuori ; delle quali n’ho visto un disegno molto ben fatto da Piero del Borgo, sicome in tutte le sue cose era diligentissimo e accuratissimo disegnatore.13 . Dans les pages que nous venons de citer, Danti semble disposer d’informations plus soignées sur Chambord que n’en avait montré le passage de Palladio sur l’escalier hélicoïdal que l’on cite habituellement14 . Les références historiques qu’il offre, telles le renvoi à 13 Jacopo Barozzi da Vignola, Le due regole della prospettiva pratica di M. Iacomo Barozzi da Vignola, con i comentarij del R.P.M. Egnatio Danti dell’ordine dei Predicatori Matematico dello Studio di Bologna, Roma, 1583, pp. 143-144. 14 Andrea Palladio, I quattro libri dell’architettura, Venezia, 1570, t. I, chap. XXVIII, 135 l’escalier de Bramante pour le Belvédère au Vatican15 , et les indications ponctuelles qu’il fournit sur les motivations de la construction de différentes typologies d’escaliers “ à colimaçon ”, qui sont devenues par la suite des idées courantes ( de par leur utilité pour fournir de la lumière dans les édifices à plan central, et leur possibilité d’accès séparés ), posent en réalité un certain nombre de questions à la critique de l’historiographie qui restent encore à résoudre. Toutefois, pour l’instant, puisque nous ne possédons pas de dessins d’escaliers “ à colimaçon double ” de l’artiste de Sansepolcro, demandons nous plutôt si le renvoi à Piero della Francesca était bien l’archétype plausible d’une technique de représentation ou de conception. On s’accorde généralement aujourd’hui sur le fait que Piero, dans le De Prospectiva Pingendi, aurait élaboré sa modalité de construction des solides en perspective centrale en partant d’une technique raffinée prévoyant l’alignement de plans, d’élévations et de sections. Cette technique de représentation se trouve également utilisée dans le Libellus de quinque corporibus regolaribus16 , et penche clairement pour la double projection octogonale codifiée dans les siècles suivants, notamment dans l’oeuvre de Monge au XIXème 17. Le thème des escaliers à colimaçon, en revanche, renvoie à celui des spirales cylindriques. On sait que les spirales furent un motif iconographique constant dans la peinture de Piero. Qu’on songe en particulier aux nombreuses spirales des sur le quel est à lire Jean Guillaume, Léonard de Vinci et l’architecture français. I. Le problème de Chambord, dans «Revue des Arts», 25 ( 1974 ), pp. 79-80, et Monique Chatenet, Chambord, Paris, 2001, pp. 108-110. 15 Le renvoi à Bramante pose, en plus de la question sur ses rapports avec Léonard, aussi celle de son rapport avec l’hérédité de Piero, sur qui cf. maintenant Francesco Di Teodoro, Vitruvio, Piero della Francesca, Raffaello: note sulla teoria del disegno di architettura nel Rinascimento, dans « Annali di architettura », 14 ( 2002 ), p. 46. Mais le thème de l’escalier hélicoïdal comandé à Bramante par Giulio II au retour de son long exil en Val de Loire, exige aussi un approfondissement des possibles influences françaises. En général sur Bramante, Franco Borsi, Bramante, Milano, 2008 ; sur l’escalier hélicoïdal du Belvedere Cristoph Luitpold Frommel, GiulioII, Bramante e il Belvedere, dans L’Europa e l’arte italiana, par M. Seidel,Venezia, 2000, pp. 211-219 ; Cristoph Luitpold Frommel, La città come opera d’arte: Bramante e Raffello (1500-1520), dans Storia dell’arte italiana. Il primo Cinquecento, par A. Bruschi, Milano, 2002, pp. 82-87. 16 Cf. L’analyse de Francesco Paolo Di Teodoro dans Francesca, Piero della, Libellus de cinque corporibus regularibus, accompagnée de la version vulgaire de Luca Pacioli, Firenze, 1995, vol. II, pp. 172-173. 