Dossier Pédagogique
Septembre 2009
La servante maîtresse
Opéra comique de Pergolèse (1710-1736)
Mise en scène Vincent Vittoz
Direction musicale Jérôme Correas
Orchestre Les Paladins
Production La Clef des Chants/Région Nord-Pas de Calais
Coproduction Les Paladins, Arcadi, le théâtre d’Arras
Ce dossier pédagogique a été réalisé par Marie-Astrid Stock, chargée de mission pédagogique à La Clef des
Chants, en collaboration avec Micheline Ferrando de l’Education Nationale.
Contact
Marie-Astrid Stock
La Clef des Chants • Direction : Patrick Bève
4, Square Dutilleul • 59000 LILLE
Tél. 03 20 30 82 58 • Fax. 03 20 30 80 95
[email protected]
www.laclefdeschants.com
LA CLEF DES CHANTS
ASSOCIATION RÉGIONALE DE DÉCENTRALISATION LYRIQUE
RÉGION NORD-PAS DE CALAIS/DIRECTION PATRICK BEVE
La Clef des Chants offre un nouveau type de rapport à l’art lyrique pour lui donner droit de cité auprès
d’un large public parfois éloigné des Maisons d’Opéra. Son projet artistique, autant atypique qu’inédit,
couvre de multiples champs d’actions : la production d’œuvres lyriques accompagnée de résidences de
création, la diffusion de spectacles en région Nord–Pas de Calais et la sensibilisation de nouveaux
publics.
Dans un souci de revivifier une offre de proximité, chaque nouvelle saison artistique propose un large
éventail de genres et de formes allant de l’opérette à l’opéra contemporain en passant par l’opéra
baroque, le théâtre musical ou encore l’opéra de rue. Maître d’œuvre dans le montage d’événements
d’envergure, la Clef des Chants porte également une attention particulière aux formats plus intimistes
afin d’aller au plus près des publics, là où ils se trouvent.
Ainsi, la Clef des Chants a su initier et développer au fil de ses onze années d’existence un véritable
réseau de diffusion qui compte opéras, scènes nationales, théâtres municipaux et salles des fêtes mais
également des espaces plus inattendus tels que cafés, tramways, sites de production industrielles ou
espaces urbains.
Depuis sa création en 1997, la Clef des Chants a diffusé 49 spectacles – dont 33 créations ou
nouvelles productions - auprès de 133 communes, pour un total de 430 représentations. Au-delà de la
confiance renouvelée des « compagnons » de la première heure, chaque nouvelle aventure compte de
nouveaux partenaires artistiques, producteurs et diffuseurs partageant l’ambition commune de «
penser » le lyrique autrement.
La Clef des Chants reçoit le soutien du Conseil Régional du Nord–Pas de Calais, du Ministère de la
Culture et de la Communication - Direction Régionale des Affaires Culturelles - et l’aide des
départements du Nord et du Pas-de-Calais.
www.laclefdeschants.com
SOMMAIRE
RECOMMANDATIONS ............................................................................................................. 7
RESUME ................................................................................................................................. 9
LE LIVRET............................................................................................................................ 11
Les librettistes.................................................................................................................. 13
Le synopsis ....................................................................................................................... 13
Les personnages............................................................................................................... 14
Le metteur en scène ......................................................................................................... 15
LA MUSIQUE ........................................................................................................................ 17
Le compositeur ................................................................................................................. 19
La genèse de La servante maîtresse ................................................................................. 19
Les musiciens et leur chef ................................................................................................ 20
Comparaison de trois versions de La servante maîtresse ................................................. 23
Guide d’écoute.................................................................................................................. 24
LA SCENOGRAPHIE, LES LUMIERES, LES COSTUMES…......................................................... 27
La scénographie ............................................................................................................... 28
Les lumières ..................................................................................................................... 29
Les costumes et le maquillage .......................................................................................... 30
QUELQUES PISTES PEDAGOGIQUES .................................................................................... 31
POUR ALLER PLUS LOIN ...................................................................................................... 33
Introduction à l’opéra....................................................................................................... 35
Petite histoire de l’opéra .................................................................................................. 36
ANNEXE ............................................................................................................................... 39
Livret de La servante maîtresse........................................................................................ 41
Les partitions.................................................................................................................... 59
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RECOMMANDATIONS
Afin de mieux appréhender la représentation de ce spectacle, il est vivement recommandé de préparer
votre venue avec les élèves. Je reste à votre disposition pour toutes informations complémentaires et
mise en place d’un dispositif pédagogique autour du spectacle.
PREPARATION EN CLASSE
• Familiarisez-vous avec l’œuvre La servante maîtresse, le texte, la musique et la scénographie.
• Approfondissez la démarche, par la lecture de la dernière partie du dossier.
LE JOUR DE LA REPRESENTION
• Arrivez de bonne heure. La représentation débute à l’heure précise. Il est important d’arriver une
demi-heure avant le début du spectacle, certains lieux ne laissent pas entrer les gens en retard.
• Le spectacle dure 1H20 sans entracte. Pour son bon déroulement, il est déconseillé de sortir de la
salle avant la fin de la représentation.
• Eteignez vos téléphones portables.
Nous rappelons aux enseignants et accompagnateurs que les élèves demeurent sous leur
entière responsabilité.
CONFERENCES La servante maîtresse de Pergolèse
Réalisées par Alain Nollier, musicologue, professeur d’analyse au Conservatoire National Supérieur de
Musique de Paris.
24 septembre 2009 à 18h Théâtre d’Arras (La conférence sera suivie d’une répétition publique).
7 octobre 2009 à 18h30 Le Phénix – Valenciennes
20 avril 2010 à 20h Théâtre Les Pipôts – Boulogne sur Mer
SAISON 2009/2010
04/10/2009 16h
07/10/2009 20h
18/10/200915h
13/02/2010 20h45
03/04/2010 20h30
06/04/2010 20h30
15/04/2010 20h30
16/04/2010 20h30
24/04/2010 20h30
27/04/2010 14h30
27/04/2010 20h30
Théâtre Missionné
Le phénix, scène nationale
Théâtre de l'Olivier
Théâtre Claude Debussy
Centre Culturel Fernand Léger
Centre des Bords de Marne
Espace Culturel André Malraux
Théâtre André Malraux
Théâtre municipal
Théâtre de Roanne
Théâtre de Roanne
Arras
Valenciennes
Istres
Maisons-Alfort
Douchy les Mines
Le Perreux
Le Kremlin-Bicêtre
Gagny
Boulogne sur Mer
Roanne
Roanne
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RESUME
La servante maîtresse est la version française de La Serva Padrona (intermezzo en deux actes de
l’opéra Il prigionier Superbo du même compositeur) de Giovanni Batista Pergolesi représenté pour
la première fois le 28 août 1733 au Théâtre San Bartolomeo de Naples.
Le livret français est de Pierre Baurans d’après la version italienne de G.A. Federico.
La servante maîtresse fut représentée pour la première fois le 14 août 1754 à la Comédie-Italienne
à Paris.
L’histoire
Pandolfe, vieux garçon, est las de la tyrannie domestique de sa servante Zerbine. Il annonce son
intention d’épouser une des élèves de sa classe de chant (qui n’est autre que sa servante). Zerbine,
qui sait bien que le vieux grognon a, au fond, un faible pour elle, est décidée à se faire épouser. En
accord avec Scapin, elle annonce à son tour son mariage avec un certain capitaine Tempête. Elle fait
de ce galant imaginaire une description si terrible que Pandolfe, préoccupé de l'avenir de Zerbine,
demande à faire la connaissance du capitaine. Arrive alors Scapin, déguisé. Zerbine prend à part son
vieux maître et lui explique que son fiancé exige - avec d'horribles menaces - le paiement d'une dot
exorbitante. Il ne renoncera à Zerbine et à la dot que si Pandolfe épouse lui-même la servante.
Pandolfe, soulagé, accepte avec joie. Zerbine, qui n'attendait que cela, passe donc de servante à
maîtresse.
Les personnages
Zerbine, servante de Pandolfe
Pandolfe, vieux garçon et maître de Zerbine
Scapin, domestique de Pandolfe, muet
Soprano
Baryton
Comédien
L’orchestre
La servante maîtresse sera accompagnée par l’orchestre Les Paladins dirigé par Jérôme Correas. La
composition orchestrale diffère selon les lieux.
A Douchy les Mines et Boulogne sur Mer, petit effectif : 2 violons, alto, violoncelle, contrebasse,
clavecin.
A Arras et Valenciennes, grand effectif : 7 violons, 2 altos, 2 violoncelles, contrebasse, clavecin,
théorbe.
La nouvelle production de La servante maîtresse-production La Clef des Chants, est mise en scène par
Vincent Vittoz. En collaboration avec Jérôme Correas, ils ont adapté La servante maîtresse en y
ajoutant des extraits musicaux Du maître de musique de Pergolèse.
La servante maîtresse sera créée au théâtre d’Arras le 4 octobre à l’issu de 3 semaines de création.
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LE LIVRET
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Les librettistes
Le librettiste est la personne qui écrit le livret de l’opéra, c'est-à-dire l’histoire. Il s’inspire souvent
d’ouvrage existant qu’il transforme afin de le rendre plus opératique. Puis il le transmet au compositeur
qui écrit la musique sur le texte. Le compositeur réécrit parfois certaines parties du texte en accord
avec le librettiste.
Le librettiste italien : G.A. FEDERICO (?-1745)
Gennaro Antonio Fererico a écrit le livret de La Serva Padrona d'après une pièce de Jacopo Angelo
Nelli.
Le librettiste français : Pierre BAURANS (1710-1764)
Monsieur de la Porte, conseiller d’état à Paris, confie à Pierre Baurans le soin de suivre les études de
son fils en lui proposant une belle pension viagère. Cette offre permet au librettiste de se consacrer à
sa passion pour les arts. Il adapte des paroles françaises sur la musique de La Serva Padrona
respectant le plus honnêtement possible la partition de Pergolèse. Le résultat a beaucoup de succès et
encourage Pierre Baurans à faire de même avec une autre œuvre du compositeur Le maître de
musique. Alors que Baurans est en plein succès, il subit une attaque d’apoplexie et se retire auprès de
sa famille Toulousaine où il décède en 1764.
L’adaptation de Vincent VITTOZ, metteur en scène
La durée de la La servante maîtresse étant un peu courte dans sa version originale, Vincent Vittoz et
Jérôme Correas ont souhaité l’allonger en s’inspirant d’un autre intermezzo de Pergolèse Le maitre de
musique et ont ajouté un élément à l’intrigue originale. Vincent Vittoz a réécrit certains passages de
l’histoire et Jérôme Correas a choisi des extraits musicaux, créant ainsi un Pandolfe maitre de
musique, amoureux d’une de ses élèves, qui n’est autre que Zerbine.
Le synopsis
Pandolfe est un vieux garçon, il est las des conflits permanents qu’il a avec sa jeune servante Zerbine
et il exprime dès le levé de rideau son mécontentement.
Pandolfe regrette profondément d’avoir mal élevé Zerbine à un point tel que celle-ci ignore
impertinemment ses vœux et ses ordres en se comportant comme une dame et non comme une
servante. Comme chaque jour, elle lui fait attendre son chocolat pendant trois heures. Lorsque
Pandolfe décide de sortir donner sa leçon de chant sans avoir déjeuné, elle l’enferme à clef dans la
maison affirmant n’avoir que bonnes intentions envers lui.
Pandolfe se met alors en colère, il n’a plus envie de supporter une telle impertinence. Il est décidé à
mettre de l’ordre dans sa maison. Il demande à son valet Scapin (rôle muet) de lui trouver une épouse
pour mettre fin à cette situation indigne, il pourra ainsi se débarrasser de sa servante despotique.
Zerbine trouve immédiatement un moyen de rester en proposant à Pandolfe de l’épouser. Ce dernier
est surpris par la proposition et pour s’en défaire prétexte être épris d’une de ses jeunes élèves (qui
n’est autre que Zerbine déguisée, aidée de la complicité de Scapin).
Pandolfe trouvant la porte de son élève close, retourne chez lui où Scapin lui annonce que Zerbine est
partie mais que son élève est présente. Au cours de la leçon de chant, Pandolfe est fortement déçu par
le comportement de son élève et la met dehors, ne voulant plus la prendre pour épouse. C’est alors
qu’il croise Zerbine qu’il pensait définitivement partie et dans un duo caractérisant parfaitement les
deux antagonistes, Pandolfe s’oppose aux demandes en mariage de Zerbine bien que son «non» ne
paraisse pas très courageux.
Zerbine se voit contrainte à un stratagème pour gagner enfin le vieux à ses idées. Elle promet au valet
Scapin une position superbe dans la maison s’il l’aide. Elle raconte à Pandolfe qu’un galant veut
l’épouser, un certain capitaine Tempête. Selon ses intentions, cela attise sa jalousie. Pour le vaincre
complètement elle fait encore appel à la pitié de Pandolfe en se plaignant, pendant ses adieux, du sort
sévère qui l’attend lors du mariage avec ce grossier personnage. Finalement, cette ruse a le succès
escompté. Pandolfe avoue clandestinement qu’il aimerait au fond épouser Zerbine. Mais que diraient
les gens s’il épousait sa servante ? Le capitaine Tempête qui se présente à Pandolfe – c’est Scapin
déguisé - fait réclamer par Zerbine une dot exorbitante à Pandolfe. Ce dernier doit payer cette dette
ou épouser lui-même Zerbine. S’il refuse, le capitaine mettra l’épée à la main. Pandolfe se décide pour
Zerbine et donne son consentement pour le mariage. Le valet se démasque. Le vieux a donné son
consentement devant témoins et a été dupé. Dans un duo serein et enjoué, maitre et servante – qui a
une fois de plus triomphe en tant que maîtresse – se retrouvent.
