paysages O croquer ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE ACTES DU COLLOQUE INTROD • ARVIER · SAINT-NICOLAS 17·18·19 oi;cEMBRE 2004 REGION AUTONOME DE LA VALLEE D' AOSTE ASSESSORAT DE L' EDUCATION ET DE LA CULTURE • BUREAU REGIONAL POUR 1 ET LA LINGUISTIQUE L ETHNOLOGIE CENTRE o' eruDES FRANCOPROVENçALES ISBN: 978-88-940156-3-8 PRQET INllJllEG lii A 2000-2006 l'WJ&f!IANCE I Rk.loN AUTONOME VAlleE D'AOSTt AS$ES$ORAf DE L'mUCATION ET DE LA QJL1UIE AS$ESSORAr DE l!AGRICUIJURE ET DES RESSCURCES Nl!IVREllES REPlAIUQIE ITALENtE www.paysages. n f o paysages à croquer ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE ACTES DU COLLOQUE INTROD· ARVIER· SAINT-NICOLAS 17·18·19 DÉCEMBRE 2004 1 RÉGION AUTONOME DE LA VALLÉE D AOSTE 1 ASSESSORAT DE L ÉDUCATION ET DE LA CULTURE· BUREAU RÉGIONAL POUR L'ETHNOLOGIE ET LA LINGUISTIQUE 1 CENTRE D ÉTUDES FRANCOPROVENçALES Colloque organisé par BREL, Bureau régional pour l’Ethnologie et la Linguistique en collaboration avec Centre d’Etudes Francoprovençales Coordination Laura Saudin Saverio Favre Préparation de l’ouvrage et révision des textes Rosito Champrétavy Secrétariat Cristina Mensi Stéphanie Barbero Révision des textes franç ais Brigitte Miron Service d’acceuil Irene Chevrère Ivana Cunéaz Nathalie Silvani Laura Trevisan Antonella Vanin Maddalena Vittaz Photos Eurofoto Costa Impression Arti Grafiche E. Duc Projet de communication Arnaldo Tranti Design Copie hors commerce. Hommage de la Région Autonome Vallée d’Aoste Assessorat de l’Éducation et de la Culture Bureau régional pour l’Ethnologie et la Linguistique ISBN: 978-88-940156-3-8 Paysages… à croquer Dans les départements français de Savoie et Haute Savoie, dans le canton Suisse du Valais et dans la Région Autonome Vallée d’Aoste, à côté des paysages naturels de roche, de glace et de neige éternelle, d’autres paysages ont été, eux, minutieusement construits par les populations locales, défrichant par ici, plantant et greffant par là ; creusant des canaux d’irrigation d’un côté, édifiant de spectaculaires terrasses de l’autre. Ces paysages exceptionnels contribuent fortement à l’identité d’un espace alpin qui s’articule autours de trois dominantes paysagères : les alpages, les vergers et les vignobles. Ce patrimoine, fruit de pratiques culturelles et culturales riches et diversifiées, offre un cadre de vie remarquable aux habitants des vallées alpines et contribue à l’image touristique montagnarde. Voilà le contexte dans lequel est né le projet Interreg III A Italie/France Paysages… à croquer, fruit de la collaboration, en ce qui concerne la Vallée d’Aoste, entre l'Assessorat de l’Éducation et Culture et l’Assessorat de l’Agriculture, Ressources naturelles et Protection civile. Dans la partie de compétence valdôtaine, le projet vise d’une part à examiner les aspects du paysage liés essentiellement à l’identité et à la mémoire, dans le but avant tout de collecter et sauvegarder les éléments de la culture traditionnelle, des savoir-faire qui ont pourtant disparu, en vue de renforcer l’identité culturelle de notre société qui a besoin, dans cette ère d’homogénéisation, d’un ré-enracinement ainsi que d’une réaffirmation de ses particularités. Cela aussi dans un but de promotion d’offre touristique. D’autre part, en ce qui concerne le secteur agricole, différentes initiatives sont au programme, telles que la recherche agronomique et la collecte d'anciennes variétés d’arbres fruitiers, pour préserver de la disparition les germoplasmes autochtones, et dans le but de créer un jardin conservatoire, aménagé pour les visiteurs et à l'intention de tout public. Il s’agit donc d’un projet très articulé et très diversifié, prévoyant un parcours comprenant plusieurs étapes, de la collecte à la sauvegarde, des relevés aux études, de la documentation photographique à la valorisation et à la diffusion, en passant par les croyances et le légendaire, avec d’intéressantes opportunités d’exploitations du point de vue touristique. En plus, l'initiative a aussi une vocation didactique et pédagogique et se propose d’apprendre aux enfants, sous forme de jeu, l’importance d'une gestion avisée et prévoyante du paysage. 3 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Voilà donc l’importance du souvenir pour conserver, objectif qu’il faut poursuivre à 360° , pour aboutir à une valorisation des produits autochtones, qu’elle soit culturelle d’une part et avec des retombées économiques de l’autre. Dans le cadre d’un projet transfrontalier conçu dans cette optique, le BREL (Bureau Régional pour l’Ethnologie et la Linguistique) est le partenaire idéal, côté valdôtain, possédant les qualités requises pour atteindre les résultats préconisés. Le BREL est en effet un service de l’Administration régionale disposant d’un centre de documentation composé, entre autres, d’imposantes archives photographiques et sonores, décrivant plus d’un siècle de vie valdôtaine, par une histoire qui n’a jamais été écrite mais qui découle de la mémoire des hommes. L’expérience spécifique du bureau, en ce qui concerne les enquêtes sur le terrain, le catalogage, l’archivage, la conservation et la diffusion de tout matériel linguistique et ethnographique, le rend à tous les effets un centre privilégié pour mener des actions visant à la récupération, à la sauvegarde et à la valorisation du patrimoine culturel dans sa globalité. Cette publication rassemble les textes des communications présentées lors du colloque, portant sur l’alimentation traditionnelle en montagne, organisé dans le cadre du projet. Les rapporteurs, spécialistes provenant de différents domaines et de formations différentes, ont abordé les nombreux volets du thème proposé et ont développé le sujet de plusieurs points de vue. Les différentes approches concernent les aspects techniques, gastronomiques, historiques, ethnographiques, commerciaux, vus aussi dans la perspective du changement entre passé et présent, et constituent un corpus d’un très grand intérêt dans l’économie générale du projet, aussi bien pour la variété que pour la qualité des données recueillies. 4 Allocution de bienvenue Teresa Charles Assesseur à l’Éducation et à la Culture Mesdames et Messieurs les participants, je vous adresse une chaleureuse bienvenue à ce colloque au thème particulièrement intéressant qui se déroulera, durant trois jours, dans trois communes différentes, ce qui vous donnera l’occasion de voir quelques endroits de la haute Vallée d’Aoste, ce qui ajoute de l’intérêt à l’argument qui nous réunit, c’est-à-dire Alimentation traditionnelle en montagne. Ce thème s’insère dans le cadre d’un grand projet communautaire, le projet Paysages à croquer - Valorisation culturelle des paysages agricoles patrimoniaux. Ce titre a aussi un double sens : d’abord un sens matériel, c’est-à-dire dans le sens de croquer quelque chose de matériel, comme on savoure, n’est-ce-pas, des aliments, de bonnes choses ou des choses savoureuses qui ont la saveur d’antan ; il s’agit aussi d’un sens symbolique, parce que le paysage à croquer c’est aussi notre paysage, celui qui nous entoure et que nous devons savoir savourer, mais aussi, et surtout, savoir sauvegarder. Ce double sens est, je crois l’esprit de ce projet. Je regrette de ne pas pouvoir assister à toutes les communications, car les arguments qui sont traités me semblent d’un énorme intérêt. En effet, tous les thèmes ayant un rapport avec l’alimentation d’antan son traités ainsi que les symboles, le rite ou les rites liés à l’alimentation, sans oublier l’aspect scientifique qui ne peut faire défaut au sein d’un tel colloque. Je me ferai donc un plaisir de lire les actes qui seront publiés et qui seront, sans aucun doute, d’un très grand intérêt. Je vous souhaite donc trois journées de bon travail en espérant que vous savourerez tout ce qui vous sera proposé. Merci de votre attention. 5 Allocution de bienvenue Robert Vicquéry Assesseur à l’Agriculture, aux Ressources naturelles et à la Protection civile C’est avec un vif plaisir mais aussi une certaine curiosité que j’ai accepté d’être parmi vous aujourd’hui. Je tiens cependant à vous avouer que lorsque j’ai pris connaissance du projet Paysages… à croquer, je me suis demandé s’il n’était pas un peu trop ambitieux… Par la suite, je me suis rendu compte, petit à petit, qu’il s’agit d’un projet concret même si quelque peu ambitieux. Le travail que vous faites est un travail excellent et qui présente deux facettes d’une même médaille : d’un côté l’aspect culturel, pour nous rappeler l’histoire de la Vallée d’Aoste qui nous est très chère et, de l’autre, l’aspect économique, qui est davantage du ressort de l’assessorat que je représente, un aspect particulièrement important à un moment où la Vallée d’Aoste aussi est touchée par la crise économique aussi bien au niveau national qu’international. En essayant d’être bref, je tiens à souligner deux choses : dernièrement le Gouvernement régional a approuvé une délibération qui concerne le château de Sarre, toujours dans le cadre du projet Paysages… à croquer, qui aboutira à une excellente initiative, du moins selon mon point de vue personnel, c’est-àdire la création d’un verger didactique, un site à l’avant-garde non seulement au Val d’Aoste mais aussi au niveau européen. Je suis fier de vous annoncer cette prochaine réalisation qui est le fruit de nombreuses heures de travail et dont je pense que demain le directeur du service Phytosanitaire, Monsieur Bondaz, vous parlera. Deuxième chose que je tenais à souligner : les produits typiques et les produits traditionnels qui seront traités dans la partie économique du projet. Nous sommes en train d’assister à un moment historique délicat : au niveau européen, seuls l’Italie et en partie la France, sont en train de défendre le thème des produits typiques. Un grand lobby international allant de l’Australie à l’Amérique et aux Pays du Nord est en train de se former… un véritable cartel 7 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE comme on dit, qui est en train de mener une dure bataille contre les produits typiques et les produits traditionnels. Une bataille que l’on risque de perdre du point de vue juridique. Donc, comme se défendre ? Évidemment des initiatives comme celles d’aujourd’hui sont des initiatives locales, mais elles ont cependant une envergure importante en ce qui concerne la défense des produits, des produits de niche qui sont les seuls en mesure de donner du ressort économique au Val d’Aoste. Merci donc pour cette initiative. Continuez sur votre lancée, j’oserais presque dire continuez le combat, car il s’agit vraiment d’un combat. 8 Usi del miele tra alimentazione e simbologia nei secoli passati: l’esempio della Valle d’Aosta Corrado Adamo Il miele, insieme ai prodotti dell’alveare, viene raramente citato e ancor meno trattato negli scritti relativi alla storia dell’alimentazione rispetto all’importanza invece riservata ad altre produzioni agricole e culinarie. Il miele può essere considerato un prodotto naturale e selvatico che ha comunque avuto sempre un suo ruolo fondamentale anche in cucina dove successivamente è stato so ppiantato dallo zucchero. Il miele è sempre stato usato e apprezzato dall’uomo fin dai tempi più remoti; ciò ha contribuito alla creazione di una simbologia comune su tutto il pianeta sia per il miele che per l’insetto che lo produce. L’ape, essendo ritenuta asessuata, rappresentava verginità e castità, ma anche operosità, ordine, purezza, coraggio e diligenza. Diverse religioni hanno da sempre abbinato l’ape alla vita e alla morte facendone un simbolo di immortalità per antonomasia. Se la figura dell’ape è legata alla vita e alla morte, il miele non può che essere simbolo di rinascita e usato nei riti religiosi legati alla fertilità e virilità. In particolare, in Valle d’Aosta, un simile aspetto di costume legato alle api, si manifestava quando un componente della famiglia dell’apicoltore o l’apicoltore stesso moriva. Era uso apporre su ogni alveare un drappo nero come se le api potessero interagire con le forze superiori, essere portatrici del lutto o parteciparvi alla stregua degli altri componenti del nucleo familiare. Questa usanza, che appartiene a tutta la regione, spiega da sola l’importanza che da sempre l’uomo ha attribuito alle api. Usi e costumi Volendo comunque ripercorre alcuni secoli di storia alla ricerca degli usi e dei costumi dell’area pedemontana ed in particolare della Valle d’Aosta dobbia9 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE mo comunque prendere atto che le fonti storiche riferibili al miele sono scarse anche se, leggendo tra le pieghe della storia, si possono trovare tracce evidenti di una pratica tanto antica quanto e più dell’uomo. La traccia più evidente del passaggio delle api e del miele attraverso i secoli è stata da sempre la cera ed è attraverso la cera che, negli antichi testi, fin dal XIII secolo, si comincia a sentire l’odore del miele. Gli scritti redatti dai notai o dai cellerari del tempo ci raccontano di eredità, contratti, entrate ed uscite, sempre relativi ai bugni villici ed alla cera e, raramente, al miele, ma non certo ai suoi utilizzi in cucina dandoli per scontati e di nessuna rilevanza economica o politica poiché pratiche giornaliere. Ritornando a leggere la storia della Valle d’Aosta, il reverendo King nel 1855, raggiunta la conca di By, dice: «La Valpelline gode di una infelicissima strada […] L’approvvigionamento dei viveri è difficile, ad eccezione fatta del latte, dei formaggi e del miele». Proprio il fatto di affiancare il miele al principale prodotto dell’agricoltura valdostana ci lascia intendere dell’importanza del miele in Valle d’Aosta, anche nell’alimentazione. Com’è dunque possibile che nessun testo esalti il miele relativamente al suo utilizzo in cucina? Perché sono così scarse le fonti? Perché anche se non lo si produceva seguendo delle precise tecniche agricole il miele era a disposizione? Il miele è stato uno dei primi alimenti consumati dall’uomo e, come 1930. Fierezza e orgoglio di un apicoltore valdostano davanti al suo ordinato apiario (archivio BREL, collezione Brocherel-Broggi) 10 Usi del miele tra alimentazione e simbologia nei secoli passati tale, dato quasi per “ scontato” perché comunque sempre presente, forse non in grandi quantità ma sufficiente almeno all’economia famigliare o del gruppo. In effetti si è sempre trattato di un bene facilmente reperibile, poiché frutto della natura e di un insetto libero e selvatico e quindi, inaspettata fonte di guadagno e alimentazione. A fine ottocento, quando il mercato richiese maggiori e più regolari produzioni non accontentandosi più di quanto la natura potesse offrire, si passò dalla “ rapina” del miele alla sua “ produzione” e ciò venne esplicitato anche dall’agronomo valdostano Laurent Argentier che l’8 settembre 1878 scrisse: « il ne suffit pas de tenir des abeilles, il faut encore les cultiver» . Sempre percorrendo il tempo alla ricerca di usi e costumi è forse il caso di soffermarsi su di una “ voce” molto interessante estratta dai mazzi della Castellania di Quart, alla fine del XIV secolo, relativa ad “ Apes orti” , “ api da giardino” ovvero bugni posti nelle vicinanze del castello e controllati da villici a tale scopo incaricati; vere e proprie bugnerecce i cui prodotti dovevano servire per gli usi del castello. La specifica “ orti” può essere un modo per differenziare alveari raggruppati in bugnerecce rispetto a sciami situati nei boschi intorno al castello anch’essi comunque conosciuti e vigilati. L’albero che custodiva lo sciame poteva anche essere segnalato o marcato ed eventualmente concesso in affitto a qualche contadino, oppure ancora poteva restare proprietà del Signore il quale pagava il servizio prestato al guardiano degli alveari che è lecito pensare avesse comunque altri compiti all’interno del dominio. Il fatto che, nei conti delle castellanie, le citazioni relative al miele siano comunque scarse, mentre abbondanti sono quelle relative alla cera, ci può fare azzardare un’ipotesi partendo da basi e conoscenze molto più ampie riguardanti gli usi ed i costumi della vecchia Europa dell’epoca medioevale. Considerato che lo zucchero non era un bene molto utilizzato poiché costoso, riservato a ordini ecclesiastici specie in occasioni e ricorrenze religiose, ai signori ed alle nobili famiglie, e che il suo uso era anche legato alla medicina quale curativo, si può ritenere che il miele svolgesse la comune funzione di dolcificante in cucina e per il consumo tal quale. Le api potevano quindi essere un bene della castellania ed il relativo miele usato per il consumo diretto non passando tramite registrazioni contabili se non presente in eccesso e quindi venduto. Volendo esaminare il valore economico del miele nel tempo si può osservare come nella raccolta delle leggi e degli usi in vigore nel ducato, pubblicato per la prima volta a Chambery nel 1588 la L. Pomar titolato “ Coustumes du Duché d’Aouste” , al titolo ventesimo del libro secondo, ci si occupa di quello che devono i singoli feudatari al Signore trattando così l’argomento in XXIX articoli. All’art. IV si specifica quale valore deve essere attribuito ai diversi beni che era11 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE no evidentemente utilizzati come pagamento in natura. Tra i diversi cereali, selvaggina, carni, vini, frutta secca, paglia e fieno, formaggi, castagne e legumi, si trova anche la cera ma non il miele. [… ] la livre de cire au poids de livrail cinq escus. Ciò a significare che ogni libbra di cera valeva, nel conteggio di quanto dovuto dal feudatario al Signore e salvo diversi contratti, un valore pari a cinque scudi. Se ora confrontiamo una libbra di cera, con altri prodotti ci rendiamo conto del valore di questo prodotto in quei secoli passati quando ancora non esistevano succedanei e metodi alternativi per l’illuminazione ed i riti liturgici: una pecora valeva quanto una libbra di cera e lo stesso dicasi per un septier1 di vino rosso. Sempre per capire l’importanza del miele si pensi che al confine con il vicino Piemonte, lo stesso pagava la medesima tariffa dell’olio d’oliva, bene prezioso in zone di montagna. Dalla lettura dei contratti notarili possiamo trarre ulteriori informazioni circa gli usi codificati in ambito agricolo in Valle d’Aosta. Osserviamo allora come da un atto redatto dal notaio Vercellinus de Vallexia, de Lillianes, il 6 dicembre 1321, l’affittuario dichiara di tenere Il rododendro è la più preziosa fonte nettarifera per gli apicoltori valdostani (foto Corrado Adamo) 12 Usi del miele tra alimentazione e simbologia nei secoli passati «in commanda secundum bonum usum terre [… apium», ] unum vas il che indica comunque un uso generale per l’epoca, promettendo di curalo e conservarlo alla condizione di trattenere a suo consumo la metà della cera e del miele prodotti. Allo stesso modo, a Perloz nel 1334, da una ripartizione dei beni tra tre fratelli della casata dei Vallaise, risulta che a Jean spetta, oltre al resto, la petite cour «ubi dicti frates tenebant apes» a conferma dell’ormai consolidato uso di raccogliere i bugni in bugnerecce per disporre di miele e per controllare la proprietà2. A conferma poi che il clero giocava un ruolo importante non solo per lo sviluppo dell’agricoltura e dell’apicoltura locale ma anche per il consumo diretto dei relativi prodotti in primis la cera, ci viene in aiuto lo storico Tibaldi che inquadra le informazione nel periodo dell’impero e dei Conti di Savoia (1032-1416). […] Estesa era l’educazione dell’ape. Non essendo conosciuto lo zucchero, il miele era la base di ogni dolciume. La cera era ricercatissima per le candele da altare. In quasi tutti i presbiteri, negli ospizi, negli istituti ecclesia- Apiario in produzione durante il periodo estivo in alta quota per la raccolta di miele millefiori e di rododendro (foto Corrado Adamo) 13 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE stici tenevansi apiarii. Alcuni di questi ospizii (quello della Clusa a Gignod e delle Colonne in Aosta) erano censiti per la cera a favore del vescovo. Per quanto riguarda invece le ricorrenze e le feste l’unica informazione oggi disponibile si riferisce ad una festa del miele che si svolgeva ancora negli anni ‘60, nel comune di Avise, una settimana dopo la festa delle ciliegie. Il miele nell’alimentazione Il miele è sempre stato considerato un alimento divino: presso i Boscimani in Africa, presso le popolazioni dell’Oman, presso gli Egizi e presso i popoli Nordici, passando dalla cultura Greca alle culture indoeuropee e celtiche. Usato da sempre come dono agli dei, come alimento propiziatorio e nei sacrifici per averne dei favori. Spesso usato più come rimedio curativo che come alimento di comuni mortali. È indiscutibile il fatto che il modo migliore per consumare l’alimento degli dei è mangiarlo tal quale, ma nella cucina il miele ha da sempre ricoperto sia il ruolo del protagonista che quello di semplice ingrediente. Si pensi al suo consu- Il miele millefiori della Valle d’Aosta: aromatico, intenso e dai toni caldi (foto Corrado Adamo) 14 Usi del miele tra alimentazione e simbologia nei secoli passati mo diretto dal favo fino alla fermentazione alcolica che darà origine a bevande capaci di abbattere il più possente dei guerrieri quali l’idromele. In cucina, il miele, si può accompagnare con le carni (prosciutti, arrosti di bovino, agnello, stinco di maiale) ma anche con il pesce (insieme al burro) abbinato con agrumi (arancia e limone) o ciliegie e kirsch o per piatti dai gusti più intensi e meno fruttati con erbe aromatiche, timo, pepe nero e zenzero o altre spezie. Determinante il suo utilizzo per la preparazione dei dolci fino a quando lo zucchero non divenne bene di consumo di tutta la popolazione e non solo di clero e signori. Gli accompagnamenti prediletti sono quelli con il vino, le spezie, la frutta esotica, i prodotti del latte dai formaggi al burro e i prodotti da forno anche se risulta esaltante accompagnato a delle carni salate e speziate. Nei secoli passati, il miele era evidentemente usato nella preparazione dei cibi nelle cucine valdostane e, sicuramente più di oggi, veniva offerto i viaggiatori che attraversavano o sostavano nella nostra regione. Così risulta da due lettere dell’agosto del 1824 e del luglio del 1853 scritte da viaggiatori inglesi nelle quali gli stessi evidenziano che nelle ricche colazioni offerte nelle locande ai diversi viandanti, oltre a uova, salsicce, pollo, vino, formaggio, cotolette, caffè, pane e burro era servito anche del buon miele. Alcune semplici ricette, di oggi e di ieri, a base di miele – Miele e polenta Dopo aver raccolto il primo miele ottenuto dalla filtrazione con tela (detto anche “ miele crudo” ) si faceva scaldare il pane di opercoli e cera presente nella tela strizzata con il miele ivi imprigionato, ottenendo così un miele più scuro detto “ miele cotto” , che si usava mangiare insieme alla polenta. – Miele e pane come antipasto L’attuale antipasto rappresentato da un tagliere di salumi vari un tempo era considerato il piatto unico di un pranzo anche frugale mentre il solo antipasto che doveva stuzzicare l’appetito poteva essere un pezzo di pane nero fresco con burro (evidentemente di panna) e miele. – Castagne cotte e miele Eliminata la buccia esterna si fanno lessare delle castagne, preferibilmente secche, per circa trenta minuti. Eliminare la buccia interna, e mescolare delicatamente a del burro fuso. Versare le castagne, ancora calde, in un piatto e cospargerle con miele preventivamente fluidificato a bagnomaria in modo da mantenere intatte le sue caratteristiche. – Caffè energizzante Il miele veniva utilizzato come energizzante nel caffè della mattina, prima dell’inizio del faticoso lavoro quotidiano. Dentro una casseruola veniva fatta 15 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE scaldare dell’acqua e, al momento dell’ebollizione, veniva aggiunto del caffè macinato, un buon cucchiaio da minestra colmo di miele e una piccola noce di burro; il tutto rimescolato e servito dopo che il caffè si fosse depositato. – Miele, latte e viole Grazie anche alle proprietà fluidificanti e decongestionanti del miele del cavo orale, era pratica comune utilizzarlo mescolato a latte caldo e viole del pensiero essiccate. – Grappa al miele Alla grappa, meglio se locale per la ricchezza di aromi e profumi e di alta gradazione, si unisce il miele (di millefiori o di castagno). In un litro di grappa si aggiungono, a seconda del gusto e delle caratteristiche aromatiche del miele, dai 700 gr ad 1 kg di miele. Il prodotto viene poi posto a riposare per quaranta giorni e periodicamente rimescolato. Successivamente, il liquore va filtrato con carta-filtro, cercando di non smuovere il sedimento di miele creatosi sul fondo. A questo punto la grappa al miele è pronta: grazie al miele vengono esaltate le caratteristiche aromatiche e stemperato il grado alcolico della grappa con le note dolci e serbevoli del miele di montagna. Dagli antichi manoscritti si può ricavare che esistevano diverse bevande e liquori a base di miele in uso nell’area pedemontana e valdostana fin dai tempi più remoti anche se vi è un po’ di confusione nell’uso dei nomi, specie quando si vogliono raccogliere sotto il semplice termine idromele che in definitiva è la fermentazione di miele e acqua. Il vino nei secoli passati, a causa delle condizioni igieniche e della scarsa tecnologia, non era sempre bevibile ma, buono o cattivo che fosse, poteva essere migliorato con l’uso del miele. Anna Maria Nada Patrone3 ci riporta due ricette a base di vino e miele in uso nell’area pedemontana: Vinus claretus o claretum sive stelladia e il Vinus mulsus seu nectar. La certezza che queste bevande fossero prodotte anche in Valle d’Aosta ci viene dai registri del priorato di Sant’Orso conosciuti come “ Computa Sancti Ursi” . Il Claretus è fatto a base di vino rosso. Il mosto fermentava con tutte le vinacce e veniva poi aggiunto del miele che ammorbidiva la bevanda alla quale si aggiungevano sempre delle spezie che marcavano il liquore lasciando, insieme al miele, una impronta gustativa importante. Le spezie usate erano lo zenzero, il cardamomo, il pepe, lo zafferano, la noce moscata, la cannella e i chiodi di garofano. Nelle abitudini del priorato di Sant’Orso questa bevanda era preparata per le feste pasquali e natalizie. Altra bevanda alcolica a base di miele era il Nectar che veniva servito ai canonici durante i giorni festivi del periodo liturgico che va da Pasqua all’Avvento. Si può pensare che questa bevanda sia quella più simile all’idromele laddove la semplice aggiunta d’acqua al miele permette già l’avvio della 16 Usi del miele tra alimentazione e simbologia nei secoli passati fermentazione, allo scopo di ottenere una bevanda piacevole e da meditazione, dolce e tranquillizzante. Ai tempi nostri gli usi sono molto più generalizzati e scarsamente riferibili a realtà locali per via del mercato allargato o peggio ancora globalizzato. A proposito delle consuetudini, è da segnalare che nel 1975 l’Amministrazione regionale nominò una commissione per accertare e trascrivere quali fossero gli usi ricorrenti nell’agricoltura valdostana. Dai risultati pubblicati in un opuscolo non risultarono usi comuni vigenti nel campo apicolo. Per motivi sanitari e di corretta tecnica apicola è ormai scomparso l’uso dei tronchi cavi per la moltiplicazione delle famiglie e tutti i relativi usi e contratti che ne traevano vita; la riduzione dei costi la facilità di reperire i materiali ed i prodotti finiti realizzati in serie, hanno cancellato gran parte degli usi e dei costumi che davano cadenza ed importanza alle piccole attività agricole. Resta ormai solo la consuetudine divenuta norma relativa all’articolo 924 del Codice Civile che fa riferimento al diritto del proprietario dello sciame d’api di inseguire lo stesso sul fondo altrui; tale diritto può essere esercitato nei due giorni successivi alla sciamatura, tempo trascorso il quale il proprietario del fondo diventa a sua volta proprietario delle api. Nel codice civile si ribadisce poi la responsabilità del proprietario di un animale per i danni provocati a terzi.4 N O T E Septier, sestarium, contiene 44,8 litri ovvero due hémines. O. Zanolli, Lillianes,Vol. I, Musumeci, Aosta, 1985, pag. 362. 3 A.M. Nada Patrone, Il cibo del ricco ed il cibo del povero, Centro studi piemontesi, Torino, 1989. 4 Per approfondimenti: C. Adamo, Apicoltura in Valle d’Aosta, ed. Le Château, Aosta, 2003. 1 2 17 Tradizione e innovazione nelle produzioni casearie artigianali Roberto Ambrosoli Premessa Il discorso che segue è riferito dichiaratamente alle produzioni casearie artigianali ma può essere esteso, nelle intenzioni di chi scrive, a tutte quelle produzioni agroalimentari che per il momento definiremo semplicemente come “ non industriali” . Ciò che ha portato alla progressiva rivalutazione di questo tipo di manifatture, è la constatazione che i prodotti industriali sono in genere caratterizzati da un’elevata standardizzazione qualitativa (costanza e uniformità sensoriale) e sicurezza igienico-sanitaria, ma da scarsa “ personalità” sul piano delle caratteristiche organolettiche. I prodotti non industriali (caseari-montani, ma non solo) sono invece ben più interessanti per gusto e aroma, oltre che per molteplici aspetti storici e culturali. Prodotti tradizionali, tipici, artigianali Tali prodotti vengono identificati di volta in volta come “ tradizionali” , “ tipici” o “ artigianali” . Il primo termine indica un forte legame con l’eredità tecnologica di una particolare area geografica, il secondo allude a un’identità organolettica ben definita, il terzo fa riferimento a dimensioni produttive piccole o medio/piccole. Nell’uso comune sono spesso usati indifferentemente, come se corrispondessero a concetti equivalenti. Il che, in realtà, non è sempre vero. Esistono infatti prodotti tipici, cioè dotati di elevata personalità gastronomica, che non sono (ormai) per nulla artigianali: i formaggi Gorgonzola e Parmigiano-Reggiano ne sono un esempio. E prodotti artigianali che non sono affatto tipici: molti formaggi prodotti a livello familiare in tutto l’arco alpino 19 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE nord-occidentale presentano una tale variabilità di forme, aspetto, consistenza, qualità, anche nell’ambito del singolo produttore, da rendere difficile una descrizione dei caratteri della loro identità (la “ tipicità” non può risiedere nella “ mancanza di tipicità” ). Ed esistono anche (ahimè) prodotti artigianali che non sono affatto tradizionali, frutto di invenzioni, ripescaggi di tecniche “ aliene” , tentativi di innovazione, lodevoli ma non sempre sostenuti da adeguata competenza (non facciamo esempi, per non offendere nessuno). Così come esistono prodotti certamente artigianali e tipici ma non tradizionali: molte Tome piemontesi fabbricate da piccoli/medi caseifici con latte pastorizzato e impiego di fermenti lattici di origine industriale sono dotate di un’identità precisa e costante, ma non sono ancorate ad alcuna specifica tradizione casearia. Dei tre concetti, quello che con maggiore immediatezza si contrappone alla manifattura industriale è il certamente concetto di “ artigianalità” , che implica non solo dimensioni aziendali contenute, ma anche una politica produttiva e gestionale (organizzazione interna, rapporto con il mercato e il territorio…) alternativa (e, per chi scrive, preferibile) a quella aggressiva e spregiudicata dell’industria. Ma è facile riconoscere che il puro e semplice riferimento all’artigianalità è troppo poco per trasformare tale concetto in un valore capace di opporsi a quelli insiti nella produzione industriale. Senza il contributo della tipicità e della tradizione, è assai improbabile che si possano ottenere risultati positivi e duraturi per conservare la diversificazione del nostro patrimonio culturale, anche nell’ambito (solo apparentemente secondario) della varietà alimentare e della gastronomia. Artigianalità e controllo tecnologico Proprio partendo da quest’ultima osservazione, è necessario constatare che all’artigiano caseario, e più in generale agroalimentare, sono offerti, oggi, strumenti incompleti per potere, diciamo così , inserire nella propria attività anche i valori della tipicità e della tradizione. Nel senso che, per far convivere efficacemente in un prodotto i tre aspetti, è necessario un altro elemento la cui disponibilità non deriva in modo automatico e totale dal solo rispetto dei tre valori essenziali. Tale elemento è il controllo tecnologico, la padronanza del processo di trasformazione della materia prima al fine di ottenere, con ragionevole prevedibilità, il risultato desiderato. Non dimentichiamo, infatti, che al di là di ogni altra considerazione, si produce per vendere, e pertanto si devono necessariamente rispettare le esigenze del mercato e le norme vigenti. Il che significa che i prodotti artigianali, oltre ad essere contemporaneamente tipici e tradizionali, devono anche essere costanti organoletticamente (esigenza del mercato) e sicuri dal punto di vista igienico-sanitario (norme vigenti). E tale binomio di costanza e sicurezza non può essere ottenuto senza un’adeguata capacità di controllo tecnologico. Può suscitare qualche perplessità l’affermazione che il controllo tecnologico non derivi in modo automatico e totale da alcuno dei tre valori essenziali. Tra 20 Tradizione e innovazione nelle produzioni casearie artigianali essi, è soprattutto la tradizione ad essere frequentemente citata come “ fonte di ispirazione” tecnologica, con l’appello un po’ scontato a “ fare come i nostri padri” (o nonni). E non si può negare che nella tradizione sia possibile trovare indicazioni preziosissime e fondamentali per la gestione, ad esempio, di una caseificazione d’alpeggio o l’impiego di un’erba aromatica per un infuso. Ma è anche innegabile che le tecnologie tradizionali siano basate su conoscenze scientifiche incomplete, o non adeguatamente trasmesse, e che la loro applicazione ai nostri giorni non sia sempre in grado, come tale, di garantire quella prevedibilità del risultato produttivo di cui abbiamo bisogno (pensiamo a qualcuno degli esempi fatti all’inizio). È quindi indispensabile che alle indicazioni tecnologiche della tradizione sia fornito un supporto, o meglio un’integrazione, per permetterle di arrivare a una meta (costanza e sicurezza) alla quale i nostri antenati non attribuivano l’importanza che attualmente le viene riconosciuta. Ricerca scientifica Ciò significa che bisogna adeguare le tecnologie tradizionali, e più in generale i prodotti tradizionali-tipici-artigianali, ai canoni della produzione industriale? Assolutamente no, né chi scrive ha intenzione di proporre alcunché di simile alla rinuncia, anche parziale, di quelli che abbiamo definito i valori essenziali. Significa piuttosto che la ricerca scientifica, almeno quella sensibile a tali valori, deve impegnarsi a fornire all’artigiano trasformatore (di montagna come di pianura, valdostano come calabrese) strumenti culturali e tecnici atti a migliorare il più possibile la sua capacità di controllo tecnologico, affinché possa far convivere le tre esigenze fondamentali di tradizione, artigianalità, tipicità, con quelle moderne di costanza organolettica e sicurezza alimentare. È un compito che spetta alla ricerca scientifica, intesa nell’accezione più ampia del termine, perché comporta una serie di operazioni complesse, di non rapida esecuzione, in cui è ipotizzabile il concorso di competenze diversificate. Si tratta prima di tutto di definire con precisione, per ogni prodotto preso in considerazione, i tre aspetti, cioè stabilire cosa si debba intendere, in quel caso, per tipicità, tradizione, artigianalità. Questo comporta dare risposta a una serie di domande, di cui facciamo qui alcuni esempi. Per la tipicità: quali sono le caratteristiche che si intendono salvaguardare e/o ottimizzare? quali sono gli indici per esprimerle? quali sono i limiti ottimali e quali scostamenti sono ammissibili? Per la tradizione: quali sono gli interventi tecnologici tradizionali e quali sono rilevanti ai fini della tipicità? Per l’artigianalità: quali sono le dimensioni aziendali e la disponibilità di attrezzature? Eccetera. Sono domande le cui risposte si integrano a vicenda, nel senso che hanno valenza trasversale ai fini della identificazione del prodotto, in partenza genericamente definito come non industriale. 21 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Successivamente, bisogna estrapolare da questo complesso di connotati identificativi gli interventi atti a fornire agli addetti le basi per esercitare il necessario controllo tecnologico del processo produttivo. Questi interventi possono essere di natura esclusivamente culturale (formazione, assistenza, informazione legale), oppure di tipo tecnico (innesti microbici con particolari caratteristiche, strumentazione analitica), oppure entrambe le cose. Il successo, nella prospettiva di salvaguardare la diversità alimentare, dipende comunque dalla sintonia tra questi interventi e l’identità del prodotto preso in considerazione. In sostanza, dalla sintonia tra il tipo di controllo tecnologico proposto e i tre valori di tipicità, artigianalità, tradizione. È un compito difficile, ma non impossibile da realizzare, e lo dimostra il fatto che l’impresa, con buoni risultati, è già in corso per diversi prodotti, ad opera di numerosi gruppi di ricerca e con l’appoggio di istituzioni ufficiali. Questo colloque ne è una testimonianza. 22 Gli alimenti fermentati della tavola valdostana Andrea Barmaz La fermentazione può essere definita come un processo di trasformazione biologica di un alimento che provoca risultati positivi anziché il suo deterioramento; con la fermentazione un alimento grezzo, sia di origine vegetale che animale, subisce una modificazione ad opera delle attività enzimatiche di microrganismi (batteri, lieviti e muffe) che traggono energia per la loro vita da tale processo (biotecnologie tradizionali). Con il termine fermentazione si intende in senso più esteso il fenomeno della crescita esponenziale di microrganismi in un substrato come nel caso della fase tumultuosa della fermentazione vinaria o della lievitazione del pane. La fermentazione spontanea di succhi di frutta indica chiaramente che la fermentazione degli alimenti precede la storia umana; i primi alimenti fermentati sono nati per caso: i Babilonesi sfruttavano già tale processo intorno al 5000 a.C.; le prime testimonianze di produzione di formaggi risalgono addirittura al 6000 a.C. Gli alimenti fermentati fanno quindi da sempre parte della dieta umana: ancora oggi circa il 20% della dieta dei paesi sviluppati è composta da alimenti fermentati mentre nei paesi in via di sviluppo la percentuale può anche superare il 50%; esistono più di 3500 tipi diversi di alimenti fermentati nel mondo ottenuti a partire da materie prime vegetali e animali (prodotti fermentati indigeni). Il ruolo dei microrganismi nelle fermentazioni alimentari è stato scoperto solo da 150 anni con Pasteur ma la scienza ha fatto passi da gigante nella tassonomia, ecologia, fisiologia e genetica dei microrganismi coinvolti nelle fermentazioni alimentari; anche l’Institut Agricole Régional ha dedicato particolare attenzione a questi temi nei suoi lavori di ricerca. Molteplici sono gli effetti positivi delle fermentazioni degli alimenti: - miglioramento dell’appetibilità (colore, odore, sapore, aroma, tessitura); - migliore assimilazione degli alimenti (digeribilità); 23 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE - arricchimento della dieta (proteine, amminoacidi essenziali, acidi grassi, enzimi, vitamine, probiotici); - antagonismo microbico (azione di competizione con microbi dannosi: patogeni e degenerativi); - risparmio di tempo e energia nella preparazione degli alimenti. Principali gruppi di microrganismi in alimenti fermentati Microrganismi Alimenti Batteri lattici (Streptococcus, Lactococcus, Lactobacillus, Leuconostoc, Enterococcus… ) formaggi, latti fermentati,vegetali fermentati, carni fermentate, vino e prodotti da forno Propionibacterium formaggi Staphylococcus salumi Brevibacterium formaggi Lactobacillus, Leuconostoc, Enterococcus vegetali fermentati Streptomyces salumi Saccharomyces bevande alcoliche, pane e prodotti da forno Debaromyces salumi e formaggi Penicillium formaggi e salumi Acetobacter aceto Vini, formaggi e salumi sono diventati il simbolo della produzione tipica valdostana attraverso il riconoscimento dei marchi collettivi di qualità DOC Valle d’Aosta, DOP Fontina, DOP Vallée d’Aoste Fromadzo, DOP Vallée d’Aoste, Lard d’Arnad e DOP Vallée d’Aoste Jambon de Bosses. A questi si aggiungono i Prodotti Tradizionali (con più di 25 anni di storia) che sono registrati nell’elenco del Ministero delle Politiche Agricole: boudin, motsetta, saoucesse, teteun, tser achètaye, brossa, formaggio di capra a pasta molle, formaggio di pecora o capra a pasta Principali alimenti fermentati della tavola valdostana Origine Animale Origine Latte fontin-a, fromadzo, seré, salignón, beuro Carne saouceusse, boudeun, salà n, djambón, tser achètaye, motsetta, lar Cereali pan ner, flantse, crèissèn, mecoulén Verdura repouta Frutta veun (pequetta), veun di pomme, veun-égro, veun-égro di pomme, (éédevia, deustilà de frute) Vegetale 24 Gli alimenti fermentati della tavola valdostana pressata, formaggio misto, reblec, reblec de crama, salignoùn, séras, toma di gressoney, beuro, burro di affioramento, beuro colò, beuro de brossa, burro centrifugato di siero. Nella produzione di formaggio la coagulazione e la fermentazione sono i passaggi chiave del processo di trasformazione. Molti batteri fermentano il lattosio ma nel latte crudo non sono presenti solo quelli utili: la buona riuscita della trasformazione dipende dall’azione dei batteri lattici che non solo devono essere presenti nella materia ma che devono anche potersi affermare come microflora dominante. Dagli studi che l’Institut Agricole Régional ha condotto sulla Fontina per studiare le popolazioni microbiche presenti nel latte destinato alla caseificazione e le loro dinamiche di sviluppo nel corso della stagionatura del formaggio è emerso che la qualità igienica del latte crudo è ottima; ciò comporta però il problema dell’assenza o carenza di microflora lattica indispensabile dal punto di vista tecnologico. Per ovviare a questo problema per molti formaggi si ricorre normalmente all’impiego di colture selezionate di batteri lattici commerciali. All’Institut Agricole Régional si è invece provveduto a studiare stipiti di fermenti lattici isolati da Fontina di alpeggio con l’obiettivo di identificarli, collezionarli e utilizzarli in caseificazione. Dallo studio è emerso che gli alpeggi valdostani sono fonti interessantissime di microflora filocasearia la cui eterogeneità genetica è spiccata; i ceppi isolati sono peraltro diversi rispetto ad altri provenienti da formaggi italiani di montagna: le particolari condizioni tecnologiche unitamente alla zona di origi- Sanguinetti comunicazione - Cooperativa produttori latte e fontina 25 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Fotografia di microcolonie di Streptococcus thermophilus in microcavità di formaggio (10 000 x) tratto da I microrganismi lattiero-caseari al microscopio elettronico a scansione, Bottazzi-Bianchi, edi-ermes, Milano, 1984 ne del latte sembrerebbero avere favorito la selezione di stipiti caratteristici (autoctoni). I caseifici valdostani dispongono oggi di una coltura selezionata liofilizzata per inoculare direttamente il latte di caldaia. La microflora autoctona risulta quindi un altro fattore che comprova il legame tra terroir e prodotto per cui con la recente revisione del disciplinare di produzione della Fontina si è provveduto a regolamentare l’uso dei fermenti limitandolo a quelli indigeni. Una ricerca simile è già iniziata con la selezione clonale di lieviti autoctoni per vinificazione e altre si prevedono per il futuro per la microflora dei prodotti tipici a base di carne. 26 Alimentation traditionnelle, ou néo-terroirs ? Quelques observations au sujet du dispositif AOC-IGP en train de se construire en Suisse Stéphane Boisseaux L’expression “ construction sociale des produits de terroir” , proposée il y a 10 ans par Laurence Bérard et Philippe Marchenay (Bérard Marchenay 1995), n’a jamais été aussi vraie que dans le cas des nouvelles AOC et IGP en Suisse. Les produits de terroir sont devenus à un niveau encore inégalé un objet de politiques publiques et de stratégies de développement. Ce constat atteint de front l’idée romantique du produit de terroir venu du fond des âges. A tel point que l’on peut se demander si le dispositif AOC-IGP1 sert principalement à la sauvegarde d’une alimentation traditionnelle, ou s’il n’est pas surtout une pièce parmi d’autres dans un jeu très contemporain de concurrence généralisée entre entreprises, entre secteurs d’activité et entre territoires. Il y a ainsi plusieurs manières de lire les produits de terroir (Bérard Marchenay 2004). Les points de vue historiques privilégient la succession de leurs mutations individuelles, en rattachant celles-ci à une histoire plus générale de l’alimentation. Les points de vue constructivistes, souvent issus de la science économique ou de l’ethnologie, les interprètent en fonction du contexte politico-économique actuel et les comparent non à leur ancêtres mais à d’autres objets sociaux contemporains qui n’ont rien à voir avec l’alimentation. Nous nous proposons ici, à partir d’un terrain très situé (les AOC-IGP en Suisse depuis 1992), d’exposer à l’aide d’exemples empiriques quelques uns des mécanismes sur lesquels se fonde cette seconde lecture ; notre but n’est pas de nier la profondeur historique des produits de terroir, mais de montrer que la construction sociale dont ils sont l’objet en fait des produits de leur époque au moins autant que des époques passées. Nous partons ainsi du postulat selon lequel la prise en compte de la tradition relève d’une logique d’héritage : de éléments de tradition sont repris non pour eux-mêmes, mais dans la perspective d’une valorisation liée à des règles ultra contemporaines. 27 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Nous éclairerons ici trois aspects de cette relecture contemporaine des produits traditionnels, à partir du dispositif suisse d’AOC-IGP : - l’investissement social très poussé auquel donne lieu la construction d’une AOC ou d’une IGP en Suisse, - l’existence d’une sorte de grammaire des AOC-IGP, c’est-à-dire d’un corpus de règles qui ordonnent ce que “ doit” être un “ vrai” produit terroir, - l’intégration des produits de terroir aux stratégies des acteurs, qu’elles soient sectorielles ou territoriales. 1. Investissement social et construction des “cahiers des charges” Moins que jamais les produits de terroir ne sont une réalité spontanée. Chacun d’entre eux est au contraire l’objet de l’attention de plusieurs groupes sociaux : agriculteurs, artisans, commerçants, distributeurs, collectivités publiques de tous niveaux, groupements de consommateurs... L’investissement social dont sont l’objet les produits de terroir correspond vraisemblablement à une tendance conjoncturelle mais profonde : l’attention accordée au patrimoine sous toutes ses formes (Guérin 2004), ressource tant économique que symbolique dans une globalisation supposée dé-territorialisante (Boisseaux Leresche 2002). Cet investissement se reconnaî t indubitablement au fait que la plus petite caractéristique du produit de terroir devient enjeu de négociations, et de ce fait est soigneusement formalisée dans un “ cahier des charges” . La plupart du temps, le projet d’entrer dans le dispositif AOC-IGP est formé alors que n’existe pas parmi les fabricants un consensus suffisant sur la manière dont doit être obtenu le produit. Il y a alors divergence dans les pratiques et le sens à donner au produit, ce qui fait ressortir d’autant la nécessité d’un éclaircissement consigné en des termes très précis dans un “ cahier des charges” . Dans l’élaboration des “ cahiers des charges” AOC-IGP, il arrive donc fréquemment que la moindre virgule soit discutée. En Suisse, si la discussion n’aboutit pas à un compromis, malgré tous les cadres et procédures de négociation prévus, l’enregistrement de l’AOC ou de l’IGP peut être contesté devant les juridictions fédérales (Commission de recours du Département de l’économie, puis Tribunal fédéral). C’est ce qui s’est passé pour plusieurs AOC et IGP en Suisse. Jusqu’ici toutefois, aucune AOC ou IGP n’a été fondamentalement remise en cause par ces juridictions ; sans doute la perspective d’une éventuelle défaite judiciaire conduit-elle tant les fabricants que l’autorité d’enregistrement à soigner l’élaboration du “ cahier des charges” . Exemple : le Gruyère AOC. Ce fromage à pâ te mi-dure est principalement fabriqué dans les cantons de Fribourg, Vaud, Neuchâ tel et Jura. La construction de l’AOC a nécessité dix ans de discussions, por28 Alimentation traditionnelle, ou néo-terroirs ? tant en particulier sur la définition du produit (spécifications techniques) et de sa zone de production. Au moment de sa publication, le cahier des charges a fait l’objet de plusieurs dizaines d’oppositions ; on a évité in extremis la judiciarisation grâ ce à de longues tractations ayant finalement abouti à un compromis. Signe de l’importance du “ dossier Gruyère” dans les régions concernées, l’obtention définitive de l’AOC en 2001 a donné lieu à une fê te de grande ampleur où étaient présents plusieurs Conseillers d’É tat (ministres cantonaux). À l’issue de ce long processus discuté et négocié, peu de points sont finalement laissés à l’appréciation individuelle des fabricants (producteurs de lait, fromagers, affineurs). Sur cette question de l’extrême formalisation, il faut aussi noter que les règles de la certification ISO 65 (EN 45˙ 011) n’autorisent pas le groupement des fabricants à accorder des dérogations une fois le cahier des charges fixé ; il faut donc tout prévoir, tout définir d’avance. Le dispositif AOC-IGP, dans une certaine mesure, autorise l’existence d’une certaine diversité. Mais le processus de formalisation qu’il induit nécessairement oblige à définir ce qui est autorisé, obligatoire et interdit. Ce qui d’un côté empêche les dérives et la banalisation du produit, mais peut conduire de l’autre côté à brider la diversité et l’évolution du produit. Tel est sans doute le prix d’un investissement social qui fait du produit un objet de valeur, tout en le soumettant à des forces sociales susceptibles de changer sa signification. 2. La grammaire des terroirs Selon quelle logique construit-on, grâce au dispositif AOC-IGP, un produit de terroir ? Si chaque virgule est discutée, le résultat de la discussion n’est pas entièrement aléatoire. Il existe des registres d’argumentation relativement stables, qui permettent de réduire l’incertitude et d’arriver à une solution certes adaptée au produit mais qui reste “ dans le ton” général de la politique suisse des AOC-IGP. En théorie l’AOC ou l’IGP permettent la prise en considération pleine et entière des spécificités locales, elles consacrent en somme une longue tradition qui émerge d’elle-même ; c’est du moins ainsi que l’Office fédéral de l’agriculture, chargé en Suisse de tenir au niveau national le registre des AOC et des IGP, présente d’ordinaire la philosophie du dispositif. En réalité, il faudra compter aussi avec la structuration locale des intérêts et des rapports de force, qui fera inexorablement pencher les règles du côté des opérateurs les plus puissants, et pas toujours de la tradition la plus noble. Mais il faut compter aussi – et c’est ici le point qui nous importe – avec la dynamique propre du dispositif AOC-IGP, qui normalise ce que “ doit être” un produit de terroir. 29 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE En Suisse, pour les fromages AOC, l’autorité fédérale d’enregistrement (l’Office Fédéral de l’Agriculture) a ainsi défini des règles d’admission : lait cru, fourrages locaux, délai rapide de travail du lait, durée d’affinage suffisante, toutes les étapes de la production à l’affinage dans la zone AOC. Ces règles non écrites existent pour chaque catégorie de produits, quoique elles soient plus fluctuantes lorsque le produit est seul représenté dans sa catégorie, et que n’existent donc pas des points de comparaison (Pain de seigle valaisan, Cardon épineux genevois, Safran de Mund, Rheintaler Ribelmaï s, ...). Il y a également des règles de procédure et d’organisation : pour toutes les AOCIGP, il doit y avoir un groupement gestionnaire, au moins au moment du dépôt de la demande d’AOC-IGP ; mais la dénomination protégée doit rester libre d’usage pour les non-membres, à condition qu’ils respectent les règles de l’AOC ou de l’IGP. Plusieurs produits sont ainsi mis en cause, puis éventuellement restructurés en fonction de cette grammaire qui va parfois à l’encontre des conceptions, pratiques et modes d’organisation locaux et traditionnels. Exemple no 1 : L’Etivaz AOC. Ce fromage d’alpage des Préalpes vaudoises a fondé son succès sur une organisation collective très stricte, dont l’élaboration a pris plus de cinquante ans. Actuellement, la septantaine de familles impliquées chaque été dans la fabrication de ce fromage à pâ te mi-dure se regroupent au sein d’une Coopérative, qui répartit les droits de production, affine les fromages et les commercialise. Cette coopérative est une structure semiouverte : il est toujours possible d’y ê tre admis, mais une gestion jusqu’ici plutô t restrictive des droits de production a pu conduire à des ajournements provisoires de l’admission. L’obtention de l’AOC en 2000 était un défi à cette organisation collective. Les règles de l’AOC sont en effet plus libérales : elles permettent en principe la production hors du circuit coopératif, du fait que l’AOC n’est pas un droit de propriété détenu par la Coopérative, mais un droit d’usage lié au territoire. Dans une telle configuration, les règles de l’AOC auraient pu faire surgir ce que la Coopérative avait précisément cherché à éviter : les problèmes de cohésion de la filière, de maî trise de la qualité et des quantités. La difficulté a été contournée par l’introduction dans le cahier des charges d’une disposition astucieuse qui empê che l’affinage dans des ateliers de trop petite taille. La justification est essentiellement qualitative : le haut niveau qualitatif de l’affinage ne peut ê tre garanti que dans les caves de la Coopérative, ou dans une structure équivalente. De facto, mettre en place une structure équivalente impliquerait l’intervention d’un groupement alternatif ou d’un investisseur capable à la fois de financer 30 Alimentation traditionnelle, ou néo-terroirs ? l’équipement correspondant et de trouver suffisamment de producteurs de fromage d’alpage pour que sa cave soit rentable. Autant dire que le frein à l’apparition de “ free riders” est puissant. Le compromis ainsi trouvé permet de respecter à la fois les règles de l’AOC et l’organisation locale traditionnelle ; il fallait “ en passer par là ” pour obtenir l’AOC. Exemple no 2 : le Pain de seigle valaisan AOC. Privilégiant la clarté du message, les professionnels n’ont pris en considération pour l’AOC que la variante la plus “ classique” de ce pain : seigle pur ou avec 20% de froment au maximum, en format de 500g ou 1 kg. Les autres variantes (petits pains, pains aux noix voire aux pommes de terre) ne peuvent plus porter le nom “ Pain de seigle valaisan” ; il est vrai que l’AOC attribuée également au Pain de seigle aux noix aurait impliqué une provenance valaisanne des noix, ce qui n’était pas réalisable à court terme. Il a donc fallu sacrifier une certaine diversité pour correspondre aux canons de l’AOC. Exemple n o 3 : Le Saucisson vaudois IGP et le Boutefas (demande d’AOC en cours d’instruction). Ces deux saucissons à cuire typiques du canton de Vaud et de la Broye fribourgeoise (pour le second) se différencient en particulier par leur taille : ils sont embossés dans des boyaux différents. Mais la masse embossée dans ces deux sortes de boyaux a toujours été identique dans la plupart des boucheries. Pourquoi dès lors une AOC pour l’un et une IGP pour l’autre ? Le choix de l’IGP pour le Saucisson vaudois se justifie principalement par l’insuffisance de la production porcine dans la zone de fabrication, qui ne permet pas une fabrication AOC pour ces deux spécialités. Un projet de passage à l’AOC – plus prestigieuse – pour le Saucisson vaudois impliquerait la reconstruction à grande échelle d’une filière de production porcine, avec des usages spécifiques : il faudrait réinventer par tâ tonnements une tradition qui n’existe plus. De telles discussions ne sont pas rares, surtout pour les produits qui visent l’AOC, plus exigeante que l’IGP. 3. Jeux et stratégies Cette mise en forme des produits selon les règles de l’AOC ou de l’IGP vise à leur donner une valeur d’usage, une lisibilité. Le produit entre dans la catégorie relativement restreinte des AOC-IGP, ce qui permet de l’intégrer à des stratégies collectives, tant pour les professionnels que pour les collectivités locales. 31 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Il est ainsi amené à “ jouer des jeux” qui, parfois, modifient en profondeur sa signification. Parmi les jeux possibles, nous en distinguons ici deux qui nous semblent les plus fréquemment répandus : le jeu de l’excellence et le jeu du développement local. A - Le jeu de l’excellence Les produits AOC-IGP doivent être “ les meilleurs” , commissions de dégustation, analyses physico-chimiques et normes ISO à l’appui, alors qu’ils n’ont jamais eu pour la plupart cet attribut-là. La lutte pour le goû t et la qualité, à supposer qu’elle soit cohérente (et elle ne l’est parfois que de manière rhétorique), est aussi un positionnement stratégique de professionnels soumis à la saturation des marchés et à la diffusion globalisée de certaines normes régulant la commercialisation des produits. Exemple : la Viande séchée du Valais IGP. Ce produit, actuellement élaboré en Valais à partir des meilleures pièces de viande bovine, a été dans le passé une production domestique pour laquelle tous les morceaux étaient utilisés. La qualité gustative de certaines viandes séchées (texture, aspect, saveur) était vraisemblablement sans commune mesure avec ce qu’elle est aujourd’hui, et ce à l’avantage des produits actuels. Le constat peut, à des degrés divers, être étendu à la plupart des produits. Alors que, la plupart du temps, la variabilité fait partie de l’identité d’un produit typique, les sautes de qualité sont de plus en plus perçus comme indésirables. Les produits les moins conformes au niveau qualitatif recherché sont retirés de la vente dans le circuit AOC ou IGP, et écoulés sous un autre nom, voire une autre forme (dénaturation). Ce fait est unanimement perçu comme positif : une meilleure maî trise technique du produit conduit à une meilleure satisfaction du consommateur. Il n’empêche que les “ vieux connaisseurs” prétendent la plupart du temps que les meilleurs produits d’antan étaient supérieurs aux meilleurs produits d’aujourd’hui. La maî trise technique et l’application systématique de normes de qualité ont-ils conduit à un nivellement, certes vers le haut, des produits ? Il est difficile de trancher la question… Tout au moins peut-on remarquer que le sens de nombreux produits a changé : certains, autrefois très ordinaires, sont devenus des produits d’excellence, parfois même de luxe. B - Le jeu du développement régional Le produit typique devient de plus en plus un atout stratégique dans la concurrence globalisée entre les territoires (Belletti et Marescotti 2003) ; l’essentiel est alors qu’il soit porteur de valeur, mais que cette valeur reste proportionnée aux efforts à fournir pour la faire surgir (en d’autres termes le produit de 32 Alimentation traditionnelle, ou néo-terroirs ? terroir doit être rentable). Dans ce processus, la typicité doit parfois être exacerbée, et certains de ses éléments sur-accentués au détriment d’autres, quitte à gommer soigneusement de vraies spécificités. C’est en ce sens que l’héritage est sélectif : il permet de ne retenir que ce qui est porteur de valeur. Et encore ne s’agit-il pas que d’une valeur intrinsèque, mais aussi d’une valeur relative, issue d’une reconnaissance externe et concentrée sur les attributs que consacre le succès marchand. Exemple no 1 : la Tê te de moine AOC. Ce fromage produit dans les Franches Montagnes (canton du Jura) et le Jura bernois a bénéficié dans les années 1980 d’un développement quantitatif intense, consécutif à l’invention et au succès impressionnant de la “ Girolle” , un appareil qui permet de racler le fromage et de le servir en rosettes rappelant la forme d’une chanterelle. La Girolle est aujourd’hui perç ue comme un des éléments fondateurs de la typicité de ce fromage, qui prolonge avec brio une coutume locale : avant son invention, la Tê te de Moine était traditionnellement raclée au couteau, parfois à la petite cuiller, mais jamais coupée. Or, le succès de la Girolle dès les années 1980 a modifié en profondeur la manière d’élaborer ce fromage : il fallait des fromages moins gras, moins larges, faute de quoi l’appareillage ne fonctionnait pas. La quasi totalité de la production suit aujourd’hui ces spécifications, et l’AOC récemment attribuée à la Tê te de Moine en prend acte. L’ironie du sort, c’est que le dernier fromager travaillant à l’ancienne manière a eu toutes les peines du monde à faire reconnaî tre son mode de production au moment de l’élaboration du cahier des charges AOC. Mais le développement économique de la région vaut bien quelques entorses envers la tradition... Exemple no 2 : le Raclette (demande d’AOC en cours d’instruction). La discussion fait rage : faut-il limiter l’AOC Raclette aux fromages au lait cru produit en Valais, ou l’étendre aussi aux fromages pasteurisés produits dans toute la Suisse ? Des questions identitaires, économiques et politiques très complexes s’entremê lent dans ce débat qui, fin 2003, a pris dans la presse suisse une tournure très polémique. Retenons de cette dispute son argument principal : la valeur économique du terme “ raclette” et de l’image valaisanne qui lui est communément associée, du moins en Suisse romande. L’É tat du Valais, qui a soutenu la demande d’AOC, argumente sur la sauvegarde d’un réseau dense de fromageries villageoises fabriquant au lait cru ; celles-ci seraient inexorablement menacées par le développement, dans des régions plus favorisées par les condi33 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE tions naturelles, de fabrications industrielles qui concurrencent le produit original en utilisant son nom à moindre coû t. La discussion sur le terrain du développement régional a toutefois son revers : l’interdiction du terme “ raclette” pour les trois ateliers industriels qui produisent la moitié des tonnages en Suisse aurait incontestablement des conséquences néfastes pour le tissu économique des régions correspondantes. Les discussions intenses sur le produit et sa qualité (quel est le “ vrai” raclette ? quel est le “ meilleur” ? quel est le “ plus ancien” ?) ne doivent pas ê tre interprétées comme des querelles de gastronomes : elles ne prennent tout leur sens que si on les replace dans ce contexte de compétition sectorielle et territoriale intense. 