17 Cf. entre autre Marie-Françoise Clergeau, Du De Perspectiva Pingendi et la peinture de Piero : quel lien ?, dans Piero della Francesca tra arte et scienza, par M. Dalai Emiliani,V. Curzi,Venezia, 1996, p. 65-76 ; Kirsti Andersen, The geometry of an art : the history of matematcal theory of perspective, New York, 2007 ; Francesco Paolo Di Teodoro, Raffaello, Baldassar Castiglione e la lettera a Leone X, Bologna, 1994 ; nouv. éd. avec l’adjonction des deux essais de Raphaël, 2003, pp. 29-31, 225228 ; Filippo Camerata, Renaissance Descriptive Geometry, the codification of drawings methods, dans Picturing Machines 1400-1700, par W. Lefèbvre, MIT, 2004, p. 179. 136 volutes des chapiteaux ioniques et composés de ses œuvres ( par exemple dans l’Annonciation d’Arezzo ), à celles des crosses d’évêques ou de saints ( comme la crosse de cristal de Saint Augustin ), ou encore aux spirales apparentes dans les représentations de coiffures ( celle de Battista Sforza par exemple ). Il s’agit cependant toujours de spirales plates – même si dans certains cas elles sont représentées en perspective, comme dans le cas séduisant des chapiteaux, grâce à une étude préliminaire que l’on retrouve dans le De Prospectiva Pingendi – et non de spirales cylindriques en trois dimensions. Or, les spirales plates sont justement les seules que nous aie laissé Archimède dans son traité Circa elicas, traité que l’on peut lire à présent dans sa version du Manuscrit Ricc. Lat. 106 attribué à la main de Piero18 . Les illustrations démontrent les sérieuses difficultés que connut Piero– à la différence de son continuateur Léonard – pour appréhender les applications physico-mécaniques de la construction des spirales19. En revanche, on ne peut effectivement pas exclure que la technique d’exécution des dessins en plan et en élévation, ait été soutenue par Piero – compte tenu de sa familiarité avec les rapports de transformation entre figures planes et solides –. Peut-être expérimenta-t-il un passage des spirales planes aux spirales cylindriques en vue de leur projection en perspective ? On se souvient que dans son traitement des solides réguliers et irréguliers du Libellus, Piero était parvenu à un niveau génial de compréhension de la géométrie: la détermination du volume de l’intersection de deux cylindres se coupant perpendiculairement, et à la détermination connexe de la surface concave d’une voûte d’arêtes qu’il utilisa par la suite dans le De Prospectiva Pingendi pour le dessin en perspective d’une chapelle20. Observons cependant attentivement le texte et surtout les dessins de Danti, qui en réalité ne nous présentent pas une vue en perspective linéaire : l’axe du cylindre dans lequel sont inscrits les escaliers est une projection octogonale du diamètre du plan situé en-dessous de lui. Les gradins sont des sections de cercles qui s’élèvent progressivement à intervalles réguliers : cette construction semble dans l’ensemble plutôt empirique, elle s’appuie en réalité sur l’usage d’un gabarit 18 Sur Ricc. Lat. 106 cf. James R. Banker, A manuscript of the work of Archimedes in the hand of Piero della Francesca, dans «The Burlington Magazine», 147, 1224 ( 2005 ), pp. 165-169 ; L’archimede di Piero. Contributi di presentazione alla realizzazione facsimilare del Riccardiano 106, par R. Marescalchi, M. Martelli, Sansepolcro, 2007. 19 Cf. plus en détail Romano Nanni, Piero, Archimedes and the “pratica di geometria”, en cours de publication dans le volume The artist as Reader, par C. Zittel et alii, Leiden, Brill, Intersections vol. 16. 