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Les personnages
La servante maîtresse est inspirée de la Commedia dell’Arte et de ces principales caractéristiques. Il
existe trois catégories de personnages que nous retrouvons à travers les personnages de l’œuvre :
Les Amoureux, ici Zerbine.
Les Vecchis (ou vieillards), ici Pandolfe.
Les Zannis (ou serviteurs comiques) qui favorisent et organisent la rencontre entre les amoureux. Les
Zannis font des farces, ce sont des sortes de bouffon, de comique burlesque, ici Scapin.
A l’origine, les intermezzi étaient joués par des comédiens qui chantaient et non l’inverse.
Zerbine : Aurélia LEGAY, soprano.
Zerbine est la servante du vieux Pandolfe. Il l’a recueillie lorsqu’elle était enfant. Elle
est têtue, entreprenante, malicieuse, débordante d'intelligence et d'énergie. Elle a
entièrement pris le contrôle de la vie de son maître. Elle nourrit l’ambition de
l’épouser.
Ce que femme veut, elle l’aura. Zerbine met en place une stratégie qui lui permettra
de passer de servante à maîtresse. C’est le triomphe de l'intelligence féminine,
prompte à abuser, tromper, manipuler pour vaincre. C'est la revanche de la servilité
sur le pouvoir et l'autorité.
Le rôle de Zerbine est composé pour une soprano (voix féminine aigue). L’aigu de
cette voix symbolise la jeunesse du personnage. Dans l’histoire de la musique, les
servantes sont toujours interprétées par des sopranos, caractérisant ainsi la légèreté de leurs mœurs.
Dès son plus jeune âge, Aurélia LEGAY évolue dans le monde du spectacle. Elle commence ses études
à l’Ecole des « Enfants du Spectacle » et au Conservatoire Marius Petipas, où elle étudie la Danse
Classique. Parallèlement, elle étudie l’Art Dramatique aux Cours Florent. Elle s’oriente ensuite vers le
Chant et entre au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris.
Elle joue dans de nombreux opéra et opérette sous la direction de grands chefs (Marc Minkowski,
Jean-Claude Casadesus, William Christie, Emmanuelle Haim). Elle se produit en récital dans un
répertoire de mélodies française et Lieder. Elle chante également de la musique sacrée.
Pandolfe : Vincent BILLIER, baryton
Pandolfe est un célibataire endurci et un "vieillard" sympathique, mais un peu niais.
Il vit avec sa servante, Zerbine, qu’il a recueilli lorsqu’elle était enfant. Dans un
premier temps, il est exaspéré par la tyrannie de sa servante et préférerait la voir
disparaître, mais elle réussira à l’attendrir et il voudra l’épouser.
Pergolèse a écrit le rôle pour une basse (voix la plus grave des hommes), le grave
de cette voix exprimant la maturité du personnage ou en tous cas symbolisant le
vieux garçon. Vincent BILLIER est baryton (voix moyenne des voix d’hommes) mais
les graves de sa voix sont suffisamment importants pour donner l’impression que
Pandolfe est âgé. La légèreté de ses aigus renforce le caractère niais de Pandolfe.
Vincent BILLIER a obtenu un premier prix de chant du Conservatoire National Supérieur de Musique et
de Danse de Paris en 1998. En 2002, il est lauréat du Concours International de Chant de Marmande.
Il interprète de nombreux rôles à l’opéra. Il chante la mélodie française mais également la musique
sacrée.
Scapin : Jean-Daniel SENESI, comédien
Scapin est le serviteur de Pandolfe. Il est dans la confidence de Zerbine et l’aide à
tromper son maître en se faisant passer pour le capitaine Tempête, faux prétendant de
la servante.
Le rôle de Scapin est muet, ce qui crée des situations comiques.
Après l'obtention d'un diplôme d'ingénieur, Jean-Daniel SENESI se tourne vers le
domaine culturel. Il met en scène de nombreux spectacles (opéras, comédies
musicales, théâtre musical) et participe à l’écriture d’opéras contemporains. Il est
également chanteur lyrique, comédien et danseur.
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Le metteur en scène
Le metteur en scène : Vincent VITTOZ
Le metteur en scène traduit scéniquement les idées du livret et de la musique. Il
travaille en lien avec le costumier, le scénographe et l’éclairagiste afin de créer une
homogénéité sur la scène. Il existe un lien important entre le metteur en scène et le
chef d’orchestre. Il est nécessaire que les déplacements sur scène correspondent à
la durée de la musique et qu’ils aient une interprétation identique de l’œuvre.
Au début de sa carrière, Vincent VITTOZ est comédien au théâtre puis il se consacre
au théâtre musical. Il adapte, joue et met en scène de nombreux spectacles
musicaux. Il a également créé un spectacle sur la chansonnière Marie Dubas Marie
Dubas de haut en bas, visible dans le Nord Pas de Calais en 2009/10.
Note de Vincent VITTOZ sur La servante maîtresse
La volonté de Pergolèse pour cette Servante Maîtresse était de divertir, d’amuser jusqu’à
peut être choquer un public habitué, entre autres, aux opéras dits classiques de Rameau et
Lully.
Ils installèrent, en quelque sorte, les tréteaux de la foire Saint Germain sur la scène sacrée de l’Opéra.
Une révolution « lyrique » souffla sur le théâtre et engendra cette fameuse guerre des bouffons.
D’ailleurs Holbach en ouvrira les hostilités avec sa Lettre à une dame d'un certain âge sur l'état
présent de l'opéra. Avec une ironie de second degré, il fait mine de s'offusquer du genre : On rit à
l’Opéra, On y rit à gorge déployée ! Ah ! Madame peu s’en faut que cette triste idée ne me fasse
pleurer. Malgré le renvoi des Italiens chez eux par Louis XV, un vent de folie, une vitalité naissante et
une incroyable énergie lyrique s’installaient malgré tout sur la scène parisienne. L’intérêt fut tel pour
cet ouvrage qu’une adaptation française, fait rare pour l’époque, en fut faite. C’est d’après cette
version que Jérôme Correas a choisi de représenter La Servante Maîtresse et notre propos est de
recréer cet ouvrage d’après cette pièce jamais jouée depuis sa création. Le texte de Baurans usant
d’un style propre à la farce française de cette époque, je n’ai pas désiré représenter cet opéra-comique
dans une quelconque relecture temporelle ou stylistique, la musique et le texte sont au service d’un
véritable divertissement aux frontières du théâtre italien et français, le théâtre de foire et la commedia
dell’arte. Par contre une nouvelle adaptation s’est imposée car La Servante Maîtresse ne dure que 40
minutes et ne répond pas au format d’un spectacle complet. Mais nous avons surtout désiré
redynamiser le propos. Jérôme Correas à choisi d’ajouter des extraits du Maître de Musique toujours
de Pergolèse et je les ai inclus dans le texte original de La Servante Maîtresse. J’ai bien sûr gardé
l’intégralité du texte de Baurans et donc ajouté des dialogues dans un style proche de l’original afin
d’intégrer de nouvelles situations introduisant les morceaux musicaux du Maître de musique. Un
scénario plus complexe s’est affirmé. Avant la farce menée par Scapin pour décider Pandolfe à épouser
sa servante, celle-ci se fera passer pour une chanteuse au yeux de son patron devenu pour la
circonstance un maître de musique. Ainsi un double jeu de masques se met en place. Nous avons
choisi des artistes aussi bons chanteurs que comédiens afin de restituer toute la vivacité et la drôlerie
de ce propos. Un jeu proche de la commedia dell’arte, masques, improvisations, gestuelle bouffe etc...
serviront de vecteur à la truculence de ce livret où l’émotion n’est pas absente. Comme le dit si bien la
Zerbine de cette brillante Servante Maîtresse, pour cette re-création française…. nous tâcherons de ne
pas chômer la fête !
Vincent Vittoz
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LA MUSIQUE
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Le compositeur
Le compositeur : Giovanni Batista PERGOLESI (1710-1736)
Malgré une existence très brève, Pergolèse eut le temps d'affirmer sa valeur ; il est un
des génies les plus authentiques du préclassicisme italien.
Giovanni Batista Pergolesi est né en Italie en 1710. Il est admis vers 1722 dans le plus
célèbre conservatoire napolitain et le quitte à vingt et un an, après avoir composé son
chef-d’œuvre de fin d'étude La Conversione di San Guglielmo d'Aquitania. Le succès est
tel qu'il reçoit immédiatement la commande d'un opéra. La fin de l’année 1732 voit la
présentation des deux premiers opéras de Pergolèse sur les scènes napolitaines.
Pour Naples, victime d'un violent séisme en 1732, Pergolèse compose sa grande messe
solennelle. Dès lors, la carrière du musicien est assurée. Il travaille pour l'impératrice d'Autriche, pour
Charles III de Bourbon, pour les rois d'Espagne, et même directement pour la cour impériale à Vienne.
Il écrit ensuite plusieurs opéras et autant d'intermezzi. Il fait jouer en 1733 La Serva Padrona. Cet
intermède connaît alors un succès exceptionnel, et déclenche en 1752 la "Querelle des Bouffons" lors
de sa représentation à Paris. En 1734, il devient l'adjoint du maître de chapelle municipal de Naples.
L’année suivante, il reçoit la commande de deux partitions mais ne peut les achever, souffrant de la
tuberculose. Pergolèse passe les derniers jours de sa vie au couvent où il compose son célèbre Stabat
Mater avant de mourir prématurément à Pozzuoli (près de Naples) en 1736 âgé de 26 ans.
La genèse de La servante maîtresse
Au cours du XVIIIe siècle, Naples est l’une des villes les plus importantes d’Italie et exerce une
certaine suprématie politique et sociale. La cour fastueuse aime la bonne musique et essentiellement
l’opéra. Plusieurs théâtres importants fonctionnent, les conservatoires et écoles de chant prolifèrent.
La ville atteint alors le rang d’épicentre lyrique italien. Alessandro Scarlatti (1660-1725) réalise la
fusion entre le goût musical napolitain inné et si particulier, et les nécessaires réformes des libretti,
souhaitant éliminer des textes la superficialité et l’hétérogénéité de l’école vénitienne pour les
remplacer par la véracité dramatique, la fluidité mélodique, la clarté harmonique et l’emploi de
chansons populaires. Influencé par l’école napolitaine et admirateur inconditionnel de Scarlatti,
Pergolèse se révèle être le bénéficiaire progressiste d’un tel patrimoine. Les prétentions aristocratiques
et transcendantes de l’opera seria (ou opéra sérieux) s’opposent aux joyeuses et populaires intentions
de l’opera buffa (ou opéra bouffe). Il faut chercher les traits de ce dernier dans les personnages de la
commedia dell’arte, allégés par le dialogue et la désinvolture musicale liés à des situations et
caractères pris dans la vie quotidienne. Un vigoureux réalisme comique émerge de la parodie ou de la
caricature du talent héroïque et pompeux de l’opéra dit sérieux : le nombre d’acteurs est réduit (à
deux, en général), l’emploi de chansons et de danses populaires augmente, on cesse de faire appel
aux castrats, dont les voix aigues diminuent le naturel de l’action, on octroie davantage de liberté à la
forme, de la simplicité à l’harmonie et de la flexibilité à l’harmonie. Ces ingrédients sont employés
dans des scènes légères, festives et souvent sans rapport entre elles et sont représentées durant les
entractes d’œuvres plus ambitieuses.
Vers 1700, ces parenthèses manquant de cohésion deviennent des entités personnalisées et
autonomes même si on continue à les mettre en scène en complément de productions plus
prétentieuses. Il en est ainsi de l’opéra bouffe le plus célèbre et décisif La Serva Padrona (La servante
maîtresse), créé dans les intermèdes de Il prigioniero superbo de Pergolèse en 1733. L’œuvre
principale remporte peu de succès, tandis que l’entremet distrayant fait l’objet de soirées successives.
Il conquit bientôt les publics italiens les plus divers, puis ceux d’Europe. En 1752, il obtient un éclatant
triomphe à Paris et déchaîne en outre la Querelle des Bouffons, laquelle divise les Parisiens en deux
partis irréconciliables : les partisans de la simplicité, de la transparence, de la chaude expressivité
italiennes (le coin de la Reine, avec Rousseau et les Encyclopédistes à sa tête) et les défenseurs de
l’intellectualisme de Rameau et de ses acolytes (le coin du Roi, commandé par Louis XIV et La
Pompadour). On peut dès lors imaginer l’influence exercée sur la musique française de l’époque, en
particulier sur les débuts et le développement de l’opéra comique. Influence qui, de fait, s’exerce sur
l’évolution du genre lyrique en général, du baroque à Mozart. Le Figaro ou le Don Giovanni de ce
dernier, dans l’exceptionnelle représentation de la psychologie – en divers points inégalée -, des
mœurs et de la société, ne font que s’abreuver à la source stylistique érigée par le style buffo,
parfaitement incarné par la petite œuvre maîtresse de Pergolèse. Il semble que La Serva Padrona
possède une capacité de suggestion intemporelle. Il ne faudrait pas reconnaître ce don au seul
Pergolèse. Le mérite revient aussi en partie au poète napolitain Gennaro Antonio Federico, qui réussit
à écrire un livret simple et au comique garanti.