4. Pour conclure : des néo-terroirs ? Il est fascinant de constater que certains produits ont traversé les siècles. Quels étaient à l’époque leur forme et leur goû t ? Bien entendu, plus personne ne le sait ; mais il arrive que des sources écrites précises nous les dévoilent proches de ce qu’il sont devenus. On sait pourtant, même dans les rares cas attestés d’une transmission à l’identique, que le contexte de leur consommation comme de leur production se sont radicalement transformés. Ce qui fait que, quoi qu’on fasse, il ne s’agit jamais exactement des “ mêmes” produits qu’autrefois. Vision historique et vision constructiviste ne sont contradictoires qu’en apparence. Dès lors que l’on replace le produit dans son évolution (approche historique), la question de ses rapports avec l’“ extérieur” devient déterminante (approche constructiviste) et ce quelles que soient les époques. Nous avons simplement voulu montrer ici que le produit, partiellement tributaire de la tradition sur laquelle il s’appuie, doit aussi être lu en fonction d’évolutions sociales beaucoup plus vastes qui touchent ses producteurs et ses consommateurs. Quels sont les traits marquants de l’époque actuelle, sur lesquels se construisent les produits de terroir ? Besoins économiques et identitaires se rejoignent pour donner naissance à de nouvelles coalitions territoriales pour lesquelles les AOC-IGP sont avant tout une ressource stratégique, au même titre que le patrimoine bâti ou naturel, les équipements et infrastructures ou la qualification de la main d’œuvre. Nous proposons pour rendre compte de ce phénomène d’introduire la notion de néo-terroir. Une notion qui assume le fait que, inexorablement, le terroir n’est plus ce qu’il était... et l’est d’autant moins que la catégorie “ terroir” n’avait guère d’importance il y a seulement quelques dizaines d’années. La simple existence d’un passé et d’une tradition rend pourtant possible une relecture sélective, propre à en extraire des éléments susceptibles de nous satisfaire aujourd’hui. Ce sont certainement d’autres éléments qui ont satisfait 34 Alimentation traditionnelle, ou néo-terroirs ? nos ancêtres, certes. Mais pour autant nos néo-terroirs, mêmes susceptibles de manipulations plus ou moins habiles, ne sont pas inexorablement moins authentiques ni moins traditionnels que les précédents. N O T E S 1 AOC : Appellation d’Origine Contrôlée ; IGP : Indication Géographique Protégée. B I B L I O G R A P H I E B ARJOLLE D., S YLVANDER B., « Some Factors of Success for Origin Labelled Products in Agro-food Supply Chains in Europe : Market, Internal Ressources and Institutions », É conomie et Société, 2002, no 25, p. 9-10. BELLETTI G., MARESCOTTI A., « Link between Origin Labelled Products and Rural Development. Synthesis » Concerted Action « Development of Origin Labelled Products : Humanity, Innovation and Sustainability (DOLPHINS) » , 5th Framework Programm EU (QLK-200-00593), 2003. BÉRARD L., MARCHENAY P., « Lieux, temps et preuves. La construction sociale des produits de terroir ». Terrain, mars 1995, no 24. BÉRARD L., MARCHENAY P,. Les produits de terroir entre culture et règlements. Paris, CNRS éditions, 2004. BOISSEAUX S., BARJOLLE D., La bataille des AOC en Suisse, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2004. BOISSEAUX S., LERESCHE J. P., « Dynamiques régionales et globalisation : le cas de la politique des AOC-IGP en Suisse », Revue suisse de science politique, 2002, Vol. 8 no 3. GUÉRIN M.-A., Action publique locale et patrimoine culturel. Production et légitimation des territorialités politiques. Savoie, Haute-Savoie, Valais, Val d’Aoste. Thèse de Doctorat en Science Politique, Institut d’Études Politiques de Grenoble Université Pierre Mendès, France, Grenoble II, 2004. LETABLIER M.-T., L’art et la matière. Savoirs et ressources locales dans les productions spécifiques, Noisy-le-Grand, Centre d’études de l’emploi, 1997, dossier no 11. 35 Le gène perdu Frédéric Bondaz Au cours des millénaires, les hommes ont sélectionné les végétaux qui présentaient les caractères les plus intéressants, mais la logique du profit immédiat impose de cultiver un nombre réduit de variétés. L’abandon des anciennes variétés risque de nous faire perdre à jamais des gènes importants pour l’amélioration des cultures de demain. Tout ce que nous cultivons aujourd’hui dérive des plantes sauvages. Depuis que l’homme de cueilleur-chasseur est devenu cultivateur-éleveur il a sélectionné les végétaux et les animaux qui donnaient les meilleurs résultats pour la production de nourriture, de médicaments, de fibres, etc. La biodiversité est le plus grand refus naturel dont l’homme dispose. L’ampleur de la variété génétique, entre des espèces différentes et au sein d’une même espèce, entraî ne une meilleure capacité d’adaptation, d’évolution et de survie. C’est ainsi que sauvegarder les ressources génétiques est d’une importance fondamentale, tant du point d’une écologique en général que, plus particulièrement, comme “ banque de gènes” pour l’amélioration des futures plantes à cultiver. Seulement en époque relativement récente, (1822-84) on a découvert avec Mendel les lois qui gèrent la transmission des caractères chez les vivants. Avec les croisements artificiels, programmés sur la base des lois de Mendel, l’amélioration des plantes cultivées et des animaux élevés a fait de grands pas en avant. Dans le futur, ce sera probablement l’ingénierie génétique à créer de nouvelles variétés encore plus performantes. Aujourd’hui, nous cultivons des plantes originaires des quatre coins du monde : - Pomme de terre et maï s de l’Amérique centrale et méridionale 37 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE - Tomate de l’Amérique du Sud Concombre de l’Inde Soja de l’Asie Tournesol de l’Amérique du Nord Actinidia (kiwi) de la Chine Tabac de l’Amérique et de l’Australie. Les transports, toujours moins chers, et la libéralisation des marchés donnent naissance à une concurrence considérable entre les producteurs, qui sont ainsi poussés à réduire de plus en plus leurs frais de production. Ils doivent donc choisir les cultures, les variétés et les sélections les plus rentables possible. Les “ cultivar” moins performantes sont ainsi abandonnées et, peu à peu perdues. C’est ainsi qu’un problème inquiétant s’est manifesté au cours des dernières décennies : la réduction drastique du nombre des variétés cultivées. Ce phénomène, fruit de la logique du profit immédiat, a déjà causé la disparition d’un nombre considérable d’anciennes variétés agricoles et, avec celles-ci, de gènes intéressants, voire d’une importance capitale pour l’amélioration des cultures de demain. Les produits phytopharmaceutiques de synthèse, les engrais et la mécanisation ont fait délaisser et, souvent, perdre des plantes aux caractéristiques intéressantes : gènes porteurs d’une résistance aux maladies, rusticité, maturation échelonnée, etc. Certains caractères ont pu être récupérés en partant des plantes sauvages, après de longs travaux de croisements et de sélection ; le maï s à épis multiple, par exemple, ou la tomate à grappes, etc. D’autres caractères, sélectionnés au cours des siècles, voire des millénaires, ont été irrémédiablement perdus à cause d’une légèreté inconcevable. Ce problème est si important que l’Union européenne elle-même a prévu des aides pour la sauvegarde de la biodiversité. Des centres pour la conservation des anciennes variétés végétales et animales sont en train de surgir un peu partout. La Vallée d’Aoste est, elle aussi, victime de cette “ érosion génétique” . Beaucoup d’anciennes variétés n’existent plus et d’autres risquent l’extinction, si un programme de sauvegarde n’est pas rapidement mis sur pied. À l’intérieur des clos et aux alentours des châteaux et des fermes l’on cultivait des plantes qui étaient le fruit d’une longue sélection pour produire, dans nos conditions pédoclimatiques et sans faire recours ni aux engrais, ni aux insecticides synthétiques, de la nourriture, des médicaments ou du matériel pour l’artisanat. 38 Le gène perdu Le recensement des anciennes variétés est le travail le plus urgent et qui demande le plus d’énergies, c’est pour cette raison que le Service phytosanitaire de l’arboriculture fruitière et des cultures lance un appel à tous ceux qui veulent collaborer à cette initiative en les invitant à signaler tous les vieux arbres cultivés, de toutes les espèces et de toutes les variétés. 39 Caratteristiche dei prodotti alimentari tradizionali e controllo dei rischi sanitari Augusto Chatel Le produzioni agricole e i prodotti agroalimentari delle zone di montagna sono fortemente condizionate dai fattori pedoclimatici, ma gli stessi fattori che limitano le produzioni e accrescono i costi contribuiscono alla loro caratterizzazione, a volte, anche in misura marcata. I prodotti di montagna si distinguono infatti, rispetto a quelli di altre zone a maggiore vocazione agricola, per la maggiore ricchezza in aromi e fattori di tipicità legati ai “ terroirs” . Gli ambienti di coltivazione meno inquinati, la possibilità di ridurre i trattamenti antiparassitari in relazione alla minore pressione degli agenti responsabili delle malattie che colpiscono le colture e l’uso di tecniche colturali rispettose dell’ambiente offrono inoltre maggiori garanzie in termini di genuinità. In Valle d’Aosta, nonostante sia possibile, compatibilmente con le condizioni climatiche e con opportuni aggiustamenti, ottenere una vasta gamma di prodotti agricoli, la risorsa più importante e diffusa è la risorsa foraggiera dei prati naturali e dei pascoli alpini e le produzioni economicamente più rilevanti sono quelle che derivano dagli animali che le valorizzano: latte e carne. In passato, le condizioni di isolamento dovute alla presenza di barriere naturali che hanno ostacolato gli scambi e la necessità di dover provvedere all’approvvigionamento alimentare per la prolungata stagione invernale, hanno favorito lo sviluppo, nella nostra regione, di importanti competenze nel settore della produzione e conservazione degli alimenti e, di conseguenza, il consolidamento, nel tempo, di un discreto patrimonio di produzioni tipiche regionali. I prodotti tradizionali, caratteristici alimenti dell’economia rurale, si sono inseriti, a buon diritto, nel folto gruppo dei prodotti di nicchia che le varie realtà regionali europee propongono al consumatore e la loro diffusione si è ampliata coinvolgendo la ristorazione e fasce di mercato sempre più estese. 41 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Per i produttori il prodotto tradizionale rappresenta una possibilità per acquisire quote di mercato per le proprie produzioni e, quindi, è una fonte di reddito che si configura come una risorsa aggiuntiva ed una occasione da non perdere. I consumatori, dal canto loro, risultano attratti verso questi prodotti dai quali più o meno consciamente si aspettano miglior qualità, naturalezza, genuinità e tipicità. Alla base di tutte queste aspettative vi è comunque un pre requisito implicito e irrinunciabile che è rappresentato dalla salubrità del prodotto. Diviene pertanto indispensabile per i produttori conoscere ed applicare le regole che devono governare la produzione, la conservazione e la vita commerciale di tutti gli alimenti ed in particolare di questi prodotti. La sicurezza alimentare è il risultato del rispetto delle regole di buona igiene e sanità definite nella normativa comunitaria, nazionale e regionale, della conoscenza delle caratteristiche dei prodotti e dell’adozione delle tecniche di fabbricazione e conservazione appropriate. Il fatto che i prodotti tradizionali, per decenni, siano stati consumati dall’Uomo rappresenta di per sé un elemento di sicurezza che necessita, però , di una conferma mediante lo studio delle caratteristiche chimico fisiche al fine di verificare se queste risultano atte a preservarli da invasioni di germi patogeni e/o alteranti. Parimenti lo studio delle caratteristiche della flora batterica In Valle d’Aosta le produzioni più importanti sono quelle che derivano dagli animali delle razze autoctone che, grazie alla loro rusticità , riescono a valorizzare le pregiate risorse foraggere dei prati naturali e dei pascoli (foto Romana Damiez) 42 Caratteristiche dei prodotti alimentari tradizionali e controllo dei rischi sanitari serve a caratterizzare il prodotto nelle varie fasi della sua produzione e conservazione e ne condiziona la salubrità mediante i meccanismi di antagonismo batterico. Per fornire un contributo valido al mantenimento della capacità di realizzare prodotti gustosi e, soprattutto, sicuri nel rispetto dei cicli di produzione tradizionali che ora, come in passato, caratterizzano la gastronomia dei territori di montagna, l’Institut Agricole Régional, nell’ambito di lavori di ricerca portati a termine nel corso degli anni ha “ fotografato” la situazione delle contaminazioni dei più importanti prodotti tradizionali, anche allo scopo di evidenziare eventuali punti critici nell’ambito delle diverse filiere che sono state monitorate nelle successive tappe del ciclo produttivo. Risultati ottenuti in alcuni dei più imortanti prodotti della filiera carne Motsetta La motsetta, grazie alla tecnologia di produzione, risulta tendenzialmente priva o poco contaminata da germi testimoni di carenza di igiene e a rischio sanitario. La presenza di germi indesiderati è riconducibile ad una cattiva gestione delle prime fasi di produzione o a contaminazioni legate alla natura ubiquitaria di alcuni microrganismi, come Listeria o alla qualità scadente della carne utilizzata per insufficiente rispetto delle norme igieniche al momento della macellazione. Lard I microrganismi testimoni di carenza di igiene sono normalmente assenti se vengono rispettate le buone norme di produzione. Nonostante la tecnologia di produzione molto simile a quella della motsetta i germi a rischio sanitario sono tendenzialmente più elevati e legati a cattive condizioni di igiene e alla materia prima che risulta più frequentemente contaminata. Sauceusse I microrganismi indicatori di carenza di igiene sono sporadicamente presenti in modeste quantità e possono, pertanto, facilmente essere mantenuti sotto controllo. Le contaminazioni da Listeria m. rilevate sono da attribuire all’insediamento del batterio come flora stabile nella filiera mentre quelle sporadicamente presenti, alla natura ubiquitaria di tali germi o alla materia prima e, soprattutto alla carne suina e ai budelli. 43 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Boudin La preparazione dei boudin richiede operazioni più lunghe e complesse che aumentano i rischi di contaminazione: particolare attenzione deve essere pertanto rivolta alla cura dell’igiene del personale, delle attrezzature e dello stabilimento. Le maggiori criticità evidenziate risultano confermate dalla presenza sempre modesta, ma più diffusa, di germi testimoni di carenza di igiene che evidenziano la necessità di controllare anche la qualità degli ingredienti e in particolare la carne suina e i budelli per non veicolare il microrganismo nella filiera. I risultati rilevati confermano che le filiere dei prodotti tradizionali a base carne sono il frutto di una corretta combinazione dei fattori produttivi finalizzata a ridurre al massimo i rischi di contaminazione; è, tuttavia, indispensabile per ottenere produzioni genuine e sicure dal punto di vista alimentare mettere in atto le norme basilari di igiene e prevenzione dei rischi. I prodotti, se vengono rispettatte le tecniche tradizonali di produzione, sono alimenti salubri, sicuri e buoni (Studio EFFE Aosta) Risultati ottenuti nei prodotti della filiera latte La Fontina e la maggior parte dei prodotti caseari prodotti in Valle d’Aosta sono formaggi a pasta semicotta ottenuti da latte crudo la cui tipicità prende origine dai seguenti fattori: 44 Caratteristiche dei prodotti alimentari tradizionali e controllo dei rischi sanitari - Le razze autoctone che producono un latte che per la sua composizione risulta particolarmente idoneo alla trasformazione e contribuisce a caratterizzare il prodotto ottenuto; - Le tecniche tradizionali di allevamento, che privilegiano la valorizzazione dell’erba dei pascoli alpini e dei foraggi ottenuti dalle cotiche naturali gestite con sistemi colturali di tipo ecocompatibile, in un ambiente poco contaminato; - Gli ambienti di produzione che insieme all’alimentazione equilibrata e senza forzature di tipo metabolico favoriscono la presenza, nel latte e negli intermedi di produzione, di aromi particolari. Questi derivano non solo dalle essenze foraggiere, ma anche dalla flora microbica nativa il cui ruolo è fondamentale per la determinazione delle caratteristiche del prodotto; - La tecnologia di produzione tradizionale, tramandata nei secoli, che racchiude la giusta combinazione fra i fattori materia prima, fuoco, sale, tempo, ambiente di produzione e di maturazione. Anche le ricerche effettuate sui prodotti tradizionali della filiera latte, finalizzate ad analizzare i punti critici durante la trasformazione in caseificio e in alpeggio, a individuare le fonti di contaminazioni in stalla, caseificio e magazzino di stagionatura e a fotografare la situazione delle contaminazioni sul prodotto finito forniscono risultanti confortevoli. Nei formaggi tradizionali non sono, infatti, mai stati rilevati microrganismi a rischio sanitario: l’eventuale presenza di microrganismi pericolosi viene abbattuta durante la lavorazione e la maturazione. Le contaminazioni superficiali (della crosta) risultano inoltre ampiamente paragonabili a quelle riscontrate per altri formaggi a latte pastorizzato derivanti da filiere a tecnologia industriale. Conclusioni I prodotti tradizionali: - sono il frutto della combinazione ottimale fra fattori ambientali e fattori controllati dall’uomo; - nascono da un lungo percorso che passa attraverso una travagliata e lunga sperimentazione, in cui la tenacia e il “ savoir faire” della gente di montagna ha avuto e ha un ruolo fondamentale; - se si sono consolidati è perché presentano requisiti che offrono garanzie dal punto di vista della salubrità e della sicurezza alimentare; - le ricerche effettuate confermano che i prodotti tradizionali, se vengono rispettate le tecniche originali di produzione, sono alimenti salubri, sicuri e buoni. 45 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Per assicurare un futuro ai prodotti tradizionali è indispensabile conoscere, alla luce delle conoscenze attuali, le caratteristiche del prodotto e la filiera che porta alla produzione degli stessi. È fondamentale monitorare più attentamente la filiera, soprattutto se nella tecnologia vengono apportati dei cambiamenti e se le produzioni assumono dimensioni rilevanti. La produzione degli alimenti tradizionali richiede una grande professionalità di tutti gli operatori della filiera. Le tecniche di allevamento rispettose dell’ambiente favoriscono la produzione di formaggi più apprezzati soprattutto per la loro genuinità e tipicità (foto Romana Damiez) 46 Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali Gaetano Forni Premessa Per capire a fondo il significato, il valore antropologico-culturale delle tradizioni culinarie locali, bisogna innanzitutto focalizzare le piante alimentari che ne costituiscono il fondamento. Dopo di ciò occorre considerare tre elementi essenziali: a) Tenuto conto che, tranne poche eccezioni, nessuna delle nostre piante alimentari è indigena in Europa, individuare la civiltà cui si deve la domesticazione, cioè, in un certo senso, la “ creazione” di tali piante; b) Gli effetti socio-economici del loro inserimento in Europa e in Italia; c) Il modo e l’epoca della loro introduzione e adattamento nell’ambito alpino nostrano, nonché le conseguenze che ne derivarono. Si tratta di analisi e considerazioni che vanno effettuate con un’impostazione a largo respiro. Eventi motori ed eventi riflessi. Una rivoluzione alimentare effetto di un evento motore Il fatto che più stupisce chi partecipa a convegni di studio sulle tradizioni popolari e in genere a quelli di carattere etnografico è la frequente mancata distinzione o – se si vuole – l’appiattimento complessivo di fatti ed elementi culturali di rilevanza radicalmente diversa anche sotto il profilo economico e sociale. Prendiamo il caso dell’alimentazione. Che cosa viene posto in evidenza nei cibi? L’originalità talora stravagante, il gusto, gli aspetti sociali, ma quasi mai gli aspetti dinamici, quelli che potremmo definire motori, perché provocano delle rilevanti conseguenze. Occorre tuttavia precisare sotto quale profilo. Certamente un alimento molto appetito e quindi ricercato può essere molto redditizio e di conseguenza dinamico sotto il profilo economico/culinario. Qui invece ciò che ci interessa è il suo rapporto con l’agricoltura e la dinamica sociale. 47 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE In questo Convegno dedicato alle tradizioni culinarie valdostane intendiamo individuare quelle rivoluzioni alimentari, cioè quei cambiamenti nelle tradizioni culinarie che, pur non costituendo di per sé degli eventi motori, ne costituiscono l’indice diretto. La rivoluzione alimentare che qui ci interessa è quella che ha sostituito i cibi prodotti con gli antichissimi cereali introdotti nella preistoria dal Vicino Oriente asiatico: frumento, orzo, segale e le connesse leguminose: piselli, lenticchie, fave ecc., con quelli derivati dalle piante importate dall’America: mais, patate, fagioli ecc. Naturalmente occorre qui chiarire in che modo, in che misura e perché questa sostituzione di un tipo di agricoltura ereditato dal Vicino Oriente con il tipo creato nel Nuovo Mondo dagli indigeni americani abbia costituito un evento motore sotto il profilo economico-sociale, oltre che culturale. Ma per capire la questione occorre partire da lontano. Dall’anidride carbonica (CO 2 – biossido di carbonio) ricaviamo, tramite l’agricoltura, tutto il nostro cibo e tutto l’ossigeno necessario per respirare Le grandi rivoluzioni sono quelle che s’innestano nella natura più profonda del processo vivente. Esso, come sappiamo, è costituito dal ciclo geobioantropologico: il mondo vegetale, utilizzando con la fotosintesi l’energia solare, scompone il complesso: biossido di carbonio + acqua in ossigeno, indispensabile per la nostra respirazione (è sostanzialmente l’unica fonte di questo prezioso gas) e in composti del carbonio. Questo infatti, combinandosi con altri elementi chimici assorbiti dal terreno o dall’atmosfera (acqua ecc.) è la fonte diretta (o indiretta) di tutto il nostro cibo. Naturalmente, oltre che all’uomo, il mondo vegetale provvede l’ossigeno per respirare e gli alimenti a tutto il mondo animale. Spoglie e rifiuti umani, animali e vegetali rientrano poi in ciclo. Infatti, tranne il biossido di carbonio proveniente dalla respirazione che va nell’atmosfera, il resto dei rifiuti torna nel terreno, ove miliardi di microrganismi li decompongono in sali minerali, assorbibili dalle radici dei vegetali. Stando così le cose, se il complesso CO2 + H2O è l’unica fonte dell’ossigeno necessario per respirare, e di tutti gli alimenti, è chiaro che la via ora imboccata dalla conferenza di Kyoto (come dagli ecologi, ambientalisti ecc.) è solo provvisoria, temporanea. La CO2 è nociva solo quando le strutture geobiologiche del globo non sono in grado di corrispondere al ritmo di produzione di essa, per cui si crea un ingolfamento del quale l’effetto serra è l’espressione più vistosa. La “ negligenza” più madornale del mondo scientifico oggi sta nel fatto che, mentre si è provveduto, mediante la ricerca genetica, ad incrementare enormemente la produzione alimentare (ad esempio il grano, dai 5-8 q/ha della media nazionale del secolo scorso agli attuali 50-80 q/ha, con un aumento del 1000%), il livello d’intensità di scomposizione della CO2 da parte delle piante, misurato in base alla percentuale di utilizzo dell’energia lumino48 Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali sa del sole, è molto basso (0,4-1,6% secondo Menozzi e Pratolongo 1945, p. 215, del 2% secondo Tonzig 1948, p. 685; dello 0,14% secondo Scarponi et alii 2003, p. 185). Esso è ancora praticamente quello della preistoria, cioè non ci si è impegnati a sviluppare geneticamente la capacità fotosintetica delle piante. Ovviamente ciò è in dipendenza del fatto che, mentre il prodotto in grano di un campo è facilmente quantificabile, l’assorbimento di CO2 da parte dello stesso campo di grano, pur essendo di grandissima attualità nell’ambito delle attuali esigenze ecologiche, non è di fatto rimunerabile. Ciò anche se in effetti l’agricoltore che coltiva il frumento A che, a parità di produzione granaria, assorbe il 10% in più di CO2 rispetto al frumento B, dovrebbe essere ricompensato. Ma probabilmente il problema solo in parte va prospettato così , in quanto un maggior assorbimento di CO2 comporta automaticamente una maggiore produzione in granella. Lo aveva chiaramente dimostrato, sin dall’inizio dell’800, N. Th. De Saussure quando, nel 1804, pose in evidenza che la scarsità (ovviamente in prospettiva vegetale) di CO2 nell’aria è il fattore determinante nel limitare lo sviluppo delle piante, quando gli altri fattori sono disponibili in misura sufficiente (Menozzi e Pratolongo 1945, Tonzig 1948, Cescatti et alii 2003, Scarponi et alii 2003). Da tutto ciò si desume che il significato essenziale dell’agricoltura sta nel governo e sviluppo appropriato della fotosintesi mediante la scelta e il potenziamento di determinate piante, cui spesso è collegato l’allevamento di determinati animali e la protezione in genere dell’ambiente fisico-biologico del proprio territorio. Le grandi rivoluzioni nella produzione alimentare Non è qui il momento di considerare i problemi relativi all’assorbimento di CO2 e alla produzione di ossigeno, ma di dedicarci a illustrare, riassumendo e completando quanto già scrissi in merito (Forni 1996, 2000, 2002), le maggiori rivoluzioni tecnologico-agrarie che hanno segnato la storia dell’agricoltura lungo i millenni. Probabilmente l’introduzione dell’aratro è stata la più straordinaria di tutti i tempi. Ciò naturalmente tenendo conto della situazione tecnologica dell’epoca e degli effetti che ne conseguirono (Hahn 1909). Basti ricordare che, secondo i calcoli dell’archeologo Sherratt (1997 p. 185), la produttività del singolo operatore agricolo dotato di aratro, strumento che, per lavorare il terreno, utilizza l’energia animale, aumenta del 400% od anche di più, in confronto a quella di chi è dotato solo di vanga o di zappa. Quali ne furono le conseguenze? Come si è detto, enormi. Ciò infatti significò che il singolo coltivatore dotato di aratro non produceva solo per sé e la propria famiglia, ma anche per artigiani, commercianti, addetti al culto e così via. I piccoli villaggi più o meno temporanei si avviarono a divenire borgate. Lo sviluppo del processo indusse anche una differenziazione, stratificazione sociale sempre più accentuata e la borgata si trasformò in città, talora per fusione tra diversi villaggi e borgate. Nacque lo Stato. 49 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Abbiamo sopra detto che l’introduzione dell’aratro, utilizzando la forza animale, quadruplicò la produttività del singolo coltivatore. Per essere più precisi, l’aratro accentuò il sinergismo (e quindi appunto la produttività) tra uomo, piante, animali e terreno. Ma il lettore può giustamente porre una domanda: «Se l’emergere della civiltà urbana, il formarsi della città e dello Stato, fu una conseguenza della rivoluzione economica operata dall’introduzione dell’aratro, come mai, nell’America pre-colombiana, Incas, Aztechi e Maya costituirono città e Stati, anche se in quelle civiltà mancava l’aratro?» È un quesito importante, cui potremo rispondere più avanti. Ogni grande civiltà crea la sua specifica simbiosi con il proprio ambiente biologico Ogni popolo, ogni civiltà ha creato, sin dalla preistoria, una simbiosi con il proprio ambiente. La risultanza è un’opera di plasmazione reciproca. L’uomo preistorico ha focalizzato le piante e gli animali più utili. Ha creato per loro un habitat favorevole con l’attività di coltivazione e di allevamento. Non solo, ma, mediante un’attenta selezione, l’accoglimento accorto di mutazioni vantaggiose ed altre operazioni di natura genetica, ha plasmato piante e animali utili, in modo da eliminarne gli aspetti negativi ed esaltarne quelli positivi nei propri riguardi. Limitandoci ai vegetali, è in questo modo che in ciascuna grande regione del globo terrestre sono emerse alcune piante su cui si è centrata l’alimentazione umana e l’attività non solo materiale per coltivarle e utilizzarne il prodotto, ma anche intellettuale e culturale. Cioè quelle piante sono diventate il perno della civiltà di quella regione. E così , nell’ambito euro-mediterraneo, si è sviluppata nei millenni la civiltà del grano. In Estremo Oriente quella del riso, in America quella del mais e della patata, in Africa quella degli ortaggi, del sorgo e della banana. La matrice della civiltà del mais e della patata Per quel che riguarda l’opera delle civiltà americane nella “ creazione” del mais e della patata, essa rasenta l’incredibile. Basti dire che per il mais non esiste ancora tra i botanici l’accordo da quale specie selvatica (o quali specie, in quanto taluno pensa che all’origine del mais sia da porsi un’ibridazione tra due specie) sia partita la domesticazione di questa pianta. Oggi si propende (Doebley 1990; Maggiore e Bertolini 2000) per il teosinte e in particolare per la sottospecie parviglumis, spontanea nel bacino del Balsas River, a sud di Città del Messico. Secondo le ricerche più recenti, la spiga del mais (quella che volgarmente viene chiamata pannocchia) non è altro che il prodotto della femminilizzazione di una infiorescenza maschile (il teosinte, come il mais, è specie monoica, cioè la singola pianta porta fiori maschili e femminili separati) inserita su una ramificazione laterale. 50 Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali Ciò fu possibile in quanto nel teosinte sia l’infiorescenza maschile che la femminile posseggono una componente residuale del sesso opposto. Il processo si è svolto contemporaneamente al raccorciamento della ramificazione laterale, come appare nelle spighe del mais attuale. Tutta questa straordinaria evoluzione è avvenuta grazie ad un succedersi nei millenni di eventi genetici spontanei, normalmente di per sé recessivi, che l’indigeno americano seppe conservare e insieme migliorare. In questo modo la pianta, originariamente a cespo, dotata di più fusti, venne ridotta a pianta monofusto, vennero eliminate le ramificazioni laterali delle spighe, il che ha verosimilmente comportato l’aumento dei loro involucri (brattee). Si ingrossarono le cariossidi che aumentarono altresì di numero, si eliminarono gli internodi e avvenne l’irrobustimento del rachide (il cosiddetto tutolo). Si tenga anche conto delle continue ibridazioni tra le varie sottospecie selvatiche (due messicane, una colombiana e tre peruviane) di teosinte e di quelle domestiche, provocando processi d’introgressione, vale a dire un certo flusso di geni dei selvatici nei domestici. Da qui le varietà di mais di tipo farinoso, vitreo, pop, dentato e zuccherino. Se si considerano tutte queste modifiche nella loro rilevanza, numero e complessità, è chiaro che, al loro confronto, impallidiscono quelle degli attuali o.g.m. La differenza tra le introgressioni spontanee (o semispontanee) e quelle ora ottenute dall’uomo sta nella reciproca maggiore distanza tassonomica delle specie parentali in queste ultime. L’agricoltura attuale, compresa quella alpina, è la sintesi dei contributi di quattro civiltà plurimillenarie, imperniate ciascuna su una o due piante fondamentali, accompagnate da altre meno importanti. Rispettivamente: mais e patata, grano e orzo, riso, sorgo e ortaggi. Esse erano in diretta relazione con i “ centri” ristretti (A1, B1, C1) in cui ancora oggi crescono spontanei gli antenati di dette piante. Questi sono presenti in forma più diffusa nelle più ampie “ aree” A2, B2, C2 corrispondenti. La quarta civiltà converge nell’area A2. 51 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE b a c d La rappresentazione (frequente nel Perù, a partire dai primi secoli dopo Cristo) dei prodotti alimentari (frutti, tuberi, pannocchie ecc.) sulla ceramica (Salaman 1989) ha una rilevante valenza simbolica. In particolare la coppia gemellare di frutti evoca un forte richiamo alla fertilità della Terra. La figura umana simboleggia lo spirito che personifica la pianta e così via. Qui: a) vaso che rappresenta una coppia gemellare costituita da due pannocchie (botanicamente spighe); b) vaso che riproduce lo spirito della patata; c) coppia gemellare di patate dolci; d) coppia gemellare di zucche (a, c, d dalla raccolta del Museo Nazionale archeo-etnografico “ Pigorini” di Roma, in deposito presso il Museo Lombardo di Storia dell’Agricoltura di S. Angelo Lodigiano; b dalla collezione del Lindenmuseum fü r Vö lkerkunde di Stoccarda. Tutti provengono dalla costa settentrionale del Perù) 52 Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali c a b Il principale e meno incerto antenato selvatico del mais (Zea mays subsp. mays) è il teosinte. Di questo le due sottospecie più affini al mais sono: Zea mays subsp. mexicana, che cresce nel Messico tra i 1800 e i 2500 m di altitudine, e Zea mays subsp. parviglumis, sempre del Messico, ma propria della zona tra i 400 e i 1700 m di altitudine. In a) e b) rispettivamente spiga e grani di teosinte. In c) pianta di teosinte. Però la rilevante affinità del teosinte con il mais ha fatto ipotizzare (Goodman 1976) che invece il teosinte sia derivato da varietà di mais “ fuggite” dalla coltivazione, cioè diffusesi spontaneamente, al difuori dei campi coltivati a mais (da Mangelsdorf 1974). 53 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Anche la patata ha subito un analogo processo (Grun 1990) consistente, in un primo stadio, pur esso iniziato cinque-sei millenni prima di Cristo, nella creazione, nell’ambito andino settentrionale, di una specie di patata protodomestica (Solanum stenotomum). L’inserimento di gameti da specie selvatiche affini ha poi comportato il raddoppio del suo patrimonio genetico, sfociato alla fine nella creazione dell’attuale Solanum tuberosum ssp. tuberosum, originatasi nella regione cileno-argentina meridionale. Questo tubero, velenoso allo stato selvatico, come vedremo più avanti, per il contenuto in solanina, è stato reso innocuo allo stato domestico. Frobenius, e il suo allievo Volhard (1949), hanno analizzato a fondo, sotto il profilo etnoantropologico, il comportamento dei protocoltivatori attuali nei riguardi delle piante alimentari. Esso, come dimostra, su basi etologiche, l’etnoarcheologia (Forni 2004), è presumibilmente analogo a quello dei protocoltivatori preistorici. Le loro ricerche, sviluppate da Forni (2000), spiegano la natura antropologica del processo domesticante e inoltre evidenziano come il rapporto uomo-pianta del primitivo sia di tipo individuale. È un tipo di relazione che si ripete ancora oggi e che ben conosce chi coltiva con passione in vaso sul balcone o negli orti due, tre, poche piante, e ne segue lo sviluppo, germoglio per germoglio, foglia per foglia, sbocciar di un fiore, aprirsi di un petalo dopo l’altro. Egli conosce esattamente il colore, il sapore, l’odore, la forma di ogni particolare della pianta. È tale genere di rapporti ripetuti per generazioni di piante e di uomini che Frobenius e Volhard (1949, pp. 554 e 561) hanno efficacemente sintetizzato nella frase pensare e operare nel segno della pianta. In effetti sono questi due autori che focalizzano il fatto che, nell’ambito delle civiltà dei protocoltivatori, l’idea determinante è l’identificazione con la pianta e quindi il pensare e operare nel suo segno. In realtà essi hanno sottolineato come nei culti e nei miti di questi popoli si espresse un nuovo atteggiamento di fronte alla pianta e con ciò di fronte al mondo. In tali miti, appare che il coltivatore ha sottomesso la pianta alla propria responsabilità . Fu questo avvenimento che gli diede la possibilità di sentirsi responsabile dell’esistenza e della fertilità della pianta, coltivandola, curandola e soprattutto, lungo i millenni, selezionandola. Interiormente però questo avvenimento, che deve aver pesato sul coltivatore primitivo con una forza non immaginabile, determinò la sua intera ideologia nei riguardi dell’esistenza del mondo e dell’uomo. La pianta divenne per lui, per così dire, la chiave di spiegazione del mondo, e ciò che essa gli rivelò soprattutto e in primo luogo fu la continuità della vita attraverso la fruttificazione. È così che sono nati i miti delle origini delle piante coltivate. Generalmente essi sono basati sulla concezione (Jensen 1952) che, dal sacrificio della Ragazza Divina o della Madre Terra o del suo Figlio, si sono originate le piante alimentari. Nella California, ad esempio, gli Yuma, i Gabrielino, i Luiseno, gli Scioscioni raccontano che dal Figlio della Dea Terra, quando fu sacrificato, derivarono le zucche dallo stomaco, il mais dai denti, i meloni dal cranio. Tra gli Uitoto dell’America del Sud, le piante alimentari germinarono dai frammenti del corpo 54 Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali a b È probabile che anche il tripsaco (genere che comprende molte specie) per introgressione, abbia contribuito alla creazione del mais domestico attuale. In a) Tripsacum dactyloides; b) la sua spiga; c) la formazione delle più fondamentali varietà coltivate (cultivar) di mais, in rapporto al loro trasferimento in Europa (da Weatherwax 1954) c 55 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE d a c g f e b Forme arcaiche del mais: a) una delle più antiche raffigurazioni europee di questa pianta, effettuata da Fuchs nel 1542, ne evidenzia il carattere cespitoso; b) questo carattere è conservato nelle varietà più arcaiche, tuttora coltivate per la produzione di foraggio verde (Crescini 1951); c) spiga-pannocchia bisessuata (femminile la spiga sottostante, maschile la pannocchia soprastante), ricostruita da Galinat e Mangelsdorf partendo da reperti archeobotanici (Mangelsdorf 1974); d) raffigurazione della spiga-pannocchia su reperto archeologico (raccolto presso Mitla, nel distretto di Oaxaca) che ne evidenzia la corrispondenza (cfr. Mangelsdorf 1974); e) spiga di mais con ramificazioni laterali, che strutturalmente è un po’ analoga al pennacchio del teosinte e del mais; f), g) pianta di mais attuale e particolare di spiga. 56 Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali a b c d Documenti e tracce dei sistemi preistorici e antichi di coltivazione del mais in ambito americano, raccolti da Weatherwax (1954): a) in basso, campo di mais peruviano che evidenzia uno dei sistemi amerindi meno antichi di coltivazione di tale pianta: disposizione a intersolchi molto rialzati a seguito della rincalzatura; b) attrezzi antichi con la parte lavorante in conchiglia, osso ecc., reperiti e ricostruiti dal Museo di Storia Naturale di Chicago; c) antichi terrazzamenti per la coltura del mais in Arizona; d) i piccoli rilievi in questo prato guatelmateco sono i residui "fossilizzati" dei monticelli creatisi a seguito della rincalzatura delle piante di mais seminate con la tecnica a buchette. Tali tecniche, talora con opportuni adattamenti e perfezionamenti, furono importate in Europa insieme alla pianta. 57 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE della Dea Terra. In molti di questi miti si notano anche il perseverare dei valori sessuali e femminili, in quanto connessi con la fecondità dei viventi e della terra, ma anche le conoscenze delle proprietà alimentari, come delle esigenze climatiche, edafiche, fisiologiche, culturali, ecc. delle piante utili locali. E’ infatti lì , in questa temperie, che si è operata la prima intensa selezione di piante con determinati caratteri e quindi che si è originato quella labilità genetica propria delle piante coltivate, e in genere degli esseri viventi domesticati (Herre 1959). È lì che si sono originati i primordi di determinate tecniche, che richiedono appunto dei rapporti personali uomo - pianta, quali la potatura e la scacchiatura dei germogli ascellari, la curvatura e l’incisione dei rami, il diradamento di foglie e frutti, l’innesto (nato dall’osservazione di eventuali innesti spontanei per approssimazione), la concimazione, l’irrigazione, il sommovimento del suolo per renderlo più soffice (dissodamento), più analogo a quello delle aree naturalmente disturbate. Si è iniziato l’uso al riguardo degli strumenti prima impiegati per altri fini, quali l’impiego del bastone da scavo dei raccoglitori preagricoli in funzione di vanga o piantatoio, dell’ascia e di altri strumenti da percussione, come zappa, ecc. Nonché le pratiche della semina, del trapianto, della moltiplicazione per talea, margotta, propaggine. Soprattutto nella moltiplicazione per seme, ma anche in quella di tipo vegetativo si è praticata la selezione, processo che è alla base della domesticazione. Essa consiste nella scelta, ai fini della riproduzione, dei semi, noccioli, tralci, bulbi, tuberi, rizomi più “ belli” delle piante più vigorose, sane e produttive da seminare o piantare. Solo dopo la riscoperta (1900) delle leggi di Mendel, alla selezione empirica si è accompagnata quella su base scientifica. Mais e patata: un confronto con i precedenti cereali - l’innesco della rivoluzione industriale Ora possiamo rispondere al quesito di poc’anzi: come mai Incas, Aztechi ed altre popolazioni americane sono passate alla civiltà urbana senza il forte incremento di produttività permesso dall’adozione dell’aratro? La spiegazione viene data considerando il fatto che quel surplus alimentare prodotto dall’operatore agricolo dell’Antico Mondo grazie all’introduzione dell’aratro, in America lo si otteneva per merito della straordinaria produttività delle piante alimentari colà indigene: il mais (Zea mays) soprattutto, ma anche la patata (Solanum tuberosum); piante che già nell’America pre-colombiana, come abbiamo visto, avevano dietro di sé una lunghissima storia. Basti dire che, mentre la produttività del tipico cereale europeo, il frumento, in epoca pre-industriale era (come si è visto) sui 5-10 q/ha, quella del mais in condizioni adatte, era almeno doppia, quella della patata almeno decupla (Forni 1996 nota 17). Il che significa che, limitandoci al principale componente energetico nutritivo, l’amido, contenuto ad esempio nelle patate in una percentuale di circa il 20%, un ettaro a patate produceva il doppio in amido di quanto un ettaro coltivato a frumento rendeva in prodotto grezzo! Abbiamo fatto riferimento al mais e alla patata, in quanto certamente 58 Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali sono le più fondamentali nel corredo di nuove piante americane introdotte in Europa, ma si debbano aggiungere altre piante di non secondaria importanza economica: pomodoro, fagiolo (quello che i romani chiamavano phaseolus in realtà era il legume che attualmente denominiamo dolico), melanzana, peperone, zucca, tabacco, girasole ecc. (Simmonds 1976). Che cosa successe quando, con la scoperta dell’America, vennero importate in Europa le piante suddette? Evidentemente, già il sommarsi della produttività conseguente all’uso di un aratro ormai, con il Rinascimento, ulteriormente perfezionato e l’introduzione di numerosi altri miglioramenti tecnologici, con quella delle piante americane, doveva determinare una situazione economicamente e socialmente eccezionale. Ma non è tutto. Si deve anche considerare che l’introduzione del mais e della patata determinò uno straordinario sconvolgimento agronomico, con effetti a dir poco esplosivi. Solitamente si dimentica che la coltura dei cereali nell’antico Mondo non inibiva, nelle condizioni tecnologiche dell’epoca, il prorompente sviluppo delle malerbe. Da qui la necessità di alternare all’anno di coltura a cereali l’anno a maggese, durante il quale, oltre al resto, avveniva appunto l’eliminazione delle erbe infestanti. Del tutto diverso era l’esito della coltura del mais e della patata: esigendo frequenti sarchiature, permettevano, durante la loro coltivazione, la mondatura di malerbe. Inoltre, essendo piante da “ rinnovo” , richiedevano lavorazioni profonde e abbondanti concimazioni. Tutto ciò significa che in pratica permettevano (con la concomitanza di altre condizioni tecniche favorevoli, emerse nella stessa epoca) la soppressione del maggese e quindi, come è evidente, il raddoppio o almeno l’incremento di un terzo (ove si praticava il maggese ogni due anni) della superficie coltivata. Ciò significa altresì che, con l’eliminazione del maggese e la sostituzione della rotazione discontinua biennale o triennale con quella continua quadriennale e l’introduzione del mais e della patata, la superficie coltivata produttiva di fatto si raddoppiò od aumentò di un terzo, ovverosia, in sostanza, con poco lavoro in più (si tengano presenti le arature ripetute richieste dal maggese), si aggiunse la produzione - di per sé ingente - del mais o della patata, senza concreta diminuzione di quella precedente a base di frumento. Ciò in quanto il mais o la patata non sostituirono nella rotazione queste colture, ma come si è detto il maggese, di per sé improduttivo. Le geniali innovazioni (Forni 1987) volte all’eliminazione di questo, proposte dai nostri grandi agronomi del ‘500, Gallo e Tarello, si diffusero solo quando si introdussero in Europa sarchiate ottimali sotto il profilo agronomico, oltre che sotto quello produttivo, quali appunto il mais e la patata. Infatti le sarchiate in precedenza conosciute, quali la rapa, erano molto inferiori, specie sotto il profilo agronomico, alle nuove americane. Ciò spiega la scarsa diffusione, specie in Italia, delle rotazioni continue imperniate sulle antiche sarchiate. 59 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE In conclusione, l’introduzione del mais e della patata in Europa comportò l’innesco di un processo di enorme sviluppo della produttività, con contemporanea espulsione dalle campagne del surplus demografico che andava creandosi, il cui effetto finale stiamo vivendo oggi: la rivoluzione industriale. È chiaro che, come in tutte le rivoluzioni, anche in quella industriale le cause e condizioni in gioco sono state innumerevoli, ma è importante distinguere le principali dalle secondarie. Ora, l’enorme incremento produttivo che si determinò nelle regioni meridionali d’Europa con il mais, e in quelle centro-nordiche con la patata (e le patate, come il mais, costituivano un succedaneo del pane e della pasta: ben lo sapevano i nostri montanari e i nostri contadini che accompagnavano le pietanze, invece che con il pane, con polenta o patate lesse o torte di patate), determinò in Europa uno straordinario incremento di popolazione che si riversò nelle città. L’enorme disponibilità di manodopera che così si venne a creare costituì la condizione di fondo per applicare quei metodi razionali di produzione (la produzione in serie) suggeriti dalla mentalità illuministica, scientifica, che nel frattempo era maturata in Europa. Gli investimenti enormi necessari a questo tipo di produzione, quello industriale, erano derivati dalla ricchezza prodotta nelle campagne, come già aveva sottolineato il Cattaneo (cfr. Scritti sulla Lombardia, ristampa 1971). L’incremento straordinario di popolazione e di prodotti industriali di elevato livello tecnologico permisero agli europei di colonizzare il mondo. Basti pensare che le diverse centinaia di milioni di abitanti delle due Americhe, dell’Australia, dell’Asia centrale e settentrionale (colonizzazione russa) sono in grandissima maggioranza di origine europea. Bisogna anche precisare che, come evidenzia Brandolini (1970), la storia dell’introduzione del mais in Europa non è così semplice come potrebbe apparire. Colombo, al ritorno dal suo primo viaggio (1493) offrì ai regnanti spagnoli del mais, assieme agli altri prodotti tipici delle terre scoperte. Ma, trattandosi di mais di varietà tropicali, una volta seminato in Europa, non riusciva a fruttificare. Ciò si verificò anche con il mais importato con i viaggi immediatamente successivi di Colombo e di altri esploratori. Per questo motivo il mais, come pianta alimentare coltivata, si diffuse, prima che in Europa, in Africa e in sud-Asia, tanto che poi alcuni credettero (Weatherwax 1954, pp. 132-138; Mangelsdorf 1974, pp. 201-206) che il mais fosse pianta asiatica, od almeno importata attraverso il Pacifico in Asia, in epoca precedente alla scoperta dell’America da parte di Colombo. Fu solo con l’estendersi delle esplorazioni dall’America Centrale all’America temperata, che le varietà da qui provenienti (i cosiddetti northern flint corns) si acclimatarono anche in Europa. Ciò per l’uguale durata del periodo d’illuminazione giornaliera (foto-periodo), fattore determinante in fisiologia vegetale, del Paese d’origine e di quello europeo. Brandolini (1970) evidenzia che, non appena acclimatate in Spagna queste varietà, esse entrarono nei centri commerciali del nostro Paese, attraverso i domini spagnoli. Dal Veneto, ove il 60 Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali mais era giunto (Messedaglia 1927 p. 366) nel grande emporio di Venezia avanti il 1550 ed era stato coltivato prima a scopo di studio (negli orti botanici), poi per fini economici nei campi (Ramusio ne riferisce nel 1554), penetrò nel Friuli, ove è documentato (Rossitti 1987) dal 1580, e nel Bergamasco, allora sotto il dominio di Venezia, nel 1632 (Messedaglia ibidem). A Milano, una grida del 1649 dispone l’apertura del mercato al commercio del mais, per contrastare la penuria di altri grani. È soprattutto sotto lo stimolo di queste carestie (in particolare di quelle del 1677/78) che il mais si diffuse (Coppola 1979 p. 21) nelle campagne milanesi e, un po’ più tardi, anche in quelle della Lombardia alpina (Messedaglia 1927 p. 308). Più rapida l’introduzione dal Veneto nel bacino Danubiano, dove è documentato (Brandolini 1970) dal 1590. Accanto ai mais del tipo flint corns, cui appartenevano quasi tutti i granturchi coltivati in Italia, si affiancarono i popcorns, da cui derivarono per introgressione le nostre varietà Perla, Pignoletto e buona parte dei cinquantini e quarantini (Crescini 1951). Un quesito storico ci pone il fatto che in molte aree della Lombardia il mais, il più “ grande” e “ grosso” dei cereali, sia chiamato carlone. Scrive infatti Giuseppe Banfi, nel suo Dizionario milanese / italiano (Milano 1852) sotto la voce melgon (= granoturco): « La coltura di esso tra noi la raccomandò S. Carlo Borromeo [… ] e che da lui chiamossi Carlone ». Una delle spiegazioni possibili potrebbe consistere nel fatto che San Carlo abbia conosciuto il mais e ne abbia ascoltato gli elogi, in occasione dei suoi contatti con Venezia (nel Veneto, come si è visto, era entrato in coltivazione prima che in Lombardia) e poi l’abbia diffuso, suggerendone la coltura, durante i suoi frequenti viaggi pastorali. Ma i suoi consigli vennero accolti solo in occasione della grande carestia che imperversò alla fine del ‘500 dopo la sua morte. Peccato che, dopo tante diffidenze e tentennamenti nell’adozione di questa nuova pianta, presto si passò a nutrirsi solamente dei suoi grani. Da ciò il dilagare in certi ambiti della pellagra (Messedaglia 1927). Non si era fatto tesoro dell’esperienza plurimillenaria degli Amerindi che si cibavano sì di mais, ma integrandolo con altri alimenti. L’acquisizione non solo di piante domestiche, ma anche delle tecniche per coltivarle Come abbiamo gà accennato, l’introduzione in Europa del mais e patata non si è limitata sic et simpliciter alle due specie vegetali, ma ha compreso anche quella delle loro specifiche tecniche colturali (Trochet 1994). Queste, come si è visto, sono state elaborate dagli Amerindi in millenni di tentativi ed esperienze. 61 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Egualmente, anche se la patata selvatica è abbastanza facilmente reperibile nelle vallate andine, i suoi tuberi sono amari e velenosi per l’uomo (Simmonds 1976) in quanto ricchi di alcuni glucosidi ed alcaloidi o glucoalcaloidi (solanina, solanidina, solanocapsina ecc.) con proprietà emolitiche ed irritanti. Ecco quindi che è necessario, per renderci conto dell’importante contributo delle civiltà indigene americane alla nostra agricoltura, porre in evidenza le tecniche colturali praticate dalle popolazione incaiche, atzeche e dalle altre genti amerinde. Preziosa al riguardo è l’opera Nueva Coronica y buen Gobierno stesa all’inizio del ‘600 da un indigeno peruviano forse discendente da dignitari locali: Felipe Guaman Poma de Ayala. Tale codice rimase dimenticato fino al 1908, quando venne scoperto nella Biblioteca Reale di Copenhagen e poi riprodotto in edizione critica nel 1936 dall’Institut d’Ethnologie dell’Università di Parigi. Una nuova edizione è comparsa nel 1987. Guaman Poma de Ayala era nato intorno al 1535, in epoca coincidente con quella dell’arrivo di Pizzarro in Perù. Stese la sua opera con l’intenzione di far conoscere la storia andina, fino allora tramandata oralmente, attraverso la consultazione dei vecchi indios. Grande interesse ha suscitato il Convegno svoltosi non molto tempo fa (1999) presso l’Istituto Italo-Latino-Americano di Roma, dedicato a Guaman Poma de Ayala e a Blas Valera. Il motivo di questo colloquio scientifico è dovuto alla recente scoperta a Napoli di importanti documenti del seicento che rivelano come Poma de Ayala fosse in realtà il prestanome del gesuita Blas Valera. Questi capeggiava, nell’ambito della Compagnia di Gesù sud-americana, un movimento che non solo rivalutava la civiltà incaica, ma denunciava, come si legge anche in quell’opera, i crimini dei conquistatori spagnoli e dei successivi colonizzatori nei confronti degli indigeni. Il predominio da parte della Spagna di quel tempo suggerì quello stratagemma, cioè l’adozione dello pseudonimo. L’esito fu solo parziale, in quanto l’intera Compagnia di Gesù, più tardi (nel 1700), principalmente per influenza di Portoghesi e Spagnoli, venne soppressa. Analogamente prezioso per l’ambito nord-americano (azteco) è il Codice Fiorentino (così chiamato perché conservato nella Biblioteca Laurenziana di Firenze), steso a partire dal 1547 dal frate francescano Bernardino de Sahagun con il titolo di Historia general de las cosas de la nueva Españ a. Esso, come scrive uno specialista, il Baudot (in Todorov/Baudot 1983), rientrava nel grandioso progetto di questi religiosi di scoprire i valori aborigeni messicani mediante accurate interviste, condotte con una metodologia in sostanza straordinariamente moderna. Infine, di rilevantissimo interesse documentario, anche a riguardo della coltivazione di altre piante, sono gli acquarelli realizzati dal vivo (1585-86) dall’in62 Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali glese John White, che costituirono poi la base del primo volume della Americae Descriptio (Francoforte 1590) di Théodore De Bry. Pubblicazione questa poco oggettiva, in quanto stesa in chiave di un feroce antispagnolismo e di un fanatismo protestante (basti dire che il protestante De Bry ripubblicò in un successivo volume di essa, tacendo il nome dell’Autore in quanto Gesuita, il prezioso lavoro a sfondo anche etnografico: Historia natural y moral de las Indias, del Padre Josè de Acosta, il cui originale è appunto del 1590), ma ricca d’informazioni preziose ai nostri fini. È al De Bry che si deve anche la riproduzione delle incisioni che illustrano l’opera del viaggiatore milanese G. Benzoni: Historia del Mondo Nuovo. Questa, stampata precedentemente a Venezia nel 1565, venne poi pubblicata in traduzione latina da De Bry (1594-1596) nella sua Americae L’illustrazione più completa delle tecniche agricole relative alla coltivazione non solo del mais, ma anche della patata, impiegate dagli Amerindi del Sud, è contenuta nelle incisioni riguardanti le loro attività agricole, scandite mese per mese, inserite nell’opera del peruviano Felice Guaman Poma de Ayala: Nueva Coronica y buen Gobierno, risalente all’inizio del ‘ 600. Occorre tener presente che, trattandosi di un’area dell’emisfero meridionale e per di più non lontana dall’Equatore, in cui le coltivazioni sugli altopiani andini si svolgevano anche a notevole altitudine, le stagioni e il clima non sono coincidenti con i nostri. Quindi, tra il resto, la semina del mais si praticava in agosto, mese da cui iniziamo la nostra riproduzione di dette incisioni. I - AGOSTO. Semina del mais: gli uomini scavano buchette con il bastone-vanga (ciaquitaqlla, letteralmente aratro a piede); le donne frantumano le zolle. La birra di mais (cicia), bevuta in abbondanza, provoca qualche ubriacatura. II - SETTEMBRE. È il mese della siccità . Termina la semina del mais in un campo solcato da canali d’irrigazione. Una donna spiana la terra dopo la semina, con uno speciale strumento in legno a forma di spada (cucillon). 63 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE III - OTTOBRE. Uccelli e quadrupedi danneggiano il mais germinante, mangiandone le tenere foglie. Occorre allontanarli con la fionda e i sonagli. IV - NOVEMBRE. C’è ancora siccità . La distribuzione dell’acqua va regolata, cavandola da un vascone. V - DICEMBRE. Si piantano i tuberi di patata: anche qui gli uomini scavano solchi col bastonevanga e le donne vi inseriscono i tuberi e sminuzzano le zolle con martelli. Inizia la stagione delle piogge, che si concluderà in maggio. VI - GENNAIO. Mese piovoso. Si zappano e si sarchiano le giovani piantine di mais, seminate in agosto-settembre. Il guardiano si scalda al fuoco. 64 Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali VII - FEBBRAIO. Ancora piogge. Il mais si sviluppa. Occorre allontanare, facendo fracasso con tamburelli, gli animali che ne sono attratti. In primo piano, raccolta di due piante di patata. Ciò documenta due fatti significativi: la coltura di patate precoci (ciclo vegetativo di due-tre mesi) e quindi la differenziazione varietale di questa pianta, e la sua coltivazione inserita nei campi di mais. VIII - MARZO. Ancora piogge. Continua lo sviluppo del mais. I ragazzi spaventano con fionde e sonagli gli uccelli che vogliono cibarsene. Si immagazzinano i primi fasci di mais maturo. IX - APRILE. Ormai il mais è pronto per il raccolto. E’ luna piena. Occorre far attenzione ai ladri: uno di essi è in agguato con un lama. Il guardiano che si scalda al fuoco non se ne accorge. X - MAGGIO. Si raccoglie il mais con un falcetto dentato. Si affastellano gli stocchi di mais. 65 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE XI - GIUGNO. Si procede alla raccolta delle patate delle varietà a ciclo normale, con bastonevanga e zappa. Prima di immagazzinarle vengono asciugate al sole, poi trasportate in sacchi ai magazzini. XII - LUGLIO. Si trasportano le provviste nei magazzini. Cani e polli si cibano dei chicchi che cadono in terra. Descriptio. Da essa è tratta l’incisione che illustra il metodo indigeno per produrre la birra (cicia) mediante masticazione / insalivazione del mais, onde trasformarne l’amido infermentescibile in zuccheri fermentescibili e quindi trasformabili in alcol. Tale metodo arcaico era diffuso tra gli agricoltori primitivi di tutti i continenti ed è documentato anche per l’Europa dall’antica leggenda della birra alla saliva d’orso (Werth 1954). Focalizziamo ora il caso dell’introduzione della patata Anche la patata, come il mais, e l’abbiamo già accennato, è di origine americana ed è correlata a circa 170 specie selvatiche (Simmonds 1976) dell’area andina tra Cile e Perù, ma specie spontanee sono reperibili anche nel Messico e negli Stati Uniti. I primi documenti archeologici in America Meridionale risalgono al 5000 a.C. Il navigatore veneto Antonio Pigafetta, nel resoconto dei suoi viaggi, cita la patata già nel 1519, ma l’introduzione della patata in Europa fu effettuata dagli 66 Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali a b c d In molti linguaggi amerindi il mais è indicato con termini o circonlocuzioni il cui significato equivale a “ fonte di vita” . Ciò spiega come esso sia stato deificato. a) la dea azteca del mais, raffigurata dal frate francescano Bernardino de Sahagun (nella sua basilare opera Historia general de las cosas de Nueva Españ a, stesa a partire dal 1547); b) statuetta raffigurante il giovane dio del mais dei Maya, conservato al British Museum (cfr. Weatherwax 1954); c), d) Il dio del mais protegge le colture da tutte le avversità : topi, uccelli, siccità ecc. In entrambe queste miniature, risalenti al Messico pre-colombiano, il mais è personificato (la parte della pianta con le spighe pannocchie nel comune linguaggio - funge da cappello) ed è rappresentato dal personaggio posto innanzi al dio (Elting e Folsom 1967). 67 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE a b a) Il Solanum vernei, uno degli antenati selvatici della patata domestica. Notare la piccolezza dei tuberi e dei frutticini (Brü cher 1961, in Kö rber-Grohne 1988). Il suo habitat si estende dai 2800 ai 3800 m s.l.m., nel versante orientale argentino della cordigliera delle Ande. b) Esemplare di patata domestica. Spesso i frutti abortiscono o cadono innanzitempo. Per la divinizzazione e personificazione della patata si rimanda alla figura b di pag. 52. 68 Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali a b a) Origine e diffusione delle patate domestiche (schema semplificato ispirato a N.W. Simmonds in Potatoes, in Simmonds 1976 p. 81 ss. b) Nel ‘ 700 la conoscenza della patata in Europa era ancora approssimativa. Ecco come viene illustrata questa pianta da Giovanni Battista Occhiolini nelle sue Memorie sopra il meraviglioso frutto americano chiamato volgarmente patata, ossia pomo di terra, con la descrizione della maniera di piantarlo e coltivarlo, Giunchi, Roma, 1784. 