20 Marshall Clagett, Archimedes in the Middle Age, vol. 3, The fate of the Medieval Archimedes 1330-1565, Philadelphia, 1978, part III, pp. 407-415. Urbino, Palazzo Ducale: tour de la Data ( à l’avant-plan, à droite ) ( comme on en utilise encore aujourd’hui dans les chantiers ), et s’apparente plutôt au processus de construction du modèle en bois, décrit et illustré par le père bolognais21. Une approche similaire apparaît bien compatible avec les constructions les plus élaborées de Piero telles celle du solide irrégulier à 72 bases, en double projection octogonale et en perspective centrale, présente dans le Libellus puis dans le De Prospectiva Pingendi, destiné à la représentation d’une coupole22 . 21 Jacopo Barozzi da Vignola, Le due regole della prospettiva pratica di M. Iacomo Barozzi da Vignola, con i comentarij del R.P.M. Egnatio Danti dell’ordine dei Predicatori Matematico dello Studio di Bologna, Roma, 1583, pp. 143-144 : “ Hora volendosi fare un modello delle prefate scale doppie, si opererà in questa maniera. Si faranno gli scalini di legno doppij, come qui si vede lo scalino A,B, e volendosi fare aperta la scala, se le lasserà l’apertura circolare nel mezo C, e poi si comporranno li detti scalini, come in questi quattro posti qui in disegno si vede fatto, e faranno due scale, che l’una comincerà a salire al punto D, e l’altra al punto E, e quanto più il diametro della scala sarà grande, e gli scalini saranno più lunghi, tanto la scala verrà più alta, e sfogata. Ma se vorremo, che la scala sia tripla, o quadrupla, cioè che siano nel medesimo sito tre o quattro scale, faremo che gli scalini siano a tre a tre, o a quattro a quattro, nel modo che qui si veggono in disegno, e haremo in uno stesso sito due scale, o tre o quattro, e ciascuna harà la sua entrata particolare, e uscirà nel suo appartamento, essendo ogni scala da se libera senza esser sottoposta all’altre, che è cosa invero di grandissima commodità e bellezza ”. 22 Piero della Francesca, Libellus de cinque corporibus regularibus, accompagnée de la version vulgaire de Luca Pacioli, Firenze, 1995, vol. I, pp. 121-125 ; vol. II, pp. 171- Mais les traces de l’artiste de Sansepolcro peuvent aussi conduire à quelque chose de plus significatif : en l’occurrence aux écuries du Palazzo Ducale de Urbino ( la Data ), avec leur grande tour dotée d’une rampe hélicoïdale centrale, imaginée et décrite par Francesco di Giorgio dans les deux versions du second traité d’architecture, le codex siennois S. IV. 4 et le manuscrit Magliabechiano II. I. 141 : Dopo questa voglio descrivere una stalla la quale io ho ordinata al mio illustrissimo duca di Urbino, [quasi finita in tutto,] …Ultimo in uno torrone appresso di quelle è una scala a lumaca per la quale si può ire a cavallo, solo per lo signore riservata, per la quale el signore può senza essere visto vedere tutta la stalla e quello che fanno tutti li famegli e maestro di stalla23 . Donc, cet escalier de la grande tour pouvait être parcouru à cheval ( on l’imagine donc sans gradins ), et était réservé au duc : 175. Piero della Francesca, De Prospectiva Pingendi, par G. Nicco-Fasola, Firenze, 2005, pp. 202-208, fig. LXXIII-LXXVI. 23 Francesco di Giorgio Martini, Trattati di architettura, ingegneria e arte militare, par C. Maltese, Milano, 1967, vol. II, pp. 339-340. 137 Urbino, Palazzo Ducale: tour de la Data ( vue de la rampe hélicoïdale interne ) Urbino, Palazzo Ducale: tour de la Data , bouches à feu à la base de la tour [138] Urbino, Palazzo Ducale: tour de la Data ( vue de la rampe hélicoïdale interne ) mais est-il plausible qu’une structure aussi importante ait été réalisée seulement pour surveiller le personnel de l’écurie ? Ne nous trouvons nous pas plutôt en présence d’éléments démontrant la réticence – tout à fait classique à l’époque – de l’architecte Di Giorgio Martini vis-à-vis d’éventuelles utilisations militaires de la grande tour ? De fait, des études historiques et de récents relevés très soignés ont mis en évidence que l’édifice jouait aussi un rôle défensif, et que la rampe pouvait servir à faciliter pour les artificiers l’accès aux bouches