19
En pleine Querelle des Bouffons, Pierre Baurans, librettiste, entreprend de mettre d’accord les deux
« coins ». Les partisans de la musique italienne soutenant que la langue française n’est pas adaptée
pour la musique, il choisit un chef d’œuvre de la musique italienne, La Serva Padrona de Pergolèse et
adapte à cette musique des paroles françaises. Il remplace les récitatifs par du texte parlé, ajoute
quelques airs et change les prénoms des personnages. Madame Favart, chanteuse influente de
l’époque, l’encourage alors à présenter son travail. La première de La servante maîtresse a lieu en
août 1754 à la Comédie-Italienne à Paris et le succès est complet. La foule accoure pour entendre ses
chants qu’elle trouve si délicieux et de nombreuses représentations s’en suivent. Face au succès,
Pierre Baurans décide d’adapter une autre œuvre de Pergolèse, Le maître de musique qui remporte
également un grand succès.
Les musiciens et leur chef
Le chef d’orchestre : Jérôme CORREAS
Le chef d’orchestre choisit l’interprétation qu’il souhaite faire de l’œuvre et la
transmet aux musiciens et aux chanteurs en leur donnant toutes les
indications musicales nécessaires (tempo, nuances, phrasés…). Il fait travailler
séparément l'orchestre et les chanteurs (qui sont accompagnés dans un
premier temps au clavecin par le chef de chant). Il est le lien entre tous les
artistes. Il travaille en collaboration avec le metteur en scène afin de
synchroniser la partie scénique et la partie musicale.
Jérôme Correas étudie le clavecin et la basse continue puis il se tourne vers le chant : premier prix au
Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris suivi de deux années à l'Ecole d'Art Lyrique de
l'Opéra de Paris. Jérôme Correas a chanté avec de nombreux chefs le répertoire baroque aussi bien
que celui des XIXe et XXe siècles (William Christie, Jean-Claude Malgoire, Christophe Rousset,…), sous
la direction desquels il a également enregistré plus d'une vingtaine de disques. En 1997, il fonde Les
Paladins, associant sa double formation d'instrumentiste et chanteur au service d'œuvres vocales et
instrumentales inédites ou peu connues. Jérôme Correas est professeur de chant baroque au CNR de
Toulouse.
Note de Jérôme CORREAS sur La servante maîtresse
D’abord simple intermède de Pergolèse pour un de ses opéras en 1733 à Naples, La Serva
Padrona conquiert la France en 1752 et déclenche la fameuse « Guerre des Bouffons »
opposant partisans de la musique française et ceux de la musique italienne.
Représentée partout en Europe et jusqu’aux Etats-Unis au XVIIIe siècle, cette œuvre est un véritable
phénomène de société : elle renouvelle la conception de la Musique mais aussi du Théâtre et de la
Mise en scène. Il n’est pas étonnant que dès 1754 une traduction française ait vu le jour afin que tous
les publics profitent pleinement de cette œuvre ; cette version circule bientôt dans toute la France. La
plupart des récitatifs sont remplacés par des dialogues parlés, ce qui en fait un véritable
opéra-comique. De plus, on trouve quelques récitatifs accompagnés absents de la version originale et
surtout un nouvel air virtuose pour le rôle de la soprano. Les différences musicales sont très
révélatrices de l’assimilation de l’œuvre à l’esprit français et, par delà, de la fusion entre tradition
italienne de la Commedia dell’Arte et Théâtre de la Foire typiquement parisien. Cette habitude de
traduire et adapter les œuvres étrangères va devenir un usage courant au XIXe siècle : elle relativise
la mentalité moderne considérant toute œuvre comme intouchable et sacrée. Tel n’est pas l’esprit du
XVIIIe siècle, plus ancré dans le concret. C’est donc cette version française, très peu jouée de nos
jours, que nous avons choisie : elle fait la part belle aux passages entre voix parlée et voix chantée,
elle représente la première synthèse de cette réunion des goûts tant recherchée au XVIIIe siècle.
Tout est en place pour un vrai divertissement sans façon, à mille lieux du grand opéra : le jeu des
personnages, les mimiques du valet (rôle muet), la simplicité des mélodies, le double registre
comique/sentimental avec sa crise émotionnelle juste avant le dénouement, et surtout la langue
française du XVIIIe, si propre à la comédie et au chassé-croisé des sentiments.
Jérôme Correas
20
Le chef de chant : Florence BOISSOLLE
Le chef de chant accompagne au clavecin les chanteurs pendant la durée de création de l’opéra au
Théâtre d’Arras avant que l’orchestre arrive quelques jours avant la première représentation. Le chef
de chant remplace le chef d’orchestre lorsque celui-ci est absent. Il aide les chanteurs à travailler leurs
airs.
L'orchestre : LES PALADINS
Les Paladins explorent les répertoires injustement négligés comme les grands fleurons de l'art musical
baroque. Il poursuit depuis plusieurs années une exploration du répertoire musical dramatique italien.
L’orchestre se produit dans de nombreux festivals français, en Europe et aux Etats-Unis.
En 2007, L’Ormindo, opéra de Francesco Cavalli est largement salué par la critique. Les Paladins
remportent également un grand succès en 2008 à la Cité de la Musique et au Théâtre du Châtelet dans
le répertoire de l’opéra-comique français (Grétry). Ils ont enregistré plusieurs disques.
Pendant la création de l’opéra au théâtre d’Arras, l’orchestre répète à Paris. Les musiciens rencontrent
les chanteurs quelques jours avant la première représentation. Cependant, ils ont déjà eu l’occasion de
se produire ensemble lors d’une version concert de La servante maîtresse l’année dernière à la
Bibliothèque Nationale de France à Paris.
La composition orchestrale diffère selon les lieux de représentation. A Douchy les Mines et Boulogne
sur Mer, petit effectif : 2 violons, alto, violoncelle, contrebasse, clavecin et à Arras et Valenciennes,
grand effectif : 7 violons, 2 altos, 2 violoncelles, contrebasse, clavecin, théorbe.
⇐ Le violon baroque a été créé au XVIe siècle. Il diffère du violon contemporain par une
âme plus épaisse (la caisse de résonnance), la barre d'harmonie est généralement plus
courte, le renversement du manche en angle droit induit moins de tension, les cordes en
boyau produisent moins de pression sur la table que les cordes modernes en métal (qui
sont seulement apparues vers la moitié du 20e siècle), la touche courte a un poids différent
et apporte un équilibre général différent. C’est l’instrument le plus aigu des cordes, il joue
la partie du dessus.
L’alto baroque est très semblable au violon, mais il est plus grand, plus large
et plus grave. Son timbre est différent de celui du violon. Il est plus chaud et
rond dans les graves, très pénétrant et corsé à l'aigu. Il joue les parties
intermédiaires. Auparavant l'alto se jouait en position verticale posé sur les
genoux, ce qui rappelle la technique de jeu du violoncelle. ⇒
⇐ Le violoncelle baroque a un registre grave : ses cordes
sont accordées une octave au-dessous de l'alto. Il se joue assis
et tenu entre les jambes ; il repose maintenant sur une pique
escamotable d'invention récente, mais à l’époque baroque, il
est joué posé entre les jambes, sur les mollets. Il est peu
employé au XVIIe siècle car certains compositeurs lui préfèrent
la viole de gambe.
La contrebasse est un instrument grave de la famille des instruments à cordes.
Elle peut se jouer en frottant les cordes avec l'archet (arco) ou en les pinçant
avec les doigts (pizzicato). La contrebasse est très utilisée en musique classique,
au sein des orchestres symphoniques, et en jazz où elle fait partie de la section
rythmique. La contrebasse est également utilisée dans les autres styles comme le
blues, le rock and roll, le tango… Il est fabriqué en bois (épicéa, érable, ébène).⇒
21
Le théorbe, est un instrument à cordes pincées, une sorte de grand luth, créé en Italie à la fin du
XVIe siècle. Le théorbe était utilisé à la fois pour la basse continue et comme
instrument soliste. Il servait aussi pour l'accompagnement du chant. Au XVIIIe siècle,
en France, on utilisait surtout le théorbe d'accompagnement, instrument très imposant.
Les théorbes ont disparu au cours du XVIIIe siècle, avant de réapparaître au XXe siècle
avec le renouveau de l'interprétation de la musique ancienne sur instruments
d'époque. Le théorbe comporte deux types de cordes. Le petit jeu est le registre
habituel du luth. Il se compose généralement de six cordes doubles (chœurs) ou
simples, longues et fines, en boyau, qui s'attachent sur le premier chevillier et qui
passent au-dessus de la touche, permettant de modifier la hauteur des sons avec les
doigts de la main gauche. Le grand jeu est le registre le plus grave, il a généralement
huit cordes simples en boyau. Elles sont placées sur le second chevillier, ne passent
pas au-dessus de la touche et sont donc jouées à vide. Le timbre en est plus riche et la
vibration se prolonge longuement, ce qui permet de soutenir l'harmonie.
Le clavecin est un instrument de musique à cordes pincées et à clavier. Il comporte
un ou deux claviers, exceptionnellement trois. Les cordes du clavecin sont fines et en
métal. Elles sont mises en vibration par le moyen de petites pièces, appelées
sautereaux. Chaque sautereau est armé d'un bec ou plectre qui « pince » la corde à la manière d'un
joueur de luth lorsque le claveciniste enfonce la touche correspondante. Le son émis est amplifié par la
table d’harmonie et le résonateur de l'instrument. Le clavecin était le seul instrument à clavier civil du
XVIe au XVIIIe siècle, il a donc suscité l'intérêt de nombreux compositeurs. Plus tard lorsque l'évolution
de la musique au cours du XVIIIe siècle a suscité l’invention du piano-forte, les compositeurs et les
musiciens ont négligé le clavecin au profit du nouvel instrument, le clavecin fut alors considéré au
milieu du XIXe siècle comme un instrument du passé. Sa remise à l'honneur au tout début du
XXe siècle s'inscrit dans le mouvement général de redécouverte de la musique ancienne. Mais d'un
point de vue musical, la musique de piano s'inscrit directement dans la lignée de celle du clavecin :
Haydn, Mozart et bien d'autres ont composé pour le clavecin avant de passer insensiblement au pianoforte.
22
Comparaison de trois versions de La servante maîtresse
La Serva Padrona
de Pergolèse
Acte I
Aria Umberto Aspettare, enon
venire...
Récitatif
Aria Umberto Sempre in
contrasti...
Recitativo
Aria Serpina Stizzoso, moi
stizzoso...
Recitativo
Duetto La conosco a quelgl’
occhietti...
Acte II
Aria Serpina A Serpina
penserete…
Recitativo
Aria Umberto Son imbrogliato
io già
Recitativo
Duetto Per te io ho nel core
La servante maîtresse
Version française
de Pierre Baurans
Acte I
Ouverture de Telemann
Air de Pandolfe Longtemps
attendre sans voir venir…
Texte
Récitatif de Pandolfe Voilà
pourtant, voilà comment
Duo Eh bien, finiras-tu ?
Texte
Air de Pandolfe Sans fin sans
cesse, nouveau procès…
Texte
Air de Zerbine Eh ! Mais ne faitil pas la mine ?...
Texte
La servante maîtresse
Adaptation de Vincent Vittoz et
Jérôme Correas d’après La
servante maîtresse et Le maître
de musique (MM) de Pergolèse.
Production La Clef des Chants
Duo Je devine à ces yeux…
Ouverture de Telemann
Air de Pandolfe Longtemps
attendre sans voir venir…
Texte modifié
Récitatif de Pandolfe Voilà
pourtant, voilà comment…
Duo Eh bien, finiras-tu ?...
Texte modifié
Air de Pandolfe Sans fin sans
cesse, nouveau procès…
Texte
Air de Zerbine Eh ! Mais ne faitil pas la mine ?...
Texte modifié
Air de Pandolfe Que ma colère
Eclate entière… (MM)
Texte modifié – texte inventé
Air de Zerbine Charmant espoir
qui nous enchante…
Texte inventé
Air de Pandolfe Que nos
chanteuses… (MM)
Texte inventé
Air de Zerbine Un pilote battu
de l’orage… (MM)
Texte inventé
Air de Zerbine Quel délice ne
trouve point… (MM)
Texte inventé
Air de Zerbine ingrat je romps
ma chaine… (MM)
Texte modifié
Air de Zerbine Vous gentilles
jeunes filles…
Texte modifié
Duo Je devine à ces yeux…
Acte II
Air de Zerbine Vous gentilles
jeunes filles…
Texte
Air de Zerbine Charmant espoir
qui nous enchante…
Texte
Récitatif de Zerbine Jouissez
cependant du destin…
Texte
Récitatif de Pandolfe Quel sera
donc enfin cet homme-ci…
Texte
Duo final Me seras-tu fidèle…
Texte
Récitatif de Zerbine Jouissez
cependant du destin…
Texte
Récitatif de Pandolfe Quel sera
donc enfin cet homme-ci…
Texte modifié
Duo final Me seras-tu fidèle…
23
Guide d’écoute
La production de la Clef des Chants La servante maîtresse est une adaptation réalisée par Vincent Vittoz
et Jérôme Correas, metteur en scène et directeur musical de la production, d’après La servante
maîtresse et Le maitre de musique de Pergolèse, versions françaises de Pierre Baurans.
Le tableau de la page précédente met en évidence les différences entre La Serva Padrona, œuvre
originale en italien de Pergolèse, la version française de Pierre Baurans et l’adaptation de Vincent Vittoz
et Jérôme Correas.
Deux airs et un duo ont été choisis pour le guide d’écoute. Ils existent dans l’œuvre originale en italien
de Pergolèse et dans la version française de Pierre Baurans. Il est intéressant d’écouter les deux
extraits afin de comparer les interprétations. Les prénoms des personnages et la langue employée
différent mais la musique de la version française reste fidèle à celle de Pergolèse.