69 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Spagnoli verso il 1570. All’introduzione della patata nell’Europa temperata fredda – insieme a quella del mais, che si diffuse nell Europa centro-meridionale – si deve, come si è già accennato, quel massiccio incremento della produzione alimentare per operatore agricolo (oltre che globale) che fu all’origine del decollo industriale europeo. La prima documentazione della patata in Italia (Saccardo 1971) si ha nell’Archivio dell’Orto botanico di Padova (lettera del dicembre 1597). Ma, secondo il Biadene (1996 pp. 18-20), la patata sarebbe stata introdotta a Genova dalla Spagna circa un decennio prima, in occasione della fondazione in quella città del convento di S. Anna, disposto da Santa Teresa d’Avila. Ne riferisce il Padre Vitale Magazzini (defunto nel 1606) in un suo trattato sulla “ Coltivazione in Toscana” , pubblicato dopo la sua morte. Però una diffusione massiccia si ebbe solo tra la fine del Settecento e l’inizio dell’Ottocento, per opera nel Veneto di Antonio Zanon e in Piemonte, come vedremo, di Vincenzo Virginio, e più in generale dell’agronomo bolognese Filippo Re (Biadene 1996). Un efficace precursore comasco fu Alessandro Volta. Anche questo studioso, come si è accennato per San Carlo, apparteneva alla categoria di quei personaggi che, data la posizione che occupano e il ceto cui appartengono, vivono in più facile contatto con gli ambienti internazionali. Sono quindi informati delle novità estere (ed “ estero” per San Carlo era la terra veneta). E, qualora siano positive, possono constatarne direttamente l’utilità e proporle al proprio Paese. Secondo la tradizione popolare, è questo appunto che successe a San Carlo. Fortunatamente, per Alessandro Volta si possiede una documentazione, tratta dal suo epistolario, dei suoi interventi per l’introduzione della coltura della patata (Alberini 1973 pp. 32-34). È infatti a seguito di un lungo viaggio (aveva allora trent’anni), compiuto attraverso l’Alsazia, la Savoia e la Svizzera nel 1777, che aveva potuto constatare i benefici effetti della coltivazione della patata. Da qui, ne fece iniziare la coltura nelle sue terre di Camurago e Lazzate. Successivamente, si affiancò in tale opera di diffusione la società Patriottica Milanese. Attivissima al riguardo fu la Contessa Teresa Ciceri Castiglioni. Nel 1832, il Prof. Pietro Monti, curato di Brunate, scriveva che nel Comasco già si coltivavano ben dieci varietà di patate: dalla Primaticcia di Bellinzona alla Tardiva biancogiallastra. Questo don Monti, allora docente all’Istituto Lombardo di scienze lettere e arti, autore (1848) di un prezioso dizionario dei dialetti comaschi, era anche appassionato sperimentatore agrario. Nel suo orticello in montagna, a Brunate, (Alberini 1973 pp. 34-35), dopo aver sperimentato appunto la coltivazione di diverse varietà di patate, poté suggerirne la coltura ai suoi parrocchiani. Superate queste difficoltà, la patata, come ebbe a scrivere lo stesso Monti – lo si è visto sopra – si diffuse nel Comasco abbastanza rapidamente, tanto che 70 Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali divenne celebre – e non solo in Italia – una varietà indigena appunto comasca, la Bianca di Como. Ecco quindi che la patata si aggiunse al mais per sorreggere l’economia delle famiglie contadine brianzolo-comasche, proprio all’epoca delle prime rilevanti crisi della bachicoltura. Ma don Pietro Monti non contribuì solo a diffondere la patata. Scriveva infatti, come riferisce Alberini (ibidem), a proposito dei tentativi per introdurre nuove specie e nuove varietà coltivate e per migliorare l’agricoltura: « ...Né questo dobbiamo già aspettare che facciano i nostri coloni, servi del bisogno e ignoranti, che non hanno mezzi di procurarsi le tante varietà , anzi neppure sanno che esistono. È invece dovere dei ricchi proprietari di terreni, e di chi si diletta nella più utile delle scienze, di fare questi esperimenti con amore, buona fede, lunga cura e disinteresse ». Ma a proposito dell’introduzione del mais e della patata (e potremmo allargare il discorso al riso ed a qualsiasi altra pianta di nuova introduzione, a diffusione massiccia) non saremmo completi se non accennassimo alle incredibili difficoltà psicologiche che s’incontrarono per la loro adozione. Limitandoci a portare l’esempio della patata (per il mais rimandiamo al Messedaglia o.c.), Alberini (1973) elenca tutta una serie di pregiudizi. Molti la ritenevano un narcotico, altri una droga, i più benevoli la consideravano un cibo adatto solo per il bestiame, per i maiali in particolare. Il medesimo comportamento lo si riscontra oggi per l’introduzione delle piante e l’uso di alimenti transgenici. La psiche umana ha fondamenta archetipiche, che non sembra vadano incontro a facili mutazioni (Jung, Kereny 1948; Hillman 2000). I campi degli Amerindi in Valle d’Aosta e in Piemonte Come abbiamo sottolineato in precedenza, la coltivazione di patate e mais in Europa non significa solo il trasferimento di due piante, per così dire allo stato grezzo, selvatico, ma quello di due capolavori biologico-agricoli, promotori straordinari d’innovazioni e di benessere, plasmati da 5000 anni di osservazioni e intelligenti interventi. Significa il trasferimento di tecniche colturali, perfezionatesi via via nei millenni. Basti citare quelle della rincalzatura, essenziali per il mais a causa delle sue radici avventizie, ma benefiche anche per la patata; le concimazioni organiche abbondanti, le sarchiature con efficace effetto diserbante. E ciò che si è detto per mais e patate si dovrebbe aggiungere per zucche, fagioli, pomodori e per tutte le altre piante domesticate dagli Amerindi. In questo nostro contributo si è voluto focalizzare il loro significato colturale e quello, non meno importante, economico-sociale, tecno-agronomico. C’è da premettere che se anche alcune piante come il mais, il pomodoro, la zucca, essendo di origine tropicale o sub-tropicale, ebbero una limitata diffusio71 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE ne nelle aree alpine, ebbero un notevole riflesso economico-sociale indiretto con il loro massiccio inserimento nel vicino ambito pedemontano e comunque entrarono direttamente nell’alimentazione locale. Non è inutile ricordare che anche in Piemonte e in Valle d’Aosta l’introduzione delle nuove piante incontrò grosse difficoltà psicologiche. In particolare per la patata, alcuni medici provarono un’avversione straordinaria. Significativo l’episodio riportato sul “ Courrier de la Vallée d’Aoste” : a Cogne, nel 1854, all’inizio di maggio. La gente si fermava agli angoli delle case, nelle vie più importanti, per leggere dei manifesti sui quali il medico di Cogne, dottor Cesare Grappein, aveva scritto: « Guerra a morte alle patate [...] esse sono la causa di tante malattie [...] e spesso della vostra morte ». Altri medici diffondevano la voce che le patate provocavano la lebbra (Vescoz 1912, Jacquemod 1993). Furono poi le carestie del 1816/17 che, con la grande penuria di alimenti, concorsero a dissipare questi pregiudizi. Anche l’introduzione del mais in Piemonte e nei territori circumvicini non risultò di tutto riposo. I contadini lo avversavano perché attaccati alle tradizioni, i padroni in quanto temevano che venisse trascurata la coltivazione dei cereali nobili, in particolare del frumento su cui si basava la riscossione delle imposte. Ma ora vediamo di offrire qualche dato cronologico. Secondo il Levi (1979) il mais entra periodicamente nella coltivazione già alla fine del ‘500, per iniziativa Saint-Nicolas, 1980. Anche nelle sarchiature-rincalzature il coltivatore moderno può operare con il piccolo aratro assolcatore trainato da un mulo. Non così non solo gli Amerindi, ma anche i nostri nonni che dovevano operare manualmente con la zappa (foto proprietà famiglia Champrétavy) 72 Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali dei contadini, nelle aree in cui vigeva ancora il regime delle decime in natura. Ciò in quanto, trattandosi di una pianta nuova, poteva essere sottratta alla decima. Egli porta l’esempio dell’abbazia di San Benigno nel Basso Canavese, in cui solo nel 1609 si stende un contratto con i contadini di Montanaro, per il quale anche il mais viene sottoposto a decima. Ma nel contratto si accenna che tale coltura era praticata senza tassazione a partire dal 1593, cioè da 16 anni. Levi aggiunge che furono le carestie degli anni ‘20 del ‘600 a dare impulso in Piemonte alla diffusione del mais. Questa si sviluppò in particolare nelle zone più umide del Casalese, Vercellese, Novarese. Un primato un secolo dopo venne raggiunto dalla Provincia di Ivrea, dove, nel decennio 1760-69, la percentuale della superficie coltivata dedicata al mais è del 47,8%, superando il 50% a fine secolo, mentre quella dedicata al frumento è stabile attorno al 20%. Opposta era la situazione nella Provincia di Torino e quella media calcolata per l’intero Piemonte. Nel secolo successivo il mais divenne la fonte principale dell’alimentazione operaia e contadina piemontese, parzialmente sostituito dalla patata in montagna. Per la Valle d’Aosta Vescoz (1912) riferisce che fu nel 1785 che venne seminato il primo mais in località Montjovet. Aggiunge che la sua coltura si diffuse nella bassa valle, ma soprattutto nei dintorni di Aosta, ma a fine ‘800, pur mantenendosi alto il consumo di mais, la sua coltura si ridusse per la concorrenza del mais piemontese. Aymavilles. Per “ seminare” le patate non è necessario impiegare l’intero tubero, ma, come ci hanno insegnato gli Amerindi delle alte vallate andine, basta un pezzo di esso con una gemma. Qui due donne preparano i frammenti di tubero per la “ semina” (archivio BREL, collezione Bérard) 73 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Non è questo il caso della patata. La sua introduzione nella Valle (Jacquemod 1993) può essere datata negli ultimi decenni del ‘700, probabilmente nell’ambito della corrente di traffico che unisce la Valle d’Aosta alla Savoia. Il dottor Antonio Campini, nei suoi Saggi d’agricoltura col trattato sulla coltivazione delle patate, stampato nella Stamperia Reale di Torino nel 1774, dopo aver riferito che era poco diffusa tranne che nelle valli di Lanzo (Groscavallo) e dell’Orco (Locana), aggiunge che era coltivata in Valle d’Aosta a Cressoné (Gressoney). Cita anche una località (Breuse) (in Piemonte o in Valle d’Aosta?) che non sono riuscito a rintracciare. Successivamente la diffusione in Valle d’Aosta della coltura delle patate, a partire dalla carestia del 1816-17, fu per così dire trionfale. Essa si rallentò notevolmente negli anni immediatamente successivi al 1844, a causa della peronospora, fitopatia per la quale per diverso tempo non si seppe trovar rimedio. Scriveva Vescoz nel 1912: « Oggi la sua coltivazione è generalizzata. È una sorgente di ricchezza per il contadino. Essa figura sia sulla tavola del povero che su quella del ricco ». Anche nelle altre vallate alpine occidentali la patata si afferma massicciamente nei medesimi anni. Comba (2002 p. 33) documenta che la maggior parte delle patate che affluivano nei primi decenni dell’800 al mercato ortofrutticolo di Torino provenivano dalle valli di Lanzo. Un attivo diffusore del consu- La coltura del mais in Valle d’Aosta a Sarre - Chesallet (archivio BREL, collezione Bérard) 74 Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali mo della patata fu il già citato avvocato Vincenzo Virginio che, nel novembre del 1803, distribuiva gratuitamente le patate nel pubblico mercato di quella città. Ma bisogna tener presente che, stando alla documentazione apportata da Biadene (pp 7, 20, 144), la patata nelle vallate alpine piemontesi, a partire da quelle attigue alla Liguria, grazie alla suaccennata sua precoce diffusione nel Genovesato, era già coltivata nei primi decenni del ‘600. Infatti egli riferisce come storici olandesi abbiano dimostrato che, in tale epoca, i fuoriusciti Valdesi provenienti dal Piemonte abbiano diffuso la coltura della patata “ in gran parte dell’Europa” , presumibilmente quella protestante, in cui si erano rifugiati. B I B L I O G R A F I A ALBERINI M., Da Como a tavola, Sansoni, Firenze, 1973. BENZONI M. G., La historia del mondo nuovo, Flli Rampazetto, Venezia, 1565. BIADENE G., Storia della patata in Italia, Avenue Media, Bologna, 1996. BRANDOLINI A., Maize, in O.H. Frankel, A.H. Bunting (eds.), Genetic resources in plants - Their exploration and conservation, Blackweel, Chicago, 1970, pp. 273-310. CATTANEO C., Scritti sulla Lombardia, a cura di G. 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Ce petit aperçu n’a rien de rigoureux, ni du point de vue scientifique ni historique, mais c’est tout simplement la mise en relation, faite par un praticien tel que je suis, des connaissances acquises pendant mon activité professionnelle et les notions reçues par mes aï euls ou par des personnes d’un certain âge avec lesquelles j’ai eu l’occasion et le plaisir de parler. 1. Le jardin potager d’hier Les rôles fondamentaux joués par le potager d’autrefois étaient trois. Autonomie alimentaire Certainement le rôle prioritaire d’un jardin potager, comme pour n’importe quelle autre activité agricole, était de fournir des aliments à une famille et de la rendre autonome vis à vis de l’extérieur. Cette tâche devait être absolument accomplie soit pendant la belle saison soit pendant les saisons mortes, donc la capacité des végétaux de s’adapter aux conditions climatiques, revêtait une grande importance afin d’assurer une production indépendamment des aléas du temps. Toujours dans le même objectif, les techniques de conservation et la facilité des végétaux à se conserver devaient être pris en sérieuse considération. É conomique Il est clair que le fait de pouvoir disposer d’aliments était une rente économique non indifférente, parce qu’on n’avait pas besoin d’argent pour acheter 79 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE ces biens essentiels. Cela est bien expliqué par le proverbe qui dit : « Tout ce qui est trouvé c’est du gagné ». Si l’année avait été bonne et que l’on avait un surplus de production, celle-ci échangée avec d’autres biens, faisant fonction d’argent. Dans la Vallée de Valtournenche, par exemple, on échangeait les pommes de terre avec des châtaignes, en différenciant de telle sorte les aliments à disposition de la famille. Pharmaceutique Plusieurs, si non la totalité, des légumes cultivés possédaient des caractéristiques telles qui les rendaient, non seulement des aliments, mais aussi des produits de prévention ou de soin pour certaines (photo A. Neyroz) maladies ou certains dégâts biologiques. À ce propos, on peut rappeler le pouvoir antibiotique et désinfectant de l’oignon, les caractéristiques diurétiques et hypotensives du poireau, les dons cicatrisants, anticancéreux, antianémiques et antiscorbutiques des choux et n’oublions pas les richesses en vitamines et sucres des carottes et des betteraves. 1.1. Caractéristiques des végétaux qui étaient cultivés autrefois - Indigènes et rustiques - Peu exigeants - Faciles à cultiver - Faciles à conserver - Assez énergétiques - Pas de légumes fruit Les quelques caractéristiques citées, plus haut, nous permettent de bien comprendre que les légumes cultivés autrefois permettaient de bien accomplir les rôles pour lesquels ils étaient cultivés. Le fait d’être des végétaux autochtones ou provenant de régions tempérées les rendaient rustiques et donc bien aptes à vivre dans des conditions climatiques de montagne en assurant, de conséquence, chaque année des productions convenables. Ces plantes présentaient des exigences culturales modestes et que d’interventions agronomiques simples et bien connues. Les sols de montagne, superficiels, caillouteux, assez pauvres, souvent secs, permettaient quand même la réa80 Le jardin potager : hier et aujourd’hui lisation de ces cultures, pour lesquelles étaient suffisants une bonne fumure, un apport régulier d’eau et une lutte efficace contre les mauvaises herbes. Le fait de bien s’adapter au climat assez rigide de la montagne permettait une double récolte annuelle, par exemple des épinards en automne et très tôt au printemps, des choux d’été et des choux d’automne, des oignons au printemps et à la fin de l’été. La plus grande partie de ces végétaux pouvait se conserver très facilement avec des méthodes assez simples, soit dans la cave soit à l’extérieur, ce qui permettait de pouvoir en disposer pendant la mauvaise saison. Les choux étaient tout simplement enterrés, les poireaux mis en jauge, les carottes et les raves enterrées à la cave dans du sable, les betteraves entassées dans la grange et les pommes de terre en tas à l’abri du gel. Plusieurs de ces denrées étaient assez énergétiques, parce que riches en sucres, donc nourrissantes ou employées en substitution de la viande, par leur apport protéique, comme les fèves et les petits pois. Les légumes fruit n’existaient pratiquement pas, parce que ces derniers ont été introduits après la découverte de l’Amérique et leur diffusion a été très lente et en plus ils ne se conservaient pas, exception faite pour les courges qui ont commencé à coloniser les tas de fumier vers 1800. (photo A. Neyroz) 81 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE La pomme de terre même, qui est devenue par la suite l’aliment fondamental de nos familles rurales, a fait son apparition en Vallée d’Aoste seulement en 1777, à Châtillon et à Torgnon, cultivée par Jean François Frutaz, châtelain de Cly, mais encore en 1854 sa diffusion était entravée par une mauvaise renommée, faite parfois par des médecins. Fameux ennemi de la pomme de terre fut, a cet égard, le docteur César Grappein de Cogne. (photo A. Neyroz) 2. Le jardin potager d’aujourd’hui Les rôles principaux qu’on peut attribuer au potager d’aujourd’hui sont essentiellement trois. Obtention de produits sains Le jardin potager moderne a perdu son rôle de rendre la famille autonome du point de vue alimentaire ; dans la société moderne, presque tout le monde peu avoir accès aux denrées alimentaires, l’argent disponible, les magasins et surtout les grandes surfaces facilitent cela. Ce que les gens ont besoin c’est d’avoir la certitude de manger et de se nourrir avec des produits sains, et par ça on entend des légumes qui ne présentent pas de traces de produits chimiques, provenant des traitements, des désherbages et des fumures. Pour obtenir cela les jardins potagers sont cultivés selon des méthodes biologiques, ou bien souvent en appliquant des techniques de non culture, c’està-dire que les gens se limitent à faire des interventions très simples, comme les 82 Le jardin potager : hier et aujourd’hui arrosages et les désherbages manuels, en délaissant complètement les traitements et toutes autres interventions non strictement nécessaires. Ils récoltent ce qui vient et comme cela vient, à condition que le produit soit le plus naturel possible. Le jardin potager d’aujourd’hui doit fournir des légumes riches en vitamines, avec peu de calories, rafraî chissants et bien pourvus en fibres. Ces caractéristiques sont bien souvent regroupées dans les légumes fruit : les tomates, les courgettes, les haricots, les poivrons et les aubergines et si on ajoute les salades on a une liste presque exhaustive de ce qui est cultivé actuellement. Hobby – détente Beaucoup de personnes trouvent dans les soins au jardin un moment de détente très agréable, une activité paisible qui se différencie très nettement par rapport à l’activité frénétique de la vie moderne. Se soumettre aux rythmes saisonniers, attendre que la nature fasse son cours, observer l’accroissement des végétaux, se réjouir des premières récoltes, cueillir le défit des échecs, relever et prendre notes des interventions faites et des variétés utilisées, tout ça remet le temps à une cadence que parfois on ne connaî t plus. Stimulante la recherche de quelques végétaux particuliers, intrigante la mise en œuvre de nouvelles techniques culturales, grande est la satisfaction lors des cueillettes et la saveur des récoltes est inégalable. Un jardin potager (photo A. Neyroz) 83 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE (photo A. Neyroz) É conomique En plus de la partie agréable, il ne faut pas oublier la partie économique, parce que, sans tomber dans l’avarice, le revenu que l’on peut tirer d’un jardin potager peut être fort intéressant : si on fait un petit calcul très rapide on peut bien voir cela. 300 x gr de légumes / jour / personne x 4 (composants famille moyenne) = 1200 gr de légumes / jour / famille x 365 (jours par an) = 438 Kg de légumes annuels par famille x 1.5 Euros (prix moyen par kg) = 657 Euros coû t annuel par famille. À ce point on peut terminer comme nos aï euls disaient « Tout ce qui est trouvé c’est du gagné » et nous on pourrait ajouter « Et si c’est un produit de qualité on a doublement bien joué » . 84 Stratégie de valorisation des produits de l’Espace Mont-Blanc Geneviève Petite 1. Rappel du mandat pour l’étape préalable 1.1. Attribution du mandat Le mandat pour l’étape préalable de l’opération de “ Stratégie commune de valorisation des produits agroalimentaires de l’Espace Mont-Blanc” a été attribué au Service romand de vulgarisation agricole (SRVA) le 9 avril 2003. L’Espace Mont-Blanc a basé sa décision sur l’offre écrite en janvier par Mme Dominique Barjolle, directrice du SRVA. Ce document propose de travailler par étapes et ce rapport constitue la synthèse de l’étape préalable. 1.2. Le but de l’étape préalable L’étape préalable vise à proposer des actions concrètes de valorisation des produits pour les opérateurs se situant sur le Tour du Mont-Blanc. Les idées ont été récoltées auprès de quarante opérateurs (agriculteurs, transformateurs, restaurateurs) interviewés dans chaque pays durant l’été 2003. 1.3. La répartition des rô les Pour cette étape, les rôles ont été définis comme suit : – Rô les du SRVA - préparer les différents questionnaires et la méthodologie pour les enquêtes ; - coordonner le travail des stagiaires dans les trois pays, c’est à dire, harmoniser les questionnaires (grâce à un test chez deux agriculteurs) et standardiser les mises en valeur. L’encadrement et la supervision des stagiaires se 85 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE font sous la responsabilité des structures d’accueil des trois pays ; - synthèse : préparer et animer une demi-journée de présentation et de discussion des résultats ; - suite à cette réunion, élaborer un document comprenant les grandes lignes de la discussion de la réunion de présentation et les rapports de stages des trois stagiaires. – Rô les de chaque pays - recruter des stagiaires et les encadrer; - participer aux réunions stagiaires - groupe agropastoral restreint. – Rô les des stagiaires - identifier les opérateurs potentiellement intéressés par des opérations de promotion de leurs produits dans la zone de l’Espace Mont-Blanc et auprès de la clientèle touristique et locale ; - interview des opérateurs ; - établir une synthèse par pays. 1.4. L’équipe de l’étape préalable – Les stagiaires - Aline Pissard-Maillet, Savoie : engagement du 20 juin au 19 septembre ; - Michel Bondaz, Vallée d’Aoste : engagement du 1er juillet au 15 octobre ; - Geneviève Petite, Valais. – L’équipe accompagnant les stagiaires - Xavier Folliet, Serge Tuaz, Savoie ; - Rudy Sandi, Stefania Muti, Vallée d’Aoste ; - Pascal Tornay, Valais. – Le personnel du SRVA - Geneviève Petite, employée au secteur économie ; - Dominique Barjolle, directrice. Ces personnes se sont rencontrées à quatre reprises entre avril et septembre 2003. Dans ce document, ce groupe sera nommé “ groupe agropastoral restreint” . 1.5. Les délais L’élaboration des questionnaires et le recrutement des stagiaires s’est fait durant la période avril - juin 2003. Les enquêtes sur le terrain se sont effectuées de juillet à septembre 2003. Les rapports par pays ont été rédigés en octobre. 86 Stratégie de valorisation des produits de l’Espace Mont-Blanc 2. Les enquê tes sur le terrain 2.1. Les questionnaires et le choix des personnes à interviewer Les questionnaires ont été élaborés par le SRVA. Un questionnaire par type d’opérateur a été réalisé. Le même questionnaire a été utilisé dans les trois pays. Chaque questionnaire comporte trois parties : - situation de l’exploitation, du transformateur, du restaurateur ; - commercialisation des produits et clients ; - promotion régionale et transfrontalière. 2.2. Les résultats des enquê tes Les enquêtes effectuées ont apporté beaucoup d’informations qui peuvent être classées en trois types : a) les remarques sur la situation générale des agriculteurs, des restaurateurs et autres artisans de montagne ; b) les remarques sur la commercialisation des produits et leur promotion ; c) les remarques concernant l’Espace Mont-Blanc : dans cette partie, il s’agit surtout d’un besoin de comprendre les fonctionnements de l’Espace Mont-Blanc, ainsi que ses critères pour l’octroi de financements pour des projets. Les résultats des enquêtes et les propositions émises par les personnes interviewées se trouvent de manière détaillée dans chaque synthèse des pays. De manière générale, on peut dire qu’il y a deux optiques : les grandes entreprises qui ont une importance économique régionale voire nationale sont intéressées à faire une démarche ambitieuse de valorisation des produits et souhaiteraient avoir une appellation commune pour tous les produits de l’Espace Mont-Blanc. Ceci dans le but de donner une image internationale à leurs produits et d’en augmenter les ventes. D’un autre côté, il y a les artisans locaux qui n’ont pas de problèmes à écouler leur production et qui recherchent plutôt une démarche visant à mettre en valeur leur savoir-faire et à faire connaî tre les produits localement. Cette dichotomie est bien visible en Vallée d’Aoste, où pour des raisons géographiques et politiques, les interviews se sont déroulés sur toute la Vallée d’Aoste. En effet, le nombre d’opérateurs situés sur le Tour du Mont-Blanc (Valdigne et Val Veny) est très restreint et ne permettait pas d’avoir un choix de produits intéressant. La partie valdôtaine du groupe agropastoral restreint a donc décidé d’interviewer quelques opérateurs représentatifs de chaque branche de production (viticulteurs, arboriculteurs, transformateurs, restaurateurs). 87 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Côté savoyard, la partie du Tour du Mont-Blanc est bien plus large et un choix intéressant d’opérateurs, allant d’un tenancier de buvette d’alpage à la Coopérative de Beaufort, a pu être effectué. Là aussi, les dimensions et les conditions de travail sont très différentes d’un opérateur à l’autre. Mais de manière générale, les différents opérateurs se plaignent des fraudes en matière de produits régionaux. Sur les marchés et dans les magasins terroir, il y a des produits dits “ régionaux” qui ne le sont pas. Un meilleur contrôle serait souhaitable. Par ailleurs, plusieurs opérateurs relèvent un paradoxe : on veut promouvoir des produits de montagne avec une connotation “ nature” alors que le Mont-Blanc lui-même n’est pas protégé des diverses pollutions et que le développement du tourisme ne laisse parfois que peu de terres aux agriculteurs. Sur le côté valaisan du tour du Mont-Blanc, on trouve plutôt des artisans qui s’inscrivent dans l’optique numéro deux, à savoir améliorer la promotion des produits localement et faire connaî tre les savoir-faire. La demande pour des échanges transfrontaliers est là, surtout entre personnes travaillant sur le Tour du Mont-Blanc. Elles aimeraient par exemple connaî tre les menus des demipensions des différents hôtels. De plus, certains opérateurs trouvent très important de garder des contacts transfrontaliers car ce qui se passe en Europe se passe cinq ans après en Suisse. Pour la suite du projet, il est donc important de décider si l’on veut faire dans un premier temps une démarche de promotion au niveau local avec quelques rencontres transfrontalières ou si l’on veut tout de suite se lancer dans un projet plus ambitieux et rechercher des partenariats avec des entreprises qui commercialisent des produits hors de la zone Espace Mont-Blanc. 3. Les propositions d’actions communes 3.1. But à atteindre avec ces actions Parmi toutes les idées d’actions proposées dans les trois synthèses, lesquelles faut-il mettre en place ? Le SRVA propose dans un premier temps de lancer des actions au niveau local en formant des groupes de travail avec quelques personnes interviewées cet été. En effet, ces dernières ont insisté sur le fait qu’elles aimeraient voir quelque chose de concret suite à l’étude préalable. Des actions concrètes devraient donc être mises en place en 2004 sur le périmètre du Tour du Mont-Blanc. Toutefois, avant de mettre en place des actions, il est primordial d’analyser tout ce qui se fait déjà et de coordonner avec les actions existantes pour éviter de réinventer la roue. Dans ce sens, le schéma ci-dessous montre quelques actions de promotion déjà en cours. Ce schéma n’est pas exhaustif mais permet de voir la diversité des partenaires possibles pour un tel projet. 88 Stratégie de valorisation des produits de l’Espace Mont-Blanc Le but de l’action Espace Mont-Blanc, dans ce contexte, pourrait dès lors être de valoriser au maximum le potentiel de fréquentation touristique autour du Mont-Blanc avec pour optique de leur faire connaî tre les produits de chaque région dans leur région de production. 3.2. Propositions d’actions concrètes à mettre en place en 2004 Beaucoup d’idées sont ressorties des interviews. Il s’agit de savoir maintenant quelles actions sont judicieuses de faire en commun sur les trois pays et quelles actions seraient plus efficaces à réaliser dans chaque pays séparément. Les opérateurs des trois pays se situant autour du Mont-Blanc se reconnaissent dans les points communs suivants : - agriculteurs de montagne, souvent double actifs (stations de ski l’hiver) : production similaire (fromage, viande) ; - les opérateurs (restaurants, artisans) ne commercialisant pas hors de la zone Mont-Blanc sont très liés à la saison touristique. Il est parfois difficile de trouver et de gérer le personnel ; - la collaboration entre producteurs-restaurateurs et entre producteursacteurs du tourisme doit être améliorée dans chaque pays. Chacun travaille encore trop de son côté. Sur la base de ce constat, le groupe agropastoral restreint a proposé, lors de la réunion du 10 septembre 2003, de travailler sur trois axes : – Matériel promotionnel - dépliant commun à l’échelle de l’Espace Mont-Blanc ; - signalétique (indication commune à la fois sur site de production et sur site de distribution). 89 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE – Formation - échanges d’expériences thématiques : rencontre des opérateurs 1 fois par année ; - formation des acteurs du tourisme et de la restauration. – Manifestation - présence sur des manifestations existantes / organisation d’une manifestation spécifique (mini salon de la gastronomie). – Communication - reportage presse. 4. Détail de l’étape 1 Objectifs et déroulement de l’étape 1 La durée prévue de cette étape est de quatre mois, du 15 novembre 2003 au 15 mars 2004. Il s’agit d’une étape de réflexion sur chaque action retenue par le groupe agropastoral. L’objectif de l’étape 1 est d’avoir tous les éléments (objectifs, planning, déroulement/contenu, budget) pour mettre en œuvre des actions en été 2004. À la fin de l’étape 1, l’Espace Mont-Blanc devra décider formellement quelles actions il veut engager et avec quels moyens. Durant l’étape 1, le SRVA assure la partie suisse et coordonne le travail des trois pays, comme dans l’étape préalable. Pour ce faire, dans le budget, un montant sera attribué au SRVA et trois autres montants seront attribués aux pays. 5. Descriptif des travaux Formation d’un groupe de travail transfrontalier – Mission du groupe de travail Le groupe de travail transfrontalier réfléchit sur le contenu de chacune des actions citées sous le point 3.2. – Constitution du groupe Ce groupe de travail est formé d’au moins un technicien de chaque pays. Un budget est prévu dans chaque pays pour payer le travail du technicien. Le technicien doit être disponible durant la période du 15 novembre 2003 au 15 mars 2004 et doit avoir au moins 30 jours à consacrer à ce travail. Il est important d’avoir dans ce groupe de travail des personnes motivées et qui connaissent bien les produits et leur région. 90 Stratégie de valorisation des produits de l’Espace Mont-Blanc – Mode de fonctionnement Le groupe de travail se réunira 4 fois dans les 4 mois et sera animé par le SRVA. Une réunion avec le groupe agropastoral sera prévue en plus de ces 4 réunions. – Délai Lors de la séance du groupe agropastoral prévue le 21 novembre 2003, le groupe agropastoral désigne quelles personnes il a mandaté dans chaque pays. 6. É laboration des actions Six actions ont été retenues par le groupe agropastoral. – Action 1 : Dépliant - inventaire des dépliants existants et recherche de partenaires ; - élaboration du contenu après consultation des personnes interviewées cet été ; - demande d’offres pour le graphisme et l’impression du document ; - élaboration du budget. – Action 2 : Signalétique - inventaire des logos utilisés et de leur fonctionnement ; - étude de l’opportunité d’utiliser le logo Espace Mont-Blanc pour valoriser les produits ; - élaboration du cahier des charges. – Action 3 : Rencontre des opérateurs - définition des objectifs, du déroulement et des intervenants ; - proposition d’un calendrier. – Action 4 : Formation des acteurs du tourisme et de la restauration - inventaire des formations existantes et des institutions de formation ; - définition des objectifs du module de formation pour le personnel des offices de tourisme et des restaurants ; - demande d’offres aux partenaires de formation. – Action 5 : Présence sur des manifestations existantes - inventaire des manifestations où des produits sont présentés; - propositions de dates de manifestations où l’Espace Mont-Blanc pourrait présenter des produits et de sa démarche. – Action 6 : Reportage presse - inventaire des médias intéressés à parler des produits de l’Espace MontBlanc et prise de contact. 91 Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires Bernard Vauthier Les principales sources écrites concernant les Alpes romandes sont les actes notariés, les registres fonciers (toponymie...), les redevances et les documents comptables. La relative richesse de ces sources vient du fait que, jusque même après l’entrée en application d’un nouveau code civil en 1912, les particuliers ont le droit de posséder un arbre sans le fonds. Mais les textes n’ont été que très partiellement exploités puisque, ne concernant jamais principalement la pomologie ou l’arboriculture, ils ne peuvent restituer leurs richesses qu’au travers de recherches philologiques. Remarques liminaires On peut discerner, au sein de l’éventail des différentes espèces de fruits, des strates d’ancienneté : des variétés archaï ques persistent à côté de variétés plus récentes. Généralement, le langage a gardé la mémoire de ces introductions successives. Certes, il ne saurait constituer un paramètre d’appréciation exclusif puisque les mots et les plantes ont des dynamiques différentes et qui ne coï ncident pas toujours, surtout en cas d’éloignement de temps et de lieu. Néanmoins, en plusieurs circonstances, on peut suivre une appellation au cours des siècles dans un même terroir. En pareil cas, on peut penser avoir à faire à une seule variété ou, du moins, à des variétés voisines. Rappelons que le greffage ou le prélèvement de rejets de souche (pour le prunier) sont à l’origine de cette stabilité. Nous ne nous sommes intéressé que marginalement aux espèces non greffées comme le noyer, dominant autrefois, et pas du tout ici à d’autres espèces jadis également qualifiées de fruitières, comme le chêne et le fayard. La distillation, qui a certes connu un fort développement aux XVIIIe et XIXe siècles, n’a pas non plus retenu notre attention car elle n’était pas associée à des variétés ou des catégories de fruits particulières. 93 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE 1. Les espèces fruitières 1.1. La pomme La pomme est le fruit le plus abondamment attesté dans les sédiments préhistoriques et même le seul peut-être, avec certaines espèces de prunes, qu’on puisse véritablement qualifier d’indigène. La petite pomme sauvage acide possède en Suisse romande de nombreux noms qui montrent bien l’ancienneté et la solidité de son ancrage culturel : - mele, meloué, merloué, meillhui (Gruyère, Pays d’En-Haut, Valais central rive gauche, région des Dranses…) ; - botset, botsache, botsèrin (Chablais vaudois, Valais central rive droite, Fribourg…), buchin, beutchin (Doubs, Neuchâtel, Jura…) ; - croison, croinson, creusson, créson, cresson (Bassin genevois, La Côte, HauteSavoie, Chablais valaisan…) ; - logey, lodze, odze (Valais, ici et là). Étymologiquement, “ mele” vient naturellement du latin ; “ botset” se rapporte à la disposition des fruits en bouquets ou, plus vraisemblablement, à la localisation des arbres en forêt (“ bois” ) ; “ croison” serait issu d’une racine gauloise signifiant dur. Ce mot reste attaché aux pommes de souche indigène ou qui peuvent leur être assimilées. Il désigne à la fois la pomme sauvage, grosse comme une noix, et la pomme cultivée acide destinée à fabriquer du cidre ou du vinaigre (ainsi que du verjus autrefois). Ces fruits sont peu colorés. Dans les régions, où “ croisson” a cours, le mot pomme est associé aux variétés à Pomme Barbeleine chair douce avec lesquelles il aurait été introduit, comme la pomme Barbeleine, la plus ancienne variété valaisanne encore existante, mentionnée en 1420. Son nom, justement, exprime une origine lointaine puisque, par métaphore, il pourrait se rapporter à la “ Barbarie” ou Maghreb. Le mot “ logey / odze” , limité au Valais, est mystérieux. Il s’applique à la pomme sauvage notamment à Fully et aux variétés locales (également celles à chair douce) à Nendaz, par opposition aux variétés d’introduction récentes appelées pommes. La pomme douce (parfois franchement fade) est particulièrement appréciée naguère comme féculent et pour le séchage dans le canton de Fribourg et jusqu’au Léman, régions dans lesquelles elle doit s’être répandue à l’époque bernoise, disons aux XVIIe et XVIIIe siècles… De plus, tout comme la poire, elle donne un excellent vin-cuit (concentré de jus au dixième de son volume). 1.2. La poire Dans la zone alpine romande, et jusqu’au XIXe siècle, la poire est nettement le 94 Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires fruit dominant, aussi loin que les textes peuvent l’indiquer. En Valais, elle est presque seule utilisée comme féculent ou pour le séchage, tout comme d’ailleurs également jadis dans l’ancien Pays de Vaud. Il faut dire qu’elle rend beaucoup de jus, ne nécessite pas d’épépinage, que son arbre est fertile, peu sujet à l’alternance, rustique et d’une grande longévité. La poire sauvage ou demi-sauvage, à cidre ou à distiller, est appelée blesson, blètson, biasson ou bièchon dans toute la Suisse romande. Étymologiquement, ce mot dériverait de “ blesser” dans son sens originel de meurtrir, amollir. Mais on compte plusieurs variétés de blessons à chair dure et de longue conservation, particulièrement au sud du Léman, ainsi que dans les vallées latérales du Valais central où le mot désigne la poire en général, sauf les variétés nobles ou d’adoption. Le statut de la poire sauvage est donc nettement moins riche que celui de la pomme sauvage. Celui de la poire cultivée est en revanche fort enviable, illustré par l’existence de très nombreuses variétés qui se prêtent à de multiples usages. 1.3. La prune Comme pour la pomme, le vocabulaire indique le degré d’ancienneté des différentes souches de prunier. Partout en Suisse romande et plus loin, dans l’est de la France et en Vallée d’Aoste, la prune sauvage s’appelle belosse, beloche, bellosse…, mot d’origine gauloise. Ce mot désigne également des variétés cultivées en Ajoie (canton du Jura) où les Prune de Vendange prunes du pays portent le nom générique de belouches. Ces dernières sont souvent de bonne grosseur, rondes, bleu-noir ou plus rarement vert-jaune, à peau acide, à chair adhérant au noyau et parfois aigrelette, assez précoces. Le mot prune est réservé aux fruits de qualité, Damassine et ReineClaude. En Valais, seule la Prune de Vendange (Nin.nzerache ou Nï nzerèche), tardive, présente une parenté évidente avec la prune sauvage. Mais elle n’en partage pas le nom. Sans doute, dans cette région, le mot prune a-t-il eu très tôt une grande vitalité… 1.4. La cerise En Valais et en Haute-Savoie, la cerise sauvage et la cerise à sécher ou à distiller sont majoritairement de couleur rouge et de consistance molle. Les variétés de couleur noire sont davantage estimées pour la cuisine ou comme remèdes (décoction des queues, emplâtres de feuilles…). Elles sont nommées grafions ou gafions, que les arbres soient greffés ou non. C’est un indice de leur relative nouveauté puisque le verbe greffer n’a remplacé le verbe enter que progressivement dès le XVe siècle… 95 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE 1.5. La châ taigne Le châtaignier n’a eu vraiment d’importance que dans le Chablais, valaisan et savoyard. On en greffait plusieurs variétés : l’Ente (justement) pour la vente, la Grossière et la Pelée pour le ménage, la Pied-de-Chien pour le séchage, la Noire à Fornay pour la “ brisolée” et l’Aralle pour l’affouragement des cochons. Durant cinq mois par année, on ne consommait presque plus de pain dans les familles propriétaires de châtaigniers. La récolte des châtaignes s’opérait en gaulant les fruits, du sol avec des rebattaires (perches d’une douzaine de mètres) et de l’intérieur de la couronne de l’arbre avec des sanjenaux (perches de 4 à 6 m). Les pillons (bogues) étaient ensuite comprimés dans des chaux ou boichons, silos rudimentaires, afin de détruire les moisissures par fermentation. 1.6. La nèfle Appelée niple, la nèfle est très appréciée au Moyen-Age pour sa rusticité, ainsi que pour l’abondance et la régularité de sa fructification. En 1325 par exemple, l’hospice du Grand-Saint-Bernard acquiert à Vouvry les nesplers du vieux port, ainsi que la moitié d’un noyer et de cinq poiriers (un Meyrin, deux Reschoz, un Ruyn et un Riondel). Mais, trop grossière, elle n’a pas fait l’objet de sélections particulières, du moins dans la zone qui nous intéresse. 1.7. Une espèce muette, le cognassier Quoique cultivé depuis des siècles et facile à greffer ou à bouturer, le cognassier ne possède pas de variétés indigènes. Est-ce à cause d’une utilisation essentiellement condimentaire ? Étant, dans une recette du XVe siècle, associé avec la nèfle à part égale, on peut penser qu’il était alors fort petit… 2. Modes de conservation et de préparation 2.1. Le séchage des fruits Il a lieu : - à l’air pour les prunes fendues, les quartiers de pommes ou de poires et les cerises entières (distribuées comme friandises aux enfants ou réhydratées pour confectionner des tartes) ; - au four tiède pour les quartiers de pomme ou de poire et les prunes entières (blanchis ou non) ; - au four chaud pour les petites poires. La “ torréfaction” des poires entières se passe en deux temps : le four est chauffé à blanc (comme pour le pain) et nettoyé. Les fruits (avec queue et 96 Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires mouche) sont ensuite projetés dans la cavité jusqu’à couvrir la sole. On les y laisse durant une vingtaine d’heures après avoir fermé la porte. Ils cuisent, caramélisent un peu et commencent à perdre leur eau. On les étale ensuite à l’air pour achever la déshydratation. Pendant ce temps, le voisin refait du feu et, quatre heures plus tard, enfourne à nouveau 100 à 150 kilos de fruits. C’est ainsi que, jusque vers 1930 sur le coteau valaisan, on fait les cruchons ou crœ tchettes (on dit Ggrotscheta en dialecte haut-valaisan). 2.2. La concentration du jus La fabrication de raisinée ou vin-cuit permet jadis de valoriser l’excédent de vendange. Le produit est réputé meilleur s’il est confectionné avec des poires ou des pommes douces. Le Valais a perdu l’habitude de fabriquer du “ resené” (Bruson) ou de la “ rejena” (Savièse, avec du jus de sureau) mais la fabrication de raisinée ou vin-cuit connaî t depuis quelques années un regain d’intérêt dans les cantons de Vaud et de Fribourg. Dans ces régions, on fabrique naguère également de la coignarde, obtenue en ajoutant au sirop, deux heures avant la fin de la cuisson, de la pulpe de fruits frais (surtout des poires) ce qui donne une sorte de confiture. 2.3. Les fruits et le pain De manière générale, la consommation de fruits permet d’économiser le grain, denrée négociable. Aussi confectionne-t-on du pain aux fruits qui, à moins d’être séché soigneusement, ne se conserve pas. Appelé cougnou, un tel pain demeure façonné à Orsières avant Noël. Il s’agit d’une galette faite exclusivement de farine de seigle et de pulpe de meillhui (pomme sauvage acide et assez sèche), sans sel, ni levain. Une fois cuite, elle est séchée et autrefois conservée jusqu’en carême pour garnir la besace des ouvriers qui allaient travailler la vigne à Fully et qui la suçaient plus qu’ils ne la croquaient. 2.4. Les fruits et la viande En Valais, les poires et quelques variétés de pommes accompagnent les légumes dans la potée ; ils surmontent également la choucroute. - La potée consiste en viande salée, légumes et poires (Ravoire), bouilli, viande fumée, séchons, chou, pommes de terre, chou-rave, carottes et poireaux (Nax), viande séchée, raves coupées, poires entières, lard, saucisse, pommes de terre et sel (en Anniviers), chou, “ bacon” , poires, pommes de terre et éventuellement saucisse (Ayent, Icogne). Au versant nord des Alpes (Fribourg, Vaud), sous l’influence de la Suisse 97 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE allemande, le lard est accompagné uniquement de pommes douces à l’état frais ou sec. -À Granges-sous-Trey et aux Thioleyres, on recouvre d’eau des schnetz (séchons) puis on laisse mijoter avec du lard jusqu’à évaporation com-plète ; la cuisson s’achève dans la graisse du lard, ce qui rehausse la saveur du plat. À Grattavache, pour accompagner le porc salé et fumé, on cuit à l’étouffée des schnetz recouverts d’eau ; on ajoute ensuite du sucre et une noix de beurre ; la cuisson est terminée quand l’eau est bien “ réduite” . 2.5. Les fruits et la pomme de terre La pomme de terre n’a gagné que lentement l’intérieur du massif alpin. Elle a remplacé progressivement les fruits utilisés comme féculents et surtout la poire. Elle leur demeure d’ailleurs associée dans la coudzenadze ou cougenase, littéralement “ cuisinade” qui consiste, dans les Dranses et en Valais central, à faire cuire à l’eau salée des poires, des pommes coupées ou des crœ tchettes avec des pommes de terres en morceaux ; le mélange est nappé d’oignons émincés rissolés ou de farine frite voire de pain rôti dans du beurre ou uniquement de beurre ou de graisse fondus ; le plat est parfois garni de fromage. 2.6. Fruits sucrés et fruits oléagineux Jusque dans l’immédiat Après-Guerre à Isérables, Grimentz ou Saint-Luc, on grignote à la veillée des crœ tsettes et des mitses (pignons) qu’on extrait de “ pains d’arolle” ayant séché dans un “ raccard” (l’arolle fructifie abondamment tous les trois ans). À Conthey, les soupers d’hiver consistent simplement en noix et crœ tchettes voire, vers 1900, en crœ tchettes et petit lait (Aven)… Comme friandise, un peu partout, on cuit des pommes entières au four, évidées et garnies de beurre, crème, sucre, voire eau-de-vie… À Nendaz, Isérables et Les Agettes, on pose simplement la pomme sur une plaque, entière et sans ingrédients, pour la manger chaude ou froide, à domicile ou dans les champs. 2.7. Fruit acide, la pomme La saveur acide est en faveur autrefois. Pour faire du verjus, on cueille avant maturité des croysons en 1375 à Annecy, des bocherens en 1458 à Fribourg et des buchins en 1457 à Neuchâtel (entre les 21 juillet et 15 aoû t). En 1697 à Vouvry, la cueillette des creussons est interdite avant le 24 aoû t. Actuellement en Gruyère, le verjus de mele soigne les rhumatismes. 98 Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires Verjus et vinaigre permettaient de confire les denrées. Dans le Chablais, le vinaigre de créson permet de conserver les cornichons, les petites tomates vertes et même les ablettes qu’on pêche en quantité dans le Léman : l’acidité “ cuit” les arêtes du poisson. 2.8. Vin, maute et cidre La part du raisin dans la fabrication du vin (au sens général de boisson fermentée) est moins grande autrefois qu’aujourd’hui. Nous ne nous étendrons pas sur la vinification mais rappellerons une particularité valaisanne qui consiste à cuver la vendange après foulage, assez brièvement, durant toute la fermentation ou même, au XIXe siècle pour les fruits à pépins, à entonner la pulpe Poire Rê che retirée du “ foulon” pour ne soutirer la fleur qu’en carême. Cette manière de faire permettait de n’avoir à pressurer que les résidus. À Lourtier, le cidre de pomme Blaoué était augmenté de dix litres de jus de sureau par tonneau d’environ cent cinquante litres, ce qui l’adoucissait et lui conférait une teinte rose brun. À moindre altitude, la boisson dominante était la maute ou maude (féminin de “ moû t” ) faite de jus de poire coupé de jus de créson. D’ailleurs le vignoble, jadis lacunaire, était parsemé de nombreux poiriers à vin, en particulier de poire Rêche, un type de fruit mentionné en 1260 déjà dans une vigne à Ollon (VD) et qui mû rit encore dans les vignes de Leytron et Fully. 3. Le statut affectif des fruits La fonction symbolique des fruits est omniprésente, en particulier dans la représentation de l’identité sexuelle. 3.1. La poire, symbole de virilité Le mot poire est masculin en francoprovençal, tout comme le gland et cela pour les mêmes raisons. À titre d’illustration, mentionnons l’appellation Collia, Collia, Couillard, répandue dans l’est de la France et en Suisse romande (sauf en Valais), pour différentes variétés. L’image virile de la poire est renforcée par son caractère polymorphe et sa large palette de saveurs. Les arbres sont à l’image des fruits. Le poirier est toujours mis au masculin alors que, tout comme en latin, le pommier et le noyer sont mis au féminin. Le port érigé du premier, sa taille volumineuse et sa longévité de patriarche permettent d’expliquer ce choix. 99 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE 3.2. Les fruits ronds, symboles de fertilité Dans le parler romand, les fruits ronds, pomme, cerise, prune et noix, sont de genre féminin, comme en français. Seule la pomme sauvage est mise au masculin. Le genre féminin s’étend également au pommier et au noyer, appelés pommière et noyère. Cette symbolique s’affiche à l’occasion de Pâques, fête de la fécondité retrouvée. Partout naguère dans le Valais romand et actuellement encore à Saillon La Rameluva (photo R. Champrétavy) par exemple, lors du dimanche des Rameaux, qui ouvre la semaine pascale, on pèle, sauf au sommet, des rameaux de genévrier sur lesquels on enfile des pommes rouges lustrées (Franc-Roseau…). La base des rameaux est ensuite recourbée et piquée en forme de poignée dans la dernière pomme. Agrémentés d’un ruban rouge, ces rameaux sont déposés dans l’église en bordure du chœur. Concernant le bétail, le vinaigre de pomme favorise la mise-bas de génisses plutôt que de taurillons et, à Nendaz, on fourrage les chèvres avec des boutsés “ pour les faire venir à bouc” . Quelques variétés Cerise BOÈ NENETTE Cette cerise rouge de Troistorrents servait à faire des confitures et du kirsch. Elle peut sécher à l’arbre. Poire BARBEYRON Mentionnée dès 1898, cette petite poire d’hiver à cuire est cultivée du Chablais vaudois à la Glâne fribourgeoise. Son nom peut être rapproché de “ berbère” (par métaphore portant sur une origine lointaine), de Barbe ou Barbey, patronymes régionaux anciens, ou de Barbèra, forme romande de Barbara, nom de sainte Barbe honorée le 4 décembre… 100 Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires Poire CANÉ É , CANEVET ou CANUET Cette poire de Conthey est cuite au début de l’hiver avec des légumes ou de la choucroute et de la viande. Le “ l” tombant en patois, on peut assimiler son nom à Calve ou Calue mentionné en 1466 à Lausanne et en 1609 à Vevey, ainsi qu’à Caluet mentionné en 1779 à Pont (Veveyse) et 1901 à Chamoson et Pailly. L’appellation vient de “ caljo” soit pierre, par allusion à une consistance dure. Poire CAMPANARD Ayent, ce fruit mû r en octobre est cuit en compote ou séché entier au four pour faire des “ cruchons” . Des poiriers de Campanard sont régulièrement mentionnés de 1859 à 1899. L’appellation vient du latin campana, cloche, à cause de la forme du fruit. À Poire CARMAGNOULE ou CARMAGNOULA Troistorrents, ce fruit convient au séchage à chaud autant qu’à la distillation. Il est qualifié de “ tendre et printanier” en 1901. Une poire Carmagnole identique mû rit dans le massif des Bauges, au sud d’Annecy. Le botaniste Jean Bauhin mentionne déjà une Carmaignole vers 1600. L’appellation se rapporte à la cité piémontaise de Carmagnola. À Poire-CHANNE ou TSANA Cette variété de Charrat, naguère de Fully, Icogne et Saillon, tombe à la mi-septembre. Elle était consommée crue, cuite ou sèche. Elle est mentionnée en 1901 à Fully, Lens, Riddes, Savièse et Venthône, ainsi qu’en 1836 à Basse-Nendaz. Poire GRASSET Appelé Grachet par patoisisme, ce fruit de Conthey mû r au début d’octobre était séché au four pour faire des crœ tchettes qui accompagnaient la polenta de maï s. Dans la même région, un poirier Grasset, est vendu en 1415 à Salins et un autre est échangé en 1422 à Nax. “ Grasset” est un diminutif de “ gras” . 101 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Poire MOCATÉ Ce fruit de Prarreyer, Troistorrents et Versegères, apprécié des gamins, servait à fourrager les porcs au début de septembre. L’appellation est un dérivé de Muscat. Poire MOCATELET Ce fruit d’Ayent, tombant au début d’octobre, était séché pour faire des crœ tchettes. L’excédent de récolte servait à fourrager les porcs. Dans la même commune, des poiriers de Mocatelles ou de Mocatelet sont mentionnés de 1843 à 1885. L’appellation est un diminutif de Muscat. On disait également Chatt-in-Gorge (soit Sept-enBouche), Sêtinbouotse à Leytron, ainsi que Chatinbotch ou Satinbouotse à Lens. Poire Ô TAN Charrat, naguère Chamoson, Conthey et Vex, cette grosse poire beurrée mû rit au début de septembre. Elle est mentionnée en 1866 à Ayent (Utan). L’appellation est ancienne en Suisse romande. Le mot “ otan” , adjectif ou nom, est synonyme de “ valdôtain” mais c’est aussi le nom du vieux bourg de Martigny (forme altérée d’Octodure) et l’adjectif se rapportant au mois d’aoû t… La poire Ô tan est semblable sinon identique à la poire Pape. À Poire PAPE Cette variété, répandue dans la région de Sion et de Sierre, ressemble à la précédente. À Vex, on la séchait par moitiés, à Nendaz par quartiers. Des poiriers de poires Papa, Papaz ou Pape sont mentionnés dès 1859 à Ayent et Nendaz. Une anecdote affirme que, passant par Saxon, le révolutionnaire italien Garibaldi se vit offrir une poire Pape à quoi il répondit qu’il la mangerait à Rome ! 102 Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires Poire PÉ TOLIN Troistorrents, on gaulait cette petite poire ronde au début de septembre pour la sécher entière au four. On pouvait également en faire du poiré, de l’eau-de-vie, de la compote ou une confiture agréablement rosée. Des poiriers de Petoli ou Pétaly sont mentionnés en 1881 et 1890 à Ayent. L’appellation dérive de “ petit” . À Poire PIASSE Cette variété d’Ayent, mû re en décembre, est naguère réduite en crœ tchettes. On l’apprécie actuellement cuite sur la choucroute. Il est question de poiriers de Pliä s ou Plias en 1866 et 1873. Poire RÊ CHE La poire Rêche (“ Ritz” en patois) mû rit à Leytron, Fully, Riddes et naguère un peu partout en Valais. Elle ne tombe qu’en décembre. On la pressurait pour confectionner un vin à usage domestique appelé “ bringue” . Sur la Côte vaudoise, vers 1840 tout comme déjà en 1323, le jus de la poire Reschoz sert à fortifier le vin trop léger. Cette variété est mentionnée en 1260 à Ollon VD (Reschos), 1294 à Miex (Rescho), 1325 à Vouvry (Reschoz), 1358 à Brent (Rechoz), 1418 à Trélex (Rechuz) et 1405 à Lausanne (Reschoz). La toponymie est riche également. Poire RINDAÏ Naguère dans la vallée de Bagnes, ce fruit mû r en octobre est consommé cru ou cuit. Il “ fait traire” les chèvres et engraisse les cochons. On note Rinday en 1901 à Lourtier. Le nom de cette variété pourrait dériver du verbe “ rendre” par allusion à la fertilité de l’arbre. 103 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Poire ROCHET Cette poire d’Ayent et d’Icogne, se conservant jusqu’en décembre, était fendue pour confectionner des crœ tchettes ou cuite entière avec du lard. Dans la commune d’Ayent, des poiriers de Rochet, parfois de Roset, sont mentionnés régulièrement de 1863 à 1895. Le mot “ rochet” signifie brun en patois. Poire ROZ Se conservant jusqu’en mars, ce fruit de Fully, Saillon et Leytron est cuit avec “ du salé” ou dans la choucroute. Un perey Rod est mentionné en 1700 à Riddes et d’autres poiriers Roz dès 1822 à Nendaz. L’appellation pourrait dériver de “ rodzo” , forme valaisanne de rouge. Le patronyme Roz est attesté en 1614 à Conthey et au XVIIe siècle à Vétroz. Poire SÂ Ë ou S OUÉ Ce fruit de Conthey est agréable à manger cru au début d’octobre. L’appellation a sans doute perdu un “ l” original, ce qui nous ramènerait à “ Salé” , nom de poire au XVIIIe siècle. Poire VERDAN ou VERDET Appréciée à la main, cette poire de Charrat, Le Châble, Saillon et du Chablais vaudois mû rit dans la première moitié d’octobre. Elle était séchée ou cuite avec des pommes de terre. On la mentionne en 1901 à Ormont-Dessus (“ Verdant” ) et une première fois en 1844 à Ayent (de Verdan). Elle est très ancienne en toponymie (1365 à Dompierre VD). Pomme BALOFFE Ce fruit d’Ayent se conserve jusqu’en mars mais c’est à Noël et à Nouvel-An qu’il était apprécié des boulangers pour confectionner des tartes car il se défait bien. Des pommiers de Baloffes ou Baluffes sont mentionnés dès 1844. 104 Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires Pomme BARBEINE ou BARBELEINE Isérables et Nendaz, cette pomme douce et très tardive est cuite au four, entière et sans ingrédient, ou incorporée entière à la potée où elle rejoint la viande, le chou et les pommes de terre. On dit Barbeleuna dans le Val d’Aoste. L’appellation Barberine apparaî t dans un manuscrit dicté vers 1420 par le cuisinier du duc de Savoie et conservé à Sion. La pomme ainsi désignée sert à confectionner une purée au lait d’amandes douces, sucrée et assaisonnée de sel. On pourrait lire Barbeline puisque le “ r” et le “ l” se valent dans nos patois. À Pomme BL OUÉ ou BLAWE Ce fruit acide et tardif du Val de Bagnes servait exclusivement pour le cidre. L’adjectif “ blâoué” signifie pâle, blafard, de couleur indéfinissable… Pomme BONALLE Ravoire et Martigny-Combe, ce fruit doux était étalé sur de la paille dans une chambre haute ou conservé en tas à la cave. Il était cuit au four ou donné comme fourrage au bétail. Un patronyme Bonal existe en Savoie et dans l’Isère… À BOTSACHE, BOTSASSE, BOUTSÉ En Valais et dans le Chablais vaudois, on nomme ainsi la pomme sauvage ou demi-sauvage, aigre et assez petite. On en fait du cidre et une délicieuse gelée ; l’excédent de la récolte sert à fourrager les chèvres et les cochons. Un pommier Botsache est mentionné en 1799 à Nendaz. 105 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Pommes COHAU BLANC et COHAU ROUGE Les pomme douces de ce nom mû rissent respectivement en aoû t et au début de septembre dans l’Intyamon (Albeuve, Lessoc…) Elles sont accommodées avec de la viande. CRESSON ou CREUSSON À Vérossaz, le Creusson n’est pas cueilli mais secoué et mis en tas durant un mois avant d’être pressuré. CREUSSON Troistorrents, où “ un arbre de croussoneys” existe en 1557, ce fruit sert à confectionner du vinaigre jusque durant les années 1990. Légèrement coloré, il est appelé Creuçon rouge en 1923 à Massongex. À CROISON Ce fruit de Saconnex-d’Arve, est destiné à fabriquer du cidre. Une famille Croison existe vers 1400 à Sévrier en Haute-Savoie. LODZE On dit “ lodze” pour la pomme sauvage acide à Fully, “ lò dze” en 1939 à Ravoire sur Martigny et en 1901 à Lourtier. Le patois de Nendaz, qui a perdu l’usage du “ l” , use, vers 1960, des mots “ odzé” et “ odzi” pour désigner respectivement la pomme et le pommier de souche locale, par opposition à “ poma” et “ pomi” qui désignent les variétés introduites. Le mot loget est utilisé comme synonyme de pommier dès 1807 dans la même commune, ainsi qu’en 1703 à Riddes (logeyz et logiay), 1690 à Saxon (logey) et 1635 à Bagnes (logeyz). Le diminutif Lò dzèta/Losette s’appliquait à des variétés de pomme, des Dranses jusqu’au Valais central. Étymologiquement, l’appellation ne présente sans doute aucun rapport avec “ logé” signifiant rassasié, acception particulière du même mot français utilisée à Fully. 106 Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires Pomme (L)ODZË DURE Nendaz, fruit qu’on encavait en tas sur les pommes de terre, voisinage qui se prolongeait dans la marmite, ou qu’on cuisait à sec au four dans sa peau. On trouve un pomier de Loge dure vers 1830. À Pomme RÂ É RÈ ou RAÏ RÈ Ce fruit était répandu dans le Val de Bagnes (on disait Ravaï re à Sarreyer). L’appellation signifie probablement ravière soit semblable à une rave. Pomme VENIOUDE On dit également Vènioude, Venoude ou Vinioude. Ce fruit de Troistorrents est agréable à manger à la main. L’appellation est probablement une corruption de Belloude attestée en 1731 au Val d’Illiez. Prune BREGNOLE Ce fruit de Troistorrents est apprécié pour son dénoyautage facile ; on le séchait au soleil sur les galeries couvertes des maisons. On dit “ praonma Brenyola” en 1901. Il porte le nom de la ville de Brignoles, en Provence, exportatrice de pruneaux secs du XVIe au XIXe siècles, issus principalement de la variété Perdrigon violet. Prune DOLONÉ Ce fruit de Savièse est fade cru mais donne de jolies confitures. Son nom signifie petit pot, par allusion à sa forme. 107 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Prune MAÏ OLIQUE Cette prune de Martigny-Combe et naguère de Ravoire est réputée se dénoyauter facilement. L’adjectif “ maï olique” se rapporte au type de faï ence bleue ou verte d’origine arabe qui transitait par l’î le de Majorque pour gagner le nord de l’espace méditerranéen et qui fut imitée à Valence à la fin du Moyen-Age. Il fait ici référence à la couleur du fruit. RODZETTE ou ROUGETTE Ce fruit du Chablais vaudois et valaisan est semblable sinon identique aux autres “ prunes rouges” de Suisse romande (Bérudge, Damaizone, Damassine…), variétés sans doute issues d’une “ Prune Rouge” des XVIIe et XVIIIe siècles introduite alors qu’elle était la seule de cette couleur… Prune de VENDANGE, NIN .NZERACHE ou NÏ NZERÈ CHE Cette variété de Troistorrents, Nendaz et Savièse, se flétrit sous l’effet du gel et convient alors à la confection de confiture et d’eau-de-vie. Elle ressemble à une grosse belloche (prune sauvage). La lettre “ v” étant muette en patois, les appellations Nin.nzerache ou Nï nzerèche signifient quelque chose comme “ Vendangeresse” . Prune de VERNE À Troistorrents, petite prune sucrée destinée à la confiture ou à la distillation. Elle doit certainement son nom à ses mouchetures semblables à celles de la verne (aulne) dont la jeune écorce est lenticellée de blanc. “ZWETSCHKE” : TSEVESQUE L’allemand Zwetschke soit pruneau (prune allongée) a donné son nom à une variété du Valais central semblable à la Hauszwetschke de Suisse allemande et qui est la seule prune cultivée loin des maisons, dans les vignes en particulier. Elle se résout difficilement à tomber, restant accrochée aux branches de l’arbre en se déshydratant. Des pruniers de Zevesque sont mentionnés en 1866 à Ayent. 