à feu24 . La datation du codex S. IV. 4, première version du second traité de Di Giorgio Martini, est controversée : on part d’une proposition qui fixe le début de sa rédaction à 1487 et sa première révision à 1489, et l’on juge qu’elle aurait été complétée ensuite en 149125. D’autres hypothèses plus récentes la datent des années 1496-9726. Toutefois l’on trouve déjà un dessin de grande tour dotée d’un escalier central hélicoïdal au fol. 82r de l’Opusculum de Francesco di Giorgio, un manuscrit composé vers la seconde moitié des années soixante-dix du Quattrocento, et dédié au Duc Federico d’Urbino.27 La troisième et dernière phase décisive des travaux du chantier du Palazzo Ducale ( commencés entre 1455-1468 ), comprenant l’édification de la Data et de la grande tour, coïncide avec la présence de Francesco di Giorgio à Urbino entre 1476-77 et 1485, et peut être de temps à autre jusqu’à 1488-8928 . Le plan d’urbanisme de l’ensemble remonte vraisemblablement au duc Federico, mort en 148229. Piero della Francesca vécut à Urbino de 1469 ( quand le maître de chantier du palais était encore Luciano Laurana ) à environ 1475, hôte d’abord de Giovanni Santi, père de Raffaello, et ensuite 24 La Data (jardin d’abondance) de Francesco di Giorgio Martini, Actes de la journée d’étude, Urbino, 27 septembre 1986, par M. Bruscia, Urbino, 1990, p. 28. 25 Corrado Maltese, Introduzione, dans Francesco di Giorgio Martini, Trattati di architettura, ingegneria e arte militare, par C. Maltese, Milano, 1967, pp. LII-LIII. 26 Marco Biffi. Introduzione, dans Francesco di Giorgio Martini, La traduzione del De Architectura di Vitruvio, Pisa, 2002, pp. XLVI, CXXXI. 27 D’après Corrado Maltese, L’Opusculum peut avoir été composé vers 1472-77. Cf., son Introduzione a Francesco Di Giorgio Martini, Trattati, cit., pp. XXIXXXX e XLII; d’après Giustina Scaglia, en revanche, il l’aurait été dans les années 1470-75, Cf. son Francesco di Giorgio. Checklist and history of Manuscripts and Drawings in Autographs and Copies from ca. 1470 to 1687 and Revewed Copies ( 17641839 ), Bethlehem, London and Toronto, 1992, p. 25 et passim; selon Marco Biffi, enfin, il aurait été rédigé entre les années 1474 et 1482 Cf. son Introduzione a Francesco Di Giorgio Martini, La traduzione del De Architectura di Vitruvio, Pisa, 2002, p. XXXVI. 28 Francesco Paolo Fiore, Il Palazzo Ducale di Urbino, dans Francesco di Giorgio architetto, par F. P. Fiore, M. Tafuri, Milano, 1993, pp. 169-172 ; e Flavia Cantatore, Biografia cronologica di Francesco di Giorgio architetto, dans Francesco di Giorgio architetto, par F. P. Fiore, M. Tafuri, Milano, 1993, pp. 412-13. 29 La Data ( jardin d’abondance ) de Francesco di Giorgio Martini, Actes de la journée d’étude, Urbino, 27 setptembre 1986, par M. Bruscia, Urbino, 1990, pp. 23-24. de la cour30. Il séjourna cependant encore à plusieurs reprises à Urbino durant les années quatre-vingt, et maintint aussi d’étroites relations avec le duc. Au milieu des années quatre-vingt, il dédia à Guidobaldo le Libellus, qui avec le De Prospectiva Pingendi resta de longues années dans la bibliothèque d’Urbino. Il n’est donc pas difficile d’imaginer des échanges culturels qui eurent lieu entre Piero et Francesco Di Giorgio Martini autour des reliefs antiques et des dessins d’architecture. Ces idées, leurs documents, et leurs manuscrits circulèrent également à travers l’oeuvre de Luca Pacioli. Mais reportons une fois de plus notre attention sur l’escalier “ à double colimaçon ” ( défini ainsi dans le texte ) du Manuscrit B, f. 69 r, de Léonard. Cette esquisse s’inscrit dans un contexte où furent dessinées d’autres ébauches d’escaliers qui servirent à étudier la distribution séparée des accès aux édifices civils ( f. 68 v ) et ( surtout ) militaires ( f. 