Les partitions sont fournies en annexe et le CD sur demande auprès de La Clef des Chants.
1. Air de Pandolfe - Longtemps attendre sans voir venir…
2. Aria d’Uberto - Aspettare, enon venire…
1’34
1’47
Longtemps attendre sans voir venir
Au lit s’étendre
Ne point dormir grand peine prendre
Sans parvenir
Sont trois sujets d’aller se pendre
Ne point voir venir
Ne point dormir
Ne point parvenir
Sont trois sujets d’aller se pendre. (etc..)
Dès le premier air de La servante maîtresse, le génie psychologique et théâtral de Pergolèse apparaît.
Chaque mot et chaque aspect de la situation trouvent leur valeur musicale : un long attendre
(aspettare), presque un bâillement, un petit motif orchestral répété pour marquer le temps qui passe,
et puis la décourageante conclusion, en un court et agacé ne point voir venir (e non venire) ; la même
formule attribuée à la seconde, puis à la troisième ligne du texte, avant que les trois ne soient reprises
sur une musique différente, plus rapide et plus énervée, sur un ambitus plus vaste. Le sont trois sujets
d’aller se pendre (son tre cose da morire), répété sur un intervalle de septième grand ouvert,
ressemble alors à un cri de désespoir. L’irritation du frustré trouvera ensuite d’autres formules
rythmiques et mélodiques, toutes aussi éloquentes, toutes aussi vraies – et aussi drôles. La musique de
Pandolfe est d’air en air, de plus en plus angoissée.
Avec les élèves :
• Définir le caractère de Pandolfe par rapport à sa voix.
Quelle est son humeur ?
Quel âge semble-t-il avoir ?
• Comparer la version française à la version italienne.
Est-ce la même voix ? Version française : baryton – version italienne : basse.
Cette différence donne-t-elle une impression différente dans la définition du personnage de
Pandolfe ?
• Essayer de comprendre les paroles. Quels sont les mots importants, pourquoi les comprenonsnous mieux que les autres ? Mots importants répétés, placés sur des notes tenues.
24
3. Air de Zerbine - Eh, mais ne fait-il pas la mine ?...
4. Aria de Serpina - Stizzoso, moi stizzoso…
4’00
3’40
Si le personnage de Pandolfe est constant, Zerbine montre des visages différents selon les airs. Dans
celui-ci elle est piquante et mutine Eh ! Mais ne fait-il pas la mine (Stizzoso, moi Stizzoso), un
labyrinthe de motif chatouilleux. Air de forme Da Capo ABA
Eh ! Mais ne fait-il pas la mine ?
Comment je crois qu’il se mutine ;
Bon, bon c’est que monsieur badine x2
Je veux que sans caprice, sans murmurer
On obéisse
Paix donc, paix donc, Zerbine le veut ainsi,
Paix donc, paix donc, Elle est maîtresse ici.
Eh ! Mais ne fait-il pas la mine ?
Comment je crois qu’il se mutine ;
Bon, bon c’est que monsieur badine x2
Je veux que sans caprice, sans murmurer
On obéisse
Paix donc, paix donc, Zerbine le veut ainsi
Que tout ceci finisse, Où j’en ferai justice
Je veux que sans caprice, ici l’on obéisse
Paix donc, paix donc, qu’on obéisse
Paix donc paix donc, qu’on obéisse
Zerbine le veut ainsi, le veut ainsi
Elle est maîtresse ici.
Cette première partie de l’air (A) est chantée deux fois de façon pratiquement identique. La première
fois Zerbine semble calme et posée, les phrases mélodiques sont stables et l’ambitus ne dépasse pas
l’octave. A la reprise Zerbine montre une humeur différente passant de l’hystérie (le je veux est mis en
valeur par deux notes aigues) à l’autorité (le murmurer et obéisse sont chantés dans le grave de la
voix) et l’ambitus est plus grand que la première fois.
Monsieur me fais-je entendre assez ? x3
Vous pouvez me comprendre
Vous avez du l’apprendre depuis dix ans passés que vous me connaissez.
Dans cette deuxième partie (B), Zerbine passe de l’autorité avec des phrases mélodiques staccato et
accentuées (me fais-je entendre assez 1 et 3) à la plainte par le biais du legato, piano et de phrases
descendantes (me fais-je entendre assez 2 et Vous pouvez me comprendre, vous avez du
l’apprendre). Si elle semble vouloir amadouer Pandolfe dans ce dernier passage, elle montre de
nouveau son autorité en reprenant la partie A.
Avec les élèves :
• Définir le caractère de Zerbine et son humeur.
• Trouver la forme Da Capo.
• Chantonner le début de la partie A.
• Trouver le rythme des 6 premières mesures.
• Noter que les deux parties A sont légèrement différentes.
• Imaginer les réactions de Pandolfe au discours de Zerbine.
• Comparer avec la version italienne.
25
5. Duo - Je devine à ces yeux…
6. Duetto - La conosco a quelgl’occhietti…
4’10
4’20
Ce duo est un moment clé de l'opéra. Zerbine manipule Pandolfe avec grandeur et sa supercherie
apparaît clairement au public. Pandolfe tombe dans le piège et montre les premiers signes de
faiblesse. Va-t-il céder à sa servante ?
C'est un duo d'amour, pas un duo romantique mais plutôt comique ! Un duo de chamailleries construit
comme une scène de ménage avec argument/contre-argument et cacophonie verbale.
Dans un premier temps, Pandolfe tente de démentir les propos de Zerbine mais il dit musicalement la
même chose qu’elle, et même s’il cherche à en modifier les phrases musicales, le résultat ne donne
que des vocalisent faussement intrépides et des grognements dans le grave. Les sauts d’octave
ressemblent à des cris ou à des plaintes.
Zerbine insiste pour que Pandolfe la regarde (notes tenues sur regardez moi), le résultat semble
efficace puisque Pandolfe fait un aparté au public qui le met dans la confidence des sentiments du
maître (phrases chantées dans le grave de la voix, phrases montantes et nuance piano).
Puis les dialogues se resserrent, les répliques se rapprochent à quelques mots seulement. Les discours
sont complètements différents. Pandolfe et Zerbine ne semblent pas s’entendre parler et chantent
parfois en même temps (cacophonie, dialogue de sourd). Cependant, ils commencent à s'échanger des
bouts de mélodies identiques, ils se rapprochement.
Au deux tiers du duo, Zerbine, sentant Pandolfe succomber à son charme, s’adresse à lui plus
tendrement (Je suis jolie, mais très jolie, au plus jolie), l’allegro initial se transforme en adagio, la
tonalité du majeur au mineur, l’orchestre se fait discret et des moments de suspension apparaissent
pour la première fois dans le duo. Si Pandolfe tente de résister au charme de Zerbine, il tombe dans le
piège et semble envouter par le charme de sa servante.
Enfin ils finissent par se rejoindre, chantent ensemble. Même si Pandolfe dit qu’il ne veut toujours pas,
on sait qu'il va succomber et ses non, non, non semblent vouloir dire oui oui oui. Mozart utilise ce
procédé dans Don Giovanni dans le duo entre Zerline et Dan Giovanni lorsque ce dernier la séduit et
qu'elle se refuse au début pour accepter enfin.
Avec les élèves :
• Définir quel est le thème du duo.
• Définir quel est le personnage qui a le dessus sur l’autre. Argumenter.
• Y a-t-il une évolution des personnages par rapport aux airs précédents.
26
LA SCENOGRAPHIE, LES LUMIERES,
LES COSTUMES…
27
La scénographie
La scénographie est ce qui compose avec des volumes, des objets, des couleurs, des lumières, et
des textures la scène. Une scénographie ne copie pas forcément une forme du réel, elle a une valeur
autant métaphorique que visuelle. Cette métaphore possède parfois ses propres règles, miroir exact
ou image inversée dans les cas les plus extrêmes de ce qu'elle illustre, elle peut amener un surplus de
sens.
La scénographe : Amélie KIRITZE-TOPOR
Elle a créé le décor de La servante maîtresse. Elle a d’abord dessiné des croquis puis réalisé une
maquette avant d’envoyer les plans à l’atelier de construction. Grâce à celle-ci, les chanteurs
visualisent l’espace dans lequel ils évolueront. Le rapport est fort et la frontière très mince entre le
metteur en scène et le scénographe. Si les partis-pris de mise en scène constituent les principes
d’espace, la scénographie cadre l’action, pose l’atmosphère visuelle, influence les déplacements des
comédiens et leurs rapports physiques (hauteur, proximité,… ) ; l’accessoire oblige le geste de son
utilisateur et les changements de décors rythment le temps de la représentation.
Amélielie Kiritzé-Topor a voulu un décor identique à un terrain de jeu permettant une grande liberté
d’action pour les chanteurs-comédiens. De multiples trappes sont cachées dans le décor. Le décor est
présenté désaxé au public, permettant à ce dernier d’observer ce qui se passe en coulisse.
La servante maîtresse puisant son inspiration dans la comedia dell’Arte et dans le théâtre de foire, le
bois est très présent, rappelant les tréteaux de cette époque.
Images en 3 dimensions du décor réalisé par Amélie Kiritzé-Topor
Construction de la structure métallique du décor dans les ateliers d’Alain Lebéon à Tourcoing (59)
28
Imitation des marqueteries de l’époque en contre-plaqué. Recouvrement de la partie métallique.
Le régisseur plateau :
Il travaille sous la direction du directeur technique et pendant la création de l’opéra avec le
scénographe. Avant les répétitions, il est chargé d’installer le décor. Il gère tout ce qui a un rapport
avec le plateau.
Les lumières
L’éclairagiste : François PAVOT
Il crée le plan de feu du spectacle en collaboration avec le metteur en scène. C’est un document sur
lequel apparaissent la position et la couleur de chaque projecteur, ainsi que les moments où ils sont
utilisés. La lumière joue un rôle très important, elle fait partie du décor, elle participe à la création des
différentes ambiances.
Ci-dessous : projets de lumière pour La servante maîtresse réalisés par François Pavot.
Contre jour
Douche lointain
Le régisseur lumière : François PAVOT
Il travaille sous la direction du directeur technique et pendant la création de l’opéra avec l’éclairagiste.
Avant les répétitions, il est chargé de gérer l’installation des lumières sur le plateau selon le plan de
feu (plan reprenant l’installation des lumières, document réalisé par l’éclairagiste). Pendant le
déroulement de l’opéra, il dirige la console, sorte d’ordinateur qui permet d’effectuer les changements
de lumières.
29
Les costumes et le maquillage
Le costumier : Jef CASTAING
Il est chargé d’imaginer et de suivre la confection des costumes de tous les artistes. Il travaille en lien
avec le metteur en scène et le scénographe. Le costume aide l’artiste à investir son personnage. Il faut
également que les chanteurs se sentent suffisamment à l’aise pour bouger et respirer. Une fois les
croquis des costumes réalisés (voir ci-dessous), le costumier gère la confection.
Durant les répétitions et le jour de la représentation, le costumier est aidé des habilleuses. Le
maquillage et la coiffure apportent la dernière touche à la création du personnage.
Croquis du costume de
Pandolfe
©Jef Castaing
Croquis du costume du
Capitaine Tempête
©Jef Castaing
Croquis du costume de
Zerbine déguisée en
chanteuse.
©Jef Castaing
L’habilleuse :
Elle travaille sous la direction du costumier. Pendant la création de l’opéra, elle aide le costumier à
finaliser la conception des costumes. Durant la tournée et les représentations, elle est chargée des
retouches et de l'entretien des costumes mais aussi de l’habillage des artistes.
La créatrice maquillage :
Elle travaille avec le costumier et le metteur en scène afin de créer un maquillage spécifique à chaque
rôle. Par le maquillage, elle accentue le caractère des personnages. Un maquillage de scène n’est pas
identique à un maquillage de ville, il faut qu’il puisse être vu de loin.
La maquilleuse :
Elle travaille sous la direction de la créatrice maquillage. Elle l’assiste durant les séances de maquillage
qui précède la représentation de l’opéra. Elle doit reproduire à l’identique le maquillage à chaque
représentation.
Le directeur technique : Eric TARTINVILLE
Il est le chef d’orchestre de la production. Il est le lien entre l’équipe artistique (chanteurs, metteur en
scène, chef d’orchestre…) et l’équipe technique (machinistes, habilleuses, …). Il se charge d’organiser
la tournée de l’opéra (déplacement du décor, planning des techniciens, …) et de son bon déroulement
dans les lieux (installation du décor, gestion du temps, …). Pendant la représentation, il gère ce qui se
passe en coulisses : changement de décors, gestion du temps de maquillage et habillage, entrée des
artistes sur scène, top départ pour l’ouverture des rideaux et la lumière, démontage du décor…
L’attachée de production :
Elle gère le quotidien des chanteurs (voyages, repas,…). Elle met en place la feuille de route afin que
le personnel de la production sache quand il arrive, quand il travaille, les temps de récupération… Elle
organise également avec les lieux d’accueil le catering (petit encas pour les chanteurs).
30
QUELQUES PISTES PEDAGOGIQUES
…autour du livret :
•
Lire le livret sans dévoiler la fin, recherche du vocabulaire, étude des personnages, des lieux et de
l’époque.
•
Créer une carte d'identité des personnages : âge, origine, caractère…
•
Dessiner les personnages.
•
Jouer certaines scènes.
•
Dessiner l'histoire sous forme de BD.
…autour de la musique :
•
Ecouter des extraits de La servante maîtresse, s’aider du guide d’écoute.
•
Apprendre des airs.
•
Ecouter les œuvres de Pergolèse.
•
Ecouter d'autres opéras de la même époque afin de comparer le style musical de Pergolèse à ses
contemporains.