108 Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires N O T E Sauf indication particulière, les photos et les dessins sont de Bernard Vauthier. Pour en savoir plus, on peut se procurer, chez l’auteur (3, Sources, CH - 2014 Bôle) et sous forme de polycopié, l’ensemble de l’étude dont est issu cet article, ainsi que les photographies en couleur des fruits. Un exemplaire de ce travail est également consultable au Centre d’Études francoprovençales « René Willien » à Saint-Nicolas. Cougnons d’Orsières (voir p. 97) Crœtchettes ou cruchons Planchette pour aplatir les cougnons 109 La terza via dell’alimentazione alpina Enrico Camanni Una direzione sembra segnata. I complessi problemi di disagio ambientale, flessione demografica e difficoltà economica che, su un territorio molto articolato ma con elementi ricorrenti, accomunano gli oltre undici milioni di abitanti delle Alpi (tredici milioni secondo la stima allargata della Convenzione alpina) e i circa seimila comuni, portano ormai quasi ovunque a parlare di “ sviluppo sostenibile” . Una definizione già inflazionata, cui va restituito un significato. I più sembrano aver compreso che, per esempio, non è “ sostenibile” un turismo che sacrifichi la qualità dell’ambiente, che cannibalizzi le colture agricole e le attività silvo-pastorali, che annienti la storia e le tradizioni locali. Alcune amministrazioni ragionano sull’opportunità di allontanare le auto dal centro dei villaggi, per non ricreare in montagna lo stesso clima di inquinamento e di stress che si cerca di scacciare dalle città. Altre si stanno accorgendo che la monocultura dello sci uccide ogni altro sviluppo possibile, per cui bisogna creare urgentemente delle alternative. Si tende finalmente a rivalutare la gastronomia del luogo contro le tentazioni del “ fast food” , e a rilanciare i prodotti tipici contro la logica del supermercato. Un turismo saggio e responsabile è l’opposto del modello unico. Consiste nel valorizzare le differenze e le peculiarità di ogni località, dal dialetto alla cucina, dai colori agli odori, consiste nello scambio di culture esogene ed endogene, consiste nel graduale e morbido inserimento del visitatore nella realtà locale, rispettandone i tempi, i riti, gli usi, perfino le imperfezioni. Il primo esercizio degno di un visitatore sensibile dovrebbe consistere nel decifrare il luogo delle sue vacanze, nel cogliere scampoli di verità e bellezza (ma anche di contraddizione) dietro il sipario asettico dell’apparato turistico. Per ottenere qualche risultato bisogna imparare a guardare oltre la rustica consolle dell’immancabile Bar delle Alpi, le tovagliette ricamate del Ristorante 111 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Belvedere, i campi da tennis seminascosti dai Cedri del Libano, la pizzeria camuffata da rascard o il rascard trasformato in discoteca. Bisogna cominciare a parlare con la gente del posto, sgretolare con pazienza il muro della diffidenza e dell’omertà, per scoprire – ad esempio – che il “ formaggio di malga” viene dalla Brianza ma esiste una toma senza etichetta, un formaggio locale, che scende con il pastore due volte al mese dall’alpeggio e ne vale cento di quei latticini senz’anima. E poi magari, dopo qualche giorno di sguardi di traverso e mezze parole, il lattaio ti confida dove si trova la baita del pastore, così che invece di salire sulla solita seggiovia del Rifugio Stella Alpina – dove si mangiano i salami Negronetto con la forma delle Tre Cime –, ti incammini su per un sentiero vero, senza la vista delle cartoline illustrate ma con i rumori e gli odori dell’alpeggio, comprese le mosche, il letame e il cane che spaventa i bambini ma non fa male. Se il turista e l’allevatore, o il turista e l’agricoltore, o il turista e il produttore di miele mostrano un reciproco atteggiamento di attenzione e rispetto, allora Trasporto della fontina in un alpeggio di By, Ollomont (AO), fine anni ‘ 60 (foto Ezio Capello) 112 La terza via dell’alimentazione alpina può nascere l’esperienza dell’agriturismo, sintesi ottimale di indigeno e forestiero, di elargizione della terra e appagamento dello spirito, di natura e cultura. Si tratta in due parole di individuare una “ terza via” tra la “ rapina” indiscriminata delle ricchezze tradizionali alpine (produzioni agricole e alimentari comprese) a solo scopo turistico, secondo modelli di sfruttamento urbano, e la tentazione altrettanto rischiosa di una “ museificazione” della montagna, congelando la stessa tradizione ad uso e consumo della fruizione esterna, senza lasciar maturare ed evolvere le competenze antiche verso nuove forme di utilizzo e sviluppo. La riscoperta dell’alimentazione alpina autoctona è storia recente, perché fino a dieci, vent’anni fa molti ristoratori erano ancora convinti che i cittadini preferissero mangiare come a casa loro. Era il tempo delle pizzerie napoletane, delle tagliatelle alla bolognese, del pesce di mare servito nei ristoranti a quattro stelle. I piatti di montagna venivano considerati piatti poveri e li si rinnegava continuamente. Camion carichi di scorte di pianura rifornivano gli alberghi delle Alpi e altri camion scendevano a valle con i prodotti della montagna. Niente di più autolesionista: ora si è finalmente capito che i prodotti locali vanno consumati sul posto, per accrescerne la tipicità e invogliare i turisti a scegliere una meta e a ritornarvi. Un esempio tra mille: nessuno forse è mai salito a Bormio solo per gustare l’amaro di erbe dello Stelvio, ma da quando il Braulio si trova nei supermercati delle grandi città c’è un motivo in meno per andare in Valtellina. Il vero pericolo per l’agricoltura e l’allevamento sulle Alpi è la perdita di identità. Un processo senza vie d’uscita, perché le produzioni di montagna non saranno mai competitive con quelle di pianura se si misureranno con le stesse “ armi” . Inoltre la liberalizzazione dei mercati tende a estendere sempre più i suoi effetti anche nelle regioni alpine, e gli svantaggi derivanti dalle caratteristiche geografiche e naturali del territorio portano a evidenti condizioni di inferiorità, salvo i casi in cui i contributi pubblici riescono a compensare lo squilibrio. Una “ fontina globalizzata” non ha vie di scampo: la spunta il Fontal venduto a basso costo nei supermercati di pianura. Il riscatto dell’agricoltura di montagna è dunque ipotizzabile solo nei termini di un’elevata qualità del prodotto e di una collocazione diretta sul mercato locale attraverso un circuito virtuoso con il mercato turistico: agriturismi, coltivazioni biologiche, marchi tipici, prodotti estremamente differenziati e assolutamente caratterizzati in base alla zona e addirittura all’azienda di provenienza. Non c’è alternativa. La montagna è costretta a seguire questa direzione. D’altra parte esistono già alcuni successi che testimoniano la bontà della scelta. Bisogna innanzi tutto credere nel cambiamento e investire in fiducia e creatività. Accettare che la qualità costa e non vergognarsene. Anzi. Si vergognano forse i creatori di moda o i venditori di gioielli? 113 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Proverò a rifarmi, e a fare a tutti voi, le domande che ci siamo posti nel 2003 quando le redazioni (italiana e francese) della rivista L’Alpe hanno affrontato congiuntamente il tema dei “ Prodotti della montagna” . Innanzi tutto ci siamo domandati se esista una definizione statica di “ alimentazione alpina tradizionale” e la risposta è stata ampiamente negativa: la Il teteun, tradizionale prodotto della macelleria valdostana, ricavato dalla mammella di mucca (archivio Anteprima s.r.l., Images - Aosta) 114 La terza via dell’alimentazione alpina stessa tradizione alpina è una frontiera culturale in continuo mutamento, che proprio nel movimento trova la propria ragione e la propria sopravvivenza; nel senso che se si ferma muore. Nessun prodotto è “ alpino” per vocazione e per definizione, ma molti prodotti lo sono diventati per “ caso” , arrivando sulle Alpi nel preciso momento in cui le popolazioni alpine avevano bisogno di loro per integrare la scarsa disponibilità alimentare, insidiata da carestie, guerre e altri flagelli. Dunque la prima categoria di scelta è stata il bisogno, senza il quale il mais non sarebbe approdato sulle tavole dei montanari in forma di polenta, diventando un fondamento dell’alimentazione alpina e successivamente uno stereotipo della stessa cultura montana, e le patate non sarebbero passate dalle tavole d’oltreoceano a quelle europee, sostituendosi ad altri prodotti impoveriti o scomparsi. Così è stato anche per i cereali di più vecchia introduzione, che il bisogno e l’inventiva contadina dimostrarono poter sopravvivere alle quote più alte, là dove il terreno sgela solo per alcuni mesi all’anno e permette un fugace quanto prezioso raccolto. Ma non basta il bisogno, ci siamo accorti, a spiegare le scelte alimentari della montagna. C’è una seconda categoria storico-antropologica indispensabile per capire l’evoluzione dei prodotti nel passato e per dare prospettiva alla loro sopravvivenza nel futuro. È il processo di acculturazione, ben riassunto da Rosanna Caramiello nel suo testo introduttivo al fascicolo dell’Alpe: Soffici fiori di lardo d’Arnad (AO) (archivio Anteprima s.r.l., Images - Aosta) 115 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE «Le popolazioni locali non cercarono nuovi cibi ma subirono l’introduzione delle specie esotiche come scelta obbbligata per superare periodi di crisi alimentare; la loro fortuna fu successiva e il passaggio dalla cultura contadina a quella “ alta” , che li modificò nobilitandoli, fu spesso tardivo. Tuttavia proprio le specie più lontane dal gusto antico, come mais e grano saraceno, possono oggi essere considerate alimenti tradizionali delle valli alpine dal momento che, nonostante la pressione del bisogno, furono accettate solo quando le loro preparazioni riuscirono a integrarsi con quelle della tradizione locale, dimenticando o addirittura ignorando gli usi dei paesi d’origine. La selezione del gusto e della cultura ha modificato i prodotti fino al punto da renderli autoctoni». Questo processo di acculturazione è lo stesso che regola la “ nuova” alimentazione alpina, o meglio la produzione tipica sviluppatasi sulle Alpi negli ultimi decenni del Novecento, dopo che un turismo fondato su modelli e abitudini urbane aveva scalzato o messo in seria crisi la cosidetta cucina “ tradizionale” . Nel campo dell’alimentazione, o meglio delle scelte alimentari ad uso interno (ma soprattutto esterno) della montagna, si è verificata la classica forbice degli anni del boom: mentre una visione romantica e irrealistica tendeva a salvare la cucina “ antica” anche quando vecchio significava ripetitivo, scadente ed economicamente insostenibile, l’urgenza di livellare la montagna (cucina compresa) ai presunti gusti della città spingeva la diffusione di piatti e cibi improbabili, omologati, lontani anni luce dalle abitudini locali. Mentre nelle valli più povere e meno interessate dai flussi turistici si continuava ad offrire salumi e formaggi di dubbia provenienza, polenta cucinata di malagrazia e vino scadente, nelle valli baciate dal turismo (che spesso erano le stesse vallate: media valle “ contadina” e alta valle “ turistica” ) nascevano pizzerie e spaghetterie, paninoteche e tavole calde, oppure lussuosi ristoranti a base di pesce e piatti esotici. Era la classica dicotomia tra una montagna ossessivamente e ottusamente legata al tempo che fu, dunque a una tradizione senza futuro, e un’altra montagna colonizzata dal modello cittadino, fatalmente destinata a diventare una periferia della città stessa, un surrogato. In che cosa si difettava? Esattamente nei due attributi che, a fine secolo, si riveleranno decisivi nei processi di trasformazione dell’alimentazione locale, ma soprattutto dell’offerta alimentare e dell’immagine culturale esterna: la qualità e la tipicità. In tema di alimentazione e produzione alimentare, più che in ogni altro settore, la montagna ha dimostrato negli ultini due decenni che può esistere una terza via culturalmente ed economicamente sostenibile, che facendo propri alcuni elementi della tradizione (tipicità) ed elaborandoli secondi nuovi gusti e 116 La terza via dell’alimentazione alpina nuove tecnologie (qualità) può portare non solo all’identificazione di prodotti specifici alpini, ma anche a un buon grado di concorrenzialità sul mercato globale, dove il consumatore da qualche tempo ha imparato ad abbinare il valore di un prodotto alla sua storia e al luogo di provenienza. Nel nostro lavoro per l’Alpe abbiamo identificato e analizzato alcuni casi diversi per storia e collocazione geografica, ma simili nell’assunto che la montagna, se offre prodotti di alta qualità, può competere anche con la logica del supermercato, rovesciandola o adattandola alle proprie esigenze. Nella diversità e nella complessità delle situazioni esistenti, che vanno dai vini valdostani ai vini valtellinesi, dalle mele della Val di Non ai piccoli frutti delle piccole valli, dai mieli alle marmellate, dagli insaccati agli amari, dalle lavorazioni artigianali a quelle industriali, attraversando il pianeta dei formaggi di malga, in questa complessità di modelli più o meno vincenti ritorna sempre la vecchia regola: «La selezione del gusto e della cultura ha modificato i prodotti fino al punto da renderli autoctoni». Questa è la tradizione alpina, l’unica che abbia un futuro. N O T A Le foto di questa relazione sono tratte da L’Alpe n. 9, «Prodotti della montagna», Ed. Priuli & Verlucca, Pavone Canavese (TO), 2003. 117 Rien que des châtaignes Ilda Dalle La châtaigne et le châtaignier aujourd’hui Donnas est une commune située dans la basse Vallée d’Aoste aux confins avec le Piémont. Son territoire s’étend des 320 mètres d’altitude de la plaine jusqu’aux 2 266 mètres de sa cime la plus haute. En arrivant du côté du Piémont, après avoir dépassé Pont-Saint-Martin, ce qui attire immédiatement l’œil est une “ monumentale” pente cultivée à vignobles, mais tout juste au-dessus, les bois de châtaigniers s’étendent à perte de vue. D’un côté et de l’autre de la Doire Baltée, à l’adret et à l’ubac, des 400-500 mètres jusqu’à peu près 1000 mètres d’altitude, la montagne est recouverte presque uniquement de châtaigneraies. Si la culture de la vigne est encore très répandue, grâce surtout aux Caves coopératives nées en 1971, celle du châtaignier est, de nos jours, très réduite. Les plantations et les bois bien entretenus sont désormais plutôt rares. En général, le bois sauvage avance et gagne sur les clairières et les terrasses, lé piagne, qui étaient jadis cultivées à vignes ou à céréales. Il y a de toute façon quelque chose qui bouge… heureusement. La communauté de montagne Mont Rose qui regroupe neuf communes (Champorcher, Pontboset, Hône, Bard, Donnas, Pont-Saint-Martin, Perloz, Lillianes et Fontainemore), à juste titre, a dans son logo trois châtaignes renfermées dans une bogue. En effet, seul la commune de Champorcher se trouve à une altitude qui ne permet plus la culture du châtaignier. En 1997 la Communauté de montagne a lancé un projet qui a pour but de sauvegarder et d’encourager la culture du châtaignier. Il s’agit de financement de la part de l’U. E., de cours pour apprendre la technique de la greffe et de la taille, de démonstrations de nettoyage d’arbres fruitiers, de la formation de jeunes experts locaux, d’études sur les maladies et les qualités les plus rentables et d’interventions d’assainissement des châtaigniers centenaires. 119 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE D’une étude faite en 2001 il résulte que 1086 arbres ont été taillés, 690 greffés et que 64 nouvelles implantations on été mises en place. C’est sans doute un bon résultat, mais si l’on compare ces données avec ce qu’un témoin m’a dit, il y a quelques temps, on comprend à quel point les choses ont changé ! « Ma famille avait 103 châtaigniers et nous ramassions toujours toutes les châtaignes ». Ce n’était qu’une famille, je dirais une famille assez normale des temps passés. Quelques milliers d’arbres bien entretenus dans toute la communauté de montagne contre les 103 d’une seule famille ! En 1993 est née la Coopérative “ Il riccio” , qui a actuellement son siège à Lillianes. Un vieux châ taignier greffé (photo Ilda Dalle) Des premiers six inscrits elle est passée aux 65 associés actuels et s’occupe de recueillir les châtaignes ramassées par les sociétaires, soit à Lillianes soit dans les autres communes, de les nettoyer, de les trier selon leur grandeur en 4 catégories, de les vendre fraî ches ou sèches, de produire de la farine. On y traite moyennement chaque année 20 000 kilos de produits et on arrive à tout vendre en peu de temps. Ce qui fait que la Coopérative souhaite pour le futur un apport bien plus consistant. La châtaigne et le châtaignier autrefois La culture du châtaignier était autrefois si importante que les vieux documents des notaires s’en occupaient souvent: un arbre de châtaignier pouvait être partagé entre trois héritiers ou bien encore l’un des héritiers avait la propriété de l’arbre et l’autre celle de la teppe, le pré en dessous, avec lou dzah, les feuilles sèches, et le bois mort. On pouvait n’avoir que le droit de faire la ramée pour la nourriture des chèvres ou celui de ramasser les feuilles sèches pour le fumier. De cet arbre on utilisait tout : le bois gros ou menu, les fruits, les feuilles fraî ches ou sèches, pas un brin n’était perdu ! En parlant du châtaignier, il faut d’abord distinguer entre les arbres greffés et les sauvages. L’arbre sauvage (ou plutôt l’arbre non greffé étant donné qu’il 120 Rien que des châ taignes faisait lui aussi l’objet d’un rigoureux entretien) est appelé en patois la ferla, l’arbre greffé est tout simplement la piènta. Les ferle fournissaient du bon bois de chauffage si on les coupait à la lune croissante et du bon bois de construction si on attendait la vieille lune. C’était le seul bois qu’on utilisait pour les échalas de nos vignes et pour la fabrication des tonneaux et des cuves. Aux ferle on faisait périodiquement, à peu près tous les trois ans, la fóye, la ramée. Il s’agissait de couper toutes les branches vertes, de les faire sécher liées en javelles, de les entasser en meule (la quiouva) pour avoir, tout au long de l’hiver, de la nourriture pour les chèvres. Les piènte, par contre, donnaient la possibilité de se nourrir durant pratiquement toute l’année ! La quiouva pour la nourriture des chèvres en hiver (photo Ilda Dalle) Au printemps, vers le mois d’avril, quand la sève montait, c’était le moment de èntéi, de greffer. On choisissait un greffon de la qualité préférée et on le greffait sur le sauvage. Les variétés de châtaignes étaient très nombreuses, chacune avec ses qualités spécifiques ; les unes mû rissaient plus vite, les autres étaient plus adaptées pour les châtaignes grillées ; d’autres, bien que très petites, perdaient complètement leur peau quand on les battait et elles restaient donc très blanches, parfaites pour la soupe ; d’autres encore ne sortaient pas de leurs bogues en tombant de l’arbre, ce qui permettait d’aller les tsignì, les ouvrir, plus tard. À Donnas il y avait plusieurs qualités de châtaignes : les dounahtse, les réchane, les ourtèntse, les grignole, les piaquine, les pioumbéze, les verdéze, les dzénotte, les groussére, les youére, les mourette ; à Perloz on pouvait y ajouter les maroune, les yeuya, les bounènte, les rouffinette, les rosse dou ban, les èhpinnérére ; à Arnad, village aux confins de Donnas et de Perloz, il y avait aussi des goyette, des néande, des bœ inte cor… Ce qui est intéressant, c’est qu’il suffit de très peu de kilomètres de distance entre une commune et l’autre pour que le vocabulaire concernant le travail de la châtaigne change complètement et, bien souvent, la façon de procéder dans les différentes activités aussi. 121 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Les châtaignes des jours de fê te Les châtaignes accompagnaient, durant une grande partie de l’année, la vie de tous les jours, mais elles réjouissaient également les jours de fête. Une poêlée de marrons grillés suffisait à regrouper la famille ou les amis et à passer des moments de joie et de repos. Jusqu’avant la dernière guerre, un chaudron de 600 kilos de sepéi, notre soupe aux châtaignes, était offert par la Confrérie du Saint-Esprit le jour de la Pentecôte. À l’origine, le but de la distribution était de faire l’aumône aux pauvres ; les derniers temps, tout le monde avait droit à une grosse louche de cette soupe. C’était l’une des fêtes les plus importantes de l’année. Les châtaignes sèches, la graisse, le lard, le bois pour le feu, tout ce qui servait à préparer le sepéi était collecté dans le village par les trois confrères ; le lait apporté à la laiterie du hameau de Treby, la veille de la fête, finissait dans le gros chaudron. Le sepéi devait cuire lentement toute la nuit, accompagné par les chants et les rires des confrères et des amis qui allaient les aider. Le vin ne manquait pas, la collecte démarrait toujours au moment du vin nouveau. Après la fête, tous ceux qui avaient contribué à la besogne recevaient en échange un petit pain béni qu’on appelait micola et qui avait le don de protéger la maison et la campagne des intempéries. On l’apportait également avec soi quand on montait à l’alpage. La veille de la Toussaint on avait l’habitude de préparer la table pour les morts de la famille ; à côté d’une bouteille de vin et de la seuppa pan é tsóou, la soupe au pain et au chou, on laissait aussi des châtaignes bouillies ou grillées. Parfois, on cuisinait des broffie, une soupe faite avec des châtaignes grillées, du lait et du riz. C’est une habitude que quelqu’un maintient encore de nos jours. Le jour de la Toussaint, de retour du cimetière, c’était le moment de goû ter du vin nouveau autour d’une poêle à marrons. Pour le jour de l’an la tradition voulait qu’on prépare des vieuye, des châtaignes à peine sorties de la gréhe, le séchoir, et bouillies avec leur peau. On commençait à les préparer deux jours avant en les faisant tremper dans un gros chaudron plein d’eau. Le lendemain, dès l’après-midi, on allumait le feu sous le chaudron ; le soir les vieuye étaient cuites. Le matin du jour de l’an, sur la requête de Bón an a té, ahtrèina d’an a mé, les enfants recevaient en étrennes une poignée de ces châtaignes. « Lé vieuye lé lamavo tchuit perqué ire lou pieu bón dé tot mindzì tsahtègne paré: lou feun y dounave bón gueust ! » . « Iro poué bounne lé vieuye ! Ire ‘ na licahire, djeumme arà lé bounbón » . « Tout le monde aimait les vieuye car c’était la meilleure 122 Rien que des châ taignes façon de manger des châtaignes: la fumée leur donnait un bon goû t ! ». « Elles étaient bonnes les vieuye ! C’était une gourmandise, tout comme les bonbons d’aujourd’hui ». Ce sont les témoignages de Foustèn né en 1930 et de Anita née en 1913. À Perloz aussi on préparait des viéye ; Aurelia, née en 1920, nous a renseigné sur les habitudes de chez elle. « On triait attentivement les châtaignes prises du séchoir, il fallait éliminer celles qui avaient la peau déjà un peu fendue. Puis on les mettait dans un gros chaudron plein d’eau avec de la paille dessus, on couvrait le tout avec un couvercle en bois, on posait même une pierre sur le couvercle pour qu’il soit bien fermé. On commençait à les cuire de bonne heure. La cuisson terminée, on les sortait vite à l’extérieur, au froid, pour les rider. Le jour de l’an on les offrait avec des noisettes en disant : ‘Na viéya, ‘ na djovéna, leva a couà é passa vià . Une vieille, une fraî che, lève la queue et va-t-en. On les appelait les viéye car elles étaient désormais de l’année précédente ». Selon le témoignage de Delphine, née en 1914, à Arnad on préparait du sepé le jour où l’on battait le blé et, pour la messe de septième d’un mort, la famille offrait cette soupe en aumône aux pauvres gens qui arrivaient à la maison. Des châtaignes au quotidien Il y a un peu plus que 50 ans encore les propriétaires ramassaient soigneusement toutes les châtaignes, grosses ou petites qu’elles soient. L’automne arrivé, on pensait à sécore, à gauler. C’était un travail très dangereux. Les sécourioù, les gauleurs, savaient grimper sur les arbres très hauts en s’aidant de deux fourhette, des serpes à très long bec, et en portant, pendues à l’épaule, une perche de cinq à six mètres de long et une perchette un peu plus courte. On commençait à gauler du haut avec la perchette, puis on descendait et, au fur et à mesure que les branches devenaient plus larges, on se servait de la perche. Si les équipes modernes d’émondeurs adoptent pour la montée l’équipement et les techniques des grimpeurs de parois rocheuses, les gauleurs du vieux temps n’avaient qu’à se recommander à leur habileté et au Bon Dieu. Le 18 octobre, jour de la Saint-Luc, on célébrait au sanctuaire de Notre-Dame-deLa-Garde à Perloz une messe pour les gauleurs. Les sécourioù des villages limitrophes montaient eux aussi, très vite le matin, au sanctuaire. 123 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Le gaulage terminé, toute la famille se mettait au travail, il fallait ratisser les bogues et les entasser ; ramasser les rére, les châtaignes déjà sorties de leurs bogues ; écarter les pouterre, les châtaignes plates et vides; tsignì lé-z-areuh coun lé forhe, ouvrir les bogues avec des pincettes en bois de châtaignier ; remplir les sacs, les charger sur la tête ou sur les épaules, les porter au séchoir. Au moment du ramassage, les filles à marier espéraient toujours découvrir la mougna, la très grosse châtaigne qu’on trouve, bien que rarement, toute seule dans sa bogue. Si cela arrivait, elles auraient pu la mettre sur la braise de la cheminée, attendre qu’elle s’éclate et, selon la direction prise, savoir de quel côté arriverait le futur mari. Ce n’était qu’après la Toussaint que n’importe qui pouvait recueillir le peu qui restait au sol. Frouzinne, née en 1900, m’avait raconté : « Quand j’étais petite, j’allais grettéi, je cherchais les châtaignes échappées au ramassage, il fallait presque toute une journée de vagabondage pour remplir mon griquioù, un petit sachet qu’on pouvait pendre à la ceinture du tablier. Ces châtaignes-là représentaient mon repas du soir et, de cette façon, je ne touchais pas à la réserve de l’année ». Autrefois les châtaignes étaient, avec un peu de lait, de fromage ou de polenta La montagne de l’adret de Donnas recouverte de châ taigneraies (photo Ilda Dalle) 124 Rien que des châ taignes (bien souvent c’était de la poulènta sènsa, comme on dit chez nous, de la polenta sans accompagnement), l’aliment qui permettait de gavé-se la fan, d’assouvir la faim. Plus longtemps on arrivait à avoir sur le feu une bahèya, une marmite, de châtaignes, plus on se sentait riches. « Dé tsahtègne n’èn ma’ mindja-ne tènte ! – Des châtaignes j’en ai vraiment mangées beaucoup ! – Au petit-déjeuner, au déjeuner, pour le goû ter et au dî ner, cuites ou crues, à toutes les sauces… Je peux remercier deux vieilles personnes qui, lorsque je passais devant leur maison en revenant de l’école, me donnaient toujours un sachet de châtaignes… car nous n’en avions pas assez ». C’est l’un des témoignages assez touchants que j’ai recueillis durant ces années. Et ce n’est pas de l’exagération due au temps qui est passé. Plusieurs témoins ont raconté, avec les larmes aux yeux, à peu près la même chose. Se nourrir de châtaignes fraî ches Quand on disposait de châtaignes fraî ches on pouvait faire des friole, bouillies avec leur peau ; des pélaye, pelées et bouillies ; des mèndaye, les châtaignes grillées ; des broffie, une soupe de châtaignes grillées avec du lait, un peu de beurre et une poignée de riz. L’arhéi, l’enceinte où l’on entassait les bogues en attendant d’aller les ouvrir (photo Ilda Dalle) 125 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE On faisait plus souvent des pélaye plutôt que des friole car avec celles-ci les enfants de la famille gaspillaient beaucoup trop. Soit les châtaignes pelées et bouillies soit celles grillées se mangeaient aussi trempées dans du lait chaud ou dans les lahole, une bouillie de farine de maï s. « Per la matén apréi, a hinna avanhià n n’ahcouéla dé pélaye a pereun ; la mamma lé bétave pé deunta ‘ n po d’éve é dé lahéi, y djuntave dé fareunna dé méya é lichave couére ‘ na quéte. Ire lou nohtro dzénón. Pa tèn biscoutén intélourra ! » . « Pour le lendemain matin, au souper nous mettions de côté un bol de pélaye chacun ; maman y ajoutait de l’eau, du lait et de la farine de maï s et laissait cuire un moment. C’était notre petit déjeuner. Pas de biscuits en ce temps-là ! ». Une petite quantité de la récolte était conservée fraî che de façon à pouvoir préparer quelques poêles de marrons grillés jusqu’au mois d’aoû t suivant. Parfois on laissait tout simplement les bogues dans l’arhéi, une petite enceinte entourée d’un mur de pierres sèches qui contournait l’arbre de châtaignier. Il fallait les recouvrir d’une belle épaisseur de feuilles sèches, de rames et de fougères pour les empêcher de geler. À l’adret, où il y a du soleil toute l’année, il arrivait de n’aller ouvrir les bogues qu’au mois de février. Il fallait le faire juste après la pluie ; les jours de vent rendaient le travail impossible. D’habitude, on entassait les bogues dans une caverne ou dans la cave sur une couche de vieilles feuilles sèches et on les recouvrait par la suite avec d’autres feuilles et du bois fin. Parfois les souris y faisaient la fête ! Une autre façon de conserver les châtaignes fraî ches était de les ranger dans un vieux tonneau, par couches séparées les unes des autres avec du sable ou des feuilles sèches. Se nourrir de châtaignes fumées au séchoir Une grande quantité de châtaignes était séchée : sur le balcon, dans le galetas ou au séchoir. Celles qui sortaient du séchoir étaient, sans aucun doute, les meilleures. Dans le temps, chaque hameau avait un bon nombre de gréhe, de séchoirs, qui fumaient longtemps car quelques familles les remplissaient plus d’une fois. De nos jours, il y en a encore quelques-uns et il arrive d’en voir fumer, mais c’est très rare. « J’allume encore le feu à la gréhe, tout juste pour fére crebiéi lé moutón, faire tomber les larves, puis je laisse sécher normalement ». C’est ce qu’on m’a dit il y a quelques jours. 126 Rien que des châ taignes « Autrefois, j’allais deux fois par jour au séchoir faire du feu, le matin et le soir. Je mettais le feu à une grosse bû che et, quand il était bien parti, je recouvrais le tout avec les piah que j’avais soigneusement mis de côté l’année précédente, les écorces et les peaux brisées qui restaient au sol après le vannage. Cela faisait beaucoup de fumée et séchait les châtaignes. Je continuais ainsi pendant un mois ou un mois et demi ». Quand les châtaignes étaient sèches, il fallait les battre dans un sac de toile de chanvre, lou satsón. Si à Perloz on avait l’habitude de battre à deux avec un seul sac, à Donnas et à Arnad trois ou quatre personnes battaient rythmiquement, chacune avec son sac, sur une même grosse bû che qu’on appelait tsapietta. Pour ne pas déchirer le sac on recouvrait la bû che d’une peau de chèvres ou d’un sac et, de temps en temps, on y versait une louche d’eau pour assouplir le tout. « Bativo sé la méma tsapietta. Toutchavo pa né… avivo lou trét djeust ! » . « Fantivve èhte couhtemà … can eun bat, l’atro léve… eun bat, l’atro léve… alavo a tèn djeumme can sounno la muzica » . « On battait sur la même bû che. Les sacs ne se heurtaient pas… on savait donner des coups rythmés ! ». La gréhe, un séchoir en activité (photo Ilda Dalle) 127 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE « Il fallait avoir l’habitude… quand le premier bat, l’autre lève… l’un bat, l’autre lève… on suivait le temps comme lorsqu’on joue de la musique ». En écoutant les paroles de Matilde, née en 1897, et de Sérafinne, née en 1902, il me semble d’entendre encore la musique rythmée des sacs et le grincement des châtaignes sèches qui se brisaient. Il suffisait de 50 à 60 coups, une fois d’un côté du sac une fois de l’autre, pour que les deux peaux se brisent et que les châtaignes soient propres et blanches ; on versait alors le contenu du sac dans le van et on le vannait. Comme pour d’autres travaux, il y avait ceux réservés aux femmes et ceux plus adaptés aux hommes ; battre était plutôt pour les hommes, vanner pour les femmes. Souvent ce travail devenait presque une fête, on le faisait durant la pleine lune pour gagner du temps dans la journée. C’était assez fréquent, surtout parmi les jeunes, de faire la reuda. Un soir on travaillait pour les uns, le lendemain pour les autres, on s’entraidait à tour de rôle et on terminait avec un casse-croû te et quelques chants avant d’aller se coucher. Il en était de même pour plusieurs autres travaux tels que porter le fumier dans les vignes, descendre des fagots de bois, de foin ou de feuilles. Avant d’être mises dans des sacs ou dans un coffre pour la conservation, les châtaignes qu’on avait vannées étaient triées : on mettait les blanches d’un côté, les moins propres d’un autre; celles cassées, les quiapén, on les conservait pour les animaux ou pour les porter au moulin. À Perloz, on avait une petite astuce pour empêcher les châtaignes de se gâter : il suffisait de mettre à côté du coffre des feuilles de noyer ou avoir tout près de la maison un arbre de noyer ! Avec les châtaignes blanches sèches on préparait soit du sepéi, la soupe aux châtaignes, soit des bayane, les châtaignes bouillies et égouttées. « Lou sepéi fa’ qué sèye couét da pigre ! » . « Pour que la soupe aux châtaignes soit bonne, elle doit être préparée par quelqu’un de fainéant, c’est à dire sur un feu de bois, mais à feu très lent ». C’est encore Sérafinne qui nous en donne la recette. « Pour avoir une bonne soupe, il faut d’abord prendre des châtaignes sorties du séchoir. Si elles ont été séchées sur le balcon, elles n’ont pas du tout le même goû t. Puis il faut les mettre dans la marmite quand l’eau est encore froide 128 Rien que des châ taignes car, de cette façon, elles deviennent molles. Pour une fois, mon père me recommandait d’être paresseuse. Les paresseux ne font pas de grand feu! D’habitude, dès l’aprèsmidi je mettais une bû che dans le poêle, la marmite à mijoter dessus et j’allais à la campagne. Quand je rentrais, j’ajoutais du riz, beaucoup de lait, un peu de beurre, je laissais cuire le tout encore pour une demi-heure ». Il faut dire que le riz n’était pas indispensable. Avant tout, il fallait en avoir et ce n’était pas toujours le cas. Si on ne pouvait pas se permettre de l’acheter, on pouvait s’en procurer en allant travailler dans les rizières de Verceil durant quelques semaines ou de l’échanger contre des châtaignes quand les marchands passaient au village. Parfois, on y mettait du gri, de l’orge, qu’on pouvait semer dans les terrasses ensoleillées, jamais on n’ajoutait des pâtes qui auraient rendu la soupe gluante. De toute façon, la soupe aux châtaignes qui mijotait lentement tout l’aprèsmidi avec un bon morceau de lard était également très bonne et nourrissante, elle devenait très épaisse, les châtaignes ne se voyaient plus tellement elles étaient cuites. « Lou sepéi lou fézivo per lou nét, ma lou mindjavo avouèi la matén. Tournavo bété-ye deunta dé lahéi tsat. Su mountagne, y bétavo dé broha » . « La soupe aux châtaignes se mangeait au souper, mais aussi le matin. J’y ajoutais du lait chaud. À l’alpage j’y mettais du petit lait cuit ». Ce qui ne manquait jamais sur la table en hiver c’était la gourbetta dé bayane, un panier fait de lattes de bois de châtaignier qui servait non seulement à contenir les châtaignes sèches bouillies, mais aussi à les égoutter. On les mangeait sans rien y ajouter ou bien on les trempait dans le lait ou… dans le vin… cela était bon et sucré comme du chocolat ! Les bayane avec du beurre frais étaient également une gourmandise, mais pas de tous les jours. Les habitants de Donnas, pour se moquer du fait que les gens de Perloz ne mangeaient que des châtaignes sèches bouillies, disaient : « Bane in quiér ou quiér in bane… tan per tsandzì » . Des châtaignes bouillies dans l’eau ou de l’eau avec des châtaignes bouillies… histoire de changer. Ceux de Perloz répondaient à leur tour : « S’a Douéra feussa dé bezaye é a guiéra dé bane, qué dé pansaye, qué dé pansaye ! » . Si votre Doire était du babeurre et les galets des châtaignes sèches bouillies, quel festin vous feriez ! 129 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Les vans (photo Ilda Dalle) Le griquioù, un petit sachet qu’on pouvait pendre à la ceinture d’un tablier ou d’un pantalon (photo Ilda Dalle) 130 Rien que des châ taignes À Perloz on disait aussi : « Qui l’a dé djèn, l’a dé bane » . Les familles nombreuses ont davantage de personnes pour aller ramasser les châtaignes. Parfois, avec les bayane on faisait du pain aux châtaignes. Voici les beaux souvenirs de Benvenuto, né en 1933, et de Marietta, née en 1904. « Quand on enfournait le pain de seigle, une fois par an, on préparait aussi quelques pains avec des châtaignes cuites auparavant dans le lait. C’était un pain très bon que nous mangions par gourmandise ! Il ne se conservait pas car il était trop épais et il moisissait. Si le pain séchait trop, les châtaignes devenaient très dures ». « Ma tante habitait Champorcher. Avant Noël, elle préparait toujours le pain de seigle qui devait durer toute l’année. Quand j’étais petite, il n’y avait pas de route carrossable pour arriver là-haut, il fallait monter à pied. Si le chemin était praticable, on me permettait de partir et d’aller chez ma tante pour l’aider. Je me souviens du grand plaisir que j’avais à préparer un petit pain en forme de poule dans lequel je mettais quelques châtaignes. C’était mon cadeau de Noël ! ». Le surplus de châtaignes sèches était apporté au moulin pour avoir de la farine. Son utilisation pour l’alimentation de la famille était plutôt limitée. Elle pouvait servir à préparer des lahole si elle était cuite avec un peu d’eau et du lait. Parfois on préparait des beignets, des galettes ou des gaufres, le tout complètement sans sucre. Seulement dans l’après-guerre on a commencé à mettre au four quelques gâteaux faits d’un mélange de farine de châtaignes, lait et sucre. « Mindzì tró dé tsahtègne fèi vinì la rampa é porte mouéi d’infiamachón » . Manger trop de châtaignes porte sur les nerfs et donne beaucoup d’inflammation. À suivre la croyance populaire, on dirait qu’il ne faut pas trop abuser des châtaignes et pourtant plusieurs témoins avaient de 80 à 90 ans au moment de leur récit. Quant à Sérafinne, elle est arrivée à fêter, en assez bonne santé, ses 100 ans ! Des bonbons pour les enfants Les châtaignes crues ou grillées donnaient des poux et gâtaient les dents, mais aucun enfant ne partait paî tre ses chèvres ou n’allait à l’école sans en avoir rempli ses poches. 131 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE « Ame, lé tsahtègne qué n’èn mindjà ! Lé co qué alavo granfiné deun la gréhe ou méh di pichéi qué iro pa prou sarà ! Pé, ire ‘ na feuhta canque bativo lé tsahtègne… sé poulivo, alavo vitto queuye helle qué sourtivo dou satsón » . « Alavo a ‘ hcola coun ‘ na sacoutchà dé mèndaye ou dé tsahtègne sètse ; tò lou dzór riziyavo da catsón, pé nou tacave sèi. Di co, passavo ou moulén da Gatti. Ieu, per do sót, nou dounave ‘ na papérà dé fareunna tsahtègne… ma yoù alavo prènne no tchuì lé dzór do sót ? Alourra, passavo a par daré é na granfinavo in piquió ho. Gatti fézive sèmbià n d’arabié-se, ma nou lichave alé. No y dijivo qué avivo pa toutchà … pènsa teu… irà n tò bian… tò qué sourtive dé la sécótse di nohtre pantalón ! » . « Les châtaignes que nous avons mangées ! Que de fois nous allions les voler dans le séchoir, entre les linteaux du plafond, là où ils étaient moins serrés ! Puis, pour nous enfants, c’était un jour de fête quand on battait les châtaignes… quand nous pouvions, nous allions vite ramasser celles qui sortaient du sac ». « Nous allions à l’école avec une poche pleine de châtaignes grillées ou sèches ; toute la journée nous grignotions en cachette et nous avions soif. Parfois, nous passions au moulin de M. Gatti. Il nous faisait payer deux sous le cornet de farine de châtaignes… mais où trouver tous les jours deux sous ? Alors, en passant par derrière, nous allions en voler un petit peu. M. Gatti faisait semblant de se mettre en colère, mais il nous laissait partir. De notre côté, on lui assurait qu’on n’avait pas touché à la farine… penses-tu… nous étions tous blancs… la farine sortait de la poche de nos pantalons ! ». Vendre des châtaignes Vendre des châtaignes donnait la possibilité d’avoir un petit revenu. On les vendait soit fraî ches soit sèches aux marchands qui passaient au village ou bien au marché de Pont-Saint-Martin deux fois par semaine : le mercredi et le samedi. Parfois on les apportait même au marché d’Ivrée le vendredi ; plusieurs personnes s’organisaient et mettaient leurs sacs sur une galiota (char tiré par un homme) ou un caratón (char tiré par un mulet ou un cheval). Les marchands payaient en liquide ou troquaient contre du riz, des pâtes ou autre. Ils imposaient leurs prix, il fallait toujours négocier longtemps. 132 Rien que des châ taignes Des châtaignes pour les animaux de la maison Les châtaignes les moins belles étaient pour les animaux ; crues, cuites ou réduite en farine on les donnait aux poules, aux cochons, aux chèvres et aux vaches. Je laisse la parole aux témoins : « Après le vannage, les poules étaient libres de fouiller dans ce qui restait au sol ; seulement après qu’elles s’étaient bien régalées, on ramassait les piah pour les conserver jusqu’à l’année suivante, quand on allumait le feu au séchoir ». « Tout petit, j’avais une vrai passion pour mes chèvres, j’étais bien content de leur donner des châtaignes. Les cornes de mes chevreaux poussaient remarquablement s’ils mangeaient des bayane ! ». « Au printemps, quand les chèvres mettaient bas, je leur préparais de la farine de châtaignes mélangée avec un peu d’eau pour qu’elles reprennent des forces ». « En automne, tous les soirs, il fallait peler des seaux de châtaignes pour les cochons… nous enfants aussi, mais sans couteaux. Mon père disait qu’avec le couteau on gaspillait. Nous devions peler avec les dents, la bouche devenait alors rapeuse. On mélangeait ces châtaignes avec du son ; la viande et le lard du cochon prenaient un goû t exquis ». « Un mélange de lait et de farine de châtaignes faisait engraisser mes veaux ». « L’hiver je préparais le bouvérón pour les vaches : des bayane ou de la farine de châtaignes, du son, des épluchures de pommes de terre. Les vaches produisaient davantage de lait et leur viande était meilleure ». De nos jours… De nos jours, c’est surtout pour les repas des jours de fête qu’on mange des châtaignes. L’automne arrivé, chaque commune a son rendez-vous annuel avec la fête de la châtaigne. Les châtaignes grillées savent encore regrouper les gens comme c’était le cas autrefois. En famille on peut faire des mèndaye à tout moment, il suffit de mettre quelques sachets au congélateur. De temps en temps on cuisine encore du sepéi, quelques friole ou des pélaye selon les vieilles habitudes, mais en général ce sont les calories qui abondent : on mange des châtaignes avec du miel et du beurre 133 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE ou des biscuits de farine de châtaignes bien sucrés. On prépare toutes sortes de crèmes ou de gâteaux, des châtaignes arrosées avec du marc et flambées… et on pourrait continuer. Toute la fatigue, tous les savoirs de nos vieux tombent petit à petit dans l’oubli. C’est normal, le monde évolue et tout change, mais c’est dommage. R E M E R C I E M E N T S J’ai puisé, pour la préparation d’une partie de mon exposé, dans plusieurs témoignages recueillis et transcrits au fil des années, avec la collaboration de Rina Bonel, Augusta Champurney, Anna Follioley, Giuseppina Nicco, Solange Soudaz, Rosanna Vuillermoz et Françoise Yeuillaz. Je remercie les témoins qui ont bien voulu nous faire part de leurs savoirs : Anita Bosonin (1913), Marie Bosonin Marietta (1904), Serafina Buccarano Sérafinne (1902), Matilde Cheraz (1897), Anita Dalbard (1912), Fausto Dalbard Foustèn (1930), Eugenio Dalle Djégno (1910), Giustina Maria Dalle Frouzinne (1900), Delfina Joly (1914), Alina Nicco (1935), Carla Nicco (1937), Giuseppe Nicco Djef (1902), Filippo Pramotton Félipe (1913), Aurelia Soudaz (1920), Benvenuto Yeuillaz (1933). Je remercie également Mme Marie Badery, président de la Coopérative “ Il riccio” . S O U R C E S Bibliothèque Communale de Donnas, La civilisation du châ taignier, Bulletin no 4, Musumeci, Aoste, 1988. Concours Cerlogne 1975/76, École primaire de Donnas-Vert, La tsahtègne é lou tsahtagné – Institutrices : Edda Chanoux, Ilda Dalle, Paola Franchino, Marisa Fresc, Rosanna Vuillermoz. Communauté de montagne “ Mont Rose” , 7a Comunità Informazione, bulletins semestriels. 134 La catalogazione: strumento di conoscenza e memoria. Un esempio: gli oggetti per l’alimentazione Cristina De La Pierre È utile affrontare l’argomento ricordando le fatiche che la creazione e la stesura di una catalogazione richiedono. Dietro a una lista ordinata di dati c’è un lavoro molto articolato, che non si vede e spesso non si conosce. Inoltre è qualcosa di simile al negativo di una fotografia: rappresenta una visione della realtà non immediatamente comprensibile che però può essere trasformata in un’immagine che chiunque può capire. Catalogare è un lavoro prezioso che richiede pazienza ma, spesso, deve essere fatto in poco tempo. Il più delle volte ci si trova di fronte a raccolte di beni molto vari, di cui inizialmente si cerca di capire la consistenza, il valore storico culturale, la leggibilità e lo stato di conservazione. L’occhio allenato degli esperti riconosce l’interesse dell’insieme e dei singoli oggetti ma poi l’analisi deve farsi più approfondita e considerare ogni pezzo seguendo criteri di osservazione oggettiva in modo da consentire successive valutazioni. A fronte della scientificità con cui si cerca di condurre l’esame, le condizioni dei luoghi in cui si opera, la ristrettezza dei tempi concessi, i problemi logistici, richiedono agli operatori un grande impegno. I beni sono spesso raccolti in depositi, a volte anche in modo ordinato, dove temperatura e luce inducono ad affrettarsi; contemporaneamente si mettono in atto i primi accorgimenti di conservazione per limitare il degrado dei beni e ridurre il più possibile il rischio di perderli. Si parte di solito con una fase di inventariazione in modo da soddisfare una prima conoscenza degli oggetti tramite l’acquisizione dei dati di tipo più tecnico descrittivo. Sembra banale ma una lista di presenze è già una forma di memoria, diventa dunque importante riuscire a registrare e tramandare qualche dato in più. In seguito, l’osservazione può essere ripresa e, mettendo in relazione le conoscenze che le diverse discipline di ricerca forniscono, si giunge ad avere uno studio dettagliato dell’oggetto. 135 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Queste note derivano dall’esperienza di catalogazione che ha svolto la Soprintendenza per i beni culturali della Valle d’Aosta. È stato fatto un grande lavoro di inventariazione e si è progettato e realizzato un sistema di catalogazione che rispondesse non solo all’esigenza di avere una banca dati ordinata ma fosse anche uno strumento di lavoro scientifico. Uno dei frutti di questo progetto è per esempio la scheda dei beni mobili (BM) di cui si illustrano di seguito i principali contenuti. La struttura della scheda di catalogazione Occorre innanzitutto spiegare che il catalogo regionale prende in considerazione qualsiasi bene senza stabilire a priori rigide categorie di appartenenza. Non esiste pertanto una scheda specifica per i beni etnografici, un’altra per le opere d’arte e un’altra ancora, per esempio, per i reperti archeologici, ma un unico modello molto articolato che può essere, ove ne emergesse l’esigenza, ulteriormente sviluppato per specifiche letture di settore. La scheda è strutturata in 5 sezioni: anagrafe, descrizione, documentazione, tutela, conservazione. Ciascuna sezione a sua volta è sviluppata in campi rag- 136 La catalogazione: strumento di conoscenza e memoria gruppati, i quali accolgono le informazioni come dati, vocaboli e testi. Spesso i campi vengono compilati sulla base di vocabolari controllati messi a punto nella fase di definizione della struttura concettuale del catalogo e aggiornati a seguito di riflessioni, analisi e nuove conoscenze, in un’ottica di continuo miglioramento del sistema. Alcuni dati sono registrati in campi ripetibili; ciò permette di memorizzare le trasformazioni subite dall’oggetto nel tempo oppure di esaminare l’oggetto nel suo insieme o nelle sue parti costitutive, invece di duplicare la scheda. In questo modo rimane una sola scheda madre e possono essere compilate più sottoschede descrittive. - I campi anagrafici sono quasi interamente gestiti tramite vocabolari autorizzati, appositamente prodotti per rendere più semplice e comprensiva la ricerca. L’identificazione del bene è scomposta in quattro livelli: funzione (obbligatorio, tabellato), specifica della funzione (obbligatorio, tabellato), tipologia (obbligatorio, tabellato), specifica della tipologia (non obbligatorio, testo libero). - La localizzazione individua il luogo in cui il bene è collocato tramite l’ubicazione topografica del contenitore/edificio (comune, località/indirizzo, estremi catastali), la denominazione del contenitore/edificio e la posizione precisa dell’oggetto al suo interno. Vengono inoltre registrati quando conosciuti, i dati di provenienza del bene. - La sezione “ descrizione” è a sua volta suddivisa in una molteplicità di campi d’analisi attinenti alla descrizione fisica e alle notizie storico critiche. I dati sono memorizzati in parte sulla base di vocabolari controllati e in parte in campi a testo libero, raggruppati secondo paragrafi fissi. - La sezione “ documentazione” raccoglie tutti i dati relativi alle informazioni grafiche, fotografiche, cartografiche, bibliografiche e d’archivio ed è collegato (per la citazione delle fonti) alle notizie storico-critiche. E’ essenzialmente un campo-indice di quanto non direttamente consultabile in scheda ed è collegato all’archivio delle immagini. - La sezione “ tutela” contiene i dati relativi allo stato di proprietà, ai provvedimenti di vincolo e alla circolazione del bene. - La sezione “ conservazione” raccoglie i dati relativi allo stato di manutenzione, ai fattori di rischio, agli interventi di restauro, alle analisi e misurazioni effettuate sull’oggetto. Chi si occupa di catalogazione mette a punto strumenti di indagine e metodi di rilevazione per far fruttare al massimo il contatto con l’oggetto a cui lo schedatore è ammesso. Spesso gli operatori soffrono nell’utilizzare questi mezzi 137 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE perché, sollecitati da svariate esigenze di tutela e conoscenza, li trovano poco agevoli, troppo sofisticati e li vivono come un rallentamento del lavoro. Si tratta, tuttavia, di strumenti che hanno il pregio di raccogliere le informazioni secondo criteri omogenei di riferimento e la scheda, infine, costituisce un buon promemoria per osservare l’oggetto, una guida per l’analisi. Il rischio di scordare qualche annotazione è ridotto. Ovviamente l’esperienza aiuta e con il procedere del lavoro si compensano gli sforzi iniziali. La schedatura è solitamente completata con la documentazione fotografica e, quando possibile con disegni, che hanno l’immediato scopo di visualizzare l’oggetto ma tornano anche utili per precisazioni, controlli e confronto dei dati. L’utilizzo del catalogo L’attività di catalogazione non si ferma alla registrazione ordinata delle informazioni ma può evolvere in un’operazione di lettura incrociata dei dati e formare così gruppi di oggetti che nel loro insieme costituiscono un nuovo “ virtuale” bene culturale. 138 La catalogazione: strumento di conoscenza e memoria Torgnon, mézó n della casa (foto L. Neyroz) Prendendo come elemento di indagine gli oggetti legati all’alimentazione si possono costituire dei gruppi in base alle loro caratteristiche, per esempio: i materiali, la provenienza, gli apparati decorativi o ancora l’epoca di fabbricazione. Si può , quindi, ragionare sugli insiemi e scoprire che un certo oggetto era realizzato esclusivamente in legno, in una precisa essenza lignea, o viceversa che ne esistono esemplari nei materiali più diversi; si può notare la differenza di dettagli in base alla provenienza territoriale o viceversa una diffusa presenza dello stesso oggetto; si può leggere come simboli e decorazioni si siano tramandati o rinnovati per luoghi e epoche. Nell’esempio preparato per questa comunicazione si è seguito il percorso degli alimenti dalla produzione al loro consumo. Occorre precisare che l’esemplificazione si basa sulla catalogazione degli oggetti presenti nelle collezioni regionali, costituite essenzialmente da beni di provenienza locale, di uso comune nelle famiglie dedite all’attività agropastorale. L’ambiente di riferimento è quello locale e il periodo storico in genere va dall’ottocento alla prima guerra mondiale, momento quest’ultimo in cui inizia a sparire la maggior parte di oggetti a produzione non industriale. Il percorso scelto fa risaltare una molteplicità di manufatti: alcuni strettamente pertinenti al sistema alimentare perché fungono da contenitori, utensili, ecc, per la lavorazione o per il consumo del cibo; altri indirettamente legati all’alimentazione in quanto adoperati per la lavorazione dei campi o per l’allevamento degli animali, attività svolte in fin dei conti per produrre alimenti. 139 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Si incontra già in queste situazioni una serie di recipienti e attrezzi utilizzati per ciò che diventerà nutrimento. Troviamo per esempio ceste e sporte per le semenze, ceste per raccogliere uva, mele, pere, castagne, noci, ceste per le patate, per i prodotti dell’orto. È necessario osservare anche tutti quegli oggetti che garantiscono la possibilità di mangiare portandosi dietro il pranzo nei campi, nei prati o nei luoghi di lavoro. Ovviamente gli oggetti possono essere molto semplici o molto raffinati. Ci sono esemplari di boracce per l’acqua ma anche fiaschette per il vino, sacchetti in tela, ceste ben rifinite, corbette per il pastore, ecc. Ci sono poi gli oggetti che servono per trasformare le “ materie prime” e che possiamo raggruppare per tipo di lavorazione; ecco alcuni esempi: - gli utensili per la lavorazione del latte: secchi, mestoli, scrematori, caldaie, colini e colatoi per il formaggio, zangole, stampi da burro, forme per il formaggio; - contenitori per raccogliere l’uva, attrezzi e recipienti per fare il vino e per spillarlo: gerle per il trasporto dell’uva, ceste, bastone per il vino, tini, botti, scodelle e grolle per bere; 140 La catalogazione: strumento di conoscenza e memoria - attrezzi e utensili per la lavorazione delle granaglie e quindi per fare il pane: madie per tenere la farina e impastare il pane, tavoli con bordi rialzati, assi per il trasporto, palette per infornare, stampi, gerle per portare il pane, râtelì per conservare e coppa pan (taglieri per il pane). Possiamo continuare osservando gli oggetti presenti all’interno della casa dove si confezionano ed elaborano i cibi. Entrando dal camino, sorvoliamo su alari, a volte corredati da ganci e recipienti per gli aromi, scivoliamo lungo cate- 141 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE ne e appositi ferri regolabili a cui si appende il paiolo in ghisa, ma ci sono anche le pentole in pietra, in ferro, in ghisa che si poggiano su sostegni, generalmente treppiedi; tegami, testi (ferri per cialde e biscotti), stampi per dolci. A completare gli strumenti essenziali del focolare troviamo altre pentole e tegami, ma soprattutto, mestoli, porta sale, porta spezie, mortai, taglieri, mezzelune, tosta caffé e orzo, bastoni per la polenta, attrezzi particolari, tritacarne, terrine, frustini, frullini sbattiuova, grattugie, macinini, ecc. Raggiungendo infine il luogo di consumo del cibo ossia la mensa scopriamo scodelle, boccali, posate (poche, coltello solo uno per tutti; la varietà è legata alla condizione sociale), piatti, portapane, taglieri, contenitori vari, bottiglie, brocche, ecc. Di grande importanza e fascino sono poi gli oggetti per misurare e pesare che variano a seconda del prodotto da valutare: recipienti in legno di forma cilindrica per le granaglie, misurini di varie grandezze per i liquidi, bilance con la serie di pesi per farine, ortaggi, carne, stadere. Anche qui si 142 La catalogazione: strumento di conoscenza e memoria riscontrano differenze a seconda del tipo di alimento, delle unità di misura convenzionali, a seconda dei luoghi e delle epoche storiche. L’analisi potrebbe proseguire approfondendo l’osservazione dei materiali: esistono, per esempio, molti tipi di zangole per fare il burro. Nelle nostre montagne troviamo quelle in legno, ma altrove se ne producono anche in pelle di animale o in ceramica. I colini per il latte possono essere in legno ma anche in ferro o in tessuto. 143 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Torgnon, strumenti di lavoro e oggetti d’uso (foto R. Monjoie) Possiamo poi spostare l’attenzione all’evoluzione dei manufatti e, vedere come gli oggetti sono rimasti costantemente presenti o si sono via via modificati nel tempo o addirittura si sono persi. E ancora si può esplorare come gli oggetti pur rispondendo allo stesso tipo di funzione ed uso siano fatti di materiali e forme molto diverse a seconda del ceto sociale a cui appartenevano. Ad esempio le stoviglie dalla mensa più povera a quella più ricca si modificano dal legno, alla ceramica e alla porcellana; i recipienti per bere, da scodelle in legno a boccali in peltro, in vetro, in cristallo lavorato. E non si può non citare un altro campo di indagine, quello della denominazione locale degli oggetti. Quanto esposto vuole solo essere un accenno alla varietà di beni che un argomento come l’alimentazione coinvolge e alla potenzialità di ricerca che la catalogazione offre. Il tema merita ulteriori studi e lo sviluppo delle osservazioni può restituire ancora molte informazioni. 144 La catalogazione: strumento di conoscenza e memoria R I N G R A Z I A M E N T I È doveroso ricordare che il sistema Catalogo della Regione Autonoma Valle d’Aosta è stato ideato e messo a punto grazie all’impegno dell’architetto Flaminia Montanari, che per tanti anni ha collaborato con la Soprintendenza regionale per i beni culturali e ambientali, e che gli inventari delle collezioni regionali costituiscono una preziosa fase di conoscenza coordinata dalla dottoressa Daniela Vicquéry (Direttore dei beni architettonici e storico artistici del Dipartimento cultura). Un ringraziamento particolare va alla dottoressa Nurye Donatoni, consulente in materia di beni demoetnoantropologici, che mi ha accompagnato nella presentazione della comunicazione e, prima ancora, nella preparazione dei materiali e nelle riflessioni sull’argomento trattato. 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Beni demoetnoantropologici materiali, a cura del Ministero per i beni e le attività culturali, Istituto centrale per il catalogo e la documentazione e del Museo nazionale delle arti e tradizioni popolari, ICCD, Roma, 2000. 145 Analyse et interprétation de quelques gestes inhérents aux pratiques alimentaires dans l’aire alpine Christiane Dunoyer « Tous les animaux se nourrissent mais seul l’être humain cuisine1 ». L’homme a appris à se nourrir en exploitant toute la gamme de ce qu’il trouvait “ des plantes les plus toxiques à la cervelle de leurs congénères” (ibid.) ce qui nous fait comprendre tout de suite qu’à la nécessité primaire de s’alimenter s’ajoutent des motivations symboliques, philosophiques, religieuses, sociologiques, etc. L’établissement et le maintien des relations humaines passent avant tout par le partage de la nourriture. J’ai été invitée à parler des gestes caractérisant l’alimentation traditionnelle. Comme le soulignait déjà André Leroi-Gourhan, la description des gestes est l’une des parties les plus inconnues de l’ethnologie, les voyageurs décrivent ou rapportent des couteaux ou des tasses mais bien rarement exposent-ils la manière de les employer. En outre, pour décrire les gestes, il faut les voir, il faut que ça existe dans le présent de celui qui analyse. Qu’est-ce que l’alimentation traditionnelle ? Quel est le rapport entre l’alimentation traditionnelle et la manière de manger aujourd’hui de ceux qui se réclament d’une alimentation traditionnelle ? La soustraction entre ces deux éléments donne comme résultat les gestes. Quand il y a peu à manger (peu d’aliments et en de petites quantités), les gestes acquièrent beaucoup d’importance, ainsi que la notion de partage (surtout important dans les moments à haute valeur symbolique : veillées funèbres et autres rites de passage). Dans l’aire alpine qui nous intéresse, on est dans le cadre de sociétés pauvres : les moindres gestes sont riches de significations. Par exemple un geste aujourd’hui anodin comme sucrer le café véhicule plusieurs notions dès qu’on remonte tant soit peu dans le passé (pas trop non plus, 147 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE car le café n’est pas une habitude très ancienne, comme toute tradition ç’a eu un début...) : boisson précieuse, substance rare, notion de grande générosité et d’urgence (grave maladie). Un autre exemple : remplir le verre de vin bien ras traduit le sens de l’hospitalité toujours très important dans nos contrées (même s’il vaut mieux rappeler que « ce n’est pas un paradis perdu, on est dans une société où la codification du geste dit les différences, les conflits, les déséquilibres2 »). Et qu’en est-il de ces gestes aujourd’hui que ces nourritures n’ont plus la même valeur commerciale ? Ces gestes persistent parce que le symbole résiste au temps plus que la valeur pécuniaire des aliments. En matière d’alimentation on peut reprendre avec profit la répartition de Leroi-Gourhan entre gestes liés à l’acquisition de la nourriture (chasse, cuillette, élevage, techniques agricoles), gestes liés à la consommation (techniques de fabrication de certains aliments, de préparation des mets) et gestes liés à l’absorption (comportements à table, etc.). En outre il y a les gestes faisant partie d’une chaî ne opératoire, dans le cadre d’une technique, et les gestes relevant d’une symbologie, religieuse ou autre. Dès maintenant, on peut tracer quelques lignes maî tresses dans l’ensemble de ces techniques : la nette domination du cuit sur le cru, des gestes comme mélanger et piler, l’importance de la cueillette (pissenlits, bistorte, oseille, ortie, rhubarbe des moines, épinards sauvages, parmi les herbes, baies de l’alisier, gratte-cul, sureau, épine-vinette, parmi les fruits sauvages). Le temps à ma disposition étant limité, j’ai donc choisi quelques thèmes, à l’intérieur de cette grille imaginaire. Fonctions sexuelles des gestes La distribution sexuelle des rôles est quelque chose bien enraciné dans cette civilisation montagnarde où chaque geste se situe dans le cadre d’une codification très rigide. Les gestes liés à l’alimentation répondent à cette même logique, que ce soit dans les chaî nes opératoires relevant des techniques d’acquisition, de la consommation ou de l’absorption. La maî trise des lames et des objets tranchants est l’affaire des hommes en général et dans certains cas affaire exclusive du chef de famille. Dans les champs, la faux s’oppose à la faucille. 