47 r ). Il est peut être temps d’observer que, le dessin du Manuscrit B, à la différence des deux autres, exhibe des rampes continues, sans gradins, rampes inscrites dans une section cylindrique fermée, comme une cage d’escalier enfermée entre des murs, et qui s’enroulent à l’intérieur d’un corps central où l’on ne comprend guère comment la lumière est distribuée. L’étroite contiguïté du dessin avec celui de la grande tour d’angle d’une antique fortification qui étudie la disposition et la forme des embrasures, suggère qu’il s’agit d’un “ double colimaçon ” réalisé entre une cage, privée de fonctions visuelles sur les pièces environnantes, dont la fonction était probablement une organisation fluide des circulations, empêchant les interférences entre les personnels responsables des bouches de feu31. On peut penser qu’au moment de la composition du Manuscrit B, quand en 1490, peu de temps après, Bramante, di Giorgio et Léonard se retrouvèrent à Milan et à Pavie32 , le modèle de la grande tour d’Urbino avec son escalier central ou bien les idées liées à cette réalisation auraient alors été en circulation. Elles auraient également été connues à Naples où se trouvèrent plus tard Fra’ Giovanni Giocondo, Domenico Da Cortona, et aussi Francesco Di Giorgio Martini. Fra’ Giocondo et Domenico da Cortona suivirent par la suite à Amboise Charles VIII ( qui rencontre par ailleurs aussi en 1496 à Lyon Giuliano da Sangallo, présent en France parce qu’il appartient à la suite du 30 Eugenio Battisti, Piero della Francesca, nouv. éd. revue et ajournée avec la coordination scientifique de Marisa Dalai Emiliani, Milano, 1992, vol. II, pp. 605-607. 31 Cf. Pietro C. Marani, L’architettura fortificata negli studi di Leonardo da Vinci, Firenze, 1984, pp. 115-117. 32 Pour un réexamen des chronologies cf. Gianni Carlo Sciolla, Leonardo a Pavia, XXXV Lettura Vinciana,Vinci- Firenze, 1996. 139 Francesco Di Giorgio Martini, Opusculum de architectura, London, British Library, f. 82 r: plan de la tour avec rampe hélicoïdale centrale [140] Léonard de Vinci, Manuscrit B, Paris, Institut de France, f. 69 r : études de fortification [141] Urbino, Palazzo Ducale: tour de la Data, plan ( dans: La Data ( jardin d’abondance ) de Francesco di Giorgio Martini, Actes de la journée d’étude, Urbino, 27 septembre 1986, par M. Bruscia, Urbino, 1990 ) Cardinal Giuliano della Rovere ).33 Quoi qu’il en soit, il est vraisemblable que l’imagination de Léonard ait engendré alors l’idée d’un escalier à “ double ou quadruple colimaçon ”. Néanmoins, à l’invers de ce que l’on a pu parfois écrire, on ne peut pas affirmer que seul Léonard pouvait parvenir à l’ultime solution de Chambord, de par son audace à imaginer des escaliers au milieu des tours. En effet, le modèle de base d’un escalier hélicoïdal disposé au centre d’une tour appartenait à un patrimoine plus large, et d’autres que Léonard en avait eu l’idéé aiparavant, ce à quoi peutetre réfèrent les réflexions de Danti et ce dont témoignent des réalisations préexistantes. De plus l’idée de l’escalier central hélicoïdal provenait non seulement d’études de fortifications, mais aussi de recherches sur des architectures à fonctions mixtes, civiles et militaires, notamment sur ces grandes tours particulièrement adaptées à exalter la correspondance entre le caractère enveloppant de la forme architecturale principale et le corps hélicoïdal. Par ailleurs, 33 Il n’est cependant nullement de mon intention de rouvrir ici la question de la contribution de Fra’ Giovanni Giocondo et de Domenico da Cortona au projet de la Tour des Minimes du château d’Amboise, elle aussi dotée d’une rampe hélicoïdale semblable à celle de la tour d’Urbino facilitant l’accès de chevaux et de carosses depuis la ville jusqu’à la terrasse du château. Cf. Vincenzo Fontana, Fra’ Giovanni Giocondo architetto 1433-c.1515, Vicenza, 1988, voir notamment p. 38, la discussion des contributions de Paul Vitry et de François Gebelin à propos de cet argument. 142 en mettant tout cela en lien avec la typologie des tours d’Urbino, on détache bien l’importance de l’apport français de l’escalier à vis “ à cage ouverte ”. Pourtant, il nous faut en revenir, de toute façon à la figure de Léonard qui apparaît comme le “ canal ” de la rencontre entre les idées nouvelles et les architectures de cultures régionales. Le 14 mars 1516, Guillaume II Gouffier, seigneur de Bonnivet, qui à la fin de l’année devint amiral du roi François Ier, écrivait à l’ambassadeur de France à Rome, le priant “ de solliciter maître Léonard pour le faire venir par devers le Roy, car ledit seigneur l’actend à une grande dévotion et l’asseure hardyment qui sera le bienvenu tant du Roy que de madame sa mère ”34 . Ce fut ce même Bonnivet qui entre 1516 et 1517 ( quand commencèrent donc les travaux de Romorantin )35 , inaugura le chantier de son propre château36 : et qui croisa en maintes occasions l’homme de Vinci37. [Traduit de l’italien par Pascal Brioist] 34 Cf. la lettre publiée integralement dans ce catalogue aux pages 29-33. Comme il en résulte des nouvelles recherches de Pascal Brioist. 36 Jean Guillaume, Le Château de Bonnivet. Entre Blois et Chambord : le chaînon 35 manquant de la première Renaissance, Paris, 2006, p. 22. Carlo Pedretti, Leonardo da Vinci. The Royal Palace of Romorantin, Cambridge (Mass.), 1972, p. 320. 37 AppendiCE L’escalier du roi de Domenico da Cortona L e MusEe Léonard ( Vinci ) présente en avant-première au Chateau du Clos-Lucé une tentative de reconstruction digitale d’une maquette en bois correspondant à un projet attribué a Domenico da Cortona pour François Ier, peut-être du 1517 environ [ 1 ], et retrouvé par André Félibièn en 1681 dans une maison de Blois. Cette reconstruction digitale – encore en cours de perfectionemment – se propose, à l’occasion d’une campagne de nouvelles recherches ( conduites avec la collaboration d’Emanuela Ferretti et de David Turini ), d’approfondir, d’un point de vue de philologie historique de l’architecture, le caractère du projet, les alternatives au projet final qu’il montrait peutêtre, ses différentes incohérences ( qui pourraient également être dues à la restitution de Félibièn ), et de le faire connaitre au grand public. 1 André Félibien, premier projet Une section de la reconstruction de Chambord digitale est dediée à l’escalier principal du project de château, un escalier à deux rampes parallèles permettant un accès direct et monumental au premier étage, rampes separées par un corridor donnant l’acces au rez-de chaussé. Au premier étage, dans la direction opposée, une troisième volée conduit au second étage. Ce schéma à 2 volées + 1 apparaît dans la description d’André Félibien : La quantité des pièces, et leur distribution approche beaucoup de ce que l’on voit d’executé à Chamborg, hormis l’escalier du modèle qui est tout différent de celuy de Chamborg ; car on le rencontre dès l’entrée du bastiment et lorsqu’on a traversé un vestibule, qui a deux passages ou espaces de galleries sur la face du Chasteau. Cet escalier est double jusques au premier estage, c’est à dire qu’on trouve deux rampes, l’une à droite et l’autre à gauche, et, parce que l’on entre dans le vestibule par trois portes, l’une au milieu et les deux autres aux costez, les rampes sont vis à vis les portes des costez, et le milieu sert de passage qui conduit aux appartemens bas, où on trouve trois 3 CA, f. 220 r-c [592 r] ( Pedretti 1962 ) 2 Windsor, RL 12592 4, CA, f. 220 v-a [592 v] ( Pedretti 1962 ) [143] 5 Jean Guillaume, Reconstitution de l’escalier du modèle en bois dessiné par André Félibièn 6 Ms. L, f. 19 v grandes salles qui les dègagent. Il y a de semblables logemens aux estages d’en hault ; mais, pour monter du second estage au troisiesme, l’escalier n’a qu’une rampe qui s’élève au milieu de deux passages, qui servent pour la communication des logemens qui sont sur la face du devant1. Les études entrecroisés de Jean Guillaume2 et de Carlo Pedretti3 ont mis en évidence la présence d’ébauches en axonométrie, en plan et en perspective linéaire dans plusieurs desseins de Léonard qui correspondent à la description de Félibien : le feuillet Windsor RL 12592 des années 1506-1508 [ 2 ], où l’on parle aussi d’“ ultime scale ”, est très important à cet égard, ainsi que d’autres dessins des feuillets CA 592 r-v, datés environ de 15054 [ 3-4 ]. Jean Guillaume, mettant en relation une suggestion de Léonard sur le feuillet RL 12592 et le plan de Cortona [ 1 ], a reconstruit une très plausible vue de l’escalier en question [ 5 ]. Une suggestion de Léonard dans Ms L, f. 19 v [ 6 ], c. 1497-1502, signalée par Carlo Pedretti, peut indiquer la possibilité que dans le cas du Palais Ducal d’Urbino cette structure d’escalier pourrait avoir correspondu au contraire, à un schéma à 1 volée + 25 . A partir de ces études, notre recherche a identifié dans un dessin de Fran- 1 André Félibièn, Mémoires pour servir à l’histoire des maisons royales et bastimens de France, 1681, publiés pur la prémière fois d’aprés le manuscrit de la Bibliothèque Nationale par A. de Montaiglon, Paris, J. Baur, Librarie de la Societé, 1874, pp. 27-29. 2 Jean Guillaume, Léonard de Vinci, Dominique de Cortone et l’escalier du modèle en bois de Chambord, dans la «Gazette des Beaux Arts», t. LXXI( 1968 ), pp. 93-108. 3 Particulièrement le chapitre V. The House of Charles d’Amboise, dans sa recherche The Royal Palace at Romorantin, Cambridge ( Massachusetts ), 1972, pp. 41-52, et voir aussi la longue note n. 9, p. 294. 4 Voir Carlo Pedretti, Leonardo architetto, Milano, 1978, pp. 141-145 ; je remercie beaucoup Carlo Pedretti pour cette suggestion. 5 Voir Carlo Pedretti, Leonardo architetto, Milano, 1978, p. 172. 144 cesco di Giorgio Martini ( Codex Magliabechianus II.I.141, f. 24 v, c. 1497-1500 [ 7 ] ) un modèle structurale de ce type d’escalier. Le dessin fait partie d’un feuille du codex que l’on identifie très souvent à l’une des sources d’inspiration possible du plan en croix de Chambord ; il faut dire également que ces dessins présentent de sérieuses analogies – exception faite pour les tours – avec le plan de Domenico da Cortona. On doit fait remarquer de plus que ce genre de dessins de l’architecte siennois sont compris dans une section de son traité dédiée aux “ Maisons des Princes ”. Ces maisons – écrivait Francesco di Giorgio dans les feuilles 24 r-v du codex – doivent être composées de deux étages et d’un rez-dechaussée; l’étage pour les activités publiques et religieuses, pour les appartements privés du prince – donc, l’étage du roi et devait nécessairement être le premier. Francesco di Giorgio Martini – parmi d’autres auteurs et d’autres sources – parait un des personnages les plus importants pour définir la formation d’une langue véhiculaire des solutions architecturales entre la fin du XVème et les premières années du XVIème siècle, une langue impliquant Léonard de Vinci tout autant que Domenico da Cortona, et qui circula entre l’Italie et la France au début de la Renaissance. La série des photogrammes suivants, tirés de la reconstruction digitale dynamique visible dans l’exposition, montre les possibilités de convergence des propositions et suggestions que j’ai rappelées. 7 Francesco di Giorgio, Codex Magliabechianus II.I.141, f. 24 v I II III IV V VI èlaboration digitale par Alexander Neuwahl © 2009 [145]