•
Faire une recherche sur les différents instruments utilisés.
…autour de la scénographie et des costumes :
•
Imaginer l'univers de La servante maîtresse, dessiner des décors et des costumes, créer une
maquette. Comparer le résultat avec le travail de Jef Castaing.
•
Imaginer et dessiner l’affiche du spectacle.
…autour des coulisses de l'opéra :
•
Travailler autour des différents métiers de l'opéra en imaginant toutes les personnes nécessaires à
son bon déroulement : techniciens, habilleuses, ouvreuses, femmes de ménage…
•
Visiter les sites web des grandes maisons d'opéras : Bastille, Garnier, La Monnaie…
•
Si cela est possible, visiter le lieu dans lequel se jouera La servante maîtresse.
31
POUR ALLER PLUS LOIN
33
Introduction à l’opéra
Qu’est-ce qu’un opéra ?
Du latin Opus, le mot italien "opera" signifie "œuvre", il s’agit d’un spectacle total qui met en musique
et en scène un drame, une comédie ou une tragédie.
Ce grand spectacle est interprété avec décors, costumes et lumières. Les opéras ont été inventés pour
associer tous les arts : lyrique, musical, littéraire, scénographique et chorégraphique.
LES ELEMENTS :
Le livret :
Souvent, il est divisé en actes, eux-mêmes divisés en scènes.
A l'origine de l'opéra se trouve les mots : pour une pièce de théâtre, il s’agit d’un manuscrit ; pour un
film un scénario ; pour un opéra un livret.
Avec un livret de quelques pages, on peut composer un opéra de plusieurs heures. Le texte chanté est
toujours plus long à dire que lorsqu’il est parlé.
Dans l’opéra, on oublie souvent le nom du librettiste pour ne garder en mémoire que celui du
compositeur. La collaboration entre le librettiste et le compositeur est souvent très intime.
La plupart des livrets mettent en scène des personnages à dimension surhumaine dans des situations
exceptionnelles. Les thèmes les plus souvent exploités sont l’amour, l’infidélité, la mort, la trahison.
Les mots ont une influence sur le rythme et la mélodie d’une phrase musicale. L’émotion qui se dégage
du texte nourrit l’ambiance. Souvent le déroulement de l’histoire conditionne la structure de la
musique.
Quelques librettistes :
-Lorenzo Da Ponte : 1749-1838 (Don Giovanni, Le Nozze di Figaro, Cosi fan Tutte de Mozart)
-Arrigo Boito : 1842-1918 (Otello, Falslstaff de Verdi)
-Meilhac et Halévy (La vie parisienne, Orphée aux Enfers, La Périchole… d'Offenbach)
La musique :
- l'ouverture : composition instrumentale que l'on trouve au début d'un opéra.
- le récitatif : il a été inventé par les premiers compositeurs italiens. Il fait avancer l’action d’une
scène. C’est une sorte de parlé chanté sur une note ou deux, sans rime, assez libre dans
l’interprétation. L’accompagnement instrumental est très discret : notes tenues, accords.
- l’air : facile à mémoriser, il permet au personnage de révéler ses sentiments. Certains airs
permettent au chanteur de montrer ses qualités de virtuosité vocale (ex : l’air de la Reine de la Nuit
dans La flûte enchantée de Mozart). La musique illustre les sentiments exprimés par le chanteur.
- les ensembles : duos, trios,… Très souvent il y a aussi des chœurs. Dans Le médecin malgré lui les
personnages chantent souvent tous ensemble et forment ainsi un chœur.
- le final : composition instrumentale et vocale qui termine l'opéra de façon grandiose et qui réunit
tous les acteurs de l'opéra (chanteurs, danseurs et chœur).
La voix :
Les chanteurs d’opéra (chanteurs lyriques) chantent sans micro. Leur voix doit porter suffisamment
pour être entendue dans toute la salle et ne pas être couverte par l’orchestre. Cependant dans certains
opéras contemporains, les chanteurs sont parfois légèrement amplifiés.
Les voix sont classées selon six catégories principales :
Chez les femmes (de la plus aiguë à la plus grave)
• soprano (Marguerite, Faust de Gounod).
• mezzo-soprano (Carmen, Carmen de Bizet).
• contralto (Geneviève, Pelléas et Melisande de Debussy).
Chez les hommes (de la plus aiguë à la plus grave)
• ténor (Tamino, La flûte enchantée de Mozart).
• baryton (Don Juan, Don Juan de Mozart).
• basse (Basile, Le Barbier de Séville de Rossini).
Les voix peuvent être aussi définies selon leur couleur et leur timbre.
35
Petite histoire de l’opéra
A la fin du XVIe siècle, les interprètes, chanteurs, musiciens et compositeurs sont de plus en plus
spécialisés. De ce fait, les auditeurs sont plus exigeants. Tous ces éléments amèneront à ce genre
nouveau qu’est l’Opéra. Il naît en Italie au XVIIe siècle. Il évoluera beaucoup dans sa conception au fil
des siècles et des compositeurs.
Le premier compositeur de génie à écrire des opéras fut l’Italien Claudio Monteverdi. Le premier fut
l’Orfeo (1607).
L’Opéra Ballet :
En France, le compositeur d’origine italienne Jean-Baptiste Lully, musicien de Louis XIV, fonda une
école française d’opéra. Les chœurs majestueux et lents aussi bien que les épisodes instrumentaux de
ses opéras reflètent le faste et la splendeur de la cour. Le ballet avait une place beaucoup plus
importante dans les opéras français de Lully que dans les opéras italiens. Ses livrets s’inspiraient de la
tragédie française classique et la mélodie respectait la prosodie particulière de la langue française.
Lully collabora avec Molière en écrivant les divertissements de plusieurs de ses pièces, ex : Le
Bourgeois gentilhomme (1670) mais également avec Corneille et Quinault sur l’élaboration de sa
tragédie-ballet Psyché (1671).
L’Opéra ballet associe sur scène la musique et la danse de ballet. Ex: le film de Jean-Paul Rappeneau
Le Roi danse.
L’opéra allemand, alors naissant, est submergé par l’opéra italien. En Angleterre, il est également
extrêmement populaire. L’allemand Friedrich Haendel s’y impose en composant des opéras italiens. Au
XVIIIe siècle, ce genre adopte de nombreux artifices. Par exemple, beaucoup de garçons italiens
étaient castrés afin de conserver leur voix aiguë (les castrats). Une telle voix associée à un
développement d’adulte donnait une qualité d’aigu et une agilité technique extrêmement prisées. Ces
chanteurs jouaient des rôles de femmes, ils étaient plus admirés pour la beauté de leur voix que pour
leurs qualités de comédiens. Ex : Carlo Farinelli (film de Gérard Corbiau).
L’Opera seria (opéra sérieux) :
En général tragique, il est écrit sur un thème héroïque ou mythologique. Le chant et la musique sont
situés au premier plan, ils ont la même importance. Les récitatifs alternent avec les airs et les
ensembles. Ex : Juditha Triumphans de Vivaldi.
L’Opéra buffa (opéra bouffe) :
Ce sont les Italiens qui créent ce genre à partir d’intermèdes comiques chantés pendant les entractes
de l’opéra seria pour divertir le public. Devant le succès de ces bouffonneries semi-improvisées par des
acteurs chanteurs de la comedia dell’arte, l’usage se généralisera. La naissance de ce genre est à
l’origine de la grande Querelle des Bouffons. Elle oppose les partisans du roi et de Madame de
Pompadour, défenseurs de la musique française (dite trop savante), à ceux de la reine comprenant
notamment les Encyclopédistes, partisans de la musique italienne (dite naturelle).
La musique est simple et la langue est celle de tous les jours. Son sujet se situe généralement dans le
milieu bourgeois. Les personnages sont plus ou moins populaires et les événements tirés de la vie
quotidienne. L’issue est normalement heureuse. Ex : Les Noces de Figaro de Mozart (1786), La
Cenerentola (Cendrillon) de Rossini (1817).
L’Opéra-comique :
Fondé sur la nature divertissante de ses sujets, ce nouveau genre mélange les scènes parlées et
chantées. Comme son nom ne l’indique pas, cet opéra n’est pas forcément comique, c'est-à-dire drôle,
mais il peut mettre en scène des drames tragiques. Ex : Le Médecin malgré lui de Gounod (1858),
Carmen de Bizet (1875).
Ces différentes formes d’Opéra se prolongeront jusqu’au XXème siècle.
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Le Drame lyrique :
Appellation héritée du drama per musica qui, en Italie désigne l’Opéra en général. Ce genre surpasse
l’Opéra dans la mesure où il s’applique aux ouvrages dont l’unité profonde résulte de la continuité
entre l’action dramatique et l’élément symphonique (l’alternance airs/récitatifs est moins marquée,
donnant ainsi un flot musical et vocal plus homogène et continu). Ex : La trilogie populaire de Verdi, Le
Trouvère (1853), La Traviata (1853) livret d’Alexandre Dumas fils, Rigoletto (1851) livret de Victor
Hugo.
Les compositeurs recherchent de plus en plus une couleur* vocale et orchestrale plutôt que la
virtuosité.
L’orchestre est considérablement élargi et les instruments à vent sont reconsidérés.
Le Drame musical :
Cette appellation est propre au drame wagnérien. Pour Wagner, l’Opéra est un drame musical au sens
où c’est la musique qui est privilégiée, c’est toujours elle qui donne aux personnages leur signification
pleine et entière dans une fusion totale avec la poésie, le décor et la mise en scène. Il invente le
leitmotiv, phrase mélodique, harmonique ou rythmique exprimant un sentiment, une action, un
personnage. Ainsi l’opéra, depuis le prélude (qui remplace l’ouverture) jusqu’aux derniers accords, est
tissé et unifié par ces leitmotivs. Ex : Tristan und Iseult (1865). Vocalement, le chant wagnérien
demande des voix puissantes capables de passer au-dessus d’un orchestre géant, et aussi de soutenir
un effort de plusieurs heures.
L’Opérette :
Alors que l’opéra-comique se transforme progressivement et que des sujets de plus en plus tragiques
sont abordés, l’opérette apparaît vers 1850 et traite des sujets plus légers ou satyriques. Sa forme ne
se distingue pas de celle de l’opéra-comique, elle comporte des dialogues parlés, des intermèdes
musicaux et des danses à la mode (cancan, polka, galop…). Ex : La Vie parisienne d’Offenbach (1866),
La Veuve joyeuse de Lehar (1905).
L’Opéra vériste :
Le vérisme définit la tendance à choisir des sujets tirés de la vie du peuple, avec des personnages mus
par des passions humaines les plus simples et les plus immédiates (amour, haine, jalousie…) sans
héroïsme ou idéalisme. Ex : Madame Butterfly (1904) ou Turandot (1926) de Puccini. Paillasse (1892)
de Léoncavallo.
La Comédie musicale :
Spectacle comportant de la musique, des dialogues, des danses, de conception contemporaine. Ex :
Porgy and Bess de Gershwin (1935), West Side Story de Bernstein, Starmania (1978) de Luc
Plamendon, Notre Dame de Paris (1998) de Richard Cocciante.
L’Opéra du XXème siècle :
Le romantisme s’étend largement au XXème siècle. Cependant certains compositeurs vont lui tourner le
dos. Le premier est Claude Debussy qui renouvelle l’art du chant dans Pelléas et Mélisande (1902), son
unique opéra. La mélodie debussyste est entièrement au service du texte.
En Autriche, Arnold Schoenberg va encore plus loin. Dans le Pierrot Lunaire (1912), il invente la
technique du sprechgesang, déclamation à mi-chemin entre la voix parlée (pour le timbre) et la voix
chantée (pour les hauteurs et les durées). Son disciple Alban Berg se sert parfois du sprechgesang
dans ses deux opéras Wozzeck (1925) et Lulu (1937). Il réussit une synthèse entre les courants
d’avant-garde et une inspiration très personnelle.
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La plupart des compositeurs modernes ont eu tendance à intégrer à l’opéra non seulement des
techniques symphoniques, mais également des styles issus de la musique traditionnelle, populaire ou
jazz dans leurs ouvrages. Ex : L’enfant et les sortilèges (1925) de Maurice Ravel.
Une forme nouvelle apparaît, le théâtre musical qui associe des auteurs dramatiques et des musiciens.
Une pièce de théâtre est entrecoupée de chansons ou d’ensembles chantés, à caractère populaire.
Berthold Brecht et le musicien Kurt Weill écrivent des pièces didactiques, plaisant à un large public,
ex : l’Opéra de quat’ sous (1928).
Utilisation de la voix au XXème siècle :
La deuxième moitié du XXème siècle voit ces courants se diversifier encore. Les compositeurs d’avantgarde élargissent encore le vocabulaire vocal : dans sa Sequenza (1965) pour voix seule, Luciano
Berio utilise tous les bruits et sons de bouche naturellement exclus du chant classique. Dans un autre
domaine, Pierre Boulez se sert de la voix comme d’un instrument dans Le Marteau sans Maître (1955).
Le texte est volontairement déstructuré, ce qui le rend incompréhensible de la part de l’auditeur.
Parallèlement, le chant lyrique continue à se développer, toutes les techniques vocales cohabitent.
Après une période de déclin, l’engouement pour l’opéra renaît grâce à des chanteurs et chanteuses de
premier plan comme Maria Callas. Outre une technique vocale impressionnante, la cantatrice possédait
un sens exceptionnel de la scène. Le public d’aujourd’hui se montre beaucoup plus exigeant quant à
l’aspect visuel et scénique. L’opéra devient un spectacle total, où action musicale et scénique vont de
pair.
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ANNEXE
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Livret de La Servante Maîtresse
Adaptation de Vincent Vittoz
D’après la Servante Maîtresse
et Le Maître de Musique
de Pergolèse
Les parties du texte écrites en gras sans italique correspondent au texte de Vincent Vittoz.
Les parties en italiques correspondent à ce qui est chanté.
PANDOLFE : (prenant son bain)
Longtemps attendre sans voir venir
Au lit s’étendre
Ne point dormir grand peine prendre
Sans parvenir
Sont trois sujets d’aller se pendre
Ne point voir venir
Ne point dormir
Ne point parvenir
Sont trois sujets d’aller se pendre. (etc..)
C’est aussi se moquer des gens, voilà trois heures que j’attends que ma servante enfin m’apporte mon
chocolat, elle n’a pas le temps. Cependant il faut que je sorte ! Il me faut donner ma leçon de
chant ! Elle me dira que m’importe. Oh c’en est trop ! Je suis trop bon à la fin ! Mais je vais prendre
un autre ton. Zerbine ! Zerbine ! Peste de la coquine ! Zerbine Zerbine ! Je m’égosille en vain ! Elle
viendra demain (à Scapin) mais toi Scapin que fais tu là planté comme une borne ? Hein ?…. Quoi ?
Tu ne dis mot, peste soit de ton mutisme ! Faudra-t-il aussi à tes oreilles que je corne ? Va donc,
sot, voir ce qui l’empêche, romps toi le cou s’il le faut, mais dis-lui qu’elle se dépêche.
Voilà pourtant, voilà comment l’on fait soi même son tourment
Je trouve cette enfant qui me paraît gentille
Je la demande à sa famille
On me la donne et depuis ce moment
Je l’élève comme ma fille
Que me revient-il à présent ?
Mes bontés l’ont rendue à tel point insolente
Capricieuse, impertinente
Qu’il faut avant qu’il soit longtemps
S’attendre enfin que la servante
Sera la maîtresse céans ?
Oh tout ceci m’impatiente
Zerbine entre en disputant Scapin.
ZERBINE :
Eh bien finiras-tu ?
Finiras-tu ?
Deux fois trois fois !!
Je n’en ai pas le temps (bis)
Cela te doit suffire
PANDOLFE :
Fort bien !
ZERBINE :
Combien de fois faut-il te le redire
Si ton Maître est pressé, faut-il que je le sois ?
PANDOLFE :
A merveille !
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ZERBINE :
Finis Scapin, si tu m’en crois, finis Scapin
Ma patience enfin se lasse
Si tu la réduis aux abois
Je vais faire pleuvoir vingt soufflets sur ta face
Finis Scapin, si tu m’en crois, finis Scapin
Tu n’en tiens compte ? Il faut donc, je le vois, joindre l’effet à la menace. (Elle veut souffleter Scapin,
Pandolfe l’arrête)
PANDOLFE :
Que prétends-tu Zerbine ? Holà !
ZERBINE :
Vous l’allez voir, je vais à ce faquin, apprendre son devoir !
PANDOLFE :
Comment coquine en ma présence, devant ton maître une telle insolence. (Zerbine commence à se
déshabiller) Que fais-tu donc ?
ZERBINE: (continuant comme si de rien n’était)
Il faudra donc à votre avis, parce que je suis une servante, qu’impunément on me tourmente, on
m’excède, on m’impatiente, qu’on ai pour moi que du mépris ?
PANDOLFE:
Zerbine, Je te demande ce que tu fais ?
ZERBINE : (avec impatience)
Mais rien, maître Pandolfe, rien, c’est par souci d’économie que j’utilise l’eau de votre
bain…. Allez vous me reprocher mon sens de la mesure et de la tempérance???
PANDOLFE: (un peu interloqué)
Non, non
ZERBINE :
Oui, monsieur chacun vaut son prix, je veux qu’en ce logis tout le monde s’empresse, ait pour moi des
égards, qu’ils me regardent tous comme si j’étais la maîtresse, Archi-maîtresse entendez-vous ?
PANDOLFE :
Fort bien ! Sachons donc madame ce qui peut la mettre en courroux ?
ZERBINE :
Cet impertinent de Scapin qui vient….
PANDOLFE :
Ah ! Tout doux, il ne mérite point de blâme, c’est de ma part.
ZERBINE :
Avec de si sottes façons... qui se donne les airs de faire des leçons ! Mais…. Il le paiera sur mon âme.
PANDOLFE :
C’est de ma part te dis-je.
ZERBINE :
Eh ! Pour quelle raison s’il vous plait ?
PANDOLFE :
Pourquoi mon chocolat n’est-il pas encore fait ?
ZERBINE :
Monsieur point de colère, assurément quoique vous en disiez, je n’irai pas à présent vous en faire.
(avec ironie) Ne voyez vous donc pas que je suis dans mon bain.
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PANDOLFE :
Il faut donc ?...
ZERBINE :
Il faut donc que vous vous en passiez !
PANDOLFE : à Scapin
Et bien soit! Maintenant que j’ai bu ma tasse, Scapin tu peux disposer.
ZERBINE :
De quoi rit ce nigaud ?
PANDOLFE :
Oh ! Qu’il a bien raison il rit de ma sottise, elle est complète, je me laisse mener ici comme un oison
par une insolente soubrette. Mais c’est aussi trop en abuser, il faut se raviser.
Sans fin sans cesse, nouveau procès
Et si et mais et oui et non, tout sur ce ton
Jamais, jamais au grand jamais on n’est en paix
Mais que t’en semble à toi ? (bis)
Dois-je en crever moi ? Non par ma foi .
Un jour viendra qu’on se plaindra, qu’on gémira,
Quand on sera dans la détresse
On maudira son triste sort,
On sentira qu’on avait tort.
Qu’en penses-tu ? N’est-il pas vrai ? Haï ?…
Quoi ?... dis toi ?
Oui, oui sur ma foi !
Sans fin sans cesse, nouveau procès
Et si et mais et oui et non, tout sur ce ton
Jamais, jamais au grand jamais on n’est en paix
Mais que t’en semble à toi ? (bis)
Dois-je en crever moi ? Non par ma foi.
ZERBINE:
Enfin pour vouloir trop bien faire auprès de vous je me fais une affaire.
PANDOLFE: à Scapin
(La pauvre fille tu l’entends?)
ZERBINE :
Vous payez là d’un beau salaire tous les soins que de vous je prends des duretés, des mauvais
compliments, voilà de vos remerciements !
PANDOLFE :
Oh ! Cela n’est pas bien !
ZERBINE :
Joignez y l’ironie pour faire mieux.
PANDOLFE :
En effet j’ai grand tort. Il ne faut pas que je le nie.
ZERBINE :
Allez vous devriez avoir quelques remords de me traiter ainsi.
PANDOLFE :
J’en demeure d’accord.
ZERBINE :
Allons poussez la raillerie, elle est tout à fait de saison, et ce ton de plaisanterie vous sied on ne peut
mieux.
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PANDOLFE :
Je quitte la partie, car elle aura toujours raison. Scapin va me chercher ma canne et mon épée, je
dois sortir. Scapin veut sortir)
ZERBINE :
Oh ! La bonne équipée ! Il ne manquait plus que ce trait. Voyez un peu la belle idée. De sortir à l’heure
qu’il est !
PANDOLFE :
Mais dites moi donc, s’il vous plait, de quoi diable madame ici se mêle-t-elle ? Je veux sortir. Je
sortirai ! Et ce n’est pas une pendarde de servante qui m’en empêchera !
ZERBINE :
Vous ne sortirez pas ; et si vous vous obstinez, je m’en vais de ce pas fermer la porte à clef !
PANDOLFE :
Fut-il jamais insolence pareille !
ZERBINE :
Oh bien ! Criez, pestez, sachez qu’il n’en sera ni plus ni moins que ce qu’il me plaira.
PANDOLFE :
Scapin, je l’avouerai, cela me passe; je ne m’attendais à cet excès d’audace; d’étonnement… Tous
mes sens stupéfaits…. Pour avoir trop à dire…. Je me tais !
ZERBINE :
Eh ! Mais ne fait-il pas la mine ?
Comment je crois qu’il se mutine ;
Bon, bon c’est que monsieur badine
Je veux que sans caprice, sans murmurer
On obéisse paix donc,
Zerbine le veut ainsi, paix donc paix donc
Elle est maîtresse ici.
Que tout ceci finisse ou j’en ferai justice.
Monsieur me fais-je entendre assez ?
Vous pouvez me comprendre
Vous avez du l’apprendre depuis dix ans passés que vous me connaissez.
Eh ! Mais ne fait-il pas la mine ?
Vraiment je crois qu’il se mutine ;
Bon, bon c’est que monsieur badine
Je veux que sans caprice, sans murmurer
On obéisse paix donc,
Zerbine le veut ainsi, paix donc paix donc
Elle est maîtresse ici.
Que tout ceci finisse ou j’en ferai justice.
PANDOLFE : (à Scapin)
Cela suffit ! Scapin va maintenant chercher mon manteau. Je dois sortir afin de donner ma
leçon de chant.
ZERBINE : (à Scapin qui hésite)
Eh bien qu’est-ce qui t’arrête ? Va, Scapin, va donc, du grand professeur Pandolfe, chercher les
effets. Monsieur le philanthrope qui donne ses leçons pour rien. Nul sequin au terme de son
instruction. Allez, courrez, cher Pandolfe, mais sachez que la ruine menace.
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PANDOLFE : 1er air du Maître de musique sur d’autres paroles
Sur toi, mégère
Que ma colère
Eclate entière
E-clat’
Eclate entière
Nulle prière
Toujours la guerre
Quel caractère
Elle m’exaspère
Eh laisse, laisse moi, laisse moi,
Va laisse moi,
Va laisse moi
Tais toi
Tais toi
Je désespère
Elle m’exaspère
Ah ! Quel caractère
Je désespère
Toujours la guerre
Tou-jours la guerre
Que ma colère
Eclate entière
Eh laisse, laisse moi
Va, va laisse moi, va laisse moi
Tais-toi
Tais-toi
Va laisse moi
(au comble de la colère)
Je n’y puis plus tenir, il faut absolument me délivrer de ce tourment. Scapin, va de ce pas me chercher
une femme : fût-elle un monstre, une guenon, qu’elle vienne à coup sûr, je ne dirais pas non, l’hymen
n’effraye plus mon âme, c’est un secours que je réclame pour me sauver de ce démon.
ZERBINE :
Monsieur veut donc enfin tâter du mariage ? Oh ! Pour le coup, je suis de son avis, ce dessein me plait
fort, je donne mon suffrage.
PANDOLFE :
Madame approuve donc ?
ZERBINE :
On ne peut davantage.
PANDOLFE :
De si sages conseils doivent être suivis, je promets bien d’en faire usage.
ZERBINE :
Je l’espère.
PANDOLFE :
Et cela pas plus tard que demain. Oui dès demain sans faute je m’engage.
ZERBINE :
Et c’est à moi que vous donnez la main.
PANDOLFE : (en colère)
Oh ! L’impudence extrême ! A toi !
ZERBINE :
A moi.
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PANDOLFE :
Toi coquine !
ZERBINE :
A moi même.
PANDOLFE :
Je ne sais ce qui me tient…. Oser prendre ce ton ! Mais comment ? Pour qui me prend-on ? Reste
céans mon bon Scapin. Nul besoin d’aller me chercher une épouse ! Sache, pendarde que j’ai
présentement ce qu’il me faut et que de mon côté je suis amoureux !
ZERBINE :
Vous ! Maître Pandolfe?
PANDOLFE :
Moi, parfaitement ? (avouant) Je suis épris d’une de mes jeunes élèves, d’un grand talent.
Gracieuse, douce, bien née, dotée d’une voix telle que l’on ne pourrait se l’imaginer sortir
d’un gosier humain.
ZERBINE :
Etes-vous donc amoureux d’un merle, maître Pandolfe ?
PANDOLFE :
Qui te parle de merle, je te parle de Lauretta Zerbinetta….
ZERBINE : ironiquement
Zerbinetta ? Ah ça !
PANDOLFE :
Nom courant, je te l’accorde.
ZERBINE :A part
Quel serin ! (à Pandolfe) Ainsi vous voilà épris pour une écervelée de chanteuse. Beau
tableau de chasse en effet !
PANDOLFE :
Tais-toi donc, ignorante. Comment oses-tu donc émettre un avis sur cette question
hautement musicale ; voici des considérations qui dépassent de loin ton entendement.
ZERBINE :
Je ne comprends point un tel revirement ! Vous dites toujours que les chanteuses ne sont
point de vos goûts ?
PANDOLFE :
Les chanteuses au théâtre certes, ce ne sont que pécores et courtisanes… mais celle-ci n’est
encore que mon élève ce qui l’auréole d’une innocence lumineuse et d’un charme adorable.
ZERBINE (à part)
Attends un peu monsieur l’impertinent… (à Pandolfe) vous avez beau dire et beau faire, vous n’en
aurez jamais d’autre que moi.
PANDOLFE :
Suffit ! Ne m’échauffe point la bile ! Mais je préfère quitter la place. Mon élève m'espère
dans l’impatience de recevoir sa leçon. Et sache Zerbine que je souhaite te trouver dans
de meilleures dispositions à mon retour.
ZERBINE :
A votre retour, vous n’aurez plus de servante à la maison. Nous verrons bien de quel côté
penchera la raison.
PANDOLFE :
Pendarde, ne te risque point à pareille décision.
46
ZERBINE :
Je ne veux point être au service d’un vieux barbon amoureux de chimères.
PANDOLFE : (A part retenant sa colère)
La mâtine me tient ! (haut) Brisons là ! Je sors… et que mon dîner soit prêt à mon retour.
(il sort)
ZERBINE : (riant aux éclats)
Quel nigaud, n’a t’il rien remarqué ? (à Scapin qui a entendu la fin de la scène précédente). Dans
sa suffisance masculine il n’a point distingué la malignité de la ressemblance entre son
élève et sa servante. Toi, tu le sais Scapin : je veux chanter, je possède une voix, je crois.
Mais, ô dieux ! Jamais à sa domestique Pandolfe aurait appris la musique. Se faire passer
pour une autre fut un jeu, et voilà maintenant six mois que gracieusement mon maître
m’apprend l’art de la vocalise. Ah oui ! Le voilà amoureux d’une autre ?… Mais d’une autre
qui n’est autre que moi. Allez ! Scapin aide à déguiser la servante de Pandolfe …. en
Lauretta Zerbinetta. On verra bien qui de nous deux aura sa raison ! (elle se déguise et se
maquille avec l’aide de Scapin sur l’air suivant)
Charmant espoir qui nous enchante
Rends enfin mon âme contente
Calme l’attente impatiente qui me tourmente
Après avoir écrit un billet à Scapin.
Me voici maintenant accoutrée de telle manière que mon Maître ne pourra voir la servante
sous les habits de la chanteuse. Tiens mon brave Scapin donne lui , à son retour, ce billet. Et
dis lui bien que je suis partie de son logis définitivement, et surtout Scapin n’oublie pas le
petit service que je t’ai demandé. Elle sort
PANDOLFE : (revenant et criant à la cantonnade)
Zerbine…. Zerbine…. Ah ! Elle va m’entendre cette maudite servante… Zerbine…. Cette
pendarde, par son frénétique entretien, m’a fait prendre du retard, du coup, de mon élève,
j’ai trouvé la porte close. Le cher ange a dû s’impatienter. Scapin, où donc est Zerbine ?
(Scapin arrive et lui tend le billet de Zerbine) Un billet ? (Scapin lui fait signe qu’elle est partie
définitivement, Pandolfe ne comprend pas les signes de Scapin et essaye de deviner ce que Scapin
veut dire scène en impro). Comprenant enfin : Ah ! La carogne elle est partie ! Et bien, qu’un bon
vent lui tienne. Voyons ce billet. (Il lit) O joie, O bonheur, Lauretta Zerbinetta est ici, cette
piquante beauté est venue chercher le savoir en ma demeure. Vite Scapin range mon
manteau et introduit cet ange de la musique.
ZERBINE : (grossièrement maquillée et perruquée, avec un accent italien)
E allora, Maestro Pandolfo, c’est donc à moi de me déplacer. Vous ne daignez plus vous
rendre jusqu’à vos élèves. Voilà de bien sottes prétentions !!
PANDOLFE :
Du tout du tout mais ma servante…..
ZERBINE :
Suffit, ne mettez point sur le dos de vos domestiques vos manquements les plus
élémentaires. Je ne suis pas contente maestro Pandolfi…. (se reprenant) Pandolpho. Je
trouve que depuis un certain temps vous délaissez votre art, votre enseignement ne porte
plus ses fruits…
PANDOLFE :
Mais, chère demoiselle, je vous interdis de penser de la sorte…
ZERBINE :
Silenzio !…. Mettons nous au travail de suite … Prenez votre instrument et accompagnez
moi docilement afin que vous puissiez juger des progrès de mon talent.
PANDOLFE : (s’exécutant dans un premier temps puis se reprenant)
Mademoiselle je vous prie de m’excuser mais ce n’est point le jour à m’échauffer. Ce ton ne
sied guère à une élève et je vous prie de rabattre quelque peu votre caquet.
47
ZERBINE : (faisant mine de ne point comprendre)
Votre…. ?
PANDOLFE :
…. Caquet mademoiselle ! Caquet ! Verbiage si vous le préférez. Vous ne savez pas à qui
vous vous adressez de la sorte… N’oubliez pas que je vous dispense gracieusement mon
savoir. (musique) Pour votre gouverne, sachez plutôt que l’on vient me consulter des par
tout le pays pour recueillir mon savoir et…
Air du Maître de musique
Que nos chanteuses les plus fameuses
Qui des savants enchantent les sens
Me doivent toutes leurs talents
Sons permanents, tons fulminants
Tremblements, passages, roulements
Grands intervalles surprenants
Toutes toutes me doivent leurs talents.
Alors maintenant il suffit et mettons nous au travail… Avez-vous votre musique ?
ZERBINE :
Je ne l’ai point prise.
PANDOLFE : (déconcerté)
Vous êtes venue sans rien ??
ZERBINE :
Dites moi donc Professeur, devais-je donc me charger considérablement alors que c’était à
vous de venir jusqu’à chez moi?
PANDOLFE :
Oui c’est bon, c’est bon ! … J’ai la musique ici… Je vous la donne.
ZERBINE :
Impossible !
PANDOLFE :
Comment cela impossible ?
ZERBINE :
Il n’y a point mes annotations et sans mes annotations je ne saurais chanter la moindre
note.
PANDOLFE :
Il suffit mademoiselle ! Vous commencez à m’échauffer les oreilles ! Désirez-vous chanter
oui ou non ?
ZERBINE :
Pensez-vous que je me sois dérangée pour rien ?
PANDOLFE :
Alors travaillons !
ZERBINE :
A vos risques et périls… car sans mes annotations….
PANDOLFE :
Oui… Oui nous savons cela… Alors n’oublions pas les fondamentaux : (dans un débit rapide et
tout en lui donnant une partition, il prend sa guitare) élargissez bien le bassin, allongez votre
colonne de souffle, dissociez le diaphragme de la cage thoracique, élevez le palais contre la
cloison nasale, aplatissez le haut de votre langue jusqu’à rejoindre la luette, les chevilles
bien enfoncées au sol afin d’élargir le son et le haut du crâne bien accroché au balcon, ne
pensez plus à rien et maintenant…. Chantez !
48
ZERBINE :
Un pilote battu de l’orage et bientôt près du naufrage
Loin du port et du rivage
De la fureur des vents
Sait faire visage
Pour un temps il cède à leur rage.
PANDOLFE :
Que désires-tu Scapin ? Laisse-nous donc un peu, je n’ai que faire de toi… Ne vois-tu pas
que je suis occupé à dispenser ma leçon ? (Scapin reste et se dirige vers Zerbine) Dis-moi
maraud, d’être muet ne te suffit donc point, il te faut maintenant rester sourd à mes
ordres ?
ZERBINE : (à Pandolfe, dépitée)
D’où l’on voit vos despotes manières pour vous adresser à vos gens…. Que veux-tu mon
brave Sca…. (se reprenant) Mon ami (il lui tend son carnet) Un autographe ?? (soudain
minaudant)… Mais bien sûr… Votre nom ???
PANDOLFE : (restant interloqué)
Scapin ?
ZERBINE : écrivant sur le carnet
Sca-pi-no !
PANDOLFE :
Comment pharisien ! … Tu connais mademoiselle ??
ZERBINE :
Et quoi ?? Sans doute m’a t’il vue au théâtre…. (à Scapin qui fait signe que oui et lui rendant son
carnet) Voilà mon brave ami…. Je chante aux Italiens la semaine prochaine… Faites vous
connaître… Une place vous sera réservée.
PANDOLFE :
Mais comment ??? Déjà ? Vous chantez aux Italiens??…
ZERBINE :
Cela semble vous étonner Maestro?
PANDOLFE :
Oui… Non… Un peu… Mais pourquoi ne m’avoir rien dit ??
ZERBINE :
Je n’aime pas savoir mes professeurs dans la salle, cela m’intimide et de plus, risque de
décourager quelques amoureux potentiels… (avec un petit air entendu) Vous savez ce que
c’est !
PANDOLFE : (suffoqué)
Des amoureux po... ? Vous me semblez bien conforme à la réputation des gens de votre
société, ma jeune demoiselle.
ZERBINE :
Vous voilà bien dédaigneux sur la condition d’artistes Signor Pandolfo… Sachez, cher
professeur, vous qui ne connaîtrez jamais les joies du feu de la rampe, ni les délicieuses
acclamations de spectateurs nombreux, ni la foule d’admirateurs séduisants et fortunés se
pressant à la porte de votre loge, ni les soupers fins en de galantes compagnies, combien le
théâtre vous offre de violentes émotions et de délicieuses vibrations :
49
Quel délice ne trouve point une actrice
Sur la scène et dans la coulisse
L’on, dans un doux délice, admire
Puis soupire
A l’autre on entend quel feu
Quelle chaleur elle m’inspire fort bien
Quel plaisir est le mien
A peine je respire et des pieds et des mains
Dans son transport il claque fort Ta ta ta ta
Quel plaisir, quel délice n’éprouve point l’actrice
L’un dans un doux délice admire et puis soupire
Plus loin à l’autre on entend dire à peine je respire fort bien
Quelle chaleur elle m’inspire
L’envoi aura beau dire il faut claquer bien fort
Ta ta ta ta ta
PANDOLFE : (avec une grande tristesse)
La leçon est terminée, je n’ai plus rien à vous apprendre.
Adieu mademoiselle.
ZERBINE : (avec mauvaise foi)
Comment ? Vous me mettez à la porte ?
PANDOLFE :
Je vous demande simplement de ne plus mettre les pieds dans cette maison. Je ne saurais
faire avec une élève fourbe et dissimulatrice.
ZERBINE : (continuant le même jeu)
Et moi, je ne saurais supporter d’un petit maître un tel outrage, je parlerai en haut lieu de
vos agissements intolérables, votre incompétence deviendra d’ici peu notoire et votre
carrière sera définitivement brisée !
Ingrat je romps ma chaîne
Je te promets toute ma haine
Pour jamais ingrat je te promets
Hélas j’ai beau le dire
Mon coeur ne le pense pas
Hélas il soupire tout bas
PANDOLFE :
Je quitte les lieux et lorsque je serai revenu, je veux que vous soyez sorti de chez moi.
Adieu (il sort)
ZERBINE : (se retrouvant seule)
Le pauvre mignon, il me fend le coeur, mais il se peut bien que maintenant nous
n’entendrons plus parler ni de chanteuses ni de Lauretta Zerbinetta. Au public Comme nous
sommes habiles, nous autres femmes, à obtenir ce que nous désirons quand on s’en offre un
peu les moyens. Dans tous les cas, mon affaire va bon train et je pense qu’après l’ultime
farce que je lui prépare, notre bonhomme sera tout à nous. A vous de chanter, cher
professeur. Et je veux que, fou d’amour, vous m’apparteniez entièrement. (tout en se
changeant, et remettant le costume de Zerbine)
Vous gentilles jeunes filles, aux vieillards, qui tendaient vos filets,
Qui cherchez des maris beaux ou laids,
Apprenez, retenez bien mes secrets, vous allez voir comme je fais
Tour à tour avec adresse, je menace je caresse tour à tour
Quelque temps je me défends mais je me rends
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Scapin, c’est maintenant qu’il faut faire paraître ton zèle et ton esprit, et ne rien négliger pour faire en
mes filets tomber notre bon maître ; tu verras alors si je sais reconnaître les soins qu’on prend pour
m’obliger. Dans ce réduit obscur cependant va te mettre, déguise toi bien comme nous l’avons dit
et cache toi là quelques instants, je t’en ferai sortir quand il en sera temps, file ! Pandolfe reviens…
(elle le fait entrer dans le cabinet)
PANDOLFE: revenant, il se méprend devant la silhouette de Zerbine
Vous êtes encore là madame…. Ah excuse moi Zerbine je croyais…
ZERBINE: (de dos s’étalant un masque de beauté pour cacher le maquillage de la Lauretta Zerbinetta)
Qu’est-ce donc, monsieur le séducteur ?
PANDOLFE:
Rien… un rêve qui s’efface…
ZERBINE:
Votre élève vous a fait faux bon ?
PANDOLFE:
En quelque sorte. Mais qu’ais-je donc à discourir avec toi, je te croyais partie.
ZERBINE:
Du tout, c’est encore ce Scapin qui ne comprend rien, j’étais dans ma chambre à me faire
une beauté (elle se retourne)
PANDOLFE: effrayé devant le masque de beauté étalé sur le visage de Zerbine
Aaaah ! qu’est-ce donc ?
ZERBINE:
Mais rien… Une mixture de ma façon… avez vous réfléchi à ma proposition ?
PANDOLFE:
Tu connais ma réponse ! Et de plus comment veux-tu que je te réponde avec cela sur la
figure ?
ZERBINE:
Oh voilà bien de l’embarras pour si peu…. Je vous croyais séduit par quelques guenons….
Agacée Voilà…. il n’y paraît plus rien ! Prenant une serviette, elle efface masque et maquillage, son
visage apparaît sans fard,Pandolfe semble soudain ému par le visage de Zerbine.
PANDOLFE: (s’adoucissant)
Tu es bien jolie Zerbine (se reprenant) mais …. c’est non !
Duo
ZERBINE :
Je devine à ces yeux, à cette mine
Fine, fine assassine,
Vous avez beau dire non,
Bon ! Vos yeux disent que si, si, si, si,
Et je veux le croire ainsi
PANDOLFE :
Ma divine, vous vous trompez à ma mine,
Très fort, prenez un peu moins d’essor
Mes yeux avec moi d’accord vous diront :
Vous avez tort !
ZERBINE :
Mais pourquoi, je suis jolie, douce, polie
Voulez vous de l’agrément, de la finesse
Des bons airs de toute espèce, gentillesse, noblesse ?
Regardez moi !
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PANDOLFE :
Sur mon âme elle me tente
Elle est charmante
ZERBINE :
Pour le coup il devient tendre
(à Pandolfe)
Il faut se rendre
PANDOLFE :
Ah ! Laisse moi !
ZERBINE :
Il faut me prendre !
PANDOLFE :
Tu rêves je crois !
ZERBINE :
Tu veux en vain t’en défendre
Il faut que tu sois à moi
Je t’aime, je suis à toi, sois donc à moi
PANDOLFE :
O peine extrême
Je suis ma foi tout hors de moi
ZERBINE :
Je devine à ces yeux, à cette mine
J’entends bien mon mignon
Vous avez beau dire mais ce n’est pas tout de bon
Mais comment mais pourquoi
Je suis jolie, mais très jolie
Au plus jolie
Il en tient je le vois,
Rien n’efface ma grâce
Regardez moi
PANDOLFE :
Ma divine , il n’en est rien
C’est tout de bon
(à part)
En ferais-je la folie
Pour cela je pense que j’en tiens là !
La ra la la la
Ah laisse moi, non je ne veux pas de toi
Ah je suis tout hors de moi
Quelle peine ! quelle gêne !
ZERBINE :
Alors maître Pandolfe… c’est toujours non ?
PANDOLFE :
Oui !
ZERBINE :
Bien monsieur finissons de la sorte il n’est plus temps pour moi de plaisanter, je vais enfin cesser de
vous déplaire.
PANDOLFE :
Oh, pour cela je l’espère
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ZERBINE :
Dans peu l’hymen vous range sous sa loi ?
PANDOLFE :
Il est vrai j’en avais la pensée, mais ne te flatte pas que ce soit avec toi !
ZERBINE : (avec une grande mauvaise foi)
Je me connais monsieur et suis un peu sensée, un tel espoir ne m’a jamais bercée. Et pour preuve
qu’ici je dis la vérité c’est que j’y pense aussi de mon côté.
PANDOLFE :
Vous y pensez ?
ZERBINE :
Bien plus ! L’affaire est avancée. J’ai déjà choisi mon époux….
PANDOLFE :
Oh ! qui peut aller aussi vite que vous ? Il suffit donc que madame se montre, et soudain les maris
viennent à sa rencontre ?
ZERBINE :
Mais quelquefois on trouve en un moment ce qu’en dix ans on cherche vainement.
PANDOLFE :
Et ce mari qu’un sort si prompt amène, que fait-il ?
ZERBINE :
Il est capitaine.
PANDOLFE :
Cet état donne moins d’argent que de renom. Peut-on aussi savoir son nom ?
ZERBINE :
Sa fougueuse valeur que jamais rien n’arrête, l’a fait nommer Capitaine Tempête.
PANDOLFE :
J’entends, il est un peu brutal.
ZERBINE :
Il est vrai qu’il ne l’est pas mal.
PANDOLFE :
En ce cas là, je crains le sort qu’il ne te violente.
ZERBINE :
C’est mon affaire : nous verrons ce qu’il fera lorsque nous y serons ; d’avance il ne faut pas
dit-on chômer la fête.
PANDOLFE :
Moi d’abord je serais sincèrement fâché, je t’ai toujours voulu du bien, et j’ai tâché en toute
occasion de le faire paraître ; tu le sais bien.
ZERBINE :
Ah ! Mon cher maître mon coeur vous est aussi sans réserve attaché ; et je voudrais pouvoir faire
connaître quels sentiments chez moi vos bontés ont fait naître ?
53
Jouissez cependant du destin le plus doux ;
Soyez longtemps l’heureux époux de celle que le ciel aujourd’hui vous destine,
Souvenez vous quelquefois de Zerbine
Qui tant qu’elle vivra, se souviendra de vous.
A Zerbine laissez par grâce quelque place dans votre souvenir
L’en bannir quelle disgrâce !
Et comment la soutenir !
Il est ma foi dupe de ma grimace :
Je le vois déjà s’attendrir.
De Zerbine gardez par grâce quelque trace
L’oublier ? Quelle disgrâce et comment la soutenir ?
Il y va venir je le vois déjà s’attendrir
Il y va venir il ne peut plus longtemps tenir.
Si je fus impertinente, contrariante, extravagante
Vous m’en voyez repentante
Pardonnez moi.
Mais … il me prend la main
Ma foi, l’affaire est en bon train !
PANDOLFE : (à part)
Ah ! Combien j’ai de peine du parti qu’elle prend !
ZERBINE : (à part)
En vain il se défend. Ma victoire est certaine.
PANDOLFE :
Va ne doute pas mon enfant, que de toi je me souvienne.
ZERBINE : (à part)
Frappons le dernier coup de peur qu’il n’en revienne (haut) Voudrez vous m’accorder encore une
faveur ?
PANDOLFE :
Qu’est-ce encore?
ZERBINE :
Que mon prétendu vienne vous offrir ses respects.
PANDOLFE :
Il me fait trop d’honneur, je le veux bien.
ZERBINE :
Je vais en diligence l’en avertir et l’amener ici. (elle sort)
PANDOLFE :
Quel sera donc enfin cet homme-ci ?
Elle m’a l’air de faire avec lui pénitence.
D’avoir trop éprouvé ma patience
S’il est comme elle dit aussi brutal
Il la traitera mal sur ma parole
Ah pauvre folle !
Mais moi ne pourrais-je pas ?
Quoi ma servante ! Serais-je le seul dans ce cas ?
Est-ce un crime qu’on se contente.
Réfléchissons !
Eh fi donc je m’oublie, ah ! Plutôt bannissons cette folie.
Mais tout doux, j’ai moi même élevé cette fille,
Je sais quelle est sa famille
Eh ! roi des fous….
Ecoutons nous…. Non je saurai me défendre….
Mais la pitié me rend tendre ;
A quoi doit elle s’attendre ?
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Je la plains ! Quel parti prendre ?
Oh ! Je ne sais auquel entendre.
Quel est mon embarras, ne finira t-il pas ?
Je sens je ne sais quoi.
Plus fort que moi, serait ce tendresse
Serait-ce pitié
Amitié ? Mais une voix secrète répète :
Pandolfe pense à toi
Certain je ne sais quoi plus fort que moi me fait la loi !
(bis)
Mon esprit incertain ne peut tenir en place
Mais plus il se tracasse ; et plus il s’embrasse
Et se tourmente en vain et se tourmente vain.
Quel est mon embarras ! Ne finira t’il pas ?
Certain je ne sais quoi plus fort que moi me fait la loi !
ZERBINE :
Monsieur le capitaine est là : peut-il paraître ?
PANDOLFE :
Oh qu’il entre, il est bien le maître.
ZERBINE :
Entrez monsieur ! Entre Scapin déguisé en soldat sur une petite machine de guerre
PANDOLFE :
Oh ! oh ! Comme cet homme est fait et combien sa mine est orageuse !! Le faux capitaine salue
Pandolfe brusquement. Pandolfe lui rend le salut et lui dit : Monsieur veut donc épouser cette fille ?
(Scapin lui envoie une boulette en papier par le biais d’un des canons qui lui sert
d’accoudoir)
ZERBINE:
Il vous envoie un message Maître Pandolfe. Daignez s’il vous plait le lire.
PANDOLFE : (lisant)
J’épouse Zerbine, si vous me contrariez en quelconques manières, je vous trucide ! Lui
semble t-elle assez gentille pour la justifier d’oser franchir le pas ? (à Zerbine) mais, dis moi ne parle
t’il pas autrement que par boulettes ?
ZERBINE :
Il est, je le confesse, un peu bizarre sur ce point, la peur de trop parler fait qu’il ne parle point.
(Scapin envoie une boulette à Zebine) Oh ! il me fait signe… est-il tendre !... elle déplie la
boulette et lit Oui c’est à moi qu’il s’adresse, souffrez qu’un moment je vous laisse…. Je dois
m’entretenir avec mon futur (elle va parler à Scapin)
PANDOLFE :
Cet homme me déplait aussi parfaitement ! Quoi donc ! Je souffrirais patiemment que ce vilain hibou
fasse aujourd’hui l’emplette de cette jeune et gentille fauvette ?
ZERBINE : (à Pandolfe)
Savez-vous bien monsieur ce qu’il dit ?
PANDOLFE :
Eh bien quoi, qu’a-t-il dit ?
ZERBINE : (affectant de la timidité)
Il a dit que si consentez à ce mariage aujourd’hui, vous voudrez bien me tenir lieu de père,
et me donner ma dot.
PANDOLFE :
Dis moi, perds tu l’esprit ? Qu’il aille se promener.
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ZERBINE :
Eh, monsieur, je vous prie, parlez plus bas, s’il avait entendu, vous seriez un homme perdu : je vous
ai dit qu’il entre aisément en furie. (scapin envoie une boulette vers Pandolfe, celui- ci déplie le
papier et lit :
PANDOLFE :
CRAIGNEZ MON COURROUX ! Mais je me moque ici de son courroux.
ZERBINE :
Y pensez vous détenir ce langage ? Vous pourriez tout au plus montrer ce grand courage, si vous étiez
derrière vos verroux. Je crains que vous n’ayez excité sa colère… Voyez comme il vous considère.
(Scapin envoie une multitudes de boulettes)
PANDOLFE :
Il est vrai je commence à craindre tout de bon, je suis seul, s’il allait faire le furibond ! Scapin !! Où
donc est il fourré ce maître ivrogne ? Scapin ??
ZERBINE :
Vous l’appelez en vain . Il est sorti. Mais Monsieur, il faudrait enfin prendre un parti ; le capitaine
attend, sa mine se renfrogne, il pourrait se fâcher, je vous en avertis.
PANDOLFE :
Ecoute, as-tu conclu tout à fait ?
ZERBINE :
A vrai dire je peux encore ailleurs jeter les yeux.
PANDOLFE :
Eh ! Bien si tu veux te dédire, je connais un parti qui te conviendrait bien mieux.
ZERBINE :
Oui, mais un obstacle m’arrête.
PANDOLFE :
Lequel ?
ZERBINE :
Il n’est pas homme à céder sa conquête. Au premier qui viendrait pour moi se proposer, il
faudrait que ce fût un parti bien honnête.
PANDOLFE :
Eh… Mais … Si c’était moi qui voulait t’épouser ?
ZERBINE :
Vous monsieur ??
PANDOLFE :
Oui, ma chère il n’est plus temps de feindre. A cet aveu tu sais à la fin me contraindre. Je t’aime, je
t’adore, et je suis comme un fou. Prends ma main, prends mon coeur, prends mon bien et renvoie ce
maudit spadassin, ce franc oiseau de proie, à qui Satan puisse tordre le cou.
ZERBINE :
Ah ! Mon cher Maître, en conscience, vous méritez la préférence ; je vous la donne et c’est de très
grand coeur ; voilà ma main, vous êtes le vainqueur.
PANDOLFE :
Il ne faut pas non plus braver le capitaine, attends qu’il soit sorti de ma maison.
ZERBINE :
Oh ! Ne vous mettez pas en peine, je vais d’un mot le mettre à la raison. (à Scapin) Scapin ! Tu peux
quitter cet attirail fantasque, nous n’avons plus besoin de masque. (Scapin se découvre en riant aux
éclats)
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PANDOLFE :
Comment faquin, c’est toi ?
Scapin fait signe que oui
ZERBINE :
Et la Lauretta Zerbinetta…. (elle chante) C’est moi !
PANDOLFE:
Comment diablesse c’était toi ??
ZERBINE:
Et oui Maître Pandolfe à votre servante vous avez appris l’art du chant !
PANDOLFE:
Impudente ! Oser me tromper de si cruelles façons ?....
ZERBINE: (avec l’accent)
Ma ! Revenez à la raison caro professore , auriez vous donnez vos leçons à une
domestique ?
PANDOLFE:
Et le logis où nous travaillions ?
ZERBINE:
Une amie camériste travaille chez un jeune Comte. Il est toujours absent. Ce fut alors un jeu
pour elle que de se procurer la clef de son logis, me la remettre et ainsi, j’ai pu tout à loisir,
vous y donner rendez-vous !
PANDOLFE:
Jolie fréquentation, Coquine! Mais je devrais te mettre à la porte pour m’avoir ainsi dupé !
ZERBINE:
De quoi vous plaignez vous ? Quand vous devez ma main à mon adresse ?
PANDOLFE : la prenant dans ses bras
Il est vrai, je ne puis me fâcher d’une farce qui met le comble à mes voeux les plus doux.
ZERBINE :
Elle remplit aussi les miens, mon cher époux. (à part) J’étais servante et je deviens maîtresse.
DUO FINAL
ZERBINE :
Me seras tu fidèle ?
M’aimeras tu toujours ?
PANDOLFE :
Oui, d’une ardeur nouvelle, je t’aimerai toujours !
ZERBINE :
Mais dis moi sincèrement.
PANDOLFE :
Je fais serment de t’aimer constamment.
ZERBINE :
Peut-être ton coeur te dément ?
PANDOLFE :
J’en fait serment sincèrement
ZERBINE :
Tu m’aimeras donc toujours ?
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PANDOLFE :
Toujours !
ZERBINE :
Toujours mêmes amours ?
PANDOLFE :
Oui !
ZERBINE :
Oui !
TOUS DEUX :
O douce ivresse,
Que ton charme renaisse
Sans cesse renaisse toujours.
Toujours mêmes amours
Toujours aimons nous toujours
FIN
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Les partitions
Air de Pandolfe
59
60
61
62
Air de Zerbine
63
64
65
66
67
68
69
Duo Zerbine-Pandolfe
70
71
72
73
74
75
76
77
78
79
80
81
82
Scarica

La servante maîtresse