148 Analyse et interprétation de quelques gestes inhérents aux pratiques alimentaires À table, le couteau (souvent il n’y a qu’un seul couteau sur la table) est l’apanage des hommes. Si l’on veut faire le partage entre les contenants provisoires et les contenants de transport, collectifs ou individuels, on peut dire pour ce qui est des seconds qu’à l’homme correspond plutôt le couteau, à la femme la cuillère ou la louche (quand il s’agit de distribuer la soupe par exemple). L’homme, le chef de famille, est en général servi le premier. Certains aliments sont réservés à l’un ou à l’autre sexe. Les gestes autour du pain Le pain est un aliment hautement symbolique. Par conséquent les gestes qui se font autour du pain ont une signification plus grande que ceux qui accompagnent n’importe quel autre aliment. Le pain est hommage, cadeau : symbole de ralliement, invitation au partage, tel qu’on le voit dans les coutumes d’offrir un pain en guise de “ trèinadan” ou, autrefois, de porter un pain à la famille chez laquelle on se rendait pour voir une fille. On peut mentionner la tradition encore vivante à Ayas de donner au curé de la paroisse un pain pour nourrir les chiens qui gardaient le cimetière des loups. Un peu partout, on offrait également un pain bénit à l’église pendant la messe pour une grâce reçue. Nourriture de base, le pain est probablement l’aliment qui s’est le moins transformé au cours des temps. Il devient symbole de la nourriture par excellence : le chef de famille qui fait une croix avec la lame du couteau, en retournant la miche, avant de l’entamer et d’en couper des tranches pour tous les membres de la famille, rend grâce à Dieu. Le pain est béni plusieurs fois : à partir du champ, lors des semailles, lorsqu’on plaçait une croix au fond du champ, faite avec deux branchettes liées ensemble. Puis pendant la panification, lorsque le signe de la croix était tracé sur la pâte mise à lever ainsi que sur les formes de pain avant de les mettre au four. (C’est un peu l’analogue de ce qu’on faisait à chaque fois qu’on commençait à préparer la polenta : on faisait le signe de la croix en faisant tomber la première farine dans l’eau). En Savoie, c’est là que j’ai recueilli ce témoignage, mais peut-être en Vallée d’Aoste aussi, lorsqu’on était obligé de jeter un morceau de pain non utilisable à l’alimentation humaine, on le baisait. Il s’agit d’un respect pour la nourriture commun à de nombreuses sociétés traditionnelles, notamment paysannes, qu’on retrouve, lié avec la notion de parcimonie, dans beaucoup 149 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE de gestes, tels que l’habitude de couper le fromage à trois croû tes ou d’accompagner les différents aliments d’un bout de pain (pour ne pas manger a boillardon). L’importance des techniques de conservation Parmi les différentes techniques attestées, les gestes liés à la conservation des aliments revêtent à mon sens une importance capitale. Le peu d’aliments qui constituent la nourriture de base dans cette région, mangés aussi frais, font tous l’objet de techniques de conservation : nous pouvons mentionner - la conservation du lait à travers des chaî nes opératoires qui se répètent quotidiennement, presque sans interruption, tous les jours de l’année, finalisées à la fabrication de beurre et fromage. - la conservation de la viande (viande salée et différentes charcuteries, saucisses, boudins, motsetta, jambons) - la conservation du pain, du vin, des pommes de terre. Au-delà des procédés utilisés qui pourraient tous faire l’objet d’études ethnographiques monographiques, il y a un lieu député à la conservation : le grenier, bien-sû r, comme il a été souligné par les intervenants qui m’ont précédée, mais également la cave. Comme l’a très bien expliqué Yvonne Preiswerk dans ses études sur les traditions funéraires du Val d’Anniviers, “ la conservation de nécessité devient prestige et élément d’un rite” et la cave, avec ses tonneaux et ses fromages, est la mesure de ce prestige social. Une ultérieure preuve de l’importance de la conservation dans l’ensemble des comportements alimentaires de cette civilisation, nous est donné par la quantité importante de qualificatifs utilisés pour définir le goû t et la consistance des mets et des ingrédients selon leur état de conservation (breusque, van, rance, empe, fort, etc.), mettant en relief le rôle défensif, des papilles gustatives, c’est-à-dire leur fonction de signal d’alarme à l’introduction de substances pouvant avoir un effet toxique. L’importance du toucher dans le choix, dans la définition et la fabrication des aliments Nous sommes dans le cadre d’une civilisation relativement pauvre du point de vue techno-économique, avec des accessoires et des ustensiles assez primitifs et, qui plus est, réduits du point de vue numérique : cela est vrai pour la table et la cuisine, mais aussi, quoique de manière moins évidente, pour les techniques relatives à l’acquisition et à la consommation de la nourriture. 150 Analyse et interprétation de quelques gestes inhérents aux pratiques alimentaires Les gestes “ mains nues” sont donc très présents et répandus, d’où l’importance du toucher, du contact physique avec la matière. C’est ce qu’on voit par exemple dans les gestes du fruitier qui manipule la pâte du fromage. Mais il y a aussi un autre geste très éloquent : celui de frapper avec le poing à demi fermé sur une meule de fontine ou un pain (pour voir s’il a bien cuit, bien levé). En outre, le rôle des doigts : il y a une sorte de sémantique des doigts, chacun des doigts ayant son rôle et sa valeur. “ Se lécher les quatre doigts et le pouce” signifie qu’il y a lieu d’être très heureux, qu’on a eu beaucoup de chance. Le petit doigt est utilisé pour les choses délicates, savoir la température d’un liquide (surtout s’il s’agit d’une petite quantité). En ce qui concerne le pouce, nous rappelons la façon de prendre le bol, le pouce à l’intérieur. L’index est dit “ lètsa morteill” (lèche mortier) en haute Maurienne : c’est le geste gourmand de lécher les bonnes choses pilées dans les mortiers. Conclusion Qui mange traditionnel de nos jours ? Qui se réclame de l’alimentation traditionnelle de nos jours ? Commençons par la deuxième question. Ceux qui se sentent liés à une certaine culture ancestrale à certains modes de vie, surtout des vieux et des individus de souche paysanne. En réalité, et là je réponds à la première question, presque personne ne mange comme on mangeait il y a 50 ans ou 100 ans : on est en régime d’abondance, on croit manger traditionnel la plupart des fois et l’on mange trois fois plus et trois fois plus souvent, voire plus, quelques aliments traditionnels, alors que tellement de recettes traditionnelles et d’aliments traditionnels ont été supplantés par les spaghettis ou les biftecks. Notamment tous ces éléments végétaux qui faisaient l’objet de cueillettes (mentionnés précédemment) ont été oubliés, hélas pour notre richesse culturelle, pour la gastronomie et, aussi, pour la santé de ceux qui aujourd’hui en croyant manger traditionnel surchargent leur organisme d’aliments hypercaloriques, riches en graisses et protéines, alors qu’autrefois personne n’était atteint par le cholestérol et autres maladies dues aux excès alimentaires, loin de là. Mais surtout la notion d’alimentation traditionnelle est un indicateur important d’une certaine identité culturelle : que ce soit ceux qui croient manger traditionnel ou ceux qui répètent encore des gestes typiques, d’ailleurs il s’agit souvent des mêmes personnes, reconnaissent leur appartenance à un certain groupe social, et certains gestes sont faits et répétés pour signifier telle appartenance sociale. Je pense notamment à certains gestes relevant de la nourriture de partage, signifiant le sens de l’hospitalité, toujours exalté dans nos contrées. Ces gestes 151 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE de convivialité valdôtaine sont par exemple boire à la ronde en faisant passer la coupe ou le verre du vin, voire la bouteille tout court en buvant au goulot, faire la polenta et toutes ces préparations collectives finalisées à la conservation de certains aliments, tels que la charcuterie ou le pain noir dans le four du village. Pour conclure, on constate en matière de cuisine traditionnelle qu’il y a eu une invention d’une tradition, un phénomène d’ailleurs très récurrent que les ethnologues remarquent souvent et que l’on peut situer à partir des années cinquante, émergeant entre deux circonstances nouvelles, d’un côté la globalisation des moeurs et des marchandises et de l’autre le tourisme, générateur du regard que les gens des villes portaient sur cette société montagnarde, qui a son tour se mit à se regarder, à réfléchir sur ce regard et à transformer le réel pour l’adapter à ce nouveau regard. Heureusement qu’il y a les gestes qui ont échappé, au moins en partie, à cette revisitation ou à cette prise de conscience préalable, répétés de manière plus inconsciente que ce qui se passe pour les choix des aliments, qui nous permettent d’analyser avec plus de profondeur et de recul des comportements alimentaires enracinés dans une certaine société. Je remercie le BREL et le Centre d’Études francoprovençales “ René Willien” de Saint-Nicolas de m’avoir donné l’opportunité d’en parler dans le cadre de ce colloque. N O T E S Farb Peter et Armelagos Georg, Anthropologie des coutumes alimentaires, Paris, Denoël, 1985, p. 1. 2 Preiswerk Yvonne, « Identité alimentaire et altérité culturelle », in: actes du colloque de Neuchâtel, 12-13 nov., 1984, Recherches et Travaux de l’Institut d’Ethnologie, n° 6, p. 257. 1 B I B L I O G R A P H I E ABRY C., DEVOS R., RAULIN H., Les sources régionales de la Savoie : une approche ethnologique : alimentation, Paris, Fayard, 1979. ARMELAGOS G., FARB P., Anthropologie des coutumes alimentaires, Paris, Denoël, 1985. BARRAU J., Les hommes et leurs aliments : esquisse d’une histoire écologique et ethnologique de l’alimentation humaine, Temps actuels, 1983. BARRELL A., Cultura dell’alimentazione a Issime, Aoste, Tip. Valdostana, 1998. 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Centrale, perché esso occupa una posizione di rilievo in contesti sempre più vari e vasti, dagli studi alla carta stampata. Sono dati epidermici che segnalano il fatto che cibo e alimentazione sono diventati un fatto culturale: nel duplice senso che di essi si è riappropriata la cultura con la C maiuscola e, a tempo stesso, che di essi non viene posta in rilevo solo la dimensione gastronomica o enologica, ma anche il valore culturale di elemento distintivo di un’identità, nazionale o locale. Se, ad esempio, “ macaroni” è stato per secoli un epiteto più o meno vagamente dispregiativo degli italiani, ora la “ dieta mediterranea” ha nella pasta un suo fattore di eccellenza, che fonda la sua reputazione sulla tradizione, sulla qualità dei suoi ingredienti, ma che non esita a ricorrere a noti designer per creare nuovi tipi di pasta da immettere sul mercato. Non diversamente il lardo, di Arnad o di Colonnata, ha acquistato una reputazione che non aveva: in virtù del suo pregio intrinseco, ma anche come prodotto tipico e locale, attributi cui si assegna un senso sempre più positivo, conquistandosi un mercato assai più vasto di quello tradizionale, grazie a forme di distribuzione e di promozione decisamente innovative. La gastronomia viene posta in primo piano nella promozione turistica, non c’è giornale che non dedichi ad esse una o più rubriche, sono nati movimenti e associazioni di recupero e valorizzazione delle tradizioni e dei prodotti alimentari locali. E gli stessi studi in materia di alimentazione, storica e contemporanea, da rari e marginali sono diventati numerosi e parificati, quanto a valore, ad altri temi di ricerca. 155 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE L’elenco potrebbe continuare. E lungo sarebbe l’elenco delle manifestazioni, locali, regionali, nazionali e internazionali dirette a fare conoscere una vasta gamma di prodotti agroalimentari, che integrano in sé tradizione e innovazione, tipicità e qualità, pregio e rarità. Un insieme di caratteri che porta sempre più considerare il cibo e l’alimentazione come componenti di diritto del patrimonio culturale e quindi come veri e propri beni culturali. La recente approvazione del “ Codice dei beni culturali e del paesaggio” e la convinzione che le culture alimentari costituiscano una componente essenziale del patrimonio culturale, mi hanno spinto a verificare cosa accadrebbe se la disciplina di tutela prevista dal Codice venisse mai applicata a questa particolare tipologia di beni in apparenza molto diversi da quelli a cui si attribuisce solitamente il valore di “ bene culturale” . È un esercizio solo apparentemente accademico che ha due obiettivi: porre meglio a fuoco il valore culturale del cibo e contemporaneamente mettere alla prova la disciplina di tutela, individuandone i limiti oggettivi. Nell’affrontare questo esercizio mi è parso bene ricorrere alla nozione di “ culture alimentari” (al plurale) che mi sembra abbia il merito di integrare in sé tanto i beni – i prodotti agro alimentari, il cibo, la cucina o l’alimentazione che consideriamo “ locale” , “ tradizionale” , “ tipica” e, nel caso che ci interessa anche “ alpina” – quanto l’insieme dei processi che corrispondono alla loro produzione, conservazione, trasformazione, distribuzione e consumo; la dimensione materiale dei beni e quella immateriale dei valori culturali e simbolici, inscindibilmente connessi ai beni e alle attività che ne caratterizzano l’intero ciclo, dalla produzione al consumo. Per quanto riguarda la tutela, ben sapendo che i prodotti agroalimentari sono ampiamente salvaguardati in altre forme, mi sono attenuto alla specifica definizione che se ne dà in ambito culturale, di cui il Codice dei beni culturali del 2004 fornisce, per l’Italia, l’ultima formulazione ufficiale. Mentre, nel definire le culture alimentari “ alpine” ho infine delimitato il campo a quelle presenti o comunque vive nella memoria – orale e scritta – dell’area alpina, dando per acquisito che esse siano caratterizzate da una stretta relazione con l’ambiente, storicamente e geograficamente inteso, e quindi oggettivamente caratterizzato da confini variabili nel tempo e da un rapporto “ discreto” (e circolare) tanto con la pianura quanto con la città. Sulla base di queste premesse, vediamo allora se e come le culture alimentari possano essere annoverate fra i beni culturali e in che misura la disciplina di tutela prevista dal Codice possa essere eventualmente applicata ai prodotti di queste culture. Le culture alimentari sono parti del patrimonio culturale? Una cultura alimentare comporta la produzione di beni, la loro trasformazione 156 Tutela e valorizzazione delle culture alimentari alpine in vista della loro conversione in altri prodotti o della loro conservazione nel tempo, una loro distribuzione, in tutti i casi in cui essi non siano destinati all’autoconsumo, e infine un loro consumo, più o meno immediato, attraverso un ulteriore processo che comporta ulteriori variazioni del prodotto di base, convertendolo in cibo. Una cultura alimentare si caratterizza dunque come un insieme di pratiche, che caratterizzano il ciclo di produzione, trasformazione, distribuzione, consumo di beni, e di saperi, usi, riti, tradizioni, valori loro connessi. Una cultura alimentare si pone in relazione sia con un ambiente, da cui dipende e che contribuisce a connotare in quanto paesaggio, sia con la società e le comunità di cui esprime i caratteri e che contribuisce ad identificare. Definisce areali, più o meno estesi, corrispondenti ai contesti di produzione, distribuzione e consumo, non necessariamente coincidenti fra loro, contribuendo a determinare una pluralità di scambi, materiali e culturali, tra ambiti territoriali e formazioni sociali. Per tutte queste ragioni mi sembra del tutto legittimo considerare le culture alimentari come parte essenziale del patrimonio culturale, una sua componente in qualche misura primaria, in grado di determinare identità e differenze, in costante evoluzione nel tempo. La pluralità di beni cui esse danno luogo, direttamente o indirettamente, culturali e paesaggistici, mobili e immobili, e in particolare i cibi, sono dunque decisamente annoverabili tra i “ beni culturali” individuati dal Codice, tra le «cose individuate dalla legge o in base alla legge quali testimonianze aventi valore di civiltà», a sensi del secondo comma dell’art. 2 del Codice stesso. Esaminando gli articoli 10 e 11, rispettivamente dedicati ai “ beni culturali” e ai “ beni oggetto di specifiche disposizioni di tutela” , a meno di non considerarli come «cose… che presentano un interesse artistico, storico, archeologico o etnoantropologico particolarmente importante» (art. 10, comma 3, lettera a), o «che rivestono un interesse particolarmente importante… quali testimonianze dell’identità e della storia delle istituzioni pubbliche, collettive o religiose» (art. 10, comma 3, lettera d), i prodotti delle culture alimentari non sono contemplati dal Codice, che esclude peraltro le «cose… la cui esecuzione non risalga ad oltre cinquanta anni» (art. 10, comma 5), restringendo ulteriormente la possibilità di classificare come beni culturali prodotti destinati a durare così a lungo nel tempo, solo in rari casi. Il Codice si limita dunque a individuare soltanto alcune categorie di beni, cui applicare la disciplina di tutela, ma considera al tempo stesso il patrimonio culturale un insieme più vasto, aprendo la possibilità di ampliare la tutela ad altri beni, purché connotati dall’essere «testimonianza avente valore di civiltà», attraverso l’adozione di specifiche norme. Questa duplice connotazione della nozione di patrimonio culturale – insieme in certa misura “ chiuso” dagli articoli 10 e 11 del Codice, ma anche reso 157 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE “ aperto” dall’art. 2 – mi sembra vada colta, anziché come un limite, come un’occasione doppiamente liberatoria: che consente di assegnare al termine un diverso valore a seconda che esso corrisponda all’insieme dei beni dichiarati, ai sensi di legge, “ culturali” in base a procedure formali e definite, oppure lo si utilizzi in senso lato, comprendendovi l’ampio e vario insieme dei beni, materiali e immateriali, cui è socialmente attribuito il valore di beni culturali. Non solo: questo consente di prevedere per essi altre e più adeguate forme di “ tutela” , aprendo implicitamente la loro salvaguardia a modalità che non siano solo ed esclusivamente quelle previste dalla normativa vigente. Cosa accadrebbe se applicassimo la disciplina di tutela alle culture alimentari? Accadrebbe che essa sarebbe applicabile solo molto parzialmente. E forse anche inutilmente. A termini di Codice, la valorizzazione consiste «nell’esercizio delle funzioni e nella disciplina delle attività dirette, sulla base di un’adeguata attività conoscitiva, ad individuare i beni costituenti il patrimonio culturale ed a garantirne la protezione e la conservazione per fini di pubblica fruizione» (art. 3). È materia – come noto – riservata alla potestà legislativa esclusiva dello Stato (con l’eccezione delle Regioni e Province ad autonomia speciale), esercitata, per determinati aspetti, in cooperazione con le regioni e gli altri enti pubblici territoriali, sulla base di specifici accordi ed intese. I problemi potrebbero sorgere già all’atto dell’“ individuazione” dei beni, non sempre semplice in presenza delle molte varietà anche solo in un singolo prodotto di una cultura alimentare, ma superabile se un’adeguata attività conoscitiva consente di identificarne i caratteri fondamentali e di definire dunque quel minimo comune denominatore che lo distingue al di là delle infinite varianti che, nel tempo e nello spazio, fanno parte di ogni tipo di bene che non sia “ unico“ , come lo può essere un particolare dipinto o una scultura. Ma una volta superata questa difficoltà, ci si scontra immediatamente dopo con l’assoluta impossibilità di applicare le norme cosiddette di “ protezione” : quelle volte a evitare che i beni culturali siano «distrutti, danneggiati o adibiti a usi non compatibili con il loro carattere storico o artistico oppure tali da recare pregiudizio alla loro conservazione» art. 20, comma 1). Qui il paradosso è evidente, perché i beni che sono, direttamente o indirettamente, connessi a una cultura alimentare sono strutturalmente destinati ad essere distrutti o modificati, se consumati come cibo; ad essere danneggiati, se utilizzati per la loro produzione, trasformazione, conservazione e consumo, che si tratti di strumenti di lavoro, di oggetti di uso domestico, di ambienti, di mezzi di trasporto ecc.; e infine ciclicamente e costantemente modificati, se corrispondenti al territorio che costituisce l’ambiente e il contesto di produzione, trasformazione, distribuzione e consumo… Relativamente applicabile, a condizione di non prendere le cose troppo alla lettera, è invece l’attività di “ conservazione” che l’art. 29 del Codice prevede 158 Tutela e valorizzazione delle culture alimentari alpine vada assicurata «mediante una coerente, coordinata e programmata attività di studio, prevenzione, manutenzione e restauro». Ci troviamo infatti in presenza di attività non solo possibili, ma effettivamente attuate, sia pur in modi molto diversi rispetto a quelli abituali nel caso di beni culturali “ classici” . Le culture alimentari, come pure i loro prodotti, vengono studiati con sempre maggior attenzione e cura, che si tratti di beni e culture del passato o ancora in uso; le attività di prevenzione dirette a eliminare o ridurre i rischi «connessi al bene culturale nel suo contesto» vengono attuate in diverse forme, che sovente coincidono con la loro “ manutenzione” , destinata al “ controllo delle condizioni” e al mantenimento della loro «integrità, efficienza funzionale e identità»; e non mancano infine iniziative di vero e proprio “ restauro” , con interventi diretti sul bene «attraverso un complesso di attività finalizzate all’integrità materiale e ad al recupero del bene medesimo, alla protezione e trasmissione dei suoi valori culturali», per quanto realizzate con modalità evidentemente molto diverse da quelle tipiche del restauro strettamente inteso dei beni culturali. La prima, e più scontata, conclusione che possiamo trarre è che la normativa di tutela prevista dal Codice è concepita e strutturata in funzione di categorie di beni che, per quanto vaste, sono pur sempre limitate a un insieme dei beni socialmente considerati di particolare valore. Per quanto la nozione di patrimonio culturale si sia andata costantemente dilatando nel tempo, e risalga agli ormai lontani anni Sessanta l’introduzione del termine bene culturale e la sua definizione – da parte della Commissione Franceschini – come «testimonianza avente valore di civiltà», non bisogna dimenticare che essa è stata formalmente accolta dalla normativa solo alla fine degli anni Novanta. E va pure tenuto conto che l’impianto giuridico che presiede alla loro tutela è rimasto sostanzialmente immutato rispetto a quello previsto dalle leggi Bottai del 1939 sulla «tutela delle cose d’interesse artistico e storico» e sulla «protezione delle bellezze artistiche», ispirate a un approccio ben più antico: quello della prima legislazione di tutela dello Stato unitario, a sua volta fortemente debitrice alla tradizione pontificia, la prima e anche la più evoluta dell’intera penisola, la cui migliore espressione si ritrova nel Chirografo di papa Pio VII del 1802 e nell’Editto del Cardinale Pacca del 1820. La normativa di tutela risulta dunque palesemente non solo inadeguata, ma anche del tutto inutile (se non controproducente) se, oltre a salvaguardare le cose, ci si propone di tutelarne gli aspetti immateriali, la cui conservazione è imprescindibilmente connessa alla loro vitalità. E dunque a intervenire quando si tratta di conservare beni, contesti, processi, tradizioni la cui sopravvivenza consiglierebbe piuttosto di escludere ogni forma di congelamento della realtà, e di accoglierne l’evoluzione, l’innovazione, la trasformazione come fattore essenziale del suo mantenimento in vita e del suo sviluppo. Anche in questo caso però il limite può trasformarsi in occasione: in libertà di individuare modalità diverse di tutela dei beni, sostituendo al vincolo e a una logica puramente conservativa, la prospettiva del sostegno, diretto o indi159 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE retto, indirizzato cioè alle condizioni di esistenza del bene, al suo contesto, materiale o immateriale. Senza voler estendere il valore di questa critica all’insieme dei beni che definiamo culturali, per alcuni dei quali sarebbe evidentemente impensabile o delittuoso pensare di non stabilire rigidi limiti alla possibilità di modificarli, alienarli, esportarli, adibirli ad altri usi, è anche vero che per molti altri questi stessi vincoli condannano il patrimonio culturale a un’esistenza esclusivamente “ museale” e dunque alla perdita di quella vitalità che ne costituisce una proprietà essenziale. Ed è proprio questa prospettiva che ci porta a considerare il rapporto fra la tutela e la valorizzazione del patrimonio culturale e ad esaminare quest’ultima in relazione alle culture alimentari. Valorizzare le culture alimentari come parte del patrimonio culturale Valorizzare significa, secondo il Codice, «promuovere la conoscenza del patrimonio culturale ed assicurare le migliori condizioni di utilizzazione e fruizione del patrimonio stesso. Essa comprende anche la promozione ed il sostegno degli interventi di conservazione del patrimonio culturale», favorendo e sostenendo «la partecipazione dei soggetti privati, singoli o associati» (art. 6, commi 1 e 3), attraverso la «costituzione ed organizzazione stabile di risorse, strutture o reti, ovvero nella messa a disposizione di competenze tecniche o risorse finanziarie o strumentali» cui possono concorrere, cooperare o partecipare soggetti privati (art. 111, comma 1). Si tratta di una dimensione non solo pienamente compatibile con la salvaguardia delle culture alimentari, ma anche di quella più propria e adeguata e che, è bene ricordarlo, rientra tra le competenze delle regioni (ordinarie) che hanno in materia una potestà legislativa concorrente e cioè subordinata all’esistenza di princì pi fondamentali dettati con legge statale i quali, nel caso che ci interessa, sono quelli stabiliti dal Codice. Al punto che essa appare pienamente sufficiente ad assicurare da sola la “ tutela” di molte tipologie di beni, soprattutto se essi fanno parte della realtà contemporanea e costituiscono una sua componente vitale, per quanto minore o residuale. A conclusione di queste riflessioni, la miglior tutela dei beni riconducibili a vario titolo alle culture alimentari coincide con la loro valorizzazione e dunque con una loro miglior conoscenza da un lato e utilizzazione dall’altro, assicurando loro un’“ integrità” non tanto connessa alla loro materialità (costantemente messa a rischio dalla prospettiva del consumo!), quanto piuttosto dal mantenimento di determinate condizioni immateriali – costituite dai contesti produttivi, dalle tecnologie, in definitiva dai saperi che ne consentono la produzione, da un lato; e dall’altro dall’esistenza di condizioni e comportamenti che ne favoriscano il consumo – necessarie ad assicurarne il futuro. Un futuro che, se si vuole rispettare la tradizione, se si vuole assicurarne la vitalità, non deve e non può 160 Tutela e valorizzazione delle culture alimentari alpine escludere una sua costante innovazione: nelle forme e modalità di produzione, trasformazione, conservazione, consumo, come ci insegna del resto la stessa storia dell’alimentazione. Da questo punto di vista la valorizzazione delle culture alimentari e dei loro prodotti introduce, rispetto ad altre forme di protezione, un valore aggiunto. Basandosi su una loro conoscenza, su un’indagine, diacronica e sincronica, dell’insieme degli elementi e dei fenomeni che le caratterizzano, può contribuire in modo essenziale a individuarne, conservarne e trasmetterne i caratteri “ originali” , intendendo tali quelli che attribuiscono loro una sostanziale e strutturale specificità e identità. Di questi va tutelata la sostanziale integrità, affinché le innovazioni, le trasformazioni, i cambiamenti, gli inevitabili adattamenti al contesto non ne stravolgano o riducano, sino a rendere inessenziale, la particolarità: quella, in sostanza che ci porta a definire una certa cultura alimentare locale, tipica, tradizionale. Porre all’ordine del giorno degli enti di tutela del patrimonio culturale la questione delle culture alimentari ha d’altra parte una valenza anche più generale, nella misura in cui attribuisce una diversa prospettiva alla stessa tutela del paesaggio, del patrimonio immobile, connettendola vitalmente alle attività produttive cui esse sono legate e a una prospettiva di sviluppo, da cui per lo più l’esercizio della tutela pare lontano, quando i suoi effetti non finiscono per opporvisi. Per tutte queste ragioni mi sembra importante sottrarre la valorizzazione delle culture alimentari a quella posizione marginale in cui esse sono state poste sul piano culturale e patrimoniale, traendone al tempo stesso spunto per una critica, anche radicale, ma tutt’altro che sterile, a una cultura di tutela esclusivamente “ passiva” e vincolistica, incapace di concepire per il patrimonio culturale una prospettiva che non sia solo ed esclusivamente quella museale. Questo significa allora che sia meglio evitare di fare musei delle culture alimentari? Certamente no, anche perché ne esistono già molti, anche se non tutti riescono a evitare di fare delle culture alimentari un “ museo” , un luogo di memoria, non esente da rimpianti e nostalgie, un mausoleo o cimitero del passato, anziché uno strumento, utile e vitale, al servizio dello sviluppo. Alcune considerazioni conclusive a proposito dei musei delle culture alimentari Il rischio che si corre nel parlare di musei, come di molte altre cose del resto, è di pensare che essi corrispondano a un’unica tipologia o modello e di costruirli attingendo, senza grande fantasia, alle sue forme più classiche e consolidate. Senza offesa per nessuno, questo porta sovente a realizzare i musei di questa o quella cultura alimentare o di un determinato prodotto, non diversamente da come sono stati per lo più concepiti i tanti musei etnografici che, ricorrendo a 161 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE dispositivi ostensivi più o meno vari – dall’esposizione di oggetti in vetrine alle ricostruzioni d’ambiente, con i relativi apparati consistenti in tabelloni, immagini, materiali audiovisivi – hanno finito per fissarne un’immagine, più o meno scientificamente controllata, ma comunque statica e al passato. Forse esiste invece un modo diverso di concepirli, dando spazio in primo luogo a funzioni che solitamente sono poste in secondo piano. In un museo che si rispetti la ricerca e la documentazione in primo luogo dovrebbero costituire il fondamento stesso del suo esistere e operare. Anche perché rispetto alle culture alimentari c’è ancora moltissimo da scoprire e far sapere, non limitando l’indagine al passato, più o meno prossimo, ma anche al presente, per porsi al servizio della produzione e del consumo contemporanei e svolgere così quella funzione educativa che è propria del museo sui due versanti – dei produttori e dei consumatori – diffondendo saperi, conoscenze, competenze, pratiche, comportamenti tanto tra gli uni quanto fra gli altri. Un museo delle culture alimentari inoltre non dovrebbe essere disgiunto dal contesto e dal territorio cui appartiene, se sono vere alcune considerazioni svolte in precedenza. Dovrebbe anzi costituire un suo attributo distintivo lo svolgimento dell’insieme delle attività che corrispondono al o ai prodotti che intende valorizzare, in forma dimostrativa, ma ancor meglio se attraverso una diretta partecipazione dei diversi attori che, nel contesto di riferimento, mantengono vitale la produzione dei beni. Ed è anche necessario che i prodotti di cui il museo può aver illustrato l’origine e la storia, le forme tradizionali di produzione, trasformazione e consumo, in forme più o meno tradizionali, siano presentati direttamente e se possibile – stagione permettendo – degustati, che è anche l’unico modo per comunicarne le qualità e i valori, difficilmente apprezzabili, senza consentire ai visitatori di mobilitare, oltre alla vista, l’odorato, il tatto e il gusto. Tutto questo consente di rendere un museo vivo, aperto, diffuso, interattivo, multimediale, sperimentale. E dunque strutturalmente diverso da un museo tradizionale. Luogo di memoria, ma anche di confronto con e sul presente, e soprattutto strumento posto esplicitamente al servizio di una prospettiva di sviluppo locale. Istituto di formazione da un lato e di educazione dall’altro, espressione di una comunità e di un territorio, ma anche partecipe attivo di una cultura e di una pratica della biodiversità. Con una missione dunque assai più ampia e generale di quella che molti musei di questo tipo si danno, che nel cogliere fino in fondo la centralità che il cibo ha nella vita dell’umanità, trae l’opportunità per consentire di riflettere, ben al di là delle culture alimentari, sulla società presente e sul suo futuro. 162 Pane e non solo: notizie dallo SPEA Giovanni Kezich Piacerà senz’altro agli amici delle Alpi occidentali il libro che poche settimane fa ha dato il via ai lavori del nostro SPEA, il Seminario Permanente di Etnografia Alpina, che ormai regolarmente dal 1991 si riunisce presso il Museo degli Usi e Costumi della Gente Trentina di San Michele all’Adige, per il coordinamento mio e di Pier Paolo Viazzo, ed è giunto ormai a concludere il suo IX ciclo di lavori1. Il nuovo libro, ancor fresco di stampa, che in questa come in altre occasioni ha costituito un po’ il fulcro dei lavori del Seminario, questa volta si chiama Il pane annuale. Comunità e rito della panificazione nell’Oisans2 ed è un po’ il testamento spirituale di un etnologo francese poco noto ma singolarmente autorevole, Marcel Maget, professore a Digione, nonché funzionario museale a Grenoble e a Parigi, scomparso nel 1994. Questo libro, fino all’ambizioso repê chage di cui il Museo, insieme con la Carocci di Roma, ha voluto farsi carico, ha vissuto una grama esistenza, in una mediocre edizione anglofrancosvizzera ormai comunque introvabile nonché zeppa di svarioni e di refusi3, cui solo una squadra di traduttori e redattori coordinati da Maria Luisa Meoni dell’Università di Siena (Alberto Giancola, Anna Rita Severini, Antonella Mott...), è riuscita a metter pieno rimedio4. Piacerà questo libro perché racconta nel più minuto dettaglio storico etnografico relativo a un singolo paesino, quella Villar d’Arêne che troviamo subito sotto il Col du Lauteret sulla strada che da Briançon porta a Grenoble, di una pratica diffusa al di qua come al di là dello spartiacque alpino occidentale – me lo ha confermato di recente Stuart Woolf a proposito di Cogne – che è quella di una panificazione comunitaria semestrale o annuale di pane di segale, funzione specifica dell’essersi dotati i paesi di grandi forni comunali, e della necessità di massimizzare, per la risorsa pane, tanto la legna da ardere, quanto la forza lavoro e l’impegno dei panificatori. 163 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE L’argomento, trattandosi di pane – « il pane era il cibo; e il pane è ancora, simbolicamente, tutto il cibo » ha detto lo storico Paolo Sorcinelli nel corso del dibattito introduttivo5 – sembrava adatto a introdurre un discorso generale sulle culture alimentari dell’arco alpino, “ varianti d’alta quota” come scrive l’antropologo Robert McC. Netting « del modello agrario del Vecchio mondo, diffusosi dal subcontinente indiano alle coste dell’Irlanda, e che combinava cereali da pane ai prodotti caseari »6. A partire da questo doppio presupposto, del pane e del formaggio, ecco dunque il sovrapporsi, nei secoli – secondo un excursus ripercorso magistralmente al nostro SPEA da Franco Marzatico7 e da Gaetano Forni8 - di prodotti orticoli complementari, del vino in epoca galloromana, della castagna e del grano saraceno nel medioevo, e infine delle colture americane della prima nostra “ globalizzazione” - patata, mais e fagioli - prime responsabili benemerite, sempre secondo Netting, a fronte di una secolare penuria, e anche dell’imprevedibile coevo inasprirsi del clima, del repentino rafforzarsi e dell’incrementarsi demografico delle comunità alpine a partire da inizio Ottocento. Ecco quindi, a partire dal pane, la struttura di un convegno organizzato un po’ come un menu, con i classici companatici alpini del formaggio, del maiale e del vino, ma anche, ad esempio, di quello del pesce. Pane e formaggio: ecco Stefano Allovio9, per quanto riguarda la fontina, Gianbattista Rigoni Stern10 per l’Asiago, Cindy Iannarelli e Ellenor McManus11 per la vicenda trentina dei caseifici turnari, e Cristina Papa12 per il pecorino della montagna umbra, a raccontare della storicità di questi prodotti, la cui relativa fissità di prodotto “ tipico” , è in realtà un compromesso complesso, conseguito nel tempo storico, di fattori zootecnici, tecnologici, sociali. Ecco, in questo stesso contesto, emergere la permanenza tenace anche nel mondo di oggi di tradizioni zootecniche e di attitudini antichissime, come quella che riguarda le capre documentata da Michele Corti13 con rara dovizia, o anche le mucche e l’andare in malga, di cui si è colta una testimonianza diretta nelle parole di un malghese della New Age, Oswald Tonner14. Pane e vino: il vino, come si sa, nel mondo contadino prenovecentesco, è ancora in buona sostanza un alimento, un companatico. Poi diventa, anche su versanti di montagna piuttosto improbabili, come ha spiegato Paolo Sibilla15 per la val di Susa, soprattutto minuta merce di scambio. Prospettiva condivisa dallo storico Gauro Coppola16, che ha voluto mettere in prospettiva critica, una volta di più, il concetto della cosiddetta “ autosussistenza contadina” , a fronte di una capillare, riscontrabile, penetrazione del mercato sin nei suoi più minuti interstizi. Pane e pesci, pan e pessét, come dicono in Lombardia, per dire “ mangiar povero” . Questo argomento poco noto, è in realtà di una certa importanza anche ai piedi delle montagne perché si riferisce alle strategie più basilari dell’appropriazione, da parte delle comunità, di una sorta di res nullius. Il tema è 164 Pane e non solo: notizie dallo SPEA stato trattato da Massimo Pirovano 17 per il lago di Como, mentre Marta Bazzanella, Michele Trentini, Lorenzo Bett e Ursula Wierer18, hanno documentato sulle rive dell’Adige una continuità di attenzione alimentare per il luccio che data dal mesolitico ai nostri stessi giorni. Menù piuttosto ricco, come si vede, ma penalizzato fin da subito dalla inesauribile feracità dell’argomento, poiché, come spesso accade in qualsiasi raduno di persone non appena appaia il cartello “ Cibi cotti” , ci siamo dovuti presto arrendere al fatto che le tavole erano già tutte occupate prima ancora di aver cominciato a servire. Veniamo dunque al libro di Maget, e al pane annuale. Il libro nasce da una contiguità più che quarantennale dell’autore, conservatore al Musée Dauphinois e poi al MNATP, con la panificazione novembrina di Villar d’Arêne, che ha seguito passo passo dal 1946 lungo tutta l’ultimissima fase del suo declino in quanto pratica alimentare legata a strategie di sussistenza concrete, un declino che si consuma nel 1970 con un repentino abbandono del forno comunale che ha tutta l’aria di essere definitivo, e la sua resurrezione del tutto inaspettata, dopo pochi anni, nel 1976, ma come qualcosa di completamente diverso, e cioè come una sorta di rito: un rito dell’identità, della memoria, dello stare insieme. Per la strada, lo studio di Maget incassa molte benemerenze importanti: la prima, è quella di riportare l’attenzione sull’importanza basilare nell’alimentazione alpina della segale – di cui il biologo grigionese Peer Schilperoord19, l’austriaca Andrea Heistinger20, e la sudtirolese Johanna Platzgummer21, impegnati sui rispettivi versanti nella tutela delle varietà autoctone, riferendo allo SPEA, hanno potuto contare centinaia di minute varietà locali – e del relativo pane, del cui uso e riuso, un po’ ovunque sull’arco alpino, hanno parlato Marco Romano22, Emanuela Renzetti23, Iolanda Da Deppo24, e altri ancora. È infatti un tema costante sulle Alpi, quello del pane di segale, che varia tuttavia anche in funzione della struttura sociale che gestisce la panificazione: pane del maso per eccellenza nel Tirolo tedesco e dintorni, fino alla trentina val di Sole, e cioè pane di famiglia, che ognuno sforna per sé e magari per qualche vicino sprovvisto di forno, presso i bordi occidentali della catena alpina, il pane di segale diventa pane della comunità. In questo caso, si vede come le componenti socio-economiche del procedimento produttivo prevalgono senz’altro su quelle agronutrizionali, fornendoci una chiave d’accesso, e di non piccolo conto, alla comprensione dei meccanismi costitutivi della società sottostante. Così facendo, Maget insegna, ancora una volta, che l’etnografia può essere anche una cosa seria e che, prima di aver contato il numero delle secchiate d’acqua, dei chili di farina, dei passi del fornaio dalle madie alla bocca del forno, e visionato con attenzione tutti i registri su cui si riesca materialmente a metter mano, si rischia veramente di tralasciare qualcosa di importante, e di mettersi nella condizione di non capir niente di quello che – Durkheim insegna (e non a caso Maget, dal canto suo, è stato allievo di Marcel Mauss…) – è anche un orga165 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE nismo, anzi è un organismo. Sorprende, peraltro, da parte di un professore di ethnologie, e in un’epoca vicina all’attuale, e dunque caratterizzata da un più o meno forzato rifondarsi su base etnica della concezione corrente del sociale, l’assenza cospicua e quasi emblematica di qualsiasi riferimento di taglio etnicista, vuoi a livello di sostrato, vuoi a quello non meno insidioso di quel concetto naturalista di “ identità” che oggi va così per la maggiore. Non vi è infatti nulla di metastorico, di sostanziale, infatti, nei Farenchins descritti da Maget, che li possa distinguere da qualsiasi altra specie dei citoyens della Repubblica nata nell’89: nulla, se non il loro voler essere, e voler continuare ad essere, attraverso il pane e il suo rito semplice e del tutto persuasivo, comunità. Ecco quindi che la ricerca di Maget si colloca, con un buon trentennio d’anticipo, nel punto e nel momento preciso di quella stessa trasformazione di cui si parla oggi qui, in cui il cibo trascende la semplice dimensione della “ roba da mangiare” per diventare rito, plusvalenza, valore, bene culturale. È la medesima prospettiva di “ pane e identità” – quest’ultima, a quanto pare, il miglior companatico - che allo SPEA hanno trattato, fra gli altri, Wolftraud De Concini 25 e Domenico Isabella26 per le nostre minoranze alpine soprattutto germanofone, Gabriele Di Luca27 per l’adesione più o meno spontanea dei Sudtirolesi alla cultura alimentare italiana, Valentina Porcellana28 per i nuovi riti alimentari del Piemonte occitano, Quinto Antonelli e Gianfranco Bettega29 per quanto è dato capire di storia sociale analizzando i ricettari domestici in quanto fonte, e Valeria Siniscalchi30 per il processo di invenzione di tipicità gastronomiche del tutto fittizie, proprio qui vicino sulle Hautes Alpes, con gli ormai famigerati “ tourtons” . Certamente, frastornati come siamo dall’etica corrente di tipicità alimentari siffatte, delle denominazioni d’origine, del casereccio e del rustico, facciamo oggi un po’ fatica a risettare il nostro sguardo sul fatto che in montagna, mediamente, e per secoli, si sia mangiato ben poco, e quel poco, molto spesso, anche male. Si provi, per esempio, a chiederlo a qualsiasi pedonatore alpinista o alpinofilo di vecchia scuola, che si scoprirà invariabilmente adepta convinto della carne Simmenthal e del latte in polvere, a fronte dell’approccio impossibile con un mondo alimentare, appetibile oppure no, ma con il quale, anche con l’esperienza e la frequentazione di anni, non è mai stato dato condividere proprio niente. Chi di voi abbia avuto occasione di frequentare le Dolomiti negli anni ancor buoni, ricorderà anche certamente un mitico “ Spaccio alpino” collocato nel seminterrato di servizio di un palazzo del centro di Predazzo, miraggio e oasi per il rifornimento di scatolame di escursionisti già perfettamente avvezzi al fatto che, non solo su per i sentieri ma anche nei paesi e nei masi di fondovalle, non si trovasse da mangiare proprio niente. Un’esperienza, quella del niente da mangiare, che almeno da noi può fare ancor oggi chiunque si avventuri da turista in certe valli anche non remotissime al di fuori dei giorni e delle stagioni prescritte. Così , all’immagine del paiolo fumante nella baita, dove sobbollono chissà quali saporose delizie, se ne sovrappone spesso un’altra, che per l’etnografo non è meno interessante, di un mondo propriamente alpino che è estraneo, cer166 Pane e non solo: notizie dallo SPEA tamente per necessità ma anche un pochino per vocazione, alle complesse ritualità alimentari del mondo contadino di fondovalle, e che persegue, in fatto di cibo, un proprio spirito spartano piuttosto trasandato, quasi del tutto incomunicabile, e quindi, trattandosi di cibo, anche poco commestibile. Sono modelli opposti che sulle Alpi, si inseguono, si integrano e si compenetrano, un po’ a macchia di leopardo: il folklorista Bruno Pianta, che me ne parlò qualche anno fa, li chiamava, alla lombarda, quello dei “ parò li” vì s-a-vì s quello dei “ lingèra” . Da un lato, infatti, ovvero a un estremità del continuum, vi sono comunità contadine terricole, stanziali, centripete, solo per accidente insediate un po’ più in alto di altre. Dall’altro, vi sono le piccole aristocrazie alpestri, piuttosto dichiaratamente centrifughe anziché centripete, e contadine solo per necessità o per ripiego, fatte di artigiani, di mercanti, di ambulanti, di migranti che vanno e vengono, di partenze e di ritorni, e dove come tutti sanno tempo, e attenzione da dedicare al cibo, alle conserve, e ai suoi riti senza fine, assolutamente non ce n’è. Non sono forse queste considerazioni comprensibili in un luogo come la valle d’Aosta, forte delle sue nobilissime distinzioni gastronomiche, e che però non è possibile disgiungere interamente dai relativi influssi delle diverse culture nazionali che qui si incontrano. Così , sarà difficile che il profano non colga, da queste parti, gli echi delle grandi tradizioni culinarie limitrofe a ovest e a sud-est mentre, discendendo gradatamente la catena verso est, giù giù verso Valtellina e Trentino, Bellunese e Carnia, non potrà non realizzare l’impatto con la “ variante d’alta quota” di una civiltà alimentare lombardo-veneta complessivamente più rozza, più povera, più “ polentona” . Sul versante transalpino, di contro, le relative “ tipicità” dei mangiari alpini sembrano seguire dappresso una linea di faglia ideale tra mondo protestante e mondo cattolico, che vuole assegnata a quest’ultimo, in sintesi, il dominio pressoché esclusivo, se non proprio sulla buona tavola, quantomeno sul mangiar di gusto. Ecco così descritta, in sintesi estrema e a volo di jet più che di uccello, una sorta di etnografia delle culture alimentari della catena alpina, ed ecco quindi dischiudersi, alla prospettiva necessariamente panalpina del nostro SPEA, alcuni problemi di ordine generale. Da un lato infatti, e con buona pace di quanti siano alla ricerca della “ specificità alpina” a tutti costi, non sembra esservi nulla o quasi nulla, nella cultura alimentare dell’arco alpino, che esuli dai processi legati all’introduzione, diffusione e progressiva sedimentazione e stratificazione delle grandi innovazioni colturali che hanno attraversato l’Europa a partire dal neolitico: orzo frumento segale, colture orticole e prodotti caseari prima, poi nell’ordine, vino, castagne, Fagopyrum, fagioli, patate, mais… Nulla, che impedisca di considerare le culture alimentari delle valli altrettante varianti d’alta quota delle grandi culture 167 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE regionali dei bassopiani, con i loro luoghi comuni, e i loro punti cardinali evidenti, anche a tavola. Dall’altro lato, tuttavia, è altrettanto evidente che l’orografia stessa della catena, e più ancora la strutturazione del suo popolamento e dei suoi insediamenti umani, hanno certamente favorito fenomeni di isolamento e di deriva, che si sono tradotti nei secoli in altrettanti isolati ed endemismi di carattere agronomico e colturale, ciascuno provvisto del suo debito correlato propriamente culturale, gastronomico, rituale. E di che cosa si vuole parlare, quindi, quando affrontiamo il tema delle “ culture alimentari dell’arco alpino” ? Dei grandi processi di diffusione, che sono a ben guardare uguali per tutti, o dei minuti endemismi, degli autoctonismi, delle varianti? Della patata che, alla fin fine, è la medesima risorsa dappertutto, o del fatto che qui – in val di Non - magari la grattugiano per poi cuocerne la poltiglia schiacciata su una padella rovente (è il tortèl di patate) senza alcun condimento, mentre lì – sull’altopiano di Asiago, a 50 km di distanza sì e no – ne fanno una specie di purea cotta nello strutto con la cipolla (è la consìdera)? Oltre la corrente, innocua retorica delle tipicità, delle denominazioni d’origine, e dei “ giacimenti golosi” , e fattosi certamente salvo il desiderio del tutto legittimo delle comunità locali, di riconoscere le proprie civiltà alimentari, di istituirle, di difenderle, di proporle al pubblico, sarà comunque opportuno che lo storico, e con esso l’antropologo, il museografo e – perché no? – anche lo storico della salute – ce l’hanno ricordato allo SPEA, ciascuno dal canto proprio, Pietro Clemente31, Daniele Jalla32 e Vittorio Sironi33 – non rinuncino del tutto alla decodifica del fattore cibo in quanto traccia, in quanto fonte, in quanto segnale. Nulla, infatti, come il cibo rappresenta concretamente il sentimento esclusivo di una comunità, di un sentir comune, e nulla è infatti così gelosamente riguardato, e protetto. Nulla è d’altro canto così contagioso, ibridabile, contaminabile. Nulla, per l’uomo, attiene maggiormente alla sfera della causalità naturale, dell’economico, e nello stesso tempo, e ad uguale titolo, alla sfera del linguaggio, del simbolo, del desiderio, e di quello che l’antropologo Dan Sperber, con una fortunata metafora, ha definito l’“ epidemiologia della rappresentazione” 34. Se i convegni servono – anche – a imparare qualcosa, mio compito di quest’oggi era quello di cercare di riferire, in sintesi, di che cosa mi sembra di aver tratto dalle quattro giornate dello SPEA svoltosi il mese scorso a San Michele, anticipando di molto il lavoro di gestione e di digestione degli atti per la nostra rivista SM Annali di San Michele, che mi impegnerà, come di consueto, per il prossimo biennio. A conclusione del convegno, ci siamo recati in val di Peio, per l’escursione: lì c’è l’insediamento permanente più alto del Trentino, a 1600 m s.l.m.. come la Villar d’Arêne di Marcel Maget, e anche lì vigeva la consuetudine della panificazione periodica del pane di segale: ma i pani di Maget sono dei grossi matto168 Pane e non solo: notizie dallo SPEA ni cubici da 5 kg l’uno, mentre quelli di Peio sono piccoli panetti da 2 hg scarsi, messi in forno a coppie, come altrettanti “ 8” per rappresentare, ho sentito dire “ l’unione dell’uomo e la donna” . A Peio, si mangia pecora, ed è l’unico luogo del Trentino dove se consumi ancora in via ordinaria, e c’è anche l’ultimo caseificio di tipo turnario, quello in cui i soci mantengono, a turno, la proprietà privata individuale delle caserate giornaliere, in ragione del latte conferito. La struttura è di proprietà dei Soci e il casaro è nominato dall’assemblea dei Soci stessi. Al forno comunale di Villar d’Arêne, 500 km più a ovest, naturalmente, si lavora farina e non latte ma, alla fine, è la stessa cosa. N O T E SPEA9 «Pane e non solo. Etnografia e storia delle culture alimentari dell’arco alpino», organizzato dal Museo degli Usi e Costumi della Gente Trentina in collaborazione con il Museo Storico in Trento, si è svolto a Trento e a San Michele all’Adige dal 25 al 28 novembre 2004. 2 Marcel MAGET, Il pane annuale. Comunità e rito della panificazione nell’Oisans, a cura di Maria Luisa MEONI, con uno scritto di A. M. CIRESE, Roma – San Michele all’Adige, Carocci – MUCGT, 2004. 3 Marcel MAGET, Le pain anniversaire à Villard d’Arène en Oisans, Paris, Éditions des Archives Contemporaines, 1989. 4 Cfr. gli interventi di presentazione del volume resi a SPEA9 dalla stessa Maria Luisa MEONI, Università di Siena: «Una lunga “ fedeltà” : pratica alimentare, auto-identificazione e ritualità attraverso il mutamento. Attualità della lezione di Marcel Maget», e dai collaboratori Anna Rita SEVERINI, Comune di Pescara: «Tradurre Maget. Competenze antropologiche e linguistiche alla prova», e Alberto GIANCOLA, Pescara: «Ritorno a Villar: un sondaggio sulle orme di Maget». Si prevede che le comunicazioni al convegno saranno pubblicate su SM Annali di San Michele, 19/2006. 5 Nel corso di una tavola rotonda dal titolo Parlare di pane per parlare di tutto. Culture alimentari in transizione: un antropologo e uno storico a confronto, con Pietro CLEMENTE e Paolo SORCINELLI e coordinata da Quinto ANTONELLI. 6 Cfr. Robert McC. NETTING, In equilibrio sopra un’alpe. Continuità e mutamento nell’ecologia di una comunità alpina del Vallese, Roma - S. Michele all’Adige, NIS - MUCGT, 1996. 7 Cfr. Franco MARZATICO, Castello del Buonconsiglio Monumenti e collezioni provinciali: «Alimentazione alpina prima di Roma: entro e oltre la sussistenza» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 8 Cfr. Gaetano FORNI, Museo Lombardo di Storia dell’Agricoltura: «Dal grano al mais e alla patata in ambito alpino» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 9 Cfr. Stefano ALLOVIO, Università di Milano: «Strategie e processi di costruzione di un prodotto tipico: il caso della Fontina della Valle d’Aosta» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 10 Cfr. Gianbattista RIGONI STERN, Asiago: «Dal foraggio al formaggio. Gestione dei pascoli di malga ed esiti zoocaseari» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 11 Cfr. Cindy IANNARELLI; Ellenor MCMANUS, Università di Trento: «Il caseificio di Ville del Monte: un case-study nel contesto socioeconomico» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 1 169 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Cfr. Cristina PAPA, Università di Perugia: «Paesaggi e formaggi: un’assonanza non casuale nella Valnerina umbra» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 13 Cfr. Michele CORTI, Università di Milano: «L’allevamento caprino nelle strategie di sussistenza alimentare delle comunità alpine» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 14 Cfr. Oswald TONNER, Salorno: «Oltre la frontiera: da masadore di val d’Adige a malghese in Montalon» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 15 Cfr. Paolo SIBILLA, Università di Torino: «Forme della viticoltura tradizionale in montagna, in val di Susa e val d’Aosta» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 16 Cfr. Gauro COPPOLA, Università di Trento: «L’alimentazione contadina nelle fonti storiche» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 17 Cfr. Massimo PIROVANO, Museo etnografico dell’Alta Brianza: «A pan e pessét. Pesca e consumo del pesce dei laghi lombardi» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 18 Cfr. Marta BAZZANELLA, MUCGT; Lorenzo BETT; Michele TRENTINI, MUCGT; Ursula WIERER: «Strategie di sfruttamento economico e culturale del luccio nella valle dell’Adige» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 19 Peer SCHILPEROORD, Verein fü r alpine kulturpflantzen: «he cultivated plants of the Alps: emergence, decline and future use of landraces» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 20 Andrea HEISTINGER, Verein fü r alpine kulturpflantzen: «Poppy Needs Cool Feet: Cultivated Plants and Cultivated Knowledge in South Tyrol» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 21 Johanna M. PLATZGUMMER, Archeoparc Val Senales: «L’esposizione di campi agrari e di giardini nell’ambito museale» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 22 Marco ROMANO, Archivio Provinciale della Tradizione Orale: «Il nostro pane quotidiano, di segala» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 23 Emanuela RENZETTI, Università di Trento: «Ricuocere il pane: passaggi, usi alimentari e occasioni stagionali» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 24 Iolanda Da DEPPO, Pieve di Cadore: «Differenze e continuità nell’alimentazione tradizionale nel territorio della provincia di Belluno» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 25 Wolftraud DE CONCINI, Pergine: «Minoranze in pentola» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 26 Domenico ISABELLA, Venezia: «Mitter toch proat in zoch… : la cultura alimentare di Sauris/Zahre (Mezzogiorno/pane in tasca/formaggio in bocca/tabacco nel naso/ spara alla lepre Tommaso!)» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 27 Gabriele DI LUCA, Bolzano: «L’influenza della cucina italiana in Alto Adige dopo il 1920» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 28 Valentina PORCELLANA, Università di Bergamo: «Cibo e rito tra tradizione e modernità: il caso di Giaglione in valle di Susa» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 12 170 Pane e non solo: notizie dallo SPEA 29 Quinto ANTONELLI, Museo Storico in Trento; Gianfranco BETTEGA, Primiero – «Saperi e sapori: esperienze di ricerca nel Primiero»; Quinto ANTONELLI, Museo Storico in Trento: «I ricettari popolari» (comunicazioni a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 30 Valeria SINISCALCHI, Università di Roma : «Tourtons du Champsaur, des Hautes-Alpes o du pays? Strategie economiche e territorio nella costruzione di un prodotto “ tipico” »(comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 31 Pietro CLEMENTE, Università di Firenze: «Il ciclo alimentare nei diari 1943-46 di un medico condotto in pensione in un paese della Sardegna» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 32 Daniele JALLA, ICOM: «Culture alimentari alpine e globalizzazione» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 33 Vittorio A. SIRONI, Università di Milano-Bicocca: «Il cibo come medicina: valenza terapeutica dei nutrimenti nelle culture alimentari della Brianza e dell’arco alpino lombardo» (comunicazione a SPEA8, in c. di s., su SM Annali di San Michele 19/2006 [?]). 34 Cfr. Dan SPERBER «Anthropology and psychology: towards an epidemiology of representations (The Malinowski Memorial Lecture 1984)» in Man (N.S.) 20, 73-89. 171 L’alimentazione tradizionale della Valle dell’Aveto Sara Medica, con la supervisione di Annibale Salsa Il mondo rurale avetano (basato, fin verso la fine dell’Età Moderna, sul sistema economico misto agro-silvo-pastorale) era quasi del tutto autosufficiente per quanto riguarda l’alimentazione. Se si escludono l’olio, lo zucchero e il sale (che giungevano in questa Valle, sita nel cuore dell’Appennino Ligure-Emiliano, trasportati dai mulattieri per essere poi venduti e scambiati soprattutto in occasione di fiere e mercati) la maggior parte dei generi alimentari poteva essere prodotta nella Valle stessa. Non va tuttavia dimenticato che, trattandosi di un’economia di sussistenza, non si poteva contare su raccolti abbondanti: la quantità dei cereali, infatti, era spesso insufficiente al fabbisogno della popolazione parte della quale era costretta, per questo, ad emigrare per parecchi mesi l’anno. I raccolti (in particolare grano, segale, mais e castagne) erano, infatti, solitamente mediocri. Per fare un esempio ecco ciò che scrive il maire del Mandamento di S. Stefano d’Aveto relativamente al raccolto del 1810: « Nel corrente anno molti non hanno nemmeno avuto le sementi in specie del Grano per mottivo dei tempi incostanti, e le granaglie raccolte sono di pessima qualità , e non vendono nemmeno secondo il solito, la poca Melica raccolta non è neppure perfettamente potuta maturare e così non è ne troppo buona ne sana. Le castagne qui in questo comune non hanno prodotto alcun frutto… » 1. Nei resoconti era specificato che mentre non si acquistavano mai castagne (venivano consumate solo quelle del luogo) ogni anno si comprava, invece, una certa quantità di melica che integrava quella prodotta nella Valle. Osserva, infatti, il maire nel 1811: «Di Gran turco non ne seminano che in parte del Comune in Villaggi più esposti al battente del sole, poiché in quelli esposti al Nord non vi maturan e così li abbitanti generalmente ne comprano molto di più di quello che racogliono» 2. 173 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Precisa, inoltre, che non si faceva molta coltivazione di fagioli e questi venivano solitamente mangiati verdi. Ridottissimo era il numero delle vigne esistenti nella Valle tanto che si annota: «… servono più di divertimento ai proprietarij che di vantaggio» . Inoltre in quantità esigua, veniva estratto olio dalle noci e questo, vista la sua scarsità, veniva tutto impiegato per i bisogni degli abitanti. In cucina si adoperavano gli ortaggi locali, le patate, il burro, il latte di mucca o di capra, i formaggi, le ricotte, le uova, la carne di maiale, di coniglio, il pollame, la selvaggina, le farine di castagna, di grano e di granturco. Inoltre si consumava sia la frutta coltivata sia quella spontanea che si raccoglieva nei boschi, i funghi, certe erbe selvatiche, i fagioli, i ceci, il miele. Anche trote e lumache rientravano, in qualche caso, nella dieta degli abitanti della Val d’Aveto. La cucina tradizionale avetana è semplice e frugale: molto spesso si mangiava, sia a pranzo sia a cena, un piatto unico che nella maggior parte dei casi era costituito da polenta o minestrone. Queste pietanze solitamente erano poste al centro del tavolo e tutti si servivano da un unico grande vassoio. Carne, dolci e piatti più elaborati venivano consumati raramente e soltanto nelle occasioni di festa. Illustro, di seguito, alcuni dei piatti e delle preparazioni che mi sono state riferite nel corso delle interviste da me effettuate nella zona. Per quanto riguarda i condimenti, a parte il pesto e il sugo di carne (quet’ultimo solitamente preparato in occasione del Natale), quello più usato era il sugo di funghi porcini che crescono abbondanti nella zona. Esso veniva impiegato per condire la pasta fatta in casa e anche la polenta. Si utilizzavano soprattutto i funghi fatti essiccare al sole o nelle cucine disposti su una rete detta crevèllu. Le minestre – la cui ricetta varia da una famiglia all’altra – venivano realizzate con le verdure dell’orto e con un soffritto di lardo. Si consumavano anche zuppe, brodi e minestre. Alcuni preparavano una zuppetta detta minizzùn, con pane, ricotta e siero di latte. Con le verdure dell’orto si realizzavano anche altre pietanze come le frittate e i cavoli ripieni (cori pin). Per quanto riguarda le paste asciutte – consumate solitamente soltanto la domenica – si preparavano soprattutto gnocchi, lasagne e tagliatelle realizzate utilizzando, a seconda della disponibilità, farina di frumento o di castagna. Nelle famiglie più povere o in anni particolarmente sfortunati, infatti, la farina di castagna era impiegata sia per la panificazione, sia per le polente, sia per la pasta fatta in casa3. Un altro primo piatto, che ricorre però soltanto nella cucina di S. Stefano, sono i corzetti (crusètti). Si tratta di ritagli tondi di sfoglia che si condiscono con sugo di fungo e su cui si imprimono dei decori con appositi stampini in legno alcuni dei quali recano delle iniziali che, per tradizione, sono quelle del capofamiglia (marchi di proprietà). 174 L’alimentazione tradizionale della Valle dell’Aveto Ubicazione del territorio della Val d’Aveto La pasta col ripieno (come i ravioli) compariva sulle tavole dei contadini solo nelle occasioni importanti. La polenta veniva consumata abbondantemente in tutte le stagioni dell’anno ed era solitamente mangiata col sarà ssu, una sorta di ricotta stagionata. Venivano consumate molte focacce e focaccette salate, anche con ripieno di verdure come cavoli, bietole, zucca e, soprattutto, patate. Queste ultime venivano bollite, schiacciate e utilizzate per la realizzazione di vari tipi di torte. Di seguito descrivo due diverse preparazioni di questa torta di patate, rispettivamente come, ancora, si cucina a La Villa e a S. Stefano. La prima è la ricetta della cosiddetta baciócca. Si affettano alcune patate, si salano e si lasciano riposare il tempo che si impiega a preparare la pasta per la sfoglia (crùsta de pan) per realizzare la quale si devono impastare olio, strutto, farina, acqua e sale. Poi si scola via l’acqua che, nel frattempo, a contatto col sale, le patate hanno prodotto. Queste si uniscono ad un soffritto di olio, cipolla, burro e un cucchiaio di strutto. Si aggiungono, inoltre, una manciata di farina bianca, del formaggio grana grattugiato e una o due uova. Poi si fodera un tegame con la sfoglia, si riempie col ripieno di patate e soffritto e si mette a cuocere in forno. A S. Stefano, invece, 175 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Stampi in legno per corzétti. Con il lato inferiore si ritaglia la pasta che poi viene pressata nello stampo per incidervi la decorazione (foto Sara Medica) questo piatto (che però non viene chiamato baciócca) si prepara in modo diverso: le patate sono passate al setaccio e non si utilizza la sfoglia. Si fa un soffritto – che un tempo si preparava utilizzando lo strutto – cui si uniscono le patate lesse e schiacciate e del parmigiano grattugiato. Si mette poi l’impasto in un tegame rigando la superficie della torta con i rebbi di una forchetta e si inforna. Il pane veniva fatto in casa circa una volta la settimana. Ad esso si potevano accompagnare i salumi di maiale o i formaggi. Per preparare il pane, all’acqua tiepida e alla farina si univa una piccola parte della pasta di pane, ancora cruda e appositamente conservata, che era stata prelevata dall’impasto preparato la volta precedente (levà u) poiché sviluppava lieviti naturali. Dopo aver preparato i pani (mìcche) questi venivano messi a lievitare a lungo sotto un panno umido. Fino all’incirca agli Anni Trenta per cuocere i cibi si utilizzava un fornello in pietra o in terra battuta posto sul pavimento in un angolo del sottotetto. Le pentole venivano sospese sopra al fuoco appendendole ad una catena. Per la cottura del pane si procedeva in questo modo: quando il focolare era ben caldo si spostava la brace e si adagiavano le pagnotte su foglie di castagno che cocevano in breve tempo coperte da una sorta di coperchio in metallo, il tèsto, su cui veniva posta della brace. Per la cottura nei più moderni forni a riverbero, invece, si usava legno di carpino e di ginepro. Quest’ultimo, in particolare, dava una speciale profumazione al pane. Prima di metterlo a cuocere il piano del forno veniva 176 L’alimentazione tradizionale della Valle dell’Aveto pulito con una specie di scopino fatto di rametti di elleboro, poi vi si spargeva una manciata di farina di granoturco. Nella zona di Amborzasco si racconta che quando i francesi arrivarono nella Valle non mangiarono volentieri il pane fatto con la farina di castagne che chiamavano dispregiativamente “ pan di brocco” . Le castagne, comunque, venivano consumate anche arrostite (soprattutto durante le veglie), crude o bollite e poi spellate e messe nel latte come la polenta. Infine, sempre con le castagne, si preparavano i balètti facendole bollire col sale senza togliere la buccia esterna. La carne era riservata alle feste importanti e si mangiava soltanto a Natale, a Pasqua e quando ricorreva il Santo Patrono del paese. A Natale, solitamente, si cuoceva il tacchino, la gallina o il gallo bollito. Recita, infatti, una filastrocca: A Natale se mangia u bibìn cun-i bescö ti puccià i in tu vìn e in a galìn-a pe cuntentà u Bambìn cu l’e in ta chìn-a A Natale si mangia il tacchino coi biscotti intinti nel vino e una gallina per accontentare il Bambino che è nella culla. In alcune località l’arrosto di maiale veniva mangiato assieme alla polenta. Per quanto riguarda i prodotti derivati dalla macellazione di questo animale si producevano coppa, salame, pancetta, salsicce e sanguinacci. « Appena sgozzato si raccoglieva il sangue per fare i sanguinacci […]. Poi veniva appeso a testa in giù e si faceva colare via tutto il sangue. Con acqua bollente e un coltello affilato si raschiavano via le setole e si toglievano le interiora […]» racconta un anziano di Amborzasco e aggiunge: «il maiale si uccideva tra S. Antonio (17 gennaio) e la metà di febbraio […] se no la carne prendeva un altro giro e non si conservava più bene. Dopo Natale era il periodo giusto […] anche perché durante l’inverno il contadino aveva più tempo per dedicarsi a questo lavoro […]». Con la sugna (sciùn-´sa), bollita e filtrata, si faceva lo strutto. Passando ai dolci, ve ne erano alcuni molto semplici, che si consumavano più spesso, ed altri, invece, riservati alle occasioni più importanti. Il pandolce ad esempio (anch’esso come il pane fatto lievitare utilizzando il levà u) era il dolce tipico del Natale. Più frequentemente, invece, si preparavano torte dolci (figà sse), frittelle e dei biscottini fatti in casa detti “ dùsci de cà ” . Una volta la settimana si faceva, soprattutto per i bambini che la gradivano particolarmente, la puta di castagne4, una sorta di budino preparato con acqua, sale e farina di castagne. Sopra si ponevano alcune cucchiaiate di panna. Sempre con la farina di castagne si realizzava una specie di torta cotta nel forno (molto simile al 177 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE castagnaccio) detta patùn-a ed anche la panélla, una variante del castagnaccio cui si aggiungevano delle noci e sulla quale si poteva spalmare della ricotta morbida mescolata con lo zucchero. Mischiando farina di castagne, lievito e zucchero si otteneva invece la mèscià , un pane dolce. Nella zona di S. Stefano si fa anche un budino molto semplice col latte e le uova detto bunèttu e frittelle (frétule) ottenute mescolando uova, farina, zucchero e lievito che, dopo la cottura, si cospargono di zucchero semolato. Ma il prodotto più rappresentativo della Valle è, senza dubbio, il formaggio detto San Stè. Ecco qual’era la sua preparazione tradizionale. Il latte appena munto veniva filtrato e raccolto in appositi contenitori di terracotta smaltata detti cuncarèlli (La Villa) o cuppuìn (Costapelata). La mattina seguente veniva lavorato, solitamente dalle donne più anziane. Nei tempi passati, non esistendo alcun sistema di raccolta e conservazione del latte, esso era interamente trasformato. Innanzitutto veniva scremato e con la crema (a s-ciùmma) si faceva il burro (bitìru) con lo sbattilatte detto birlarö (bitirà nell’Alta Val d’Aveto). Il burro veniva estratto, sciacquato sotto l’acqua corrente e messo in una forma. Era poi conservato sotto sale in un luogo fresco. Subito dopo ci si apprestava a fare il formaggio – chiamato dai locali non San Stè ma semplicemente furmagìn-a o furmà giu5 – che, ancora oggi, alcune famiglie producono per il proprio autoconsumo. Ritengo importante illustrare le interessanti modalità di scambio del latte che, nei tempi passati, permettevano la produzione del formaggio e che costituivano una pratica rilevante anche a livello sociale. Poiché una famiglia non disponeva della quantità di latte necessaria alla produ- Pascoli presso S. Stefano D’Aveto (foto Sara Medica) 178 L’alimentazione tradizionale della Valle dell’Aveto zione di una forma di formaggio (occorrevano circa 150 litri) e poiché non esistevano frigoriferi per poterlo conservare da un giorno all’altro si procedeva al “ cambio del latte” (cà ngiu). In ogni paese piccoli gruppi di famiglie (di solito cinque-otto famiglie) raggruppavano il loro latte che, a turno, veniva lavorato da una sola famiglia6. Chi faceva il formaggio ne era poi proprietario7. Come è scritto nel Bollettino del Comizio Agrario di Chiavari questo «sistema di latterie sociali esiste da secoli […]» ed è «[…] una gran bella istituzione per la nostra proprietà tanto divisa e suddivisa: istituzione che permette anche ai possessori di uno, o di pochi capi di bestiame, di goderne i benefici, col poter fare, a dati intervalli, grosse forme di cacio, ricevendo in una sola volta tanto latte, quanto ne hanno dato in molte al vicino»8. Per ovvie ragioni non tutte le famiglie consegnavano la stessa quantità di latte. Così , per tenere il conto dei debiti e dei crediti, si immergeva un piccolo bastone nel contenitore portato da ogni famiglia e lo si incideva all’altezza in cui arrivava il latte. Questi segni indicavano i rùtti o mesùe. Il latte, infatti, veniva messo in recipienti chiamati mesùre (misure) che contenevano circa 5 litri o, in particolare nel paese di Alpicella, in appositi boccali di rame della capacità di circa 2 litri, detti bucà . Se la misura non era piena allora si procedeva a segnare il “ rotto” sul bastoncino. Spiegano due anziane di La Villa: «Ogni famiglia aveva il suo segno di riconoscimento sul legnetto per capire qual’era il suo e non c’entrava il tipo di legno perché era quel particolare segno che serviva a capire di chi era. Qualcuno li usa ancora. Il bastoncino non doveva essere di frassino però, perché se no il latte diventa blu. Di solito si usava castagno, nocciolo, salice. Il frassino rilascia una sostanza come il blu di metilene che, infatti, lo usavamo come disinfettante per i polli, i conigli e le mucche quando hanno la diarrea. A Gavadi lo scambio si faceva in cinque-sei famiglie e si usava un legno più grande che poteva essere utilizzato più volte. Qui a La Villa, invece, il legnetto era più piccolo e ogni volta si buttava via. Non in tutti paesi si usava lo stesso metodo. Ad Alpicella per esempio mi sembra che per misurare il latte usassero dei recipienti detti brocchètte […]». Un abitante di Ascona, invece, precisa: «In paese c’erano tre gruppi di famiglie che si riunivano per fare il formaggio. Qui la misura era detta schéla e conteneva sui 3 litri […]». La schéla era già graduata al suo interno. Intervistando alcuni abitanti di Costapelata mi è stato riferito che «una famiglia faceva il formaggio solo quando aveva “ pagato” tutte le altre del gruppo, quando aveva estinto tutti i debiti delle consegne del latte […]». La qualità del latte dipendeva dall’alimentazione delle bovine (un tempo quasi tutte di razza Cabannina)9. Mi è stato, infatti, riferito che: «più il pascolo in alto più l’erba era migliore, più fine e quindi anche il formaggio! Il più pregiato era quello di Villa Neri […]». Inoltre: «a giugno e settembre quando l’erba è fresca e in fiore il latte è più buono e più grasso […] l’erba migliore è quella dove ci batte il sole alla mattina, dove asciuga subito la rugiada […]». Una volta quando c’erano più mucche, e quindi più latte, il formaggio era prodotto durante tutto l’anno. Poi si è iniziato a farlo solo in primavera e in 179 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE autunno fino ad arrivare ad oggi in cui la produzione familiare è limitata alla sola stagione autunnale. Il latte munto all’alpeggio nei mesi estivi veniva portato nei paesi, per essere lavorato, a dorso di mulo o con la teleferica. Precedentemente scremato per fare il burro viene posto in un grande calderone di Torchio per la pressatura delle forme di San Stè (foto Sara Medica) 180 L’alimentazione tradizionale della Valle dell’Aveto rame (ramà o parö ) e si scalda10 fino alla temperatura, misurata con la mano, di 30-35 gradi centigradi. In questi grossi pentoloni si mettevano circa 100-120 litri di latte. Oggi, solitamente, non si superano gli 80 litri11. Poi si aggiunge il caglio (presu). Il paiolo veniva coperto o con un coperchio di legno o appoggiandovi sopra il bastone per rompere la cagliata mettendovi poi sopra un telo. Per rapprendere il latte impiega, a seconda delle volte, dai quaranta minuti alle due ore. Oggi il caglio si compra ma un tempo, dopo la macellazione, si prelevava un ventricolo di agnello da latte, di vitello o di capretto12 il quale conteneva fermenti lattici rappresi. Questi erano lasciati a bagno in acqua e sale. Poi con questi si riempiva il ventricolo che veniva appeso vicino al focolare affinché si seccasse. Dopo alcuni mesi diventava “ duro come una pietra” . Allora era pronto per essere usato. Se ne prelevava un pezzetto, si pestava per ridurlo in polvere e si scioglieva in un po’ d’acqua o latte scremato. Ne bastava una presina per far cagliare circa 10 litri di latte. Quando il latte è rappreso si rompe la cagliata con un bastone di legno mondato quadriforcuto (detto mès-ciura) due volte a distanza di circa un quarto d’ora per far ben dividere il siero dai grumi di formaggio che vengono estratti dal recipiente usando una schiumarola (cazzasbö sa) o una pezza di stoffa detta péssa o pécce (Villa Neri) e si mette in uno stampo di legno, la fiscella (friscèlla)13. Questa è posta sopra alla bà sura, un attrezzo di legno per lo scolo del siero14 (che viene raccolto in un secchio). A questo punto si preme con forza con le mani. Quest’operazione richiede grande fatica: per questo nella Valle si usa dire che quando una donna ha fatto il formaggio ha già lavorato abbastanza! Quando si eseguono queste operazioni è bene che le mani siano Pentolone in rame (ramà) contenente il latte messo a riscaldare. Appoggiata su di essso si può vedere la mès-ciùra, l’apposito strumento per rompere la cagliata (foto Sara Medica) 181 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE fresche. La pasta del formaggio (tùmma) viene pressata nella forma, girata dall’altro lato e nuovamente rotta più volte. Infine la forma così ottenuta si bucherella in modo da far fuoriuscire il liquido eventualmente rimasto «se no il formaggio si gonfia e diventa acido […]». La forma viene poi messa sotto un torchio (tòrciu) per due giorni con un grossa pietra sopra per espellere anche l’ultima quantità di siero. Per circa una settimana viene messo “ a fare la pelle“ e si sala a secco15. L’ottavo giorno viene lavato e posto a stagionare nella dispensa (canevìn o canuìn, presente in tutte le case)16 sopra una tavola di legno e ogni mattina la forma viene rivoltata e unta d’olio caldo. La stagionatura dura all’incirca duecinque mesi anche se questo formaggio può essere consumato anche dopo anni. Le forme pesavano circa otto-dieci Kg ed occorrono circa 10 litri di latte per ottenerne uno di formaggio. Il siero (serùn o scö ggia) che rimane dopo la caseificazione viene utilizzato per fare la ricotta che si appende a scolare in una pezza di stoffa ed è poi salata allo scopo di meglio conservarla. Questa può essere consumata fresca o messa a stagionare (per circa quindici giorni)17 ottenendo così un formaggio detto sarà ssu. Il secondo siero era impiegato nell’alimentazione dei maiali. La maggior parte del formaggio (nella zona dell’attuale comune di Santo Stefano) era prodotto a Gavadi, Alpicella, Villaneri e Casafredda. Qui i vitelli non venivano ingrassati per il macello e il bestiame si sfruttava, quanto più si poteva, per la produzione del latte. In altre zone, come ad esempio, quella di Amborzasco e Casoni, invece, si privilegiava l’ingrasso e si faceva molto meno formaggio18. Inoltre vi si allevavano anche più ovini e caprini che non necessitavano di pascoli molto estesi (e nemmeno della stessa quantità e qualità di foraggio) per essere mantenuti durante l’inverno. In questi paesi, infatti, per fare il formaggio si utilizzava non solo latte di mucca ma anche di capra. Quest’ultimo, inoltre, era spesso usato anche per alimentare i bambini piccoli. A fine Ottocento il Comizio Agrario di Chiavari manifestò un certo interesse per il miglioramento dell’industria casearia avetana inviando nel comune «il giovane Pasquali Lazzaro licenziato dalla R. scuola di Zootecnica e Caseificio di Reggio di Emilia […] munito di particolari istruzioni, onde, presi gli opportuni accordi con quell’amministrazione comunale, ponesse mano alla fabbricazione di què tipi di formaggi che fossero stati ritenuti più convenienti alle condizioni agrarie ed economiche di quelle località , e consentiti dallo stato delle latterie ivi esistenti». Era prevista anche la produzione di formaggi quali il gorgonzola e lo stracchino che furono considerati più vantaggiosi e redditizi del San Stè poiché, con la stessa quantità di latte e allo stesso prezzo, se ne poteva produrre di più. Il Sindaco di Santo Stefano scrisse al Comizio Agrario dichiarandosi soddisfatto dei risultati ottenuti sotto la guida del nuovo casaro che, tuttavia, aveva verificato come «le latterie […] in cui è più pronunziata la fabbricazione del formaggio […] poste nella parrocchia di Rezoaglio, cioè ad Esola e a Cerisola, in quella di Alpicella, Costa Pelata, Amborzasco e Gavadi […]» fossero in condizioni «assai meschine e per locali e per utensili, e poco dissimili le une dalle altre19». Sempre nelle pagine del suddetto Bollettino è scritto che: «nel comune di Santo Stefano d’Aveto i caseifatti sono l’unico 182 L’alimentazione tradizionale della Valle dell’Aveto prodotto della pastorizia, e di squisita qualità ne sono i formaggi premiati nelle esposizioni universali di Parigi (1867) e di Filadelfia (1876)20». La riduzione del numero di capi bovini che si verificò nella Valle (soprattutto dopo la metà del secolo scorso) fu dovuta non solo allo spopolamento e alle difficoltà nel trovare un mercato per i prodotti locali ma anche ai problemi di adeguamento alle nuove regole igienico-sanitarie imposte nei primi anni Novanta (L. 169). Oggi l’allevamento si effettua con regime stallino e stabulazione fissa in inverno e pascolo nella buona stagione. Il latte ritirato da alcune cooperative viene, purtroppo, pagato poco e molto in ritardo e ciò costituisce un ulteriore problema per la popolazione avetana. Per quanto riguarda la produzione del formaggio molte sarebbero le aziende e le famiglie che desidererebbero ottenere l’autorizzazione per commercializzarlo ma i requisiti igienico-sanitari – soprattutto quelli relativi all’altezza minima dei locali – penalizzano fortemente questa attività (che potrebbe rivelarsi preziosa per il risollevamento e il rilancio dell’economia della Valle) tanto che, attualmente, solo pochissimi allevatori hanno potuto ottenere questo permesso e l’unica azienda locale di trasformazione davvero funzionante è il caseificio “ Val d’Aveto” che nel 1992 ha registrato i marchi “ Sarazzu” e “ San Ste” 21. Per tali motivi sono auspicabili opportune deroghe a queste normative che possano costituire un adeguamento alle esigenze e caratteristiche delle piccole aziende di montagna consentendo un maggiore sviluppo di quelle produzioni locali22 che meriterebbero di essere valorizzate. N O T E Cfr. Archivio di Stato di Genova, Prefettura francese, n. 1356. Idem. 3 Alcune famiglie nella zona dell’Alto Aveto, dove i castagneti sono più rari, andavano a rifornirsi di questi frutti nelle vicine Valli come, ad esempio, la Val Malvaro o la Val Trebbia o acquistandovi una parte di bosco o recandovisi ad aiutare a raccogliere le castagne e avendone in cambio una certa quantità. Per quanto riguarda l’attuale produzione di castagne gran parte dei castagneti, anche per la comparsa di una malattia detta cancro del castagno, sono stati convertiti a bosco ceduo con un diffuso abbandono di questa secolare coltura. 4 La puta in alcune zone si poteva anche preparare usando la farina di mais. 5 Come scrive il Fontana già anticamente a Chiavari era detto “ formaggio di Santo Stefano” mentre nei centri più lontani come Genova, ad esempio, era chiamato “ formaggio di Chiavari” (cfr. G. FONTANA, Rezzoaglio e Val d’Aveto (cenni storici ed episodi), Rapallo, 1940, pp. 102-103). 6 C’è chi riusciva, soltanto assaggiandolo, a capire dove e a volte anche da quale famiglia era stato prodotto il formaggio. 7 La pratica del cambio viene definita “ antichissima” nel Bollettino del Comizio Agrario di Chiavari (cfr. vol. I, Anno Quarto, p. 77). 8 Cfr. vol. II, Anno Primo, p. 12. 9 Si tratta di una razza autoctona. Questo bovino, agile e di non grandi dimensioni (perciò molto adatto alla morfologia dei pascoli della zona) è oggi presente nella Valle in un numero piuttosto ridotto di esemplari. 1 2 183 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE 10 Un tempo questo calderone veniva posto sul runfò, una stufa costruita con pietra locale e terre refrattarie. 11 Il latte che avanzava e non stava nel calderone si metteva in altri recipienti detti cuppuìn. 12 A seconda se i formaggi erano prodotti con latte di mucca, pecora o capra si utilizzava il caglio ottenuto dalle interiora dei rispettivi animali. 13 Solitamente questi stampi erano realizzati con legno di maggiociondolo. 14 Solitamente la bà sura era realizzata utilizzando legno di castagno. 15 Alcuni aggiungono un po’ di sale già durante la fase di pressatura della tùmma nella fiscella. 16 Di solito si trovava incorporato alla casa ma vi erano anche alcuni che avevano un “ casottino” separato che veniva appositamente costruito per essere adibito a dispensa. 17 Il sarà ssu dopo un lungo periodo di stagionatura poteva essere grattugiato come il Parmigiano. 18 Questo tipo di scelta si spiega col fatto che in quella zona vi è sempre stata scarsità di pascoli poiché molto boscosa. 19 Cfr. vol. III, Anno Ottavo, pp. 182-186. 20 Cfr. vol.II, Anno Primo, p. 54. 21 Anche per quanto riguarda l’allevamento da carne esso non è molto sviluppato sia perché non fa parte delle tradizioni produttive della zona sia per le difficoltà di adeguamento alle norme sulla macellazione. 22 Una di queste è senza dubbio la patata quarantina. 184 Quand on ne mangeait pas toujours des deux mains Souvenirs et témoignages recueillis dans la commune de Verrayes Lidia Philippot Manger des deux mains, c’est une expression qui n’a plus tellement de sens à l’heure actuelle mais qui est encore souvent employée par les personnes âgées quand on leur demande d’évoquer leur enfance. Elle est utilisée dans des contextes de ce genre : fran la fan, na, n’èn po pâ tì, ma n’èn po tedzor medzé avoué doe man… Ce qui signifie qu’ils n’ont pas vraiment souffert la faim mais que leur nourriture était rationnée et souvent très pauvre. Autrefois, à la campagne, il arrivait souvent de manger sur le pouce, le pain dans une main et ce qui allait avec, lo avoué, c’est-à-dire du fromage, du saucisson, du lard, dans l’autre mais quand le avoué faisait défaut, on ne mangeait pas des deux mains et cela était justement perçu comme une grave privation. Ce sentiment de privation est perceptible aussi dans la manière dont on qualifie certains aliments comme le pain, les pommes de terre et la polènta quand ils sont consommés seuls, sans assaisonnement, on dit : dè pan solet, dè polènta chorda, de cartifle pû e. D’autre part, manger à bouillardón, c’est-à-dire sans accompagner les mets de pain, était une méconduite que l’on blâmait chez les adultes et que l’on corrigeait chez les enfants. Le morceau de pain devait être toujours considérablement plus gros que celui de fromage ou de saucisson et il fallait apprendre à « gouverner » c’est-à-dire à accompagner une grosse bouchée de pain d’une petite de fromage. Si quelqu’un avalait le fromage et laissait du pain, on se moquait de lui en lui disant : Djan Peucca-pà n, lo fromédzo va devà n è lo pan reste èn man ! On apprenait aux enfants le respect pour la nourriture, pour le pain en particulier, peut-être aussi en raison de sa valeur symbolique : on disait que le pain 185 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE était la « peine » de l’homme comprise entre deux signes de croix, la croix que l’on traçait sur le champ au moment des semailles et celle qu’on faisait sur le pain avant de l’entamer. De ce fait, il ne fallait jamais le poser à l’envers, cela aurait signifié qu’on ne l’avait pas gagné honnêtement. On racontait, aussi à l’intention des enfants, une histoire édifiante, une légende : Quand Dieu avait créé le blé, il avait nanti chaque tige de trois beaux épis, un au sommet et deux sur le cô té et il y avait du pain en abondance pour tous, mais les hommes ne faisaient pas état de cette richesse et la gaspillait bê tement. Alors Dieu, courroucé, voulut les punir et détruire les épis mais la Sainte Vierge était intervenue et avait protégé de sa main l’épi du sommet. « Celui-là – avait-elle dit – il faut le garder pour les vieux et les innocents » . Mais que donnait-on à manger aux enfants ? Le sevrage des nourrissons était beaucoup plus retardé par rapport à maintenant, les mères allaitaient aussi longtemps qu’elles pouvaient, aussi dans l’espoir, souvent vain espoir, de retarder une autre grossesse. Quand le lait maternel n’était plus suffisant, on passait au lait de vache ou de chèvre et, parfois même, de brebis mais, à ce moment-là, l’enfant était à même de boire au gobelet ou au bol. Le premier aliment non liquide était la bouillie faite avec du lait et de la farine de froment tamisée. On en préparait en abondance, et chaque fois on en prélevait quelques cuillerées en y ajoutant un peu de lait pour la délayer. Four à pain à Vencorère, l’un des plus hauts villages de Verrayes - 1560 m (archives BREL fonds Bérard) 186 Quand on ne mangeait pas toujours des deux mains Pour qu’il se fasse les dents, on lui donnait à grignoter du pain dur ou une croû te de fromage. Dans l’ènfanteillón (sorte de langage enfantin) on retrouve une dizaine de termes se référant à des aliments tout à fait ordinaires dans l’alimentation traditionnelle : quèlén, tcheule, tchouppa, bidjo- badjo, metchón, coquén, pippe, tchatchà n, pepeu, cocò, pequén (lait, bouillie, soupe, fromage, pain blanc, œuf, pommes de terre, châtaignes, poire, noix, raisin). De toute manière, dès qu’il avait ses dents, l’enfant mangeait ce que l’on préparait pour les adultes. « Basta nèn avèi » est la considération faite par bon nombre de témoins et l’appétit ne faisait pas défaut. À l’époque les enfants vivaient la plupart du temps au grand air, aidant les parents dans leurs occupations ou jouant dans les ruelles du village et ne se faisaient pas appeler deux fois pour venir à table ! Si pour une raison quelconque le repas était retardé, il était formellement interdit dè allà a la brota c’est-à-dire de s’introduire chez les voisins ou les camarades de jeux et de partager leur nourriture. Si cela se produisait l’enfant était sévèrement réprimandé par les membres de sa famille qui lui faisaient honte en lui disant : paletta, paletta, paletta ! Il était cependant inconcevable de manger quoi que ce soit en présence d’un enfant sans lui en offrir, cette règle valait aussi pour les femmes enceintes afin d’éviter qu’elles marquent d’« envies » la créature qu’elles portaient. Ce n’était pas dit que les enfants à table soient servis en premier, la préséance revenait aux personnes âgées, aux hommes en particulier, qui faisaient les travaux les plus durs. Même les grandelets n’avaient pas le droit de se servir seuls de ce qu’il y avait sur la table, ils devaient attendre qu’un adulte le fasse pour eux. Ce n’est qu’à partir du moment où on était capable de gagner son pain que l’on pouvait couper son fromage. Si la tranche de fromage coupée résultait excessivement fine on avait l’habitude de dire au destinataire : T’o po proi prèyé, ieur nét ! (tu n’as pas assez prié, hier au soir). Il n’était pas toléré non plus d’avoir les yeux plus gros que le ventre et de laisser des restes dans son assiette, aux plus petits on présageait l’arrivée du rieeu, (le roitelet) qui se serait poser sur la fenêtre et aurait chanté tcheun, tcheun, reilleu, reilleu pour se moquer de lui ; quand aux plus grands, on les menaçait de gavà én lan ou rètsón ce qui signifiait ôter une planche à la crèche, donc de réduire la ration de nourriture. Savoir quittà arèi lo platé, tout comme recueillir les miettes, couper le fromage du bon côté, en gratter la croû te au lieu de l’enlever, ne pas garder le couteau pour soi, mais le replacer dans le plat à fromage pour que d’autres puissent s’en servir, étaient autant de marques de bonne éducation. Le savoir-vivre des 187 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE paysans n’était pas celui des bourgeois… Et les gros mangeurs aussi n’étaient pas appréciés, si, en famille, quelqu’un se démontrait particulièrement vorace, on lui disait : Teu, y è mioù tè tsardzé què t’èmplì ! (toi, il vaut mieux te charger que de te remplir) et à celui dont l’appétit était disproportionné par rapport à son aspect malingre on disait qu’il avait lo boué dret (le boyau droit) voulant signifier ainsi qu’il ne tirait pas profit de ce qu’il mangeait. On prenait normalement trois repas par jour. Au petit déjeuner, on mangeait la soupe du soir réchauffée, à laquelle on avait ajouté à l’occurrence un peu de lait ou un peu d’eau et une demi cuillerée de beurre; cependant, comme les familles étaient nombreuses, la soupe ne suffisait pas pour tous, on la réservaient alors aux hommes et aux enfants et on donnait aux autres du pain noir trempé dans du lait, mais cela seulement dans les familles les plus aisées. À midi, on alternait la polenta aux pommes de terre. Ces deux aliments remplaçaient en fait le pain car ils accompagnaient le reste mais ils avaient l’avantage, étant cuisinés, de constituer seuye (un repas) et de pouvoir être consommés chauds. En plus, le pain de seigle que l’on cuisait, une ou deux fois par an, dans le four du village, devenait au bout d’un mois dur comme du ciment et avant de pouvoir le manger à table, il fallait le faire ramollir en le trempant dans l’eau, ainsi perdait-il toute sa saveur et aussi, disait-on, ses substances nutritives. Il y a une histoire à ce propos recueillie à Étroubles, mais connue aussi à Verrayes : Un petit berger avait été loué dans un alpage où on avait amené aussi un petit chevreau. On lui a dit : « Si tu seras capable, quand on descendra, de soulever ce chevreau, on te le donnera » , mais pendant tout l’été on a nourri l’enfant avec du pain trempé dans l’eau et quand le moment est venu il n’a pas eu assez de force pour le soulever. Pendant l’hiver quelqu’un lui a expliqué qu’il fallait boire aussi l’eau où l’on mettait à tremper le pain. L’été suivant, le petit berger a suivi ce conseil et à la fin de la saison il a été capable de soulever le chevreau. Ainsi a-t-il pu l’avoir. On mangeait la polenta avec de la brossa ou du petit-lait, si on avait fait caillé, autrement avec du fromage maigre, des légumes passés à la poêle et quelquefois comme plat unique (polènta grâ sa), assaisonnée avec du beurre fondu et de la fontine. Les pommes de terre s’accompagnaient avec du riz, du seras, de la salade des prés et, de temps à autre, aussi avec les beignets à la menthe. Avec 188 Quand on ne mangeait pas toujours des deux mains les haricots verts, les pommes de terre étaient l’ingrédient principal de la sô sa, une sorte de purée de légumes assez consistante, assaisonnée avec un peu de lard haché, de beurre et de fromage. En hiver seulement il y avait de la viande, de mouton ou de vache, que l’on conservait en saumure et que l’on consommait comme pot-au-feu avec des pommes de terre èn porchón, c’est-à-dire des pommes de terres épluchées et cuites à l’eau, accompagnées de carottes, chouxraves, poireaux, poires. Le bouillon alors remplaçait la soupe du soir, on y trempait Une grange à blé et un petit jardin potager délimité par du pain noir et un peu de fon- une cllènda l’enclos caractéristique en bois (archives tine si on en disposait. Ceci, BREL - fonds Bérard) naturellement pas tous les jours. De norme, le soir c’était la soupe, parfois mi-lait, avec une poignée de riz et un peu de spaghettis brisés, le plus souvent aux légumes : poireaux, lentilles, courges, fèves, haricots et avec de l’orge pilé (lo peló). Les pâtes et le riz étaient des denrées que l’on utilisait avec parcimonie parce qu’on ne les produisait pas, il fallait les acheter. Toujours est-il que les habitants de la Côte et ceux de la Plaine se moquaient les uns des autres en disant que les lentilles étaient le riz des Plan-ó et les fèves les pâtes des Quetassón. Durant la belle saison, à partir de la Saint-Joseph jusqu’à la SaintBarthélémy, on prenait aussi un ou deux casse-croû te (pain et fromage) que l’on mangeait à la campagne, pendant une halte durant le travail. Un rossegnón était également prévu pour les jeunes gens qui participaient aux travaux au clair de lune. Puisqu’il s’agissait souvent de travail bénévole, les jeunes gens s’attendaient à ce qu’on leur prépare quelque chose de bon, mais ce n’était pas toujours le cas : Nous allions faucher à la lune, au village d’Hers, pour deux personnes â gées. Nous étions 10, 12, et on travaillait jusque vers onze heures du soir, jusqu’à ce qu’on y voyait bien à la clarté de la lune. Et entre-temps ces deux vieux nous préparaient quelque chose à manger, un peu de rossegnó n, quoi… Et voilà , ils nous ont préparé la sôsa, alors nous on s’est dit : Boya can ! Ils ont un tas de vaches, ils peuvent bien nous donner autre chose… et alors nous avons chipé la marmite de 189 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE la sôsa et nous l’avons cachée dans le jardin potager, parmi les plantes de haricots. Les deux vieux ne savaient plus à quoi s’en tenir : « Mais… on nous a volé la marmite de rossegnó n ! » Alors, que faire ? Ils nous ont donné du pain et du du fromage et nous bien contents ! Quant à la sôsa, on en mangeait assez chez nous ! Ce régime alimentaire, somme toute assez varié, n’était pas celui des familles plus démunies. L’unique ressource de cette communauté, durant la première moitié du XXesiècle était l’agriculture, la plupart des familles possédaient des propriétés échelonnées à des niveaux différents, ce qui les obligeait à des transhumances saisonnières fort harassantes mais qui leur permettait de disposer d’une considérable variété de produits ; malgré cela bon nombre d’entre elles étaient vraiment à la limite de la survivance. Ce qui faisait la différence entre une indigence chronique et une pauvreté acceptable, c’était la propriété de prés et pâturages suffisant pour nourrir quelques têtes de bovins. Quelqu’un a dit, à juste titre, que la vache a été la mère nourricière des Valdôtains. Il est vrai que le lait, et donc le beurre et le fromage, jouaient un rôle capital dans l’économie vivrière des communautés rurales, et non seulement pour l’alimentation quotidienne car il s’agissait d’une marchandise prisée que l’on pouvait aisément vendre dans les bourgs de fond de vallée ou, à la rigueur, troquer avantageusement contre d’autres denrées dont on avait besoin comme le sel, le café, le sucre, les pâtes, le riz, la farine de maï s, le pain blanc, etc. Les familles qui avaient assez de biens pour garder un petit cheptel de 4-5 vaches n’avaient pas à se priver : elles étaient sû res de pouvoir toujours manger des deux mains… En hiver et au printemps, on se souciait de faire dè bontó, c’est-à-dire des réserves de beurre et fromage pour l’été, quand les vaches seraient parties à l’alpage. Aussitôt qu’on avait une quantité suffisante de beurre, on le fondait avec beaucoup de soin : on faisait cela à la vielle lune, en évitant la plan-etta dou boc è di pésón, on réglait le feu et on n’abandonnait jamais la marmite. Il fallait le faire monter trois fois, naturellement sans qu’il déborde et quand il était cuit à point (on devait voir le fond de la marmite) on l’écumait et on le laissait un peu refroidir, on le versait ensuite dans le doill que l’on rangeait jalousement à la cave. C’est peut-être un hasard mais au doill du beurre fondu est lié le plus terrifiant des récits fantastiques du Val d’Aoste, celui de Marion. On retrouve des variantes de ce récit un peu partout en Vallée d’Aoste, à Verrayes c’est la femme verte, à Étroubles la Tî ta rossa, dans la Haute Vallée Maria djana. Ce qui est sû r, c’est qu’il a certainement contribué à détourner les enfants du doill. La version connue à Verrayes est la suivante : Une fille qui s’appelait Guitta était allée chercher du beurre dans la cave et elle y avait trouvé, pendue par les pied au pla190 Quand on ne mangeait pas toujours des deux mains fond, une horrible femme verte qui se peignait et faisait tomber ses poux dans le doill du beurre. Elle avait dit à l’enfant de ne souffler mot à personne de sa présence dans la cave, autrement elle serait venue la croquer de nuit dans son lit. Effrayée, la fille s’était sauvée sans rapporter le beurre. Ne voulant plus retourner à la cave, elle avait été obligée de tout avouer. Pour la rassurer, le soir, ses parents l’avaient faite coucher entre eux, dans leur lit. Au cœ ur de la nuit, pendant que papa et maman dormaient profondément, Guitta avait entendu la voix de Marion, la femme verte, qui criait : « Marió n, Marió n, ou premé étsèló n Marió n, Marió n ou secó n étsèló n, Marió n, Marió n ou métèn dè mézó n Marió n, Marió n tè rodze ! » Et la femme verte avait dévoré la petite fille sans que ses parents ne s’en aperç oivent ; au matin, ils n’ont plus retrouvé qu’un petit tas d’os au pied du lit. Normalement c’était la doyenne de la maison qui allait chaque jour chercher le beurre à la cave, une cuillerée ou deux pour assaisonner les repas du jour. Avec beaucoup de parcimonie. Contrairement à ce que l’on peut penser, l’hiver n’était pas la saison la plus dure à passer. Durant cette saison, on avait en effet, peu ou prou, des réserves, la dzie des vaches qui avaient été à l’alpage, le pain frais, le vin nouveau, l’huile de noix, les pommes de terre et les légumes secs ou conservés tandis qu’au printemps, et surtout durant les premiers mois de l’été, les réserves étaient finies et n’y avait pas encore grand-chose à récolter… alors qu’il fallait tant travailler ! Ceux qui n’avaient qu’une vache ou deux et plusieurs enfants, avaient vraiment de la peine à joindre les deux bouts, pour la nourriture aussi. Voilà à ce propos le témoignage de A. A. née en 1902 : « En ce temps-là , une vache avait trois, quatre litres, c’était déjà beaucoup… puis ils voulaient garder le veau et avec beaucoup d’enfants… et puis encore faire du fromage et du beurre, que veux-tu qu’ils puissent faire… Ils en gardaient plein un petit bol, juste pour les plus petits… les autres… » Dans les familles plus démunies, on palliait à la pénurie de beurre par l’huile de noix dont la production était encore abondante dans cette zone au cours des premières décennies du siècle passé, comme le prouve ce passage tiré du manuscrit du chanoine P.-L. Vescoz, Quelques notes sur la commune et la paroisse de Verraye, édité en 1995. 191 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Les noyers y acquièrent parfois des proportions remarquables. Remarquable, entre autres, pour sa forme semi-sphérique comme pour son ampleur et son élévation était celui de la famille Navillod, du Moulin, à un trait de fusil au nord de l’église, isolé au milieu de la prairie. Dans les années de bonne récolte, deux hommes étaient occupés deux jours à abattre les noix. On choisissait ordinairement pour cet effet de bons troubadours qu’on se plaisait à entendre chanter des chansons valdô taines. Précieuse pour son apport en substances nutritives, l’huile de noix servait à assaisonner non seulement le potage du soir mais aussi les salades et les fricassées de légumes qui accompagnait la polenta de midi. En plus, on pouvait utiliser aussi le résidu de sa fabrication, le troillet : « … Pour nous, le petit déjeuner… on nous donnait un morceau de troillet avec deux pachó n : ç a c’était notre petit déjeuner, bien souvent ; parfois des châ taignes grillées, on se les comptait entre nous les enfants, parce qu’il ne fallait pas donner aux uns plus qu’aux autres, autrement c’était la dispute… » Troillet, pachón (poires cuites et séchées au four) et châtaignes grillées n’étaient pas la règle, ni l’exception d’ailleurs, pour le petit-déjeuner. Le nombre de ceux qui n’avaient pas de quoi manger des deux mains n’était pas négligeable. Les témoins âgés qui racontent leur enfance marquée par les privations et les renoncements, le font presque toujours avec une sorte de détachement : ils ont pris du recul, le temps est passé, les choses ont changé et, malgré tout, eux sont encore là… Cependant à travers les pauses, les silences, les non-dit parfois un sentiment perce, un mélange de regret et de détresse. Certains le disent : « Adón qu’on areu medzè de roc, on ae po, ea què y a de tot, on a pomé voya de gneun » (Alors qu’on aurait mangé des cailloux, on n’avait rien et maintenant qu’on a de tout, on n’a plus envie de rien… » 192 Goû ts, odeurs, parfums en mémoire : un patrimoine immatériel ? Valentina Zingari Dans le cadre du programme européen Interreg III, “ paysages à croquer” , j’étais chargée d’une étude ethnologique que je voudrais rapidement présenter pour tracer le contexte de mon intervention à ce colloque. Cet étude se relie à un chantier de réflexion qui a réuni autour du “ patrimoine rural” un groupe animé par la FACIM (Fondation pour l’Action Culturelle Internationale en Montagne) en Savoie, dans l’objectif de repenser ce patrimoine au miroir des transformations de la société contemporaine, et de la demande d’un tourisme culturel en quête de terroirs, traditions, “ authenticité” . Le programme “ Terres des Alpes” , imaginé sur le modèle des “ chemins du baroque” 1, se veut parcours de découverte de la diversité des territoires (paysages, architectures, savoir-faire et traditions) qui composent la Savoie, et en particulier la Savoie alpine. J’étais chargée en 2001 d’un premier volet d’étude ethnologique dans le cadre de “ Terres des Alpes” , sur la commune de la “ Compote en Bauges” , connue pour ses architectures et une forte vitalité de son économie pastorale. Le deuxième volet du chantier se poursuit en Tarentaise, près de la frontière avec le Val d’Aoste, où l’adret, nommé versant du soleil, avec ses villages, les traces des terres cultivées, les riches vergers, les vignes situées en contrebas des villages vers la vallée, les près de fauches et les alpages qui regardent l’ubac, versant froid, vert de forêts, où au fil du XXe siècle les stations de ski se sont développées, a été choisi comme territoire particulièrement intéressant pour étudier ce qui se transmet, au présent, de l’héritage d’une culture alpine en profonde mutation. Le vis-à-vis (économique, sociale, symbolique…) entre ce versant, marqué par l’emprise d’une forte culture agro-sylvo-pastorale confronté à son déclin et le versant des stations, qui a polarisé l’économie de la vallée à partir du milieu du XX siècle, est aussi un élément significatif dans le processus d’interprétation de la société de montagne et ses dynamiques actuelles. 193 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE J’ai choisi, à l’occasion du colloque qui nous réuni autour de “ l’alimentation traditionnelle” , trois extraits de me entretiens avec deux femmes et un couple, qui habitent deux communes du versant de soleil, la commune de Chapelle et la commune de Valezan, pour essayer de réfléchir avec vous sur la valeur de ces témoignages en tant que : – Outils d’analyse et compréhension des savoirs et pratiques présentes dans les diverses expressions de la culture de ce territoire, (paysages visibles à interpréter, mémoires vivantes, traditions culinaires, fragments des expériences passées choisies pour se présenter et se transmettre) mais significatifs aussi pour la région alpine dans son ensemble. – Moyens pour accéder à un système de valeurs, une esthétique, une poétique sous-jacente la “ mise en récit” d’un ensemble de mémoires (olfactives, sensorielles, gustatives). La nostalgie d’un parfum ou un goû t lié à l’évocation du vécu, est un élément fort pour nous initier au voyage de connaissance. Je voudrais soulever la question méthodologique de l’intérêt du récit de vie comme trace qui nous guide, au delà du processus documentaire de collecte d’informations, vers la rencontre avec des “ formes de vie” (Wittgenstein, 1967). Il s’agit de conjuguer une réflexion sur les caractères d’un modèle narratif avec ses traits d’universalité (Ong. 1982 ; Ricœur , 1983), et l’ouverture imaginative qui transforme le passé raconté en vaste répertoire d’expériences, “ passé imprévisible” , “ expérience vécue du temps” plus que histoire (Clemente, 2000). « Moi l’ ambiance du village, c’ est les odeurs… c’ est cette odeur d’ iris qui me poursuit, que j’ aime, cet odeur de vigne… il y avait l’ odeur du pain, l’ ambiance de ré jouissance… » Le premier extrait que je vous propose présente un “ parcours patrimonial” à travers les odeurs d’un village, la village de Montméry, raconté par Germaine B. qui se souvient du pays de son enfance. Toute une économie et une vie sociale se dégage de son récit. À partir du souvenir ému de son père, “ petit agriculteur” qui était aussi “ fournier” pour son village où venaient cuire leur pain les gens des communes voisines, à partir du parfum du pain chaud qui envahissait les rues de Montméry une semaine par mois, nous accédons à un riche tissu informatif qui dévoile les caractère de ce métier, l’organisation et le calcul précis de la farine, le bois, le levain, et à partir de là nous informe sur les familles de Montméry et d’autres villages qui venait cuire dans ce four, les métiers présents sur le versant, les cultures (la vigne, la pomme, le lait et le fromage, le bois, les fleurs…) pour arriver enfin à parler aussi des métiers “ importés” , comme la couturière de Paris installé dans les années 60 : les éléments du récit permettent de retracer toute une économie, une structure sociale et juridique, une sociabilité villageoise, autour du four (Maget, 1989). C’est aussi une poétique des espaces 194 Goû ts, odeurs, parfums en mémoire : un patrimoine immatériel ? du village, articulée autour du trio père-four-village, qui nous communique, à travers la visibilité d’un faisceau de relations, la densité de l’ambiance du village de Montméry, “ petite république, où on trouvait tous les corps de métier, à l’époque…” . La narration devient testament pour celui qui raconte, héritage pour ceux qui écoutent. Document historique et texte poétique. B. Et puis le métier de papa, aussi, un système rentier, il le faisait une fois par mois, il était fournier, aussi, je ne sais pas si ç a vous dit quelque chose. Il s’occupait du four du village, du four à pain, c’était transmis de père en fils, avant, je ne sais pas mais… le grand-père il faisait déjà ç a, et quand il a plus pu faire, il a donné à son fils, qui était là , un de premiers fils, qui faisait l’affaire… donc il s’occupait du four, il chauffait le four, il le nettoyait, il savait quand c’était chaud, et c’est lui qui enfournait le pain des gens qui venaient faire leur pain… Ca durait pendant huit jours, selon les commandes, mais souvent huit jours par mois, à ce moment là , oui… il faisait cuire 70 pains par fournée, c’est énorme. V. Pour vous, ç a devait ê tre quelques choses… B. C’était quelque chose, d’autant plus que, les dernières années où ç a a marché, « il est temps que tu apprennes, c’est toi qui fais le pain… » , donc, j’ai encore fabriqué le pâ ton, voilà , j’ai fait le pain. [… ] C’était… les gens venaient voir papa, premièrement, le jour où ils savaient, c’était assez régulier, donc ils venaient le jour où il savaient qu’il commenç ait à nettoyer le pétrin, donc ils disaient, « j’ai tant de kilos de farine » . Donc, d’après les kilos de farine, ils savaient, c’est lui qui préparait le levain, combien il fallait qu’il prépare du levain, il faisait cinq jours avant, je crois, son pâ ton, il le laissait faire monter, dans une caisse en bois, je la vois bien, une caisse en bois avec un couvert, les gens venaient, ils savaient combien il fallait de levain pour la farine, et selon qu’ils avaient donné de levain, les gens lui devaient tant, en pain, donc… tant de grammes de levain, ç a faisait tant kilos de pain, je ne sais pas… [… ] Je ne sais pas si on peut parler de boulanger, mais c’était le fournier, quoi, il savait faire le pain et surtout le faire cuire, il fallait pas qu’il y ait des mécontents, pas que le pain brû le… c’était du travail, pendant six jours, c’était jour et nuit, le four ne s’arrê tait pas, une fois la fournée cuite, sortie, il chauffait pour la fournée d’après. Les gens dans l’autre pièce à cô té, là il y avait le fournil, avec un grand chaudron en cuivre, très haut, pour faire chauffer l’eau, on met de l’eau chaude dans la farine, pour faire lever le pain, dans la pièce à cô té, ç a faisait plus frais, c’est là qu’il y avait plusieurs… sept pétrins, plus grands que la table, les gens venaient brasser leur farine pour faire leur pain, voilà … V. Ca doit vous faire des souvenirs, de votre papa… B. Oui, le papa et puis l’ambiance du village, par ce qu’on sentait les odeurs, moi l’ambiance du village, c’est les odeurs, quand je fais… d’abord c’est 195 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE rare si j’y vais pas une ou deux fois par an à Montméry, histoire de m’y promener, parce que maintenant il n’y a plus que mon frère célibataire qu’y habite, on a pas l’occasion d’y aller souvent, mais c’est les odeurs, les odeurs que… l’odeur du miel, l’odeur des iris qu’on avait, tout le long, dans les jardins, sur tous les murs il y avait des quantités d’iris, c’est cette odeur d’iris qui me poursuit, que j’aime, cette odeur de vigne, il y avait des tas de treilles, sur tous les murs, il y avait des treilles de vigne… il y a des vignes en bas, mais dans les villages, c’est rare la maison qui n’avait pas de treilles, devant les maisons. Alors quand la vigne fleurit, au mois de mars, ç a fait une odeur… voilà , tout ces odeurs, cette odeur de cidre, à l’automne, quand on fait le cidre, la pomme, beaucoup de pommes, on mettait ç a pas en bouteille, en tonneau, et l’odeur du pain, l’odeur du pain, il y avait l’odeur du pain, l’ambiance de réjouissance, on savait que quand on allait là -haut, on rencontrait quelqu’un, parce qu’il y avait toujours quelqu’un des villages des alentours, il n’y avait pas que les gens de ce village, il y en avait plein qui allaient là -bas faire du pain. Oui, d’ici, les gens de Chapelles, aussi… [… ] Montméry, c’était Montméry surtout, la maison était restée… le four, la maison, la mieux entretenue, la plus nouvelle, je ne sais pas, mais il faut dire aussi que Montméry, c’était une petite république, quand j’étais jeune, à Montméry, on trouvait tous les corps de métiers, c’était… quand j’y repense, et mê me à l’époque, on s’étonnait, il y avait tous les corps de métiers, on avait, par exemple, une menuiserie, les fours, c’était important, les gens de toute la commune, venaient cuire leur pain, faire leur pain… alors, on entendait la menuiserie, on avait un charron, celui qui faisait les charrettes, je me souviens très bien l’avoir vu chauffer son four pour mettre autour de la roue, de la charrette, on avait un forgeron, c’était son fils, lui préférait faire la forge plutô t que le charron, on avait une équipe de maç ons, une couturière, qui était partie de Paris et s’était installé à Montméry, elle était partie étant jeune à Paris, et… elle était revenue, comme elle avait travaillé un peu sur Paris, elle s’était installé, elle prenait mê me des stagiaires. Oui, oui, une couturière. Une équipe de maç ons, et puis des grosses fermes, des grosses maisons de fermes… oui, il y a donc les odeurs, du pain, quand le pain chaud sort… nous on habitait presque au fond du village, on disait, « oh, papa sort le pain ! » , et on montait parce que, le pain, il avait droit, mê me si c’était pas lui qui le faisait ce jour là , lui souvent il le faisait en dernier, on avait toute la semaine droit au pain frais, chaud, mê me, on adorait ç a… puis on avait les odeurs de fabrique de… lait, parce qu’il y avait aussi une fruitière, on appelait ç a une fruitière, une fromagerie, donc les gens apportaient leur lait, et on faisait le beaufort, nous aussi… « On faisait aussi le pain de seigle. Mais on faisait donc, ce froment qu’ on appelle d’ automne, qu’ on faisait moudre, où là on avait de la belle farine… » En s’éloignant du regard de l’espace villageois, à travers les paroles d’Isabelle P., les souvenirs du pain, des blés, des farines, nous guident sur les 196 Goû ts, odeurs, parfums en mémoire : un patrimoine immatériel ? pas d’une culture céréalière diversifiée, fruit d’une adaptation aux contraintes climatiques, à la pente, au rythme de saisons. Les farines, farine de seigle et de “ froment d’automne” , sont en mémoire pour raconter un pays de champs qui entourait les villages, et où la diversité d’espèces et des pratiques est mobilisée pour dire la complexité des savoirs et des valeurs à transmettre (les riches descriptions des champs de seigle et froment ne sont pas présentées dans ce texte). Les blés (au pluriel) cultivés, emmenés au moulin, les “ belles farines” , “ bien triées” du son qui allait pour l’alimentation des animaux, leurs couleurs, leur texture et leurs goû ts deviennent souvenirs du pain travaillé, cuit, gardé dans les greniers et suspendu aux étalages dans les paniers à pain, repères d’époque. Après le pain, c’est la “ crê cha” , une galette issue de une dernière opération de récupération de la pâte du pain de seigle mélangée avec de la farine de froment, qui est présentée comme synthèse du “ bon goû t” des farines locales, “ naturelles” , non traitées, qu’on “ aimait” et qu’on partageait en famille mais aussi dans les champs et en montagne, où le casse-croû te accompagnait le travail. Entre nature et culture, diversité biologique et savoir-faire, ce pain est synthèse d’une culture et d’un temps. La diversité des espèces céréalières et leur “ naturalité” la part des hommes et la part des animaux, les déplacements au moulin et les techniques de raffinement des farines, le rythme de cuisson, (une fois par mois), l’organisation du travail, le goû t du produit final, les techniques de conservation, les habitudes de consommation : tout rentre à structurer la mémoire du pain. Bien plus q’un simple produit… V. C’était que pour la consommation, les céréales ? I. Pour les bê tes aussi, comme le seigle du printemps il est beaucoup plus mince, il faisait pas tellement bien de la belle farine. Alors on faisait concasser pour l’hiver, on portait au moulin à Aime, on laissait brut, pour les bê tes. De la farine complète, comme on dit maintenant… V. Et vous, le pain ? I. On faisait aussi le pain de seigle. Mais on faisait aussi, donc ce froment qu’on appelle d’automne, qu’on faisait moudre, où là on avait de la belle farine, blanche, on en avait pour toute l’année pour faire nos cuisines. [… ] Il y avait le boulanger, le propriétaire était boulanger, il faisait le pain pour la commun… , alors l’hiver on faisait une fournée, nous on était nombreux, 11 tous les jours. On était du monde, on faisait la fournée complète. Puis l’hiver le pain se garde mieux, il fait plus froid, en été il sèche plus, puis l’été on en mange beaucoup plus, on faisait beaucoup de casse-croû tes. Ç a faisait loin pour travailler on rentrait pas à la maison, à la vigne on emportait toujours le casse-croû te, alors le pain… puis les jeunes le pain ç a va… puis il n’y avait pas les choses de maintenant, les barres chocolatées. Le pain, un peu de fromage, un peu de chocolat, du pain de seigle… il était très, très bon, le pain de seigle ! C’est pas comme maintenant, vous allez acheter le pain 197 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE de seigle, il est pas bon, il est amer comme tout… moi je me régalais avec mon pain… la farine était normale, elle était pas traitée, les blés n’étaient pas traités, ni avec de l’engrais, il n’y avait rien, puis alors c’était bien tiré… tout ce son, dans le son, il y avait encore de la farine, c’était tellement bien trié, dans les minoteries, vous savez, on avait que de la belle farine de seigle, le reste était pour les bê tes. Le seigle, puis un peu de froment pour les poules, parce que les poules si elles avaient pas du froment elles mangeaient pas ! (rires), le seigle était plus amer. Elles étaient gâ tées, il fallait leurs donner un peu de froment… A. D’ailleurs le pain, dans le temps on appelait de seigle… ce goû t… j’aimais bien I. Il était un petit peu gris, et il restait bon jusqu’à la fin. On avait, vous savez les paniers à pain, dans les greniers, en longueur, on avait chacun dans les greniers tous ces étalages en longueur, des cloisons… vous avez vu par-là ç a, vous ? Il y en a qui en ont encore dans les greniers. V. On faisait le pain de temps en temps… I. Oh, nous on allait bien ç a toutes les trois semaines, un mois, faire notre pain… l’été on faisait la demi-fournéee, il fallait y aller souvent, tous les quinze jours, à peu près. On allait faire… il fallait porter son sac de farine, ce qu’il fallait. Après, en faisant le pain, on pouvait faire ce qu’on appelait la “ crécha” , c’était de la pâ te, [… ] du pain, quand on faisait notre pain, il fallait laisser lever, puis après on re-empâ tait, on disait, c’était plus clair, on re-empâ tait la farine, comme on fait un peu les bugnes, ou une tarte, puis après on faisait notre pain, puis on avait nos paniers, le boulanger nous prê tait ses paniers, il y avait un panier par pain. Alors on mettait, on avait l’habitude, on mettait ç a par-là puis on laissait encore lever. Un peu, puis on enfournait, alors… ç a faisait comme un peu une galette… Alors, ç a, ç a faisait comme du pain, mais alors si on prenait de la pâ te, qui avait été donc levée, du seigle, on la rempâ tait avec de la farine de froment, alors ç a, ç a faisait la “ crécha” , ç a fait un peu… pas brioche, c’était pas sucré, mais alors c’était meilleur que le pain blanc. Et pourtant c’était du seigle et de la farine de froment, qu’on empâ tait, puis on mettait aussi dans des paniers, alors là , le boulanger il aplatissait un petit peu… un petit peu plus plat, nous on en faisait toujours plusieurs, parce que ç a durait pas longtemps ! [… ] nous c’est de la farine naturelle… « En montagne on faisait des fois la “pila”, vous savez, avec du lait et de la farine… c’ est diffé rent en haut, le lait est meilleur en montagne qu’ en bas… » En dehors des champs et des villages, dans le monde d’“ en haut” , au pays de l’herbe, du lait et des alpages, un pays situé hors les frontières du finage 198 Goû ts, odeurs, parfums en mémoire : un patrimoine immatériel ? (Zonabend, Jolas, Verdier, Pingaud, 1990) deux univers, proches et en même temps bien identifiés dans leur différence, se succèdent : les montagnettes, petits alpages privés exploités pendant la saison intermédiaire avant et à la fin de l’été, et les grandes montagnes, alpages d’été souvent organisés selon les déclinaisons variables du fruit commun, forme de gestion collective en “ groupement pastoral” . Nous retrouvons les circuits de mobilité qui caractérisent les sociétés alpines dans leurs mouvements saisonniers entre espaces différents et complémentaires, les “ stratégies productives mixtes” bien étudiés par l’anthropologie alpine (Viazzo, 1990), dans une mise en récit poétique. Comme Isabelle P., de Valezan, le raconte dans l’extrait d’entretien qui suit, ce sont souvent les femmes et les enfants, grâce aux dérogations qu’on pouvait obtenir des écoles, qui géraient ces alpages. Le souvenir d’un plat à base de lait et farine, la “ pila” , est repère pour parler du goû t du lait de montagne, différent de celui qu’on buvait “ en bas” , dans le village, du parfum des herbes qu’on retrouvait dans le lait et dans les préparations de “ plats de montagnettes” , d’une vie de montagnettes enfin, aux caractères propres. Quels sont les aspects qu’on peut saisir au fil de ce récit ? La dimension intime des montagnettes, où la famille se retrouvait à vivre dans un “ entre-soi” en dehors du cadre de la vie villageoise, les relations qu’y se tissaient entre familles des montagnettes voisines qui pouvaient se retrouver le soir pour des veillées, ce qui ouvrait la sociabilité à des réseaux autres que ceux déterminés par la résidence au village, le caractère d’espace distant (la montagne), mais en même temps pas si distant que les “ grandes montagnes” , intégré dans le tissu d’une vie sociale et religieuse (par le biais des bénédictions, processions et messes qui avaient lieu dans les chapelles d’alpages) convergent à créer une poétique de l’espace, qu’on ne retrouve pas dans les récits des “ grandes montagnes” . I. En montagne on faisait des fois la “ pila” , vous savez, avec du lait et de la farine, comme avec une sauce blanche, du lait, entier, on mettait du bon lait, ils appelaient le bon lait, c’était du lait entier, une fois qu’on l’avait écrémé c’était plus aussi… puis ils mettaient un peu de farine, je ne sais pas, pour une famille bien deux ou trois cuillerées de farine, au moins, avec un petit bâ ton, c’était comme celui qui brassait la polenta, ils brassaient bien ç a, avec du sel, et puis ils laissaient cuire, pas faire trop grand feu, parce qu’autrement ç a coagule, ç a faisait comme une sauce blanche, mais c’était lait, farine, sel. Quand on faisait la “ pila” les gosses se régalaient, ils mangeaient ç a… il y en avait qui mettaient le pain dedans. V. C’était un peu le plat… I. C’était un peu le plat des montagnettes, un peu comme les pommes de terre au lait… ils faisaient pas cuire les pommes de terre, il fallait mettre les pommes de terre crues, puis couvrir de lait, on préparait ç a dès le matin, puis on le laissait tremper, quand on allait rentrer les vaches on faisait cuire, parce que ç a se gardait aussi, le lait… dans les marmites à la 199 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE montagne… c’est différent en haut, le lait est meilleur en montagne qu’en bas. Vous faisiez les pommes de terre au lait en montagne, c’était bien meilleur qu’en bas, c’est l’herbe qui fait ç a. Elle est plus fraî che, c’est pas le foin… « Il y avait la messe, pendant qu’ on é tait dans les alpages, et puis aprè s il faisait une tourné e, tout le monde lui donnait une tomme, une plaque de beurre, pour bé nir la montagnette, les gens, les animaux… » Dans les fragments du récit du couple J., dans le hameau de Villarivon, les montagnettes sont racontées comme alpages de famille, les seules “ montagnes” fréquentées par les éleveurs qui donnaient ensuite leurs bêtes en location dans les grands alpages pour la saison d’été, pour se consacrer au foin. La tomme et le beurre donnés en offrande à la sainte Antoine, les bénédictions et les veillées d’automne, sont éléments forts qui caractérisent ces espaces, une montagne largement partagée par les familles, femmes et enfants, appartenant aux groupes divers qui composaient la société locale ; ce sont aussi des espaces-lien à travers les changements d’époques, autres par rapport aux grandes alpages de la spécialisation pastorale et du beaufort qui imposera ses rythmes de production et de marché à partir du XIX siècle. Ce sont les “ petits alpages” de la tomme, repères d’une montagne des remues, de polyculture, des rituels, de sociabilité. V. Il y avait une bénédiction d’alpages ? F. Oh là ! Tous les ans ! Oui, quand les gens étaient à la montagnette, au mois de juin, parce que la grande saison d’alpage démarre le 24 juin, les grandes montagnes où on les met pour tout l’été. Pour nous, les grandes montagnes n’existaient pas. [… ] alors jusqu’au 24 juin on avait les bê tes ici qu’on mettait dans les montagnettes, toutes les familles avaient la leurs, chacun la sienne et on y allait tous jusqu’à cette date, et alors le curé faisait la tournée, il faisait une messe à Saint-Antoine, parce qu’il y a une chapelle dans ces petits alpages qui s’appelle Saint-Antoine, il y avait la messe, pendant qu’on était dans les alpages, et puis après il faisait une tournée, tout le monde lui donnait une tomme, une plaque de beurre, pour bénir la montagnette, les gens, les animaux… oui, tous les chalets, et nous on faisait toujours une offrande, chaque montagnette. Du beurre, du fromage… G. Oui, c’est les femmes qui allaient aux montagnettes. En générale, avec les enfants. Alors on avait toujours une dérogation, on allait à l’école jusqu’au mois de juin, nous. Depuis le 20 mais… c’était tout fini. La plupart, il y en avait qui restaient en bas, l’année du certificat d’étude, ils restaient en bas, autrement ils allaient tous, ils étaient contents, c’est bien, comme ç a c’était fini, c’était les vacances. Puis ils aidaient aussi, ils savaient tenir un bâ ton… 200 Goû ts, odeurs, parfums en mémoire : un patrimoine immatériel ? F. Ils faisaient des veillées, dans les montagnettes. Beaucoup, ç a se faisait à l’automne, parce qu’on y allait à deux époques, dans les montagnettes, au printemps, je vous ai dit, de la fin mai jusqu’au 24 juin, et puis alors l’automne, quand les vaches revenaient des grands alpages, à la Saint Michel, qu’on repassait dans les montagnettes. Pendant quinze jours, trois semaines, ç a dépendait le temps qu’on passait… à cette époque, c’était aux mois d’automne, les gens veillaient, comme les jours sont plus courts, ils allaient d’un chalet à l’autre, à la veillée, les uns chez les autres… Sur le versant du soleil en Tarentaise, le parfum du pain de seigle, le bon goû t du lait de montagnettes, lait “ d’herbe fraî che” , la tomme et le beurre donnés au curé en échange d’une bénédiction, sont repères symboliques d’un monde en mémoire. Les récits des ancêtres, biens culturels immatériels et invisibles qui se concrétisent en bandes magnétiques, archives sonores, transcriptions et publications, véhiculent et transmettent les sens profond des paysages et des produits (biens matériels…) dont nous nous efforçons de valoriser la qualité. N O T E Vers la fin du XXe siècle, (voir les “ précédents” entre 60 et 80, suite aux ruptures provoquées par les guerres et les bouleversements socio-économiques de l’industrialisation…), à l’occasion des Jeux Olympiques de 1992, le milieu des politiques culturelles souhaite enraciner l’image de la Savoie dans son histoire propre, “ densifier” cette image, la décentrer par rapport à un développement industriel et touristique, basé sur la monoculture du ski, les infrastructures routières, les pôles industriels. La création de la FACIM exprime une volonté politique visant à rendre visibles les traces culturelles d’une “ Savoie région alpine” et européenne, face au malaise d’une histoire en retrait. Il s’agit aussi de redonner légitimité aux territoires de vallées et à des patrimoines culturels, entre “ monuments” , “ traditions” et “ esprits de lieux” , en évitant les pièges de la folklorisation et du passéisme. Trois programmes de valorisation sont lancés l’un après l’autre, un quatrième vient d’être mis en place. Les “ Chemins du baroque” proposent aux regards des visiteurs la question du patrimoine religieux, des lieux de culte, d’architectures et d’arts populaire comme traces fortes d’une montagne sacralisée, riche de repères de son “ patrimoine historique” et “ spirituel” . Les chapelles baroques sont reliées par des réseaux de visites et des animations artistiques. “ Terres des Alpes” pose la question du patrimoine rural en terme de paysages de qualité, des traditions locales et savoir-faire, à partir des repères matériels (typologies des maisons paysannes, fours, fontaines, villages, sites, paysages) valorisés en tant que marques d’une inscription humaine dans l’espace à travers le temps. “ Pierres fortes de Savoie” , programme (ouvert à l’Europe par le biais d’INTERREG) de valorisation des fortifications, oblige à ouvrir les frontières de l’histoire politique et militaire de la Savoie. Il sera point de départ d’un ensemble de travaux entre l’histoire, le droit, l’anthropologie. Ce programme nourri une réflexion qui vise à repenser la Savoie, la situer dans l’histoire européenne, s’interroger sur ses populations et ses territoires historiques, réfléchir aux enjeux de mémoire. La question d’une identité de la Savoie est posée par rapport à la question des frontière culturelles vives et des confins politiques flous, au grés des changements des politiques régionales, nationales et internationales… 1 201 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE du moyen âge des marchands et des pèlerins en passant par la ligne Maginot des Alpes jusqu’aux frontières ouverte d’une Europe qui redécouvre les mouvements et les liens des ses populations à travers l’histoire. Le programme “ Pierres fortes de Savoie” sera aussi point de départ d’une série des travaux ethnologiques de collecte d’oralité. Le vécu des populations frontalières, leur mémoires, leurs récits, peuvent devenir “ document” pour une histoire qui ose ouvrir les frontières de sa pensée institutionnelle. La mémoire du siècle, mise en récit, transmise par des individus, acteurs et témoins, est interrogée et identifiée comme un lieu “ bon à penser” . La vague de patrimonialisation touche aussi les Stations de ski, avec le programme “ Archipels d’altitude” , où l’utopie des architectes et acteurs de cette page de l’histoire alpine est traitée comme fait de société et marque d’une culture de la modernité innovante. Outils de développement touristique, ces programmes sont un indicateur intéressant d’un “ tourisme culturel” qui sort de l’enceinte de la ville pour découvrir, suivant une logique d’“ itinéraire culturel” des territoires « façonnés » par les activités humaines … entre milieu naturel, monument et objet d’art … le patrimoine culturel est rural, comme religieux, militaire, touristique. B I B L I O G R A P H I E BERTHIER, Bruno, Recueil d’écrits sur le versant du Soleil, FACIM, 1995. CLEMENTE, Pietro, Il passato imprevedibile, Primapersona 2, 1999. CLEMENTE, Pietro, Le gouvernement du temps. Notes sur l’arrivée du millenaire, Ethnologie française 1, Pliures, coupures, césures du temps, 2000. CLIFFORD, James, MARCUS, George, Scrivere le culture, Poetiche e politiche in etnografia, ed. Meltemi, Roma, 1997. COLE, John, WOLF, Eric, La frontiera nascosta. Ecologia e etnicità tra, Trentino e sud Tirolo, ed. Museo degli Usi e Costumi della gente Trentina, 1993. Comunità alpine. Ambiente, popolazione e struttura sociale nelle Alpi dal XVI secolo a oggi, Il Mulino, Bologna, 1990 (2a edizione riveduta e ampliata: Carocci, Roma, 2001). MAGET, Marcel, Le pain anniversaire à Villard d’Arène en Oisans, Paris, Éditions des archives contemporains, 1989. MAGET, Marcel, Il pane annuale, comunità e rito della panificazione nell’Oisans, ed. Museo degli Usi e Costumi della gente Trentina, 2004. MAGET, Marcel, Remarque sur le village comme cadre de recherche anthropologique, bulletin de psychologie n. 8, Paris, 1985. ONG, Walter, Oralità e scrittura, le tecnologie della parola, Bologna, 1986. 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Adelphi, Milano, 1975. 202 Un bon repas de moine : un regard dans les cuisines des anciens couvents d’Aoste Maria Costa Le 10 septembre de l’année 1504, deux ecclésiastiques valdôtains, le prévôt de Saint-Gilles de Verrès, Charles de Challant, et le curé de la paroisse de Verrayes, Philibert Rosset, accompagnés du châtelain de Châtillon et d’un certain Claude de Croso, noble, arrivent à Aoste avec leurs suites : ils sont accueillis à la Collégiale de Saint-Ours, dont le prieur est à l’époque Georges de Challant, cousin du susdit prévôt de Saint-Gilles, personnage que l’historiographie locale a confié à la postérité comme grand mécène et amphitryon raffiné. Pour les repas de la comitive, qui s’arrête trois jours à Aoste, les registres de comptabilité de la Collégiale inscrivent, dans les dépenses, l’achat de viande de bœuf et de mouton, de chapons et de perdrix des neiges, de pain, d’épices et de raves.1 Les illustres convives sont d’ailleurs des habitués de la Maison : Claude de Croso loge souvent à Saint-Ours où une chambre du prieuré lui est réservée ; il en est de même pour Charles de Challant et sa mère, la comtesse Marguerite de la Chambre. Preuve en est, par exemple, que, après ces trois jours passés à Aoste, le prévôt de Saint-Gilles, redescendu à Verrès, remonte à Saint-Ours déjà deux jours après ; le soir du 14 septembre il prend son dî ner au prieuré : on achète pour l’occasion du poisson frais, du cresson, des œufs, des anchois ; au déjeuner du lendemain, on lui sert des perdrix, des grives et de la viande de veau, le tout bien assaisonné d’épices.2 Quant au curé de Verrès, Philibert Rosset, qui est souvent de la partie, il semble apprécier particulièrement les escargots, car on enregistre cet achat dans la comptabilité de la Collégiale lors de son séjour au prieuré. Si l’édition, en 1998, des Computa Sancti Ursi, les registres des revenus et des dépenses rédigés à l’époque de Georges de Challant, a permis de recueillir une véritable moisson de données sur les composantes des mets figurant sur la table du prieur et des chanoines,3 on possède beaucoup moins d’informations et, en tout cas, assez incomplètes, en ce qui concerne les habitudes alimentaires des 203 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE différentes congrégations religieuses installées sur le territoire. On a vu que le prévôt de Saint-Gilles, Charles de Challant, faisait toujours bonne chère lors de ses séjours à Saint-Ours, sans doute aussi en considération de sa dignité, ainsi que de sa parenté avec le prieur de la Collégiale. On a tout de même raison de croire que les réfectoires des chanoines de Saint-Gilles n’étaient pas des plus pauvres si, en mars 1360, un certain Petrus, fils de noble Vioninus de Gignio, passe un contrat de pension viagère par lequel il cède à la prévôté de Verrès une maison forte à Aoste avec les rentes qui en dérivent, et il en reçoit, en échange, le logement, des habits et des souliers neufs chaque année et “ un bon repas de moine par jour” , avec l’assurance en plus de ne pas être obligé à travailler ni à faire pénitence.4 Si le document de 1360 ne fournit aucune explication au sujet des contenus du “ bon repas de moine” que Petrus de Gignio s’était assuré par ce bizarre contrat, le Cartulaire de Saint-Gilles, rédigé en 1784 par le prévôt JeanBoniface Cavagnet, recèle, quoique indirectement, quelques détails supplémentaires. On y fait mention en effet d’un legs institué en 1319 en faveur de la prévôté de Verrès par un certain Jean, de la paroisse d’Arnad : pour l’anniversaire de son décès, celui-ci dispose, en plus des messes et des oraisons habituelles, que le prévôt et les chanoines reçoivent un bon repas consistant en trois genres de viande, du bon pain et du vin pur assaisonné d’épices ; on précise encore que s’il s’agira d’un mercredi, d’un vendredi ou d’un samedi, jours d’abstinence, les viandes seront remplacées par des rapioli suffisamment grands, toujours accompagnés par le pain et du bon vin aromatisé.5 Qu’on ne pense pas que les rapioli dont on parle ici puissent tout simplement correspondre aux ravioli de la cuisine moderne. Dans les traités de cuisine du bas Moyen Age on trouve, sous le nom de rapioli, plusieurs recettes dont la composante principale est la pâte de froment : par exemple, pendant le Carême et l’Avent, on servait aux chanoines de Saint-Ours des rapioli confectionnés avec de la pâte de froment assaisonnée d’épices, notamment de safran, et enrichie avec des œufs et du fromage de montagne, que l’on faisait probablement bouillir dans l’eau ou le bouillon ; mais l’on consommait aussi des mets en pâte que l’on faisait frire dans l’huile pour les servir à la fin du repas, ou pendant le goû ter, enrobés de sucre ou de miel. 6 L’omniprésente pâte de froment était encore utilisée comme enveloppe protectrice pour les pâtés en croute que l’on faisait cuire au four : mélange de poissons hachés et aromatisés aux épices – clous de girofle, noix muscade, poivre, safran – dans les pastillia des jours d’abstinence, ou triomphe de viande de veau – mais parfois aussi de chamois – mélangée aux tripes, aux œufs, au fromage et au beurre fondu, pour les “ tartes” ou “ tourtes” des menus des jours de fête, notamment des fêtes pascales.7 Le dénominateur commun de cette cuisine est représenté – on le voit – par un recours, plus ou moins abondant et diversifié, aux épices, que les classes pauvres devaient se contenter de remplacer avec les herbes aromatiques, menthe, persil, fenouil sauvage. La fonction des épices n’était pas exclusivement celle de garantir la conservation des aliments, comme on le croit communément aujourd’hui ; genre d’importation, produit de luxe, et donc symbole de distinction sociale, les épices qu’on achète d’habitude chez les apothi204 Un bon repas de moine : un regard dans les cuisines des anciens couvents d’Aoste caires, entrent dans la composition de la presque totalité des recettes de la cuisine du Moyen Age : dans les potages et les différentes purées de légumes, dans les plats de viande ou de poisson, notamment dans les sauces et les gelées qui les accompagnent, dans les mets préparés avec la pâte de froment que l’on vient d’évoquer – les rapioli, les pastillia, mais aussi les lasanie aromatisées au gingembre, poivre et safran, et les risoli, espèces de croquettes différemment enrichies de viande, cœur et poumon et généreusement épicées avec le safran, le poivre, le gingembre et la graine de paradis - nom évocateur de promesses surnaturelles bien plus que son synonyme cardamome – assiettes que les chanoines de Saint-Ours goû taient pendant les fêtes de Noël et les dimanches de l’Avent.8 L’emploi des épices, véritable trait distinctif du goû t et, à l’occasion, élément indispensable pour la réalisation de chromatismes raffinés – avec l’or du safran, par exemple, ou la couleur “ poil de chameau” de la cannelle – n’épargne pas, et pour cause, les “ sucreries” que l’on peut consommer à la fin d’un repas, à partir des dragées, confectionnées avec les fruits confits et épicés, enrobés de sucre, aux propriétés digestives, jusqu’aux vins aromatisés, nectar, claretus, yppocras, dont la préparation est maintes fois attestée dans les Computa de la Collégiale de Saint-Ours : pour ces boissons, aux pouvoirs tonifiants et digestifs, que les chanoines consommaient depuis la fête de Pâques jusqu’au temps de l’Avent, les jours de fête de cette période liturgique, on employait de préférence du vin blanc auquel on ajoutait du miel et des épices à volonté : cannelle, gingembre, clous de girofle, poivre, noix muscade, graine de paradis, coriandre.9 On a raison de croire, même si les documents sont à l’heure actuelle beaucoup moins riches à ce sujet, que les habitudes alimentaires des chanoines de la Cathédrale d’Aoste ne se différenciaient pas trop de celles de leurs collègues de la Collégiale. Le Liber reddituum Capituli Auguste, rédigé en 1302 par le chanoine Rodolphe de Fochia, atteste de plusieurs legs et donations que les fidèles et les chanoines mêmes avaient institué en faveur des réfectoires de la Cathédrale afin de s’assurer les prières de suffrage pour eux et les défunts de leur famille.10 En 1224, par exemple, le chanoine Anselme de Perron avait laissé à ses confrères de la Cathédrale, pour chaque année, 28 sols de Suse, 2 setiers et une hémine de froment, (le setier équivalait à 90 kilos environ et l’hémine à 22 kilos), 2 setiers de vin pur, 12 deniers pour l’achat du sel et du poivre, ainsi que le bois pour se réchauffer. Vers la moitié du XIII e siècle, un certain Richalmus de la noble famille des De Palacio avait fait une donation en faveur du Chapitre cathédral de la valeur de 2 setiers de froment annuel, 2 setiers de seigle, 4 setiers de vin et 21 sols pour l’achat de la viande et du poisson.11 Ces deux derniers aliments, scrupuleusement alternés selon les prescriptions du calendrier liturgique imposant très souvent des jours d’abstinence, constituaient avec les œufs et les fromages les composantes principales du menu des religieux : on mangeait, généralement, de la viande de bœuf, de porc ou de mouton ou encore des chapons et de la volaille, et du poisson salé, harengs et harengs saurs fumés, sardines, aloses, anchois, truites salées. Les Computa Sancti Ursi attestent aussi, à l’occasion, la consommation de gibier, chevreuils, 205 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE cerfs, chamois, lièvres, perdrix, ainsi que de poisson frais, que l’on achète des pêcheurs d’Aoste et de Villefranche, mais qui arrive aussi, exceptionnellement, du lac Léman : truites, anguilles, blanchailles soit menus poissons blancs, goujons, écrevisses. L’Extractus cæ rimoniarum de la Cathédrale, précieux manuscrit de 1553 concernant l’organisation du Chapitre, souligne, parmi les charges du chanoine économe et du maî tre de cuisine, le devoir de contrôler la quantité, la qualité et l’état de conservation des aliments à distribuer aux religieux, notamment, en ce qui concerne les viandes, qu’elles soient receptibiles et non viciate nec corrupte.12 Par un autre manuscrit, datant du XVIIIe siècle, également conservé aux Archives de la Cathédrale et titré Obligations du serviteur du maî tre-autel, on apprend que, parmi les charges du panetier, office confié à un prêtre chapelain, on prévoit le contrôle de la qualité du froment et du vin, qui devra être “ rouge et de bon goû t” .13 Ce même religieux doit se charger de distribuer aux chanoines de Saint-Ours, pour leur déjeuner, quand ils viennent assister à la grandmesse à la Cathédrale, un petit pain, deux quarterons de vin et de la viande, remplacée, pour les repas de maigre, par un peu de fromage, du sérac soit fromage frais et maigre, et une omelette. Pour son office il perçoit, entre autres, tout comme “ les révérends seigneurs chanoines” , un gros pain, un quarteron de vin et une livre soit 400 grammes environ de viande cuite avec son bouillon, remplacée, il va sans dire, pour les jours de maigre, par une livre de sérac et du fromage râpé.14 Le manuscrit de la Cathédrale rend compte aussi des aliments qui revenaient, pour leur service, aux cuisiniers et au serviteur de cuisine, aux marguilliers, au serviteur des messes et à l’administrateur des enfants de chœur. Quant à ces derniers, que l’on appelait d’ordinaire les Innocents et dont plusieurs auraient embrassé, par la suite, la carrière ecclésiastique, notre manuscrit ne leur accorde qu’une ligne pour sanctionner qu’ils « auront aux refectoires a plein et ordinaires, un petit pain et dejeuneront ».15 On n’en connaî trait pas davantage à ce propos sans le supplément d’informations qu’on a pu tirer de quelques autres documents conservés aux Archives capitulaires. En 1597, sur l’instance du chanoine économe, le vicaire général du diocèse, Jean-Pierre Guichardaz, ouvre une enquête sur l’administration des enfants de chœur de la Cathédrale, confiée à l’époque à un certain Jean Baudel. Toutes les déclarations faites par les témoins interrogés dans cette circonstance concordent sur le même point : le réfectoire des Innocents est tellement dépourvu du nécessaire que les enfants ne sont pas à même d’accomplir leurs tâches, « dicti pueri male se habebant – affirme un témoin – et non poterant cantare et deservire in choro predicte ecclesie ob deffectum necessariorum alimentorum… ».16 Un autre témoin, une servante, est beaucoup plus explicite sur ce point : les enfants reçoivent, d’habitude, du pain tellement dur qu’on est obligé de le couper avec la serpe, « panem valde durum quem non poterant scindere cultro sed oporte206 Un bon repas de moine : un regard dans les cuisines des anciens couvents d’Aoste bat uti securi… » ; très rarement et toujours en quantité limitée, on leur distribue du pain blanc, accompagné d’un peu de sérac ; de temps en temps « aliquando », ils reçoivent, pour le déjeuner ou le dî ner, du sang en friture ou de la viande salée avec un peu de raves cuites. La servante ajoute encore que les portions qu’elle aurait dû distribuer à chaque enfant étaient réduites de moitié par l’administrateur dont elle devait subir, à ce propos, les coléreuses réprimandes.17 Pour ces garçons qui, depuis leur entrée à la maî trise, vers l’âge de huit ans, jusqu’à leur sortie, vers dix-sept ans, n’avaient droit qu’à trois habits et une couverture, menacés par le spectre de l’ “ infirmité de poitrine” – les requêtes de quitter, pour cette raison, le service d’enfant de chœur, étaient fréquentes – les assiettes raffinées, pâtés en croute, rapioli, lasanie, volailles ou poissons farcis et accompagnés de sauces multicolores, sucreries, devaient représenter un rêve inaccessible. On quitte la maî trise de la Cathédrale, on redescend vers l’ancienne place Saint-François – l’actuelle place Chanoux – sans pouvoir toutefois entrer dans la cuisine du couvent des Cordeliers s’élevant autrefois à cet endroit, faute de documents d’archives qui puissent fournir le moindre renseignement à cet égard, et on essaie, par contre, de franchir l’enclos d’un autre monastère, confinant, du côté sud-est, aux propriétés des Franciscains. Une grande maison située à l’entrée de l’ancienne rue Cité (l’actuelle rue de la Porte Prétorienne) avait été habitée, à partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle, et jusqu’à la fin de l’année 1800, par la Congrégation des chanoinesses de NotreDame de Lorraine, instituée par saint Pierre Fourier. Si les archives du monastère aostois furent complètement dispersées à l’époque de l’occupation française comme celles des autres institutions monastiques de la ville d’Aoste, la bibliothèque du Grand Séminaire conserve un exemplaire des Constitutions rédigées par le saint fondateur et réglant, dans les moindres détails, la vie de ces religieuses. Des dispositions minutieuses et sévères concernent l’organisation des repas, ainsi que la nature et la quantité des aliments distribués. Les repas des jours exclus du régime d’abstinence prévoient du potage, une portion de quatre onces de viande, si possible de deux qualités différentes, bœuf, mouton, veau ou porc selon la saison, des fruits ou du fromage ; lors des jours d’abstinence, la viande est remplacée par des légumes, accompagnés d’un œuf ou d’un peu de poisson. Pendant les jours de jeû ne le potage est tout simplement suivi par deux œufs ou du poisson, ou bien encore du pain avec des fruits et, éventuellement, des herbes en salade, cuites ou crues. Chaque religieuse peut recevoir à tous les repas un demi verre de vin, alors que le pain est distribué sans aucune limitation. Les goû ters ou les petits repas, en plus du déjeuner et du dî ner, sont sévèrement interdits, sauf pour les religieuses malades ; les Constitutions statuent enfin qu’aucune religieuse « ne tiendra en sa cellule, ni sur soy, ni en autre lieu particulier écorce de citron, ni conserve, ni confiture, ni autre chose quelconque qui serve à la mangeaille » et que « si quelqu’une se trouve si mal apprise, si sujete à la gourmandise et si perverse que de manger sans licence hors du lieu ordonné, ou des heures prescrites à cela, elle en sera grièvement châtiée ».18 207 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Après toute cette rigueur, on veut terminer par une sucrerie : il s’agit d’une mousse de pommes au lait d’amandes que maî tre Chiquart, le chef de cuisine du duc Amédée VIII de Savoie, conseillait aux personnes malades, mais qui pourrait faire la joie, aujourd’hui, des gourmands les plus raffinés. La recette est tirée du traité de gastronomie composé en 1420 par M. Chiquart, titré Du fait de cuisine, qui a été intégralement édité, en 1985, dans la revue “ Vallesia” : « Emplumeus de pomes. Pour donner entendement à celluy qui le fera sy prennés de bonnes pomes barberines selon la quantité que l’on en vouldra faire et puis les parés bien et appoint et les taillés en beaulx platz d’or ou d’argent ; et qu’il hait ung beau pot de terre bon et nect, et y mecte de belle eaue necte et mecte bouillir… ses pomes dedans. Et face qu’il ait de bonnes amendres doulces grant quantité selon la quantité des pomes qu’il ha mis cuire,19 et les plume, nectoie et lave tresbien et les arouse du boullon en quoy cuisent lesdictes pomes, et quant ledictes pomes seront assés cuictes, si les tirés dehors sur belle et necte postz, et de celle eaue colle ses amendres et en face lait qui soit bon et espés, et le remecte boullir… et bien petit de sel. Et entretant que il bouldra si hache bien menut ses dictes pomes… et puis… les mecte dedans son lait, et y mecte du succre grant foison… ; et puis, quant le medicin le demandera, si le mectés en belles escuelles ou casses [assiettes] d’or ou d’argent ».20 N O T E S O. ZANOLLI, Computa Sancti Ursi, II, Quart (Vallée d’Aoste) 1998, p. 662. Ibidem, pp. 663-664. 3 Cf. à ce sujet, Computa Sancti Ursi, cit., 3 voll., passim et, en particulier, les Notes historiques et explicatives par M. Costa, vol. III, pp. 1397-1420 ; cf. aussi M. COSTA, Sapori e colori della cucina tardomedioevale nei “ refectoria” della Collegiata di Sant’Orso, in Sant’Orso di Aosta. Il complesso monumentale, a cura di B. Orlandoni, Aosta, pp. 281-285. 4 Archives de la prévôté de Saint-Gilles, Verrès, cart. VI, doc. 8. 5 E. TOGNAN, A. LIVIERO, Domus Sancti Æ gidii propriis membranis illuminata. Le cartulaire du monastère Saint-Gilles de Verrès-1784, in “ Archivum Augustanum” I, n.s., Aoste 2001, pp. 134-135. 6 Computa Sancti Ursi cit., passim. 7 Ibidem, passim et en particulier vol. III, p. 1160. 8 Computa, passim et vol. III, p. 1216. 9 Computa cit., passim et pp. 1171, 1203, 1233. 10 Liber reddituum Capituli Auguste, édition par A. M. Patrone, Turin, 1957. 11 Liber reddituum cit., pp. 125 et 131-132. 1 2 208 Un bon repas de moine : un regard dans les cuisines des anciens couvents d’Aoste Cf. J. THUMIGER, Trois manuscrits des Archives capitulaires d’Aoste, in “ Bulletin de l’Académie Saint-Anselme” (BASA), VII, n.s., Aoste 2000, pp. 413-416. 13 Ibidem, p. 483. 14 Ibidem, pp. 484-485. 15 Ibidem, p. 488. 16 Nous devons à l’obligeance de Mme Emanuela Lagnier, de nous avoir signalé ces documents. 17 Archives du Chapitre de la Cathédrale, B69B L2 1.19. 18 P. FOURNIER, Les vraies Constitutions des religieuses de la congrégation de Nostre Dame, seconde édition, Toul 1694, seconde partie, p. 177. 19 Les amandes jouaient un rôle important dans la cuisine du bas Moyen Age : on employait, par exemple, le lait d’amandes ou les amandes finement hachées pour donner de la consistance aux sauces ou aux potages. 20 Du fait de cuisine par maistre Chiquart, 1420, édition par T. Scully, in “ Vallesia” XL (1985), p. 194. 12 209 Tipicità e marketing territoriale Luigi Gaido Da qualche tempo, perlomeno nel nostro paese, si parla spesso di marketing territoriale facendo riferimento al territorio e alla sua promozione. È perciò lecito chiedersi se ciò corrisponda a reali esigenze, oppure se si tratti di un fenomeno di moda come ne esistono nel campo delle tecniche gestionali, tanto quanto in quelle sociali ed economiche. Per partire da una definizione, si può dire che il marketing territoriale è l’applicazione delle tecniche del marketing al territorio. Fin qui siamo nel campo della logica e dell’ovvio, per non dire quasi del banale, tutto cambia quando si entra poi nel merito. Emergono due ordini di idee: come funziona il marketing, si tratta di una pura azione di promozione e comunicazione per dare volume all’immagine, oppure altro? In quest’ultimo caso, quale sarà o quali saranno gli elementi e le leve delle nostre azioni? Dopo avere posto la questione di come si svolge l’azione del marketing, quindi anche del marketing territoriale, dobbiamo capire perché sia utile applicarla e su quali basi poggia. Tuttavia trasporre le tecniche dal campo dell’impresa all’ambito del territorio necessita di un’avvertenza sull’uso: se guardiamo agli scopi, l’impresa e il territorio sono entità diverse, lo sono nel sistema decisionale come in quello che si potrebbe definire la “ proprietà” . Parlando di scopi, il profitto sociale e la qualità di vita indotta, oppure la ricchezza generata da un sistema economico funzionante, favoriscono se non l’intera comunità del territorio almeno una gran parte di essa, mentre il profitto dell’impresa derivante dal risultato economico remunera solamente l’azienda, anzi i membri dell’assetto societario. Non ci possono essere confusioni: i modi di decisione e di gestione delle scelte sono totalmente diversi. Ciò che è funzionale per l’azienda – l’impren211 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE ditore che decide da solo –, nel campo delle istituzioni si chiama “ dittatura” , oppure “ oligarchia” quando si tratta di un gruppo privilegiato, cioè il management. Nell’applicare le tecniche e gli strumenti dovremo tenere conto di queste diversità e, in definitiva, applicheremo soprattutto i concetti di efficacia e di efficienza. Oltre ad utilizzare tecniche specifiche quali: i ragionamenti per obiettivi da conseguire, il project management e il business plan quando ci sono investimenti in ballo. In pratica si dovrà applicare la mentalità aziendale del marketing, più che trasformare i modi di fare del territorio in quelli dell’impresa. Questo non significa che la o le strutture che hanno il compito tecnico di attuare il marketing non possano essere imprese, ma che a monte vi sarà un insieme di decisioni che rientrano nel campo delle scelte e delle risoluzioni proprie della politica, nel significato più profondo del termine. Al fine di dare un senso pratico ai nostri ragionamenti, poiché parliamo di marketing si deve ricordare ciò che è. Per riprendere una definizione che sa un po’ di “ slogan” , di largo dominio pubblico essendo reperibile su internet, ma che personalmente trovo straordinariamente efficace, il marketing è: «l’insieme delle decisioni su cosa vendere, a chi vendere e come vendere». Da qui un primo elemento di ragionamento: cos’è che il territorio vende, se stesso oppure i suoi prodotti? Abbiamo qui due obiettivi che sono anche due modi di concepire il marketing territoriale. La prima concezione ha lo scopo di attrarre investitori o nuove imprese. Un punto di vista interessante ma che non verrà trattato qui, dovendo analizzare i legami tra marketing territoriale e prodotti del territorio. Prodotti che – per comodità lessicale ma anche concettuale – preferiamo chiamare “ locali” . Un’altra opzione che non sarà affrontata riguarda l’uso del marketing territoriale come supporto alla programmazione concertata dello sviluppo, cioè la parte di messa in forma del piano di sviluppo (definizione del “ prodotto” ) e successive comunicazione e promozione (marketing interno). La funzione di cui andiamo a parlare riguarda invece proprio l’uso del marketing per valorizzare i prodotti locali e, in particolare, lo scopo primordiale del marketing: migliorare la diffusione e la valorizzazione in termini economici dei prodotti stessi. Il quesito fondamentale diviene perciò sapere se, nella sostanza, con il marketing territoriale si può dare maggior competitività ai prodotti attraverso un fattore competitivo curioso: la cultura dell’origine che rende maggiormente “ raro” il prodotto in quando legato ad un territorio specifico di provenienza. Con ciò non si intende parlare qui di “ tradizione” , quanto piuttosto di tipicità geografica in relazione al fatto che oggi le tecnologie – nell’agro alimentare come nell’artigianato – consentono, a parere mio, di imitare o copiare la maggior parte delle produzioni con buoni risultati. Vero o falso, questione terribil212 Tipicità e marketing territoriale mente di attualità che porta ad un altro dibattito, trasversale in questo caso alle nostre questioni: quello sulla cultura del gusto. Sulla quale va fatto un inciso perché è elemento sostanziale di un corretto marketing territoriale dei prodotti locali. A mio avviso, la cultura del gusto non c’entra nulla con azioni che hanno come scopo la trasformazione di certi prodotti in consumo di élite. Il consumo di élite non garantisce affatto che il consumatore sia “ persona avvertita dei fatti” , ma solo che è disposto a spendere. Da un punto di vista puramente funzionale per i produttori si potrebbe dire che ciò basta ed avanza. Ma così facendo non si ha la certezza della stabilità, perché chi dice consumo di elite, dice spesso anche fenomeni di moda e assoggettamento agli andamenti positivi o negativi dell’economia e della ricchezza prodotta. A titolo di esempio vale la pena ricordare quanto i grandi vini francesi hanno sofferto durante gli anni 90 per la crisi economica del Giappone. Attraverso la cultura e quindi l’apprendimento del gusto è invece possibile aumentare la consapevolezza del consumatore che sarà in grado di riconoscere il vero dal falso, l’originale dall’imitazione, senza per questo dire che l’imitazione debba per forza essere qualitativamente inferiore, anzi. Gli Chardonnay cileni sono ormai di ottima qualità, ma rimane il fatto che gli originali sono borgognotti e costano di più, anche a causa di produzioni limitate. L’imitazione è solo meno “ rara” , perché non indissolubilmente legata ad un territorio specifico in cui nasce oppure in cui sviluppa caratteristiche uniche. Aggiungendo che questo effetto “ rarità” – che induce plus valore economico – vale anche quando il prodotto originale è di tipo industriale (parmigiano reggiano, prosciutto di San Daniele, speck del Sud Tirolo, roquefort, ecc.). Insomma, il prodotto locale è maggiormente appetibile in quanto prodotto di un “ altrove” quasi esemplare, cioè il territorio di provenienza che desta curiosità e interesse, che sfugge alla banalità del “ qui” legato al quotidiano. Il marketing territoriale ha come scopo il promuovere argomenti per alimentare questa cultura del gusto, o più semplicemente far sì che vi sia stretta corrispondenza tra prodotto e luogo di origine. E in seconda battuta, visto che nella maggior parte dei casi si può considerare il turismo come un prodotto tipico essendo fortemente territorializzato, alla stregua di certi prodotti come quelli citati poco prima, quale sarà il legame da creare tra turismo e produzioni locali. Va notato che il turismo è un prodotto dell’altrove che si deve consumare dov’è, mentre il prodotto locale – pur essendo un prodotto dell’altrove alla stessa stregua del turismo – può essere consumato “ qui” . Ciò rappresenta innegabilmente un vantaggio, fintanto che il prodotto non diventa banalizzato o il senso dell’origine non scompare. Il corollario sta nel valutare se, attraverso questa valorizzazione dei prodotti, non vi sia infine un ritorno positivo per il territorio attraverso un meccanismo circolare che produce immagine e valutazioni positive, quindi domanda e da lì valore economico. Se così fosse, ed alcuni esempi come la Toscana, oppure il Trentino Alto Adige sembrano dire proprio di sì , il dato sarebbe fondamentale per le zone alpine e più generalmente di montagna. Infatti i prodotti di montagna sono poco competitivi rispetto a quelli 213 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE delle pianure a causa di costi di produzione elevati dovuti al territorio stesso: al clima, alla sua morfologia che limita la disponibilità di terreni utilizzabili, alle quote altimetriche e al clima, ma anche alla quantità disponibile di manodopera e ai collegamenti con i mercati. Attuare azioni di marketing territoriale sembrerebbe altamente “ profittabile” e la spesa indotta assolutamente da sostenere. Dopo avere affrontato il tema del perché del marketing territoriale, dobbiamo ora definire il come e riprendere il quesito posto all’inizio, vale a dire: promozione e comunicazione oppure altro? Nel marketing vi sono le cosiddette variabili o leve del mix, cioè fattori su cui si può agire per trovare la giusta combinazione rispetto al mercato di riferimento. Queste variabili sono il prodotto e il prezzo, che possiamo definire tattiche in quanto coinvolgono il posizionamento (cosa vendere e a chi vendere). Le altre due: la comunicazione e la distribuzione (rete vendita e logistica distribuiva) sono invece quelle operative del rapporto diretto con il mercato. Il marketing agisce sul prodotto stesso, lo fa nel fornire indicazioni sulla sua tipologia, sulle caratteristiche, in modo da renderlo il più soddisfacente possibile rispetto alle attese dei consumatori e quindi gradito. Gradimento che infine risulterà vantaggioso per la parte commerciale, infatti è sicuramente più facile collocare un prodotto che piace rispetto ad altri. Questa azione per il prodotto locale riguarda però il produttore, quindi il singolo imprenditore o consorzi oppure cooperative, ma non il territorio intero. Tuttavia la qualità intrinseca e l’origine rendono il nostro prodotto meno sensibile al fattore prezzo perché il suo posizionamento non viene fatto su questa variabile. Per ottenere un effetto efficace il marketing territoriale – nel rendere visibile, noto e apprezzato il territorio – creerà quella necessaria sinergia, a patto che la qualità corrisponda alle attese del consumatore. Tra le diverse considerazioni da fare a proposito della notorietà è indubbio che il turismo abbia un effetto benefico. Funziona da traino per le vendite dei prodotti locali e di converso questi fungono da “ memo” per il territorio quando il turista è a casa sua. Infatti vale il postulato che il territorio meta del turista è per definizione interessante, bello e pieno di cose positive che fanno stare bene, cioè fondamentalmente un territorio di qualità. Questo fatto ovviamente valorizza e promuove tutti i prodotti che hanno un legame con il territorio che, a sua volta, ricambia la cortesia. A titolo di esempio si può ricordare che in Savoia il vino è stato salvato dal turismo, ma anche che oggi il turismo è in qualche modo caratterizzato e, perché no, valorizzato dal vino. Rimangono da vedere le strade seguite operativamente per svolgere tale compito. Ve ne sono sostanzialmente tre: la politica di marchio e di marca svolta come lo farebbe un’industria, l’aggancio “ DOC” con gli stereotipi del territorio in cui quest’ultimo ha un ruolo “ totemico” , e infine la trilogia virtuosa: popolazione ancorata alle tradizioni, bei paesaggi e buoni prodotti. Nei tre casi 214 Tipicità e marketing territoriale citati si parte però già da un territorio in parte affermato, o perlomeno noto ed apprezzato per alcune sue caratteristiche. La prima opzione riguarda la politica di marca così come la utilizzano le grandi industrie e i grandi marchi commerciali. L’obiettivo sta nel costruire un legame tra marchio, cioè elemento visivo, e caratteristiche del prodotto, in modo da ottenere una marca che veicola “ promesse” . Un esempio di questa politica è rappresentato dal Trentino che, oltre al marchio e al logotipo, ha addirittura definito un codice colori per i diversi utilizzi, illustrati qui. Blu per il turismo. L’indicazione emergeva dall’indagine ACNielsen per un maggior richiamo alla stagione invernale ed ai principi di pulizia ed eleganza: questo colore, inoltre, insieme al verde esprime un forte richiamo alla natura: cieli blu, laghi alpini, aria incontaminata. Verde per l’agricoltura. È il colore che presenta il più forte legame con la natura, in grado di rappresentare i concetti di naturalezza e salubrità. Azzurro per industria ed artigianato. È un colore razionale e di mediazione, che ben si adatta a rappresentare i vari settori legati alle imprese ed ai servizi. Bordeaux per la cultura. Da sempre legato a connotazioni e situazioni formali di alta rappresentanza, il bordeaux, elegante e molto leggibile, è particolarmente indicato ad associarsi con l’asse della cultura. Il problema riguarda la concessione dell’uso del marchio: infatti per l’industria la cosa è evidente, Mercedes-Benz o Fiat concedono l’utilizzo solo a partner scelti, quali ad esempio concessionarie o officine autorizzate. A livello di territorio le cose sono alquanto più complesse per uno dei problemi enunciati all’inizio: a chi appartiene il territorio? La risposta ovvia è che appartiene a tutti i suoi cittadini. Quindi per chi gestisce il marchio territoriale, trattandosi di un soggetto pubblico o assimilabile al pubblico, sarà molto difficile fare scelte rispetto a chi dare o a chi negare l’uso del marchio. Si dovrebbe infatti definire un disciplinare che faccia riferimento a criteri chiari e accettati da tutti, ed effettuare una selezione dei pretendenti che obbliga poi a controlli costanti per evitare usi non autorizzati. Alla fine però chi non potrà utilizzare il marchio si sentirà probabilmente discriminato o marginalizzato, vivrà la cosa come poco equa, come una man215 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE canza di uguaglianza. La questione da fatto tecnico potrebbe rapidamente diventare problema sociale e infine “ politico” . Così alla fine per eccesso di lassismo o per troppa selezione si corre il rischio di un depauperamento del valore del marchio, oppure di una sua non affermazione come marca. Fermo restando che il riferimento geografico, cioè il luogo, continuerà invece a possedere il suo valore. Vale a dire che il valore del Trentino non è in gioco nell’affermazione o meno del marchio. Il secondo caso è quello che abbiamo chiamato “ DOC” , in cui c’è un richiamo ad un’area geografica nota e si fa riferimento al suo stereotipo o, per meglio dire, al suo contenuto mitologico. Guardando questa simpatica pubblicità la domanda è: esiste veramente un gusto toscano? Se fosse così forse ci sarebbe una sola Toscana, ma come mettere nello stesso contenitore la Maremma, la Garfagnana, il Chianti e la costa di 216 Tipicità e marketing territoriale Forte dei Marmi? Nel contempo appare chiaro che nella nostra mente esiste il riferimento ad un “ gusto tutto toscano” , che possiamo visualizzare in un certo tipo di paesaggio, di colori e di forme, di stile di vita, di città, d’architettura o d’arte. Un insieme di emozioni evocatrici precursori dell’idea di gusto che, se guardiamo bene, fanno riferimenti geografici ad un’area che sembra coincidere con il triangolo Firenze, Siena, Arezzo. Il semplice nome – come l’eventuale marchio o logotipo che lo illustra – attraverso questi richiami emozionali veicola promesse anche se nella realtà si tratta di un “ mito” . Ricordando l’affermazione che dice che la mitologia: « è una storia che ha perso il senso delle sue origini », intendiamo parlare del tempo oltre che del luogo. Il mito e la sua storia esistono al di là del tempo e del luogo di origine, sono universalmente credibili, quindi “ veri” come lo è il “ gusto tutto Toscano” , oppure il “ bianco più bianco del bianco” . Infine abbiamo la conformazione a trilogia di cui si è già accennato. Di fatto si tratta di una esplicitazione della forma precedente, in cui si esce dal mito ancorando la storia e le origini ad elementi chiari e riconoscibili oltre che conosciuti. Un esempio formidabile della trilogia è la pubblicità dello speck che viene segnalato, per altro in modo molto chiaro come un’Indicazione Geografica Protetta (IGP): ciò significa che non vi è certezza della provenienza della materia prima, in poche parole i maiali destinati a diventare speck dell’Alto Adige possono essere allevati in qualsiasi parte del mondo. Siamo insomma di fronte ad un prodotto che di locale ha solo la lavorazione, sempre che questa non sia di tipo industriale. Cioè lavorazioni in cui si affumica con procedimenti rapidi, quanti efficaci, ma che nulla hanno a vedere con processi tradizionali. Il punto che ci interessa però non è tanto il processo produttivo e i suoi contenuti di tradizione locale, quanto il fatto che attraverso un ancoraggio ad un territorio si può “ tradizionalizzare” un prodotto. Analizzando questa pubblicità, osservando il tipo di “ visual” e la disposizione degli elementi iconografici tra loro, il procedimento appare chiaro. Il prodotto, che si trova in basso e a sinistra in posizione quasi defilata, è tradizionale perché è “ garantito” dalla cultura locale intatta – fatto esplicitato dalla sagoma dei pantaloncini di cuoio – e dai bei paesaggi anche conosciuti – le Dolomiti – che sono la dimostrazione dell’eccellenza del territorio. Qualità delle persone e del territorio sono due elementi che – nella nostra cultura, almeno dai tempi di Rousseau – sono estremamente positivi e anche indiscutibili, e possiamo affermare che con queste premesse è praticamente impossibile produrre cose cattive. Con il vantaggio che la proposizione si può rovesciare: qualità delle persone e dei prodotti locali quindi qualità del turismo perché si tratta della base di una buona accoglienza. Per finire, occorre formulare un’avvertenza: i casi, specie se di successo, possono fuorviare o perlomeno nascondere le difficoltà perché le cose avvenute sembrano più semplici di quanto non lo siano state in realtà. Ragion per cui, in conclusione, vogliamo ricordare le criticità del marketing territoriale. 217 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Come prima cosa un buon marketing territoriale destinato a promuovere i prodotti locali ha bisogno di una forte cultura della denominazione che si esprime in orgoglio di produrre qualità. Ma ciò richiede: - La capacità di innovare nella “ tradizione” , quindi di considerare la tradizione come un fenomeno aperto e non statico. - Una buona coesione del territorio riguardo alle strategie e alle azioni necessarie per lo sviluppo. - Una forte cooperazione tra i vari operatori. Infine, e non ultimo come importanza: un sistema di conoscenze adeguato al “ progetto territoriale” , di conseguenza: - La conoscenza basata sull’analisi dei punti forti che rappresentano il “ potenziale di sviluppo” del territorio attraverso lo strumento della diagnosi territoriale. - Le competenze tecniche necessarie per attuare una politica di qualità. 218 Pommes de terre et charcuteries. De tenir l’ hiver à de nouvelles fonctions identitaires et touristiques Jean-Paul Guérin Tenir l’ hiver… Les pommes de terre et la charcuterie étaient, il y a une cinquantaine d’années encore, les fondements de l’alimentation des semaines et des dimanches dans bien des villages de montagne. Cette affirmation ne peut que rencontrer l’approbation, susciter des souvenirs, et réveiller une inquiétude classique sur l’opposition entre des souvenirs attendris, une époque “ d’authenticité” et des lendemains inquiétants d’une banalisation de nos genres de vie, sous la dictature du marketing de l’industrie agro-alimentaire. Cependant cette tradition culinaire n’est pas immémoriale et est historiquement datée, ce qui nous pose finalement la question des raisons et des finalités d’une patrimonialisation de l’alimentation. Si dès 1600 Olivier de Serres signale l’arrivée de “ cartoufles” en Dauphiné, en provenance de Suisse, l’histoire de la consommation de la pomme de terre dans les foyers montagnards ne semble pas si ancienne. Le livre de raison d’un commerçant de Montmélian, par ailleurs bon cuisinier, rédigé vers 1750, ne signale ni la pomme de terre, ni la tomate, Montmélian étant pourtant sur un axe de passage très fréquenté, et la population y était, sans doute, ouverte aux nouveautés… Le préfet Verneilh, sous Napoléon, la situe “ dans les usages” vers le milieu du XVIIIe siècle, de la même manière que l’historien Jean Nicolas dans ouvrage monumental sur la Savoie au XVIIIe siècle. Ce qui importe c’est son utilisation réelle, et Verneilh affirme qu’au tout début du XIXe siècle, dans les montagnes de Savoie, on ne la donne toujours pas aux animaux, “ qui pourraient en faire grand profit” . La pomme de terre est tout d’abord adoptée dans une position d’ersatz, c’est-à-dire de produit de remplacement. Dans le pain, la pomme de terre peut ainsi être ajoutée au froment ou à l’orge comme on ajoute de la farine de châtaignes, ou des vesces. Avec plus d’avenir, la pomme de terre remplace la farine dans les bouillies, bouillies qui sont une des bases de l’alimentation ancienne. 219 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Elle remplace également les raves et autres panais, dans les soupes de légumes. Verneilh remarque que les enfants “ passent une bonne partie de la journée à faire rôtir au feu de famille, des pommes de terre sous la cendre” . C’est que finalement, le feu ouvert, le feu dans la cheminée, n’offre qu’une gamme réduite de possibilités culinaires. Pendue à la crémaillère, c’macle, la marmite à trois pieds, le bronzin, permet essentiellement des soupes de légumes, des bouillies de céréales, des viandes bouillies ; la poêle à grand manche est utilisée – plus rarement – pour les matafans, les œufs, parfois la viande, tout ce qui demande à être saisi, au sens culinaire. Le feu direct, dans l’âtre, est, en alternance, assez violent ou moribond, difficile à réguler, et finalement n’autorise qu’une gamme restreinte de cuissons. Les techniques culinaires utilisant le “ potager” , c’est-àdire seulement des braises, sont utilisées surtout par les familles qui ont un certain niveau de vie. Dans les montagnes le porc n’a pas, non plus, une importance décisive jusqu’au milieu du XIXe siècle. Sa croissance rapide, jusqu’à 900g/jour s’il est bien nourri, implique une très grande quantité de nourriture à préparer, ce qui a longtemps réservé l’élevage du porc à certaines régions, et à des milieux déjà un peu aisés. Quelques exceptions cependant : les alpagistes utilisent le petit lait pour nourrir des porcs, les régions riches en châtaignes (basse Vallée d’Aoste, quelques communes valaisannes) élèvent des porcs. Finalement l’alimentation carnée est fournie le plus souvent par la chèvre (salée ou non) voire le mouton. La chèvre, rustique, facile à nourrir, présente même chez les plus pauvres, est pendant longtemps une source essentielle d’alimentation carnée. Le fourneau apparaî t au milieu du XIXe siècle et se généralise en quelques dizaines d’années. Le fourneau, en fonte noire, améliore nettement le rendement du combustible (le bois est plutôt rare) et permet de réguler l’émission de chaleur. Son introduction dans les cuisines de montagne autorise deux innovations culinaires majeures dans les familles les plus modestes : la cuisson au four, et la possibilité de faire simultanément des cuissons à grand feu et du mijotage… De ce fait l’ingéniosité des ménagères va s’exercer sur la pomme de terre, aliment miracle désormais produit si abondamment qu’elle permet simultanément l’élevage du porc domestique. Sur chaque fourneau un bronsin cuit midi et soir les pommes de terre partagées entre les hommes et les porcs. Il semblerait que l’arrivée du fourneau ait ainsi révolutionné la manière de passer l’hiver, inquiétude latente de toutes les familles. Dès lors les céréales ne constituent plus le seul mode de stockage pour la mauvaise saison. On peut même ajouter que la technologie culinaire nouvelle en augmentant la consommation de pommes de terre et de porc, réduit celle des céréales. Les rendements de la pomme de terre étant considérables, des terres labourées sont 220 Pommes de terre et charcuteries… libérées au profit des prés de fauche et, selon une relation systémique, l’élevage bovin, et la fabrication de fromage – à la fin du XIXe siècle en Savoie – ont connu une forte croissance, aiguillonnée par la création de fromageries coopératives (les fruitières). Un avantage de la pomme de terre, c’est de se conserver sans trop de difficultés jusqu’au printemps, en particulier les variétés tardives très appréciées autrefois pour cette raison. Avec la fin de la réserve de pommes de terre certaines familles tuaient leur dernier cochon vers Pâques, ce qui coï ncide aussi avec la nécessité de n’abattre le porc qu’en période froide… L’art de cuisiner la pomme de terre est composé d’une série de strates qui correspondent à la technologie culinaire (de l’âtre au fourneau et au four). Au temps de l’âtre et de la crémaillère : - les soupes, où la pomme de terre remplace les farines et les raves - les fricassées (fricacha, pela) à la poêle avec un corps gras - les pommes de terre “ sous la cendre” . Dans les bronsins ou les poêles, sur le fourneau : - la pomme de terre cuite à l’eau (au barbot) tant pour les bêtes que pour les hommes. Elle remplace partiellement le pain, et est mise sur la table dès le début du repas pour calmer les plus féroces appétits. Les salades de pommes de terre en forment une variante - les fricassées (ou brisolées) - les pommes de terre râpées crues (rö stis, criques, paillassons) ou écrasées cuites (purées) - l’accompagnement de viandes (en cuisson) : pot-au-feu, lard, saucisses. Dans les fours : - les gratins - les pommes de terre cuites “ deux fois” : rabioules, farçons, soufflés… La pomme de terre, de goû t très fade, absorbe très facilement les saveurs des produits ajoutés ou cuisinés simultanément ; on peut donc créer toutes sortes de plats… La charcuterie peut être considérée comme un produit dérivé de la pomme de terre, du moins si l’on considère les montagnes et les hautes vallées. Ce qui importe avant tout c’est la conservation des viandes – de porc – désormais ; la consommation de petit bétail étant en nette diminution, et les bovins réservés à la vente… Au risque de décevoir, je pense pouvoir affirmer que la charcuterie de montagne n’est pas particulièrement raffinée. Tardivement mise en œuvre, à l’échelle historique, elle est plus concernée par le souci de la conservation des viandes, 221 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE que par la finesse et la variété des productions. Le fait que chaque famille tue un ou deux porcs par an, pour sa propre consommation, restreint les échanges à ce qui est périssable. L’échange du boudin frais, des fricassées (fricacha coffe ou monette), des abats, assure quelques repas d’abondance avant la parcimonie des viandes conservées, consommées juste avant qu’elles ne se gâtent… Salées toujours, elles peuvent être conservées “ en saumure” , séchées, fumées, en boyaux, plus rarement dans le saindoux… Nouvelles fonctions identitaires et touristiques… Il est certain que l’évolution technologique de la fin du XXe siècle enlève en quelque sorte la nécessité de ces deux piliers de la vie (ou de la survie) qu’étaient la pomme de terre et les charcuteries familiales. Non seulement le choix est grand en toutes saisons de toutes sortes de nourritures, mais en plus elles sont souvent déjà plus ou moins élaborées par l’industrie agroalimentaire : en conserves, congelés, produits frais… En même temps il faut bien constater que les manières de faire la cuisine familiale, celle de tous les jours demeurent, aujourd’hui encore, et sont assez différentes d’une région à une autre. L’élaboration de plats particuliers, de savoir-faire, certaines manières de table se sont mises en place, au cours des siècles avec des dynamiques que nous connaissons mal : pourquoi certaines charcuteries sont propres à certains villages, certaines vallées. Pourquoi ne meton pas de lait dans le gratin dans une grande partie de la Savoie ? Une cartographie culinaire pourrait se concevoir à la manière des atlas linguistiques… J’ai essayé de montrer que cette cuisine des Alpes a beaucoup évolué au cours du XIXe siècle, non seulement par la diversification des apports, que je n’ai pas traitée, mais par les changements technologiques, comme elle évolue encore, chaque jour. Il serait donc vain de vouloir en quelque sorte arrêter le corpus d’une alimentation qui n’a jamais cessé d’évoluer. Cependant l’idée d’une alimentation “ traditionnelle” , dont les pommes de terre et les charcuteries locales, qu’il faudrait défendre paraî t mériter un examen et des discussions. Il y a pourtant un certain nombre de raisons qui militent pour une réflexion profonde sur le rôle du choix de l’aliment et de la cuisine dans notre vie sociale, en dehors de toute considération affective, considération qui mérite également attention. Deux raisons, au moins, peuvent être invoquées pour effectuer un travail autour des manières locales de faire la cuisine. D’une part la demande du tourisme. Une partie des touristes recherchent dans le voyage, ou le séjour une différence, voire une ouverture vers une autre 222 Pommes de terre et charcuteries… culture. D’où un certain succès des repas typiques, et une créativité des restaurateurs, et des “ inventions de la tradition” . Cette créativité aboutissant souvent – faute de travail théorique – à un syncrétisme curieux (genre “ pizza savoyarde” ). D’autre part, dans les pays alpins, la cuisine peut être pensée, aujourd’hui, comme un marqueur territorial, comme une preuve de l’existence d’un peuple en son territoire, comme un bien commun. Elle est ainsi la possibilité d’une culture populaire vivante. Et cette preuve, dans la mesure où elle est apportée chaque jour, dans chaque foyer, me paraî t devoir attirer l’attention de ceux qui souhaitent contribuer, pour différentes raisons, à créer de la différence, à construire des singularités. Si collectivement on constate un intérêt que l’on peut qualifier de politique pour une cuisine localisée et localisante, cela suppose de systématiser une série d’opérations tout en ayant à l’esprit que, rien n’étant jamais innocent, fixer “ une tradition” a toujours un côté mortifère. - L’opération d’inventaire. Il existe finalement peu de travaux systématiques faits avec un esprit scientifique sur l’alimentation familiale d’autrefois. - Les opérations de transcription de cette cuisine dans notre modernité. Car il n’est plus possible d’opérer de la même manière, ni avec les mêmes ingrédients. Ce qui suppose toutes sortes de choix qu’il faut raisonner. - Les opérations d’enseignement dans la mesure où la transmission familiale est le plus souvent interrompue. Mais également dans les écoles professionnelles des “ métiers de bouche” , les établissements agricoles qui aujourd’hui formatent le plus souvent leurs élèves selon des référents professionnels nationaux voire internationaux. - Les opérations d’accompagnement dans les ateliers et usines agroalimentaires locales. Les familles aujourd’hui ne sont pas prêtes – au quotidien – à mettre en route toute l’élaboration de certains plats, qui doivent être plus ou moins préparés. Par exemple les crosets, s’achètent aujourd’hui en paquets dans les supermarchés : deux ateliers en fabriquent. Il y a des opérations de développement économique intéressante, tant auprès de salaisonniers, que de divers fabricants. Toutes ces opérations existent de manière épisodique et spontanée. On peut imaginer en faire une politique, au sens fort du terme… B I B L I O G R A P H I E Amis du Val de Thônes, Cuisines et recettes du Pays de Thô nes, n° 22. Collection Amis du Val de Thônes, 1999, 272 pages. BOUCHET J-C., Secrets domestiques d’un commerç ant savoyard du XVIIIe, Amis du Vieux Montmélian, 2003, 156 pages. 223 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Centre d’Études francoprovençales « René Willien », Mets et recettes, collection Concours Cerlogne, Musumeci, Aoste, 1994, 262 pages. COMPAIN E., Se nourrir en Savoie aux XVI-XXe siècles, CDDA, Chambéry, 1990, 73 pages. H E RMANN M-Th., La cuisine paysanne de Savoie, La Fontaine de Siloe, Montmélian, 1982, 256 pages. NICOLAS J., La Savoie au XVIIIe siècle, Maloine, Paris, 1978, 1250 pages. RABOUD I., SCHÜ LE R-C., DUBUIS P., « Assiettes valaisannes » in: Les cahiers de l’histoire locale 5, Monografic, Sierre, 1993, 108 pages. VERNEILH J. de, Statistique générale de la France : le département du Mont-Blanc, Paris, 1807, 560 pages. Site : http://www.ethno-terroirs.cnrs.fr 224 La fê te de la transhumance et la fê te de la Clairette à Die dans la vallée de la Drô me André Pitte La fête de la transhumance et la fête de la Clairette à Die dans la vallée de la Drôme, ou comment amplifier la conservation et à la valorisation des produits de qualité et des paysages de qualité à travers deux fêtes patrimoniales et le convivium Slow food “ À Table en Dauphiné” : l’agneau, la clairette, le pain, la caillette, la charcuterie de montagne, le picodon, le bleu de Vercors, la raviole, la truffe, la pogne, l’olive, la noix, les pommes, les coings, le miel, le nougat, les confitures de fruits sauvages, les plantes aromatiques… « La découverte d’un mets nouveau fait plus pour le bonheur du genre humain que la découverte d’une étoile ». Brillat-Savarin, La physiologie du goû t. Bref historique et objectifs des Fê tes de la transhumance et de la Clairette « Tu connais les mots, le berger connaî t la chose ». Ainsi s’exprimait Jean Blanc décédé il y a peu, ancien berger, chargé de mission à la DATAR et membre du Haut Comité à l’Environnement chargé de la réflexion sur la création des Parcs naturels régionaux en France au début des années 70. Et il poursuivait : « Le berger est l’homme d’une profession. Le berger est aussi l’homme pour qui le spectacle d’une brebis qui broute, d’un agneau qui tête et d’un troupeau qui rumine est une délectation permanente. Peut-on autrement être berger ? Mais le berger est plus sû rement l’homme d’une civilisation pastorale qui a traversé les avatars d’autres civilisations, sans se modifier, sans même innover, tant elle est accordée à son mode de vie, tant elle a trouvé son équilibre entre son mode de vie et son milieu de vie ». C’est sur ce patrimoine vivant inestimable et sur les étonnants paysages des hauts-plateaux du Vercors (la plus grande réserve naturelle de France 225 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE sans aucune route ni habitation à l’exception de 13 bergeries occupées de juin à octobre/18 000 hectares à une altitude comprise entre 1500 mètres et 2300 mètres/20 000 brebis), paysages générés par cette pratique millénaire, que se construisit en juin 1991 la première Fête de la transhumance dans une vallée considérée depuis toujours comme un secteur intense de cette pratique. Le troupeau de deux mille cinq cents brebis transhumantes sélectionnées mérinos d’Arles, petite race de brebis à viande de qualité s’il en est, choisi pour traverser la ville chaque année au solstice d’été donne à voir aux habitants et aux visiteurs de passage le fruit d’une dizaine de décennies de sélection mais aussi de savoirs-faire très anciens puiqu’il existe une estive de brebis sur ce plateau immense et sauvage dès le cinquième millénaire avant notre ère. Pour mémoire citons les grottes bergerie d’altitude datées de 4500 ans avant notre ère qui ont été identifiées par Alain Beeching et Jacques-Léopold Brochier du Laboratoire CNRS de Préhistoire de Valence mais aussi des enclos et des abris sous-roche de bergers tout aussi anciens en cours d’identification par Régis Picavet de Villard-de-Lans. Les germes de cette aventure patrimoniale, bien éloigné de la conception que le public avait du patrimoine il y a 25 ans, naquirent au début des années 80 avec le projet culturel du Parc naturel régional du Vercors et du Musée dauphinois avec des conservateurs d’exception comme Jean-Pierre Laurent, JeanClaude Duclos et Jean Guibal à Grenoble, un projet intitulé “ Patrimoine et développement” . Après de belles réussites comme une vaste collecte sur la mémoire du massif (4000 photos, 200 heures d’enregistrement auprès de la Le passage du troupeau le jour du marché (photo Jean-Pierre Surles) 226 La fê te de la transhumance et la fê te de la Clairette à Die dans la vallée de la Drô me population) des actions de sauvegarde et de relance très concrètes comme celle de la race bovine de Villard-de-Lans par Denis Chevallier (aujourd’hui directeur de l’antenne de Marseille pour la création du Musée de l’Europe et de la Méditerranée). Relance qui a donné naissance, il y a peu, à l’AOC Bleu du Vercors et à une fête de ce fromage. Les autres axes de ce projet culturel se développèrent en direction d’une restitution à la population du Vercors au travers d’une politique éditoriale de qualité et bien d’autres actions comme la création d’une radio de communication sociale et le projet de trois écomusées que je ne développerais pas ici car cela me conduirait loin hors du sujet. L’élan impulsé à cette occasion s’épuise quelques années plus tard en partie faute d’argent, mais plus sû rement du manque de motivation de la part d’un grand nombre d’élus ruraux pour qui conjuguer agriculture et culture ne va pas de soi, même encore aujourd’hui. Ce projet culturel ambitieux était-il né trop tôt ? L’avenir montra qu’il n’en fut rien. Dès le départ l’association Drailles constituée d’éleveurs et d’opérateurs culturels se préoccupa de valoriser le produit, la viande d’agneau, avec dégustation de grillades, repas à base d’agneau, etc… mais c’est très récemment, depuis deux ans, que cette mise en avant gustative est devenue centrale dans la manifestation. Longtemps, l’échange à travers la culture du pays invité (Italie, Asie centrale, Tunisie, Algérie, Corse, Sardaigne, Niger, Espagne, en 2005 Indiens Navajos éleveurs eux aussi de brebis…), la musique, le cinéma, le livre occupèrent une place prépondérante dans la fête. Il n’est nullement question bien au contraire de remettre en cause ces orientations. Ces approches culturelles n’ont pas disparu mais la valorisation du produit occupe maintenant une place de plus en plus prépondérante. Et il faut l’avouer à travers cette place nouvelle donnée au produit les relations avec les éleveurs se sont renforcées et intensifiées. Entre temps, en septembre 1997, il faut ajouter pour comprendre cette évolution qu’à ce premier évènement festif, à la demande du Syndicat des vignerons de la Clairette de Die – la clairette est l’un des piliers économiques de la vallée puisqu’elle fait vivre 400 producteurs et environ 2000 personnes sur les 10 000 personnes des 5 cantons que compte cette vallée de moyenne montagne – s’était ajoutée une deuxième manifestation intitulée initialement “ Fête de la clairette” puis “ Clairette en fanfares” en raison du grand nombre de formations musicales invitées à jouer dans la rue le premier week-end de septembre. Des produits de qualité Depuis cette date les choses ont évolué dans un sens peu prévisible au départ. En octobre 2002, a lieu comme tous les deux ans le Salon du Goû t à Turin organisé par Slow food. Séduits par le concept et le dynamisme du mouvement Slow food nous créons avec quelques amis un convivium à Die intitulé “ À table en Dauphiné” qui rencontre un succès immédiat et disons-le inatten227 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE du. Pour une petite ville de 4000 habitants où il n’existe pas un seul restaurant digne de ce nom – nous sommes en pays calviniste où la Réforme a laissé une forte empreinte puritaine – nous accueillons dès la première année une soixantaine d’adhésions, quatre-vingts en 2004/2005. Pour preuve de cet engouement signalons que seize personnes de l’association “ À Table en Dauphiné” se sont rendues au dernier Salon du Goû t, fin octobre, à Turin durant trois jours. Devant l’essouflement des vignerons à faire vivre et évoluer la “ Fête de la Clairette” – la clairette se vend bien actuellement et nul ne ressent vraiment le besoin d’une manifestation festive (il s’agit là toujours de l’empreinte protestante) pour soutenir la notoriété du produit – nous imaginons de travailler toute l’année à la sélection des meilleures productions drômoises pour les présenter au public au milieu de la vingtaine de producteurs de clairette de Die. C’est ainsi que la dernière manifestation a vu la création d’un village d’une quarantaine de tentes sur la place de Die où les vignerons se sont mélangés à l’excellence des terroirs gourmands du département. À partir de là, l’intitulé de la fête s’enrichit d’un additif significatif pour s’appeler dorénavant “ Fête de la Clairette et des terroirs gourmands” . Pour chaque catégorie de production, un producteur exemplaire et son produit, ont été choisis lors de dégustations mensuelles se déroulant de l’automne au printemps. C’est ainsi que nous avons dégusté et travaillé avec des producteurs éclairés tour à tour sur le pain, l’agneau, l’olive de Nyons AOC, l’huile d’olive et l’huile de noix, la raviole, la caillette – spécialité charcutière locale à base de viande de porc et de salades des champs – la défarde, tripes d’agneau qui ressemble par certains côtés aux pieds et paquets marseillais, le fromage de chèvre AOC picodon, la pogne qui est un gâteau de fête, les miels de lavande, de tilleul et de montagne, les plantes aromatiques, les noix, les pommes locales et le coing – qui vont donner lieu à la création d’un conservatoire d’arbres fruitiers par un jeune arboriculteur en cours d’installation –, les confitures de fruits sauvages (églantier, mirobolan, sureau, framboise, myrtille, argousier), etc… Les prochaines séances studieuses – mais il faut Dessin de F’Murrr - Association Drailles 228 La fê te de la transhumance et la fê te de la Clairette à Die dans la vallée de la Drô me bien l’avouer ludiques – de janvier et février seront consacrées au cochon fermier (la tuade d’un porc et sa transformation dans une ferme en montagne durant une journée) et à la truffe, la Drôme étant le premier département français producteur de diamant noir. Bref de ces deux produits – sur lesquels s’étaient bâtis ces fêtes de manière un peu vague et ne faisant certainement pas assez de place au produit – nous sommes passés aujourd’hui à la valorisation et à la défense d’une bonne vingtaine de spécialités locales où les produits phares que sont l’agneau et la clairette se trouvent au centre d’un écrin de produits très attractif et très valorisant. Ajoutons à cela, l’organisation lors de la fête de la clairette de septembre 2004 de cinq ateliers du goû t dans l’esprit de Slow food qui se sont tenus dans les restaurants de la ville avec des interventions de producteurs et de spécialistes : respectivement un atelier de dégustation et de découverte d’une durée d’une heure pour le picodon, l’olive, les miels, la pogne et la clairette. Un dernier point positif à noter, et non des moindres, est la prise de conscience des restaurateurs locaux, où nous nous réunissons pour chacune des séances, quant à la connaissance de la qualité des produits qu’ils côtoient comme tout un chacun journellement sans prendre toujours conscience du patrimoine qu’ils représentent et de la richesse culinaire qu’ils pourraient en tirer. Il semble qu’il y ait là une piste efficace pour élever le niveau de la restauration locale et la pertinence des menus des ces restaurants. En effet nous constatons trop souvent comme partout ailleurs des menus tout à fait banaux quant à leur composition quand il ne s’agit pas tout simplement de produits standards ou surgelés achetés dans des centrales d’achat genre Métro pour la France. Quant à la Fête de la transhumance le programme de cette année proposait une présentation d’une demi-journée intitulé “ Le goû t de l’agneau” . Cette rencontre comportait un exposé sur “ Le goû t de l’agneau” dans le monde et à travers les âges suivi de “ Connaî tre et choisir l’agneau” . Maturation, trans- Dessin de F’Murrr - Association Drailles 229 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE formations liées à la cuisson et nutrition. Cette partie théorique et studieuse se concluait par “ Signes de qualité et traçabilité de la viande d’agneau” animée par un intervenant de la filière viande nationale. Venait ensuite un atelier du goû t très suivi animé par deux bouchers exceptionnels – professionnels qui avaient présenté la découpe de la viande toute la journée – où furent dégustés un agneau de lait, un agneau de bergerie et un agneau transhumant. Des paysages de qualité Parlons maintenant des paysages. Depuis juin 91 la journée du dimanche de la “ Fête de la transhumance” se déroule exclusivement en montagne à la découverte de ces fameux hauts-plateaux du Vercors que j’ai évoqué plus haut. Une foule nombreuse et enthousiaste suit les brebis dans son ultime étape sur les drailles de la transhumance en l’occurence la voie romaine qui va de Die à Grenoble et une petite station au-dessus de Die où un télésiège permet aux moins vaillants d’atteindre ces alpages mythiques. Comme je l’ai montré plus haut il est certain que les paysages des hauts-plateaux comme la plupart des paysages sont une création humaine. Sans brebis le paysage se ferme, les pins à crochets – la plus grande colonie de l’hexagone – gagnent du terrain et comme le dit Fernand Braudel cette admirable construction liée à la transhumance et aux pratiques pastorales retourne inexorablement à la sauvagerie. Défendre l’élevage ovin et la pratique de la transhumance qui lui est intimement liée dans les Alpes sèches c’est valoriser un produit de très haute qualité bouchère générateur d’un paysage de qualité. Tout ce tient. Sans cette pratique millénaire de la transhumance la randonnée en moyenne montagne perd de son intérêt et sans production de viande, d’agneau de qualité vendue à un prix équitable, les éleveurs et leurs savoir-faire disparaissent. Et avec eux ces paysages qu’ils ont façonnés. Dessin de F’Murrr - Association Drailles 230 Quant à la vigne, la “ Fête de la Clairette” s’est enrichie depuis peu d’un volet intitulé “ Les Chemins de la clairette” . Une dimension nouvelle qui allie la dégustation des produits de terroirs gourmands à des randonnée pédestres et cyclotou- La fê te de la transhumance et la fê te de la Clairette à Die dans la vallée de la Drô me ristes. Des itinéraires pour découvrir le vignoble et les villages charmants qui émaillent la montagne drômoise. Tout au long de ces parcours très pittoresques des relais gourmands attendent le randonneur pour déguster les produits locaux. Des produits de qualité dans des paysages de qualité En ces temps de mondialisation forcenée comme le montre si bien le film récent de Jonathan Nossiter, Mondovino, qui est tout sauf un film sur le vin comme il le dit lui-même dans une interview, seuls les produits de qualité tireront leur épingle du jeu et permettront à de petits et moyens producteurs de vivre décemment. Une voie royale qui passe par des produits de qualité dans des paysages de qualité comme le résume très justement le géographe Jean-Robert Pitte, auteur de l’Histoire du paysage franç ais. À partir de ces constatations nous avons avec quelques-uns le projet ancien de créer dans le Diois en direction de Briançon sur la route de l’Italie, un lieu modeste mais efficace dans ses méthodes où seront rassemblés le meilleur des productions de la vallée avec des salles muséographiques pérennes et temporaires, une boutique et des ateliers du goû t qui fonctionneront de manière permanente. Non pas une énième maison de pays ou écomusée, ni même économusée à la canadienne mais quelque chose de plus fort en relation avec le paysage à travers des randonnées accompagnées avec des ânes à la découverte des producteurs. Sur le modèle du beau livre de Stevenson, Voyage avec mon â ne à travers les Cévennes. Si ce projet voit le jour cela s’appellera la Maison de la transhumance et des ânes de Provence en réseau méditerranéen avec les projets similaires du mas des Aulnes à Saint-Martin-de-Crau en Arles, avec celui de Biella ou celui de Fundao au Portugal… Enfin, je termine par un coup de chapeau aux pionniers de la défense des produits de qualité et de la biodiversité dont j’ai eu la chance de croiser la route. En premier lieu puisque Dessin de F’Murrr - Association Drailles 231 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE nous sommes en Val d’Aoste, le chanoine Claude Duverney de l’Institut Agricole Régional d’Aoste qui s’est exilé à l’heure de la retraite au Sénégal pour transmettre un savoir-faire éprouvé transposable dans le monde entier et en particulier dans les pays laissés pour compte. Je me souviens avec émotion d’une dégustation où Luigi Gaido était présent, quatre heures durant à Aoste, de ses micro-vinifications des cépages de la vallée et d’un repas étonnant à une table d’hôte paysanne au-dessus d’Arnad, chez Bonin, où le pain, le vin, la polenta, les saucisses, le lard gras, les pommes de terre et les gâteaux provenaient sans exception de l’exploitation, de Carlo Petrini, créateur de Slow food et de son équipe à Bra et de la magnifique rencontre “ Terra Madre” qu’ils ont initiée fin octobre à Turin. D’Isabelle Raboud-Schü le et de Dominique Barjolle qui se sont attaquées avec leurs collègues à la collecte et à la constitution du Patrimoine culinaire de la Suisse. Sans oublier nos amis Laurence Bérard et Philippe Marchenay du CNRS qui ont défriché et recensé cet immense trésor patrimonial que représentent nos produits, recettes et savoir-faire. Mais que sont le patrimoine culinaire et le paysage ? Des choses intimement liées que nous pouvons partager harmonieusement. Des passerelles sensuelles et gustatives mais aussi spirituelles entre les hommes d’aujourd’hui. Par ces temps de repli identitaire et xénophobe une chance et une bénédiction. Des paysages à transmettre à nos enfants. Souhaitons leur de tout cœur et mettons tout en œuvre pour que cela soit ainsi. À coup sû r, des paysages à croquer ensemble avec bonheur et gourmandise. 232 Les produits traditionnels et le savoir-faire des consommateurs. Une enquê te préparatoire pour l’inventaire du patrimoine culinaire suisse Isabelle Raboud-Schü le Cette enquête a été réalisée par l’association de chercheurs d’IPPACS (inventaire des produits du patrimoine culinaire suisse) avec la participation de Élisabeth Bavaud, Stéphane Boisseaux et Anne Gaudard. Au moment de commencer les travaux pour un inventaire des produits du patrimoine culinaire de la Suisse, l’équipe de chercheurs a pensé s’intéresser non seulement au savoir-faire transmis dans la production de produits alimentaires régionaux, mais également au savoir de ceux qui les consomment. Méthode et témoins Pour une pré-enquête, nous avons choisi d’utiliser la méthode des « focusgroup ». Il s’agit de réunir une dizaine de personnes autour d’une table, d’animer la discussion et de l’enregistrer intégralement, la question posée au départ étant chaque fois la même : « Quels produits alimentaires sont importants pour vous ». Les participants notent quelques idées sur des feuillets qui sont ensuite rangés par groupes et affichés par l’animateur. La discussion est ouverte en commençant par la catégorie d’aliments la plus mentionnée. Un buffet de produits provenant de la Suisse entière est ensuite offert et contribue à relancer la discussion. Trois soirées ont ainsi été organisées : Le Crepa à Sembrancher s’est chargé de choisir et convoquer un groupe de la région de l’Entermont et Bagnes (Valais), une personne engagée dans l’animation locale a fait de même à Romainmôtiers (Jura vaudois). Puis nous avons réuni en une troisième soirée une quinzaine d’étudiants de Lausanne. À chacune de ces rencontres, les discussions ont été nourries, l’interaction entre les participants faisait rebondir la conversation de manière spontanée. La transcription intégrale des entretiens est complétée par les protocoles tenus par les observateurs et fournit un riche matériau de base. 233 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE L’analyse laisse apparaî tre de grandes différences entre les trois groupes et permet d’esquisser quelques réponses à notre hypothèse de départ. Un grand nombre de produits sont cités, parfois spontanément, parfois sur sollicitation. Les liens qui unissent les personnes aux produits qu’ils consomment se différencient nettement en fonction de préférences régionales perceptibles. Les catégories de produits les plus valorisées ne sont ainsi pas les mêmes dans les deux régions observées. Cette communication pour le colloque privilégie les résultats concernant l’exemple alpin (district d’Entremont), les deux autres groupes permettant d’en souligner les spécificités. Produits et avis Dans les trois groupes le fromage occupe un place très importante, avec une préférence marquée de chacun pour le fromage de qualité de sa propre région. Les modes de consommation sont variés et flexibles avec une forte habitude de mettre du fromage dans les plats cuisinés pour les améliorer. La fondue, plat national emblématique, se confirme d’emblée pour tous nos informateurs. Les autres mets sucitent des réactions contrastées. Dans l’Entremont valaisan, la viande a occupé la plus grande partie de la discussion ce qui n’a nettement pas été le cas dans les deux autres groupes. Si on avait un morceau de viande qu’on achèterait en boucherie, on a l’impression qu’elle peut venir de plusieurs bê tes tandis qu’avec la chasse, surtout si on a pris chez un chasseur d’ici, on sait que c’est une bê te qu’on partage ensemble et c’est un repas de fê te. La provenance de l’animal et la relation de confiance entre le consommateur et le boucher-charcutier jouent un rôle central. Lorsque ce réseau repose sur des personnes connues, comme c’est le cas à Bagnes et pour certains témoins des autres groupes, les produits carnés peuvent jouer un rôle emblématique très fort. En revanche pour ceux qui n’ont pas accès à une viande qu’on connaî t, la réflexion autour du choix est compliquée et la consommation nettement moins valorisée. La composition des saucisses dessine des traditions très localisées. Le pain est cité comme une aliment de base et beaucoup mentionné à propos du fromage. Le pain de seigle valaisan (qui a obtenu l’AOC) est un produit très estimé, très valorisé pour des apéritifs de fête mais paradoxalement fort peu consommé au quotidien. À propos du féculent de base, une évolution historique se dessine. Consommer beaucoup de pain et souper le pain est considéré comme une habitude plus ancienne voire une habitude de paysans (étudiants). Le pain est à la fois ce 234 et une dégustation. produits alimentaires. dominants aliments, les compétences culinaires. familiale, l’ancrage dans la région. les ressources locales auxquelles les participants ont accès. L’éthique, le prix et le choix des Pain et fromage 26 janvier 2004 une trentaine de volontaires annoncés. 15 participants ont été choisis parmi politiques et sciences, recrutés par Les habitudes et traditions locales, La biographie personnelle et Fruits et fromage 7 novembre 2003 à une discussion sur l’alimentation régionale, pour une soirée sur les sujet sur le « patrimoine ». 15 octobre 2003 courrier électronique pour participer en ville, invitées par une personne du village active dans la promotion invités par le CREPA, pour un Lausanne en architecture, sciences Jeunes d’origines diverses, étudiants à 18-24 ans Femmes paysannes et personnes 28-60 ans et plus 25- 70 ans 7 hommes, 7 femmes 14 participants habitant ce village qui travaillent 1 homme, 7 femmes 3 hommes, 5 femmes villages des 3 vallées du district 8 participants 8 participants Université de Lausanne Personnes domiciliées dans les de Vaud, région jurassienne du Valais, vallées alpines Sujets de discussion Fromage et viande Date Participants Village de Romainmô tiers, canton District d’Entremont, canton Les produits traditionnels et le savoir-faire des consommateurs 235 236 96 53 (+ saucisse) 53 21 pain viande pommes de terre pommes (sans les participants: Fromage en nombre Viande 1 Fruits en nombre Viandes 6 Fruits 1 Pommes de terre 4 Légumes en nombre Légumes 3 20 30 19 29 57 (+ tresses) 63 17145 Fromage 4 sérac 1 Pain 5 Thèmes mentionnés par écrit par les 9 jardin pommes de terre) 43 15163 de Vaud, région jurassienne du Valais, vallées alpines fromage noms d’aliments: occurrences des mots transcrits et Nombre total de Village de Romainmô tiers, canton District d’Entremont, canton Dessert 1, chocolat 1 Pommes de terre 3, pâtes Fruits 3 œufs 2 Fromages 4 Viandes 5, Lait 4 Légumes 6 Pain et blé 6 12 8 12 53 (thème éthique) 47 43 10100 Université de Lausanne ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Les produits traditionnels et le savoir-faire des consommateurs qu’on mange quand on a peu le temps de cuisiner (pain et fromage) et le symbole du dimanche où on a bien le temps de prendre un petit déjeuner. Les pommes de terre, que certains cultivent eux-mêmes, sont omniprésentes dans la cuisine, surtout pour la génération d’âge moyen et les aî nés. Les manières de cuisiner les pommes de terres sont plus suisses que régionales. Le gratin – avec du fromage – est le plat caractéristique qui peut être offert à des invités de l’extérieur. Les jeunes, et cela dans chacun des trois groupes interrogés, préfèrent les pâtes et un peu le riz, car on ne doit pas peler les pâ tes. L’interchangeabilité des pâtes avec les pommes de terre dans la composition des menus est une caractéristique de la cuisine helvétique qui se confirme clairement ici. L’intérêt patrimonial pour les végétaux, fruits et légumes, est particulièrement faible. Les fromagers ou les vignerons savent présenter leurs produits, mais pas les maraî chers (groupe Jura VD) ! Ce manque d’intérêt ou de sujet de conversation à propos des légumes est particulièrement marqué en Valais, malgré les jardins encore bien cultivés. Les légumes sont un ingrédient des saucisses et ramènent immédiatement la discussion sur la viande qu’ils accompagnent : Les légumes, anciennement, c’était ce qui se faisait avec le salé puisque les gens devaient manger la viande des bê tes qu’ils tuaient au mois de novembre pendant presque l’année alors ils faisaient beaucoup de potées aux choux… (groupe Bagnes). Si chacun (dans les trois groupes) sait qu’il faut manger des légumes pour sa santé, les modes de préparations anciens ne sont plus appréciés aujourd’hui, tels que les légumes en sauce blanche. On constate un net passage du cuit au cru et une perte de savoirs et de motivation autour des manières d’apprêter les produits végétaux locaux, les choux-raves par exemple. Manger des choses de sa région Les liens avec la région ne sont pas du même ordre pour tous les produits mentionnés dans nos enquêtes. Ces liens sont très forts, parfois même un peu chauvins, pour les fromages. Ils sont compliqués pour ce qui concerne les viandes autour desquelles beaucoup d’acteurs sont impliqués. Les mets sauvages, surtout la chasse, ainsi que les champignons et les myrtilles sont très valorisés puisqu’on en offrirait à des invités de marque. Ils sont 237 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE bien présents dans la discussion du groupe valaisan mais ne sont finalement pas considérés comme faisant partie du patrimoine parce que on trouve du chamois aussi ailleurs et que la chasse existe dans toutes les régions. Pour nos témoins, la chasse est une affaire personnelle ou d’un groupe constitué mais n’est nullement considérée comme un savoir-faire collectif propre à une région. Le lien à la production régionale est le plus faible pour le pain dont la qualité repose sur la compétence de chaque boulanger et non sur la provenance de la farine (sauf depuis l’AOC pour le seigle). Il en va de même pour la pâtisserie qui est davantage liée au cycle des fêtes et à la volonté des femmes de perpétuer des traditions. Les usages sont très variés régionalement : les Valaisans citent les merveilles et les cressins préparées par le boulanger alors que les femmes vaudoises font volontiers ellesmêmes des préparations de pâte levée et une grande variété de tartes. La pâtisserie permet de communiquer et de passer par-dessus les frontières. Dans chacun de nos groupes les participants ont spontanément apprécié de goû ter aux douceurs provenant d’autres régions ou cantons. Pourtant, comme cadeau qu’ils apporteraient à des amis à l’étranger, tous nos témoins citent le fromage en premier ! Seuls les étudiants ont mentionné le chocolat. La transmission des savoirs La présence de plusieurs générations dans les groupes de discussion et la comparaison avec l’enquête parmi les étudiants permettent quelques observations intéressantes sur les questions de transmission de savoirs. Contrairement à une idée toute fait qui ferait des recettes l’objet principal de la transmission de la tradition, les jeunes de chaque groupe interrogé ne se sentent pas en peine pour trouver des recettes, même s’ils avouent un manque de compétence culinaire. Il faut du savoir-faire pour bien apprêter les viandes qui sont chères. En revanche pour les légumes, il ne faut pas beaucoup de compétences pour cuisiner à la vapeur ou apprêter une salade. Les manières de cuisiner ont changé et changent. Les jeunes transmettent également de nouvelles recettes à leurs parents et explorent les cuisines du monde. De plus les recettes se publient en abondance et les collectes d’anciennes recettes – selon les dires d’une participante – ne nous apprennent souvent rien de nouveau ! En revanche les discussions ont clairement mis en évidence l’importance des compétences dans le choix des produits. Certains ont appris de leurs parents comment se procurer de bonnes choses, chez qui acheter quoi et comment reconnaî tre la bonne marchandise ; d’autres déplorent de ne pas avoir été initiés à ce savoir qui ne se trouve pas dans les livres de cuisine. 238 Les produits traditionnels et le savoir-faire des consommateurs Premières conclusions Cette enquête–sondage a clairement fait apparaî tre l’importance des compétences des consommateurs dans l’existence des produits régionaux. Savoir acheter, disposer du bon réseau de fournisseurs, savoir choisir et finalement savoir décider ce que l’on va manger en quelle circonstance, ces compétences-là s’avèrent aussi importantes que le seul savoir culinaire. Les produits carnés demandent le plus de compétence, tant au niveau du choix qu’ensuite de la préparation et sont, pour le Valais plus que pour les autres groupes, particulièrement emblématiques. Les fromages sont accessibles et les consommateurs en ont une bonne connaissance. En revanche les légumes et les fruits, réputés bons pour la santé manquent nettement d’une valorisation culturelle plus riche de sens. 239 De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe - XVIIIe siècles) Claudine Remacle Introduction Dans les maisons d’autrefois, les espaces consacrés aux réserves alimentaires et à leur production étaient particuliers, remplis davantage au mois de novembre, décembre et janvier, lorsque tout allait bien. C’étaient des réceptacles sacrés, très souvent fermés à clef, des entrepôts de nourriture pour affronter cinq ou six mois d’hiver et pour passer la terrible période de la “ soudure” entre les deux récoltes. Les réserves contenues dans les greniers et les chambres de ménage semblent la plupart du temps en relation directe avec la réalité territoriale locale, en premier lieu, de vastes étendues de champs labourés et secs sur les versants raides terrassés. S’il y a aussi de la viande et du fromage, c’est grâce à la place importante que l’herbe occupe dans les terroirs cultivés. L’accueil des bêtes sous le toit de la maison est étroitement lié à l’exploitation des prairies fourragères et des alpages en été, aux vastes espaces de parcours à disposition. La grande maison rurale valdôtaine est bien sû r un abri, un foyer, mais c’est aussi un lieu de production alimentaire et un garde-manger pour la famille et son cheptel. Les sources sélectionnées Cette courte étude se base, d’une part, sur la connaissance de l’architecture traditionnelle acquise par les travaux d’inventaire réalisés par la Surintendance régionale des Biens culturels et, d’autre part, sur un type de documents se trouvant aux archives notariales d’Aoste1, les inventaires après décès. Ces textes localisent parfois le mobilier et les réserves alimentaires. J’ai choisi des archives en rapport avec quelques paroisses de haute montagne où les modèles architecturaux traditionnels sont différents : Ayas dans 241 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE la Vallée de l’Évançon, Cogne dans la vallée de la Grand’Eyvia, et, dans les vallées du Buthier et de l’Artanavaz, un ensemble de communes, Bionaz, Oyace, Valpelline, Ollomont, Doues, Bosses. À titre de comparaison, j’ai également examiné des exemples à Introd, commune de moyenne montagne où s’est déroulée la première journée du colloque. En effet, Introd est située sous 1000 m d’altitude, là où croissent encore la vigne, les châtaigniers et les noyers. J’avais au départ l’intention de sélectionner des textes rédigés à l’occasion d’un décès arrivé à la fin de l’automne ou au début de l’hiver, c’est-à-dire dans la période de l’année où – en principe – la maison est remplie et rassure pour les jours à venir. Cette piste s’est révélée difficile à suivre parce que l’on meurt en toute saison et que de nombreux textes ne comportent pas la liste des réserves alimentaires. La rédaction des inventaires d’après le Coutumier Selon l’article 25 du titre II du premier livre des Coustumes du Duché d’Aouste2, l’inventaire doit être établi entre 3 et 8 jours après le décès d’un chef de famille et il est rédigé soi-disant sans déplacer les meubles dans la maison, principalement quand les héritiers sont pupils, c’est-à-dire mineurs (moins de 17 ans pour les filles, 20 ans pour les garçons). Fréquemment, la mère a la charge de l’administration et de la tutelle des enfants, mais ce n’est pas toujours le cas3. Lors de l’établissement des listes, pour préserver les biens et droits des pupils, les officiers décrivent sur le registre devant des témoins tous les biens meubles, immeubles, tiltres et droicts delaissez par ledict defunct, y inserant les denominations, situations, et contenance des immeubles, nombre, poids, et mesure, ensemble l’estimation et valeur des meubles4… Les notaires ne procèdent pas tous de la même façon. Certains entrent dans les détails et localisent avec beaucoup de précision leur parcours dans le ou les bâtiments, en indiquant le passage d’un espace à un autre. Pour nous, ce sont les documents les plus intéressants, puisqu’ils permettent de comprendre comment étaient utilisés les espaces intérieurs et leur agencement les uns par rapport aux autres. La plupart des inventaires commencent par la maison focale ou maison focaire (la cuisine, pour parler de façon plus actuelle), par le poê le et parfois par l’étable qui, en haute montagne, était souvent habitée en hiver. Certaines listes comportent des denrées alimentaires, d’autres non. La veuve est priée d’indiquer tous les meubles et autres effaictz dependants de ladite hoirie pour le proffit et utilitté des ditz enfants sans rien cacher ny resceller5. 242 De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles) En fait, un inventaire après décès ne cite pour ainsi dire jamais les denrées périssables à court terme et pas toujours celles qui seront nécessaires pour nourrir la famille avant la prochaine prise, c’est-à-dire ce qu’exige la consommation de la mère et de ses enfants avant les récoltes6. L’exemple de 1699 qui suit, pris parmi les minutaires d’Ayas7, le démontre. Liste des meubles appartenant à la mère de Honneste Catherine, fillie de Maistre Visendaz, unique mineure de seze ans, [...], la moitie des meubles en assize deslivrés par le tuteur de la ditte pupille [...], plus son us au tablair qu’est dans ledict cellier [...], plus a esté deslivré [...] la quantité de quarante pain de blé seigle cuit, pesant environ cinq livres l’un, plus environ huict livres de chair de moutons sallée sèche, plus environ sept livres de sel, plus de farine, ris et chastagnes blanches pour faire de pouttages, plus un sestier rande8 de bled, trois quartanes randes d’avoine, deux quartanes et demyes d’orge rande, une quartaine rande de froment, plus deux livres de burre fondu, [...] lequel pain, granailles et autres denrées s’entendront pour la nourriture et entretien de ladicte veufve jusqu’à nouelle récolte, mesme ledit orge, froment et avoine pour ensemencer les champs le printemps prochain là où sera requis de les semer [...]. À Bosses, plusieurs fois, le notaire Marguerettaz biffe les lignes où il avait repris les réserves de pains et de céréales9. Ce fait explique le vide “ apparent” de nombreux greniers, qui pourtant sont peut-être pleins, mais il montre certainement aussi l’indigence, puisque les inventaires sans victuailles de réserve sont très nombreux. La moitié à Ayas et encore davantage à Cogne. C’est dans cette paroisse que ce phénomène semble le plus marqué. Les femmes y étaient fréquemment tenues à l’écart de la tutelle par la famille proche du père de famille décédé10, surtout si elles n’avaient pas d’enfant mâle. Il faudrait examiner de plus près ce sujet pour comprendre s’il y a une relation entre ce régime successoral particulier en vigueur et le fait que la maison semble vide de denrées alimentaires. Il convient d’ajouter encore un détail sur la façon de travailler des notaires. La plupart ne s’arrêtent que sur ce qu’ils jugent de valeur, donc sur les pièces en métal (fer, bronze, cuivre, étain, laiton...), en plus ou moins bon état, et sur le mobilier qui a nécessité des heures de travail pour leur réalisation (coffres en planches menuisées, tables, crédences, buffets). Tout le menu matériel de cuisine en bois, qui est sans doute décoré et qui nous intéresse tant aujourd’hui, n’apparaî t que rarement chez certains notaires pointilleux ! Or, tout ce matériel est là, il n’y a aucun doute, vu le nombre d’objets conservés dans les collections ethnographiques régionales présentées par l’Architecte Cristina De La Pierre. 243 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Champoluc. À Ayas, les faç ades aval des raccards comportent de petites chambres en bois, souvent en encorbellement. Ce sont les greniers (Service du Catalogue de l’Assessorat É ducation et Culture, recensement de l’Architecture rurale) La visite des maisons La lecture attentive des inventaires en observant le cheminement des participants a de l’intérêt parce que l’on y retrouve les formes locales de l’architecture domestique. Seuls certains notaires signalent leur parcours et, dans ce cas seulement, les réserves et les objets sont situés dans l’espace et le temps. Si l’inventaire est riche, il replace en outre la personne défunte et son mobilier dans le cadre social de l’époque en touchant le décor “ culturel” de sa vie quotidienne. Ainsi le 23 janvier 1652, à quelques kilomètres d’Introd, au hameau de La Creste d’Arvier11, on passe en revue les espaces d’une maison de notable et, dans le poê le de Franç ois de Jean Pierre Martinet, bourgeois, cultivateur cultivé, on trouve quelques livres parmi lesquels il faut citer La maison rustique de Charles Estienne, Docteur en médecine, publié à Paris en 1567, un livre dont la présence n’a rien d’anodin du point de vue des connaissances en matière d’élevage, d’agriculture et d’alimentation12 ! Le notaire Chantellex, qui inventorie les objets, passe par de nombreuses pièces, diversifiées en fonction de leur contenu. Il commence par la maison focale, passe au poêle ou salle à cô té de la maison, monte à l’étage supérieur et entre dans la chambre de ménage ou garde-robe, puis il redescend au cellier, situé sous le logis, au niveau du sol, mais sec, remonte au sollan du pain, puis à la chambre devant la maison focale, va au grenier qui est au-dessus du cellier, puis à la 244 De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles) crotte près du pressoir et au cellier dit du vin. Il termine la visite au rez-de-chaussée par l’étable, par la place du pressoir, traverse la cour couverte – comme il y en a à Introd – pour finir à l’extérieur devant le fenil, où sont rangées des perches pour gauler les noix et des échelles pour cueillir les fruits aux grands arbres. À Ayas, le 2 juillet 1674, à la mort de Joanin Obert au village de Pilaz13, sa veuve consigne les biens un à un en commençant par le poille contre la cuisine, puis elle passe à la cuisine, s’arrête longuement dans la crotte, puis se dirige vers la partie rurale de la maison – caractéristique de l’architecture rurale de cette vallée – en entrant dedans la chambre du levant du grand rascard, continue par le cellier, puis par une chambre en porte-à-faux au-dessus du balcon – c’est le grenier de la maison – et termine par l’étable. Même si l’on trouve dans la chambre au levant du raccard, […] deux amets soit arbes pour paistrir le pain et un autre petit, une toulle et demy douzaine de tables pour porter le pain, il n’y a pas de réserve de pain signalée dans le bâtiment dont l’intérieur est pourtant très cossu14. À Cogne, on assiste à un scénario semblable le 20 juillet 172915, quand trépasse Estienne Abram d’Espinel. Il laisse cinq enfants mineurs, un petit garçon Estienne, et quatre filles. Valnontey, une péra. À Cogne, les chambres de ménage pour les réserves sèches et tous les objets précieux, la sala et la dessusala, sont au dessus du foyer dans ce corps du bâ timent en maç onnerie (Service du Catalogue de l’Assessorat de l’É ducation et de la Culture, recensement de l’Architecture rurale) 245 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Les curateurs entrent premierement dans le poille qu’est de plain pied dedans maison, […] puis ils passent à la salle dessus maison focalle… où se trouvent les vêtements de toute la famille, mais aussi – en principe – les réserves alimentaires sèches. Plusieurs inventaires font apparaî tre le rôle primordial de ce lieu privilégié des réserves et des semences à Cogne, mais aussi du linge de ménage et des objets à con-server avec attention. On le nomme en francoprovençal, la sala et, dans les textes, la sale dessus maison avec éventuellement dans le comble la dessus sale. Les documents mettent aussi en évidence l’espace caractéristique de la còr16, indiqué par les mots allée ou alloir, qui, à Cogne, traverse l’ensemble de la maison au rez-de-chaussée. On y entreposait le matériel encombrant : le bât du mulet, les réserves de bois et de brouttin17, les traî neaux, les sacs qui contenaient la miniere18. Page après page, pièce par pièce En fait, tous les espaces de la maison ont de près ou de loin un rôle lié à l’alimentation. À l’étable, certaines bêtes sont destinées à la boucherie et, de toute façon, elles sont à la source de la production fromagère et constituent un vrai patrimoine de réserve : deux vaches, dont une pour garder et une pour engresser19. É pinel. Fenê tre décorée de la sala (XVIIIe siècle). En Vallée d’Aoste, les ouvertures vers l’extérieur des espaces importants du logis sont entourées d’un cadre en enduit lissé, autrefois décoré de signes de protection (Service du Catalogue de l’Assessorat É ducation et Culture, recensement de l’Architecture rurale) 246 De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles) Dans la Vallée du Grand-Saint-Bernard, certains inventaires sont très pointilleux sur l’endroit où est disposé le mobilier. Le notaire Marguerettaz travaille au hameau de Cuchepachy, le 17 février 1707, donc en plein hiver. De la feuille 3 à la feuille 12 du minutaire20, il établit la liste des biens meubles de l’hoirie de Barthelemy Marguerettaz. La visite en sa compagnie est pleine d’enseignement et cet inventaire nous servira, page après page, pour décrire les maisons pièce par pièce, garnies de leur ameublement principal – sélectionné pour éviter les longueurs : premièrement, dans la maison focalle, laquelle ont retreuvé d’heuement fermée avec la serrure et la clef, […] une crémallière à quattre jambes et dix boucles, plus une courtoisie 21, plus un bernageoz22 un peu gasté, en laquelle cuisine, on y a retreuvé un buffet de bois dans la muraille avec quattre portes, bois vieux un peu gasté, plus un mortier de pierre cerclé […], un livrail23 […], plus un barrillion […], plus un chappleur de frenoz […]. La maison focale ou focaire, selon les lieux, est la cuisine par excellence avec, sur le mur du fond, le foyer, l’âtre. Elle est en général au premier étage, de préférence au-dessus d’une cave voû tée, la crotte ou grotte. On y accède par un escalier extérieur en pierre. On y trouve logiquement, en premier lieu, les accessoires du foyer : les crémaillères métalliques avec le nombre de bras et de boucles (un crumacle à trois jambes et douze bourcles24), la pelle à feu, les trépieds pour poser casseroles, chaudrons, poêlons, poêles à frire à poser sur le feu vif ou la braise, etc. Certes, le nombre de ces ustensiles varie suivant le niveau social de la personne décédée, allant, par exemple à Ayas, du droit d’utilisation d’un quart de la chaî ne à la demi-douzaine de crémaillères. Les listes des accessoires de cuisine n’en finissent pas dans les maisons cossues et, au contraire, sont réduites à l’essentiel chez les moins nantis. Il en va de même de la diversification des ustensiles. Les ustensiles pour rô tir ou griller, broches, tournebroche ou grils, sont rares, de même que les ustensiles pour moudre (moulin à café ou à sel) ou encore pour aiguiser (une moule de pierre avec ses guises de fer pour eguiser...). À la fin du XVIIIe siècle, en haute montagne, les cafetières sont encore exceptionnelles, l’apanage d’une élite qui veille à suivre la mode25. La mode – les textes anciens le prouvent – pénètre, à dos d’homme ou de mulet, jusqu’au cœur des vallées les plus profondes. Par contre, certains ustensiles de cuisine se retrouvent dans toutes les maisons, comme l’essentiel pour puiser (la louche et la louche trouée, la poche tenante et la poche percee), pour râper (une grattuise de fromage), pour piler (le mortier à sel et son pilon, un mortier de pierre fort bon avec son piston de bois), pour brasser (la baratte et son moudon), pour cuisiner (chaudrons, bron, casseroles, poêles), pour manger (assiettes ou tranchoirs en bois, écuel247 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE les, cuillers). La poêle à châtaignes en fer avec son long manche en bois se rencontre souvent dans les villages d’altitude. La visite de la maison Marguerettaz continue en passant par la pièce voisine de la cuisine, le poê le, lieu de vie par excellence : plus on est entré au poille, on y a retreuve […] une forme de lict […] une table avec ses jambes à bras en croix, deux banches […], plus audit poille un fourneau de pierre, plus un coffre de bois dheuement fermé bois de sappin […] de la contenance de deux setiers […], plus un petit tablair […], de là on est allé dans la cuisine basse, […] de là , on est allé dans la chambre dessus maison basse […] où sont rangé les outils de la campagne, mais où il y a aussi une forme de lit […], de là , on est entré dans l’ autre chambre qu’ est sur la grande grotte, un grand coffre […], cinq petits chanons […], deux autres petits coffres […]. Cette chambre sert aussi d’entrepôt à l’outillage pour travailler le bois, aux étains et à tous les ustensiles liés à la fabrication du fromage que je ne citerai pas ici. L’inventaire des objets est long, les pages se suivent, mais il n’y a toujours pas de réserves alimentaires, à part une petite boette ronde à tenir sel beni pleine, qui nous rappelle qu’à Bosses se pratiquait aussi la bénédiction du sel le jour de la sainte Agathe, sel que l’on conservait soigneusement dans une boî te pour protéger la maison. C’est à partir de la page 7 que l’on entre dans la chambre dessus : en fait, c’est le grenier à viande et à céréales qui nous permet d’entrer dans le vif du sujet26. On y retrouve : un coffre […], deux mesames de lard pesant trois rups et dix huict livre, quattre poitrines de bovines sallées et seiches pesantz un rup et vingtune livre, plus cinq langue de bovines pesant neuf livres et demy sallées et seî ches, plus dix neuf livres de saucisses seiches, plus cinq rup de chair sallée de bovine seiche, cinq toises de boyau, plus deux méchantz corbet, plus deux couteaux, plus une courbette, plus sept sacs moins une emine de bled mesure d’Aoste tauxee vingt livres le sac, plus quattre centz pains de seigle de pain de Toussaint […] cinq livres l’un, plus vingt une livres de lentilles, plus cinq quartanes de légumes appelles arveillies, plus trois quartanes de febves, plus trois quartanes d’avoine, plus dix toiles de sacs de trois sestiers […]. 248 De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles) Cette longue description, comparée aux autres inventaires après décès considérés pour rédiger cet article (voir tableaux n. 4 et 5), présente une grande variété, mais est bien loin d’évoquer les deux greniers à viande combles de Valgrisenche, étudiés par René Viérin27. Il est pourtant évident que l’on a abattu plusieurs bêtes bovines, alors qu’à Valgrisenche, on a l’impression de se trouver dans l’entrepôt d’un boucher. La visite continue par la cave à fromage : de là on est allé à la grotte soubs la cuisine […] plus un tour virant à tenir fromages à cinq tablairs […], plus un goveillon de repotaz28 d’environ un barril, cerclé de fer, plus deux rup moins trois livres de griviere, plus un gavion plein de beurre, […], plus un autre gavion presque plain de beurre fondu pesant le tout cinquante six livres et demy, et onze livres de vacherins des chèvres vieux, plus quattre rups moins cinq livre de fromage de vache, deux tiers my meurs et un tiers frais, plus trente livres de ceras gras de l’arp, plus trente livre et demy de ceras maigre de l’authomne, plus un autre goveillon de repotaz d’une cellée, […]. Les réserves de fromage sont très diversifiées : environ 20 kg de griviere, 40 kg de fromage de vache, frais ou mû r, 12 kg de sérac gras de montagne et 12 kg de sérac maigre et, au surplus, 4 kg de vieux vacherin de chèvre. La présence du tour à fromage à cinq étages est exceptionnelle, car les autres listes, quelle que soit la zone géographique considérée, ne proposent en général que des tablairs ou tablers accrochés au mur sur des consoles, mais légèrement écartés de la paroi pour empêcher les souris de les envahir. Il y a souvent plusieurs planches à la cave : dix ais à tenir fromages, vulgairement appellés tablers, de la longueur environ d’une toise et de largeur d’environ un pied, les uns de bois de sappin, les autres de bois de meleze29. À Ayas, par contre, dans la maison de Pierre de Mathieu Obert, on trouve à la cave un coffre pour tenir fromage. Parmi les denrées alimentaires entreposées à la cave de Cuchepachy se trouvent deux autres composantes essentielles de l’alimentation en haute montagne : le beurre cuit ou fondu (voir tableau n. 3) et le chou (voir tableau n. 1), un goveillon de repotaz d’environ un barril. Le beurre après cuisson lente est coulé ici dans des gavion, c’est-à-dire des vases de bois à l’usage de tenir beurre fondu30. Ailleurs, on trouve plutôt cette réserve de graisse dans un ou plusieurs vases en terre, un dol tenant quinze livre remplis de burre cuit31. Le chou quant à lui est également conservé après cuisson. On le trouve aussi dans le Valpelline, à Saint-Oyen, un barillon de repotaz32 et à Introd : plus de chouz 249 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE cuit en repotte environ pour remplir une selle demine33, par contre il n’y a aucune attestation à Ayas. À Valpelline en 173134, il apparaî t que les récipients en terre cuite conservés à la cave peuvent servir pour d’autres denrées : un doil de terra tenant environ un rub et dans icelly demy rup de vin cuit de pomme. La visite de la maison Marguerettaz procède en passant d’une cave à l’autre : de là on est allé à la grande grotte cave du vin, laquelle on a treuvé fermé e avec la serrure et la clef […], on a treuvé cinq tablairs doubles attachés long de deux toises de longueur, une petite matre35 avec son couvercle, un gros tronc pour chappler36 la chair, plus trois entonnoirs […], trois paires de barrils […], une petite grolle37 neufve avec son couvercle […], un thonneau cerclé de fer de quattre charges plaine du meilleur de son vin […], un autre thonneau cerclé de fer […]. À Bosses, comme dans toutes les autres vallées latérales, des tonneaux, plus ou moins nombreux, en file, garnissent les caves, symbole des migrations vers la plaine viticole, vers Aymavilles pour Cogne, vers Saint-Vincent et Chambave pour Ayas, vers Saint-Christophe et Quart, surtout, pour les paroisses du Valpelline, vers Signayes et la colline d’Aoste pour la Vallée du Grand-Saint-Bernard. Revenons à Cuchepache, le notaire, la veuve et les témoins sortent de la cave, contournent le bâtiment par l’extérieur pour entrer au fenil par l’amont : de là on est allé au pailler […], plus les deux trapeys38 garnys de dix neuf lattes et plusieurs quennes39 et tous deux remplis de paille […], plus, outre que sus, deux fais de paille de bled que d’arveilles 40, plus une toise et deux tiers de recor41, plus onze perches, plus deux civière à porter fumier, plus huict estaches42 neufves percées, plus deux balles de vions43, […]. La visite de la maison de Cuchepache est à un tel point complète que le notaire s’attarde longuement sur les balcons et dans la basse-cour où il n’oublie rien, semble-t-il, attentif au moindre détail, au moindre morceau de bois : le mantelage en planches et en dosses de la façade, la réserve de bû ches, le billot pour fendre le bois, six mangeoires pour la volaille, des perches munies de chevilles en bois pour le séchage des légumes comme les fèves ou les feuilles de raves : plus la fascade devant maison basse entourée de bois et d’aix, plus environ deux tiers de la place devant maison entourée de 250 De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles) Cuchepache. Les chambres de ménages sont au deuxième étage au-dessus du logis ou au niveau du fenil. Celui-ci est très aéré grà ce à un mantelage léger en planches. (Service du Catalogue de l’Assessorat É ducation et Culture, recensement de l’Architecture rurale) palins soit aix courts, plus six quonques44, plus environ une toise de bois en billon, plus une petite cleaz 45 devant la chambre dessus, plus deux perches à pendre febves avec leurs chevilles, plus deux eschelles […]. Dans l’étable, le cheptel est relativement nombreux, varié (voir tableau n. 6), mais le mobilier, décrit avec précision, montre que la famille y séjournait pendant la journée en hiver : de là , on est allé à l’estable, on y a treuvé un gros tronc de bois, deux grandes brelles46, deux cleyes, une porte, quatre chèvres et un chevrot tauxées vingt six livres […], plus une brebis, quatre livres, une jument, cent et quattre livres […], cinq vaches […], un veau […], huict poules et un coq […], un buil47 des poules […]. En général, dans ces textes, le systématisme des notaires et le foisonnement de mobilier, sommairement décrit, donne une impression de grand désordre. Or, ce n’est pas le cas. Un ordre réel régnait dans ces maisons paysannes, dans ces chambres dessus maison, dans ces salles. Les photos de quelques intérieurs, présentées dans l’article de Cristina De La Pierre, suggèrent l’esprit de ce fouillis 251 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE apparent, mais ordonné. Outillages et vêtements voisinent avec les paniers et les hottes soigneusement rangés, mais parfois aussi avec les cordes de chanvre, les sacs de semences et le pain. Les œ ufs : tous dans le mê me panier ? La variété des objets voisins les uns des autres est en rapport direct avec l’exigence de la conservation, mais aussi avec la nécessité de l’économie et de la prévoyance. Dans les inventaires qui énumèrent les réserves, les céréales et le pain sont très fréquents en haute montagne, de même que le beurre fondu. À l’étable, dans les maisons des moins pauvres, la variété du cheptel traduit une forme de prudence (voir tableau n. 6). Les bêtes bovines alignées devant les crèches sont d’âges différents : vaches ayant fait un ou plusieurs veaux, génisses, génissons, anoilles48, veaux (du nouveau-né au veau d’un an). À côté sont logées quelques brebis ou des chèvres avec, si c’est la saison, un agneau ou un chevrot. Les ani- É tirol, Torgnon. Un grenier bien en ordre. (Service du Catalogue de l’Assessorat de l’É ducation et de la Culture, recensement de l’Architecture rurale. Photo René Monjoie) 252 De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles) maux de trait, ou les montures, sont rares dans le Valpelline, mais très fréquents à Cogne et surtout à Ayas. La volaille est pour ainsi dire absente à Ayas (1 cas sur 20) et à Cogne (2 cas sur 10), mais par contre, les poules (souvent sous la surveillance d’un coq !) sont citées dans 4 cas sur 15 dans les vallées au nord d’Aoste. C’est d’ailleurs uniquement à Valpelline que les notaires prennent la peine de parler d’œufs. Encore aujourd’hui, les personnes âgées de cette vallée rappellent volontiers que, le mardi, les femmes descendaient à pieds au marché d’Aoste pour vendre des œufs : un aller et retour dans la journée. D’après la quantité impressionnante d’œufs que l’on trouve dans deux inventaires (tableau n. 3), il semble que ce souvenir se fonde sur la réalité, une manière de résoudre le problème du numéraire qui aurait déjà été pratiquée dans un passé bien plus ancien : 6 douzaines chez André Favre aux Ansermins en 1743 et 4 douzaines chez Jacquemod au hameau des Gontés en 175149. Il existe une relation claire entre la composition du cheptel à l’étable et le tableau n. 3, très dense, qui illustre la façon dont sont garnies les caves à fromage. Ce tableau est consacré aux produits dérivés du lait qui sont à la base de l’alimentation en montagne : beurre frais, beurre cuit, fromages communs, frais, secs ou rassis, fromages d’alpage ou gruvières, ceras gras ou maigres, souvent dits de montagne. Le fromage de chèvre est extrêmement rare, trois citations seulement (Bosses 1707, Valpelline 1731, Cogne 1732). Les bêtes à l’étable constituent certainement, en cas de crise, une réserve de viande, mais le petit nombre de têtes que l’on a partout montre, en général, qu’il n’y a pas de spéculation commerciale, à part peut-être dans le cas de Jean Michel Vaudan qui a 14 vaches. De toute façon, comparé aux formes d’élevage actuelles, c’est encore un petit nombre. Au grenier, la présence de charcuterie, de viande sallée sèche préparée au début de l’hiver est l’apanage des familles les plus aisées, car la plupart des textes n’en comportent pas ou peu. Il s’agit probablement de morceaux de viande entiers (voir tableau n. 4). Les animaux abattus pour la boucherie familiale sont variés : le menu bétail (moutons et chèvres) et les vaches. Il n’est question qu’une fois de viande de porc et il faut noter que, curieusement, on n’a pas rencontré un seul cochon dans les étables. Aujourd’hui, les saucisses sont devenues la forme de charcuterie la plus courante, mais, là encore, les inventaires réservent des surprises : dans la famille Chenal du Bouioz à Oyace, on vient d’acheter un entonnoir de fer blanc des socisses neuf 50, mais on ignore s’il a déjà servi. On trouve des saucisses citées dans trois cas seulement : à Bosses en 1707, et deux fois à Doues, en 1763 et en 1772. Le pain Dans la maison, le pain était rangé sur des râteliers droits ou horizontaux, suspendus pour éviter l’accès des rongeurs, installés souvent dans des pièces spécialement aménagées à cet effet, appelées alors chambre, chambre dessus maison ou sollan du pain. 253 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE La cuisson collective annuelle, considérée aujourd’hui par la tradition comme un évènement marquant du calendrier, se déroulait pourtant à différents moments de l’année, en fonction des besoins. Cependant, le début de l’hiver est sans aucun doute la période où l’on faisait ses provisions, son gnallet51. Ce mot est utilisé dans la vallée de Rhêmes pour indiquer le local de conservation des pains et, dans le Valpelline, les notaires le citent fréquemment pour les pains durs ou pains de seigle cuits au commencement de la mauvaise saison. Ce moment préférentiel se remarque dans le tableau n. 2. Les inventaires parlent de pains de Toussaint ou de cuite de Noë l. Les notes du notaire Jean Pierre Desenfans d’Ayas52 sont évocatrices à ce sujet. Elles montrent la tendance à préparer les réserves de pain en plein hiver, mais aussi éventuellement en mars. Ce notaire est certainement d’âge mû r vers 1725. À cette période, son fils Martin s’émancipe et part travailler comme scieur de long en Piémont ou va “ trafiquer” vers l’Allemagne. De temps en temps, Jean Pierre Desenfans indique, sur le dos de la page d’en-tête de ses registres, la date à laquelle il fait cuire le pain et la quantité enfournée. Ainsi, il note en 1720 : le pain quit le 22 janvier 1720, nombre 60. Vivre Jesus et Marie. Le 25 may l’emancipation de Martin Desenfans, recue par Mathieu Obert. Le jour de la sel le 6 janvier 1720. En 1724 : du jour 9 fevrier 1724 de la quantite de trois fornaux de pain + 280. Des pains susditz ien ay rendu 5 à Jean Michel Borbay qu’il mavoit presté. En 1727 : Quit le pain le 16 janvier 1727. Acheté un sestier de blé avec Jaques Heresa qui me le quira ces jours proche ce 3e mars 1727 au prix de 5 Livres. Expédié deux proces à Jean Pierre Vuillermet Gressonay, pour demy livre de tabac, il me doit 3 Livres au moins ce 5e mars 1727 Vive Jesus et Marie. Soyez les expous de ma vie. À Ayas, le pain de seigle cuit est cité, mais très irrégulièrement. Par contre, dans les vallées du Buthier et de l’Artanavaz, le pain dur, de seigle dit de gnallet ou de niallet fait vraiment partie des réserves en toute saison. On en trouve 300 en 1759 dans un petit grenier en bois, dépendance de la maison de Jean Barthélemy Brédy53 à Vernosse (Oyace) ou, en 1773, 80 dans la chambre au-dessus de la maison à Dzovennoz (Bionaz)54 sur douze rateliers à tenir pains, pour un sac de grain chacun. L’interprétation de ces données est cependant très délicate, car il faut tenir compte du contexte familial. Dans la première famille il y a cinq enfants55, dans la seconde un seul, probablement très jeune, car le notaire signale en plus un autre petit qui doit naî tre56. En 1732, chez le Sieur André Gilliavod, lieutenant et juge de la vallée de Cogne, on trouve une quantité de pains qui bat tous les records : 678 pains, la moite d’iceux dur et sec et 13 pains buirattés. Dans la salle de l’épicière Grappein, au Village 254 De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles) de l’Église, le 7 juillet 1796, on trouve du pain de différentes quali-tés : 2 rups, 16 livres 6 onces de pains durs […], 19 livres de pain frais […], 15 livres de pains frais blutés. Il y avait également du pain frais chez Collomb le 2 mai 1733, 7 rups de pain frais […], à côté de 2 rups et 13 livres de pain dur de la Toussaint de l’année precedante. Ces exemples semblent indiquer une plus grande variété de pain à Cogne que dans le Valpelline. Les légumineuses et les céréales Vraies céréales supplétives, les légumes secs sont une source de protéines indissociables de la diète traditionnelle : lentilles, pois, haricots, fèves. Ils méritent qu’on s’y arrête un instant, car, dans les inventaires, le vocabulaire utilisé met en évidence des cultures oubliées. Il est parfois précisé que la ravisse seche57 et les oignons sont en chene58. Les haricots (faysou, faysols, aricoz), fèves, lentilles, piollette, sont par contre conservés dans de petits sacs de toile ou de peau que l’on appelle des sacs ou des malles, mallettes ou mallettons. C’est à basse altitude que la diversité est la plus forte. À Saint-Christophe pour des familles d’Oyace : […] plus un petit sac de peau avec une emine de legume soit piollette dedans […], plus un petit sac de peau avec une quartane de lentille dans iceluy […] plus encore deux petits sac de peaux […], à côté d’un doil à mettre l’huyle de la contenance Glassier, Ollomont. Dans le Valpelline, la cave est fréquemment contre terre et sous le fenil. Le grenier est au deuxième étage au-dessus du logis (Porte en haut à droite) (photo Claudine Remacle) 255 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE de deux rups et d’un cousoir pour egaillonner les sollans, des pains de gnialets, des fils d’étoupes ou de recollines59. D’après le dictionnaire de Chenal et Vautherin, les piollette ou piolet seraient une sorte de petits pois aplatis d’un côté, à Quart, la lentille, et l’arveilla serait aussi le nom de la lentille, mais à Brusson. Toutefois, dans les inventaires, la présence des lentilles à côté des piollette ou des arveilles semble indiquer que ce sont des aliments considérés comme différents60, mais lesquels ? Dans les maisons, on trouve les céréales pour ensemencer les champs, conservées précieusement dans l’endroit le plus sec du grenier, de la salle ou de la chambre, souvent à côté des pains, près des vêtements, des cordes, des écheveaux de laine ou du chanvre à filer. La forme des céréales varie suivant les saisons : javelles au pallier ou au raccard, semences bien choisies, grains soigneusement vannés dans des sacs de toile, de la contenance de un à trois sestiers, farine tamisée ou non, pains plus ou moins secs, ou durs, rangés sur des râteliers. Il arrive que les prises de l’été ne soient pas encore battues. C’est le cas dans la maison de la veuve de Martin Merlet à Ayas : plus a consigné quelle aura a battre de blé environ neuf charge, soit cinquante quattre quartaines comble, plus deux quartaines de froment, plus six quartaine d’orge61. En général, les réserves de céréales sont diversifiées (voir tableau n. 1) surtout à moyenne altitude, comme à Introd, à Doues ou à Oyace. Voici deux exemples dans lesquels les greniers des maisons sont encore remplis de réserves sèches très variées au mois de mars, mais il est probable qu’une partie d’entre elles serviront à ensemencer les champs. Dans l’hoirie d’André Buillet, de Plan-d’Introd, le 5 mars 168162 a esté retreuvé : - huict vingts pain cuict, lesquels ont este seputte à la valleur d’onse sestier de ble, pesants les dits pains pour un chacun, l’un portant l’autre, environ six livres, attendu qu’ils sont fort sec, - plus une emine de ble, messure d’Aouste, - plus trois emines d’orge, - plus un sestier de seiglette, - plus trois quartane de fromen, une emine duquel ont dit vouloir employer pour faire le pain beny, - plus trois quartane d’avoine, - plus environ un sestier de semence de chanvre, - plus quattres sestier en noix, - plus sept rups de noyaux de noix vulgarement appelle grumaux, - plus cinq pallattier63 pour tenir le pain […]. 256 De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles) Voici un autre exemple à Oyace. Le 6 mars 176064, au Bouioz, dans l’hoirie Chenal, les réserves sont constituées comme suit : - plus un petit sac de peau de chevre, tenant une emine, rempli d’orge pillé, plus trois quartanes de chenevaz65, plus une émine d’arvelle, plus cinq eminals de froments, plus cinq eminals d’orge, plus un eminal d’aricoz, plus une quartane de farine de segle et orge, plus un petit sac de toile grosse tenant une quartane remplis de bourre d’orge, plus six livres de pain de noix, plus un setier de ballais de ble dit equiriente, plus huit eminal d’amandes, plus trois livres de sel, plus trente pains d’orge, plus la quantité de trente cinq pains de segle dit niallet, plus cinq quartannes de tartifles […]. Au XVIIIe siècle, les Valdôtains sont comme tous les Européens des mangeurs de pains, mais aussi de bouillies, de soupes, et bientôt... de tubercules. Contrai-rement au riz qui existe dans les maisons cossues pendant toute la période prise en considération (voir tableau n. 1), les pommes de terre sont rarement citées et font une apparition remarquée et tardive. Vu la réaction négative du fameux Docteur Grappein envers ces fruits de la terre au cours du XIXe siècle, on aurait pu imaginer qu’il n’y en aurait pas à Cogne au XVIIIe siècle. Cependant, le 7 juillet 1796, dans la cave de la boutique Grappein au village de l’Église, à côté des tonneaux qui contiennent des vins d’Aymavilles et de SaintPierre, il y a quatre emines de pommes de terre taxé vingt quatre sols l’emine (environ 90 litres). Je n’en ai pas remarqué, par contre, dans la vingtaine d’inventaires consultés concernant Ayas. Au nord d’Aoste, en revanche, on trouve dans le corpus qui a servi de base pour rédiger cet article trois attestations de pommes de terre à partir de 176066. Le cas d’Oyace est particulièrement intéressant puisque l’inventaire date du début du mois de mars et qu’il y a dans la cave cinq quartannes de tartifles, c’est-à-dire un volume d’au moins 55 litres. En outre, on sait, par un contrat de location, que le Noble seigneur FrançoisJoseph Passerin de Sarre, résidant dans la Cité, en fait cultiver dès 1745 dans son grangeage du Montceni67. Parmi les plantes qui ont révolutionné l’alimentation “ traditionnelle” des Valdôtains, le maï s est plus précoce que la pomme de terre. C’est aussi, pourtant, au cours du XVIIIe siècle qu’il semble pénétrer dans les maisons. Il apparaî t dans les trois zones géographiques considérées, mais son nom varie : on parle de melliaz à Ayas en 1743, de miglia à Valpelline en 1764, et, à Cogne, de mergaz en 1732, de bled turc en 1773 et de mays en 1796. 257 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE La noix dans tous ses états Les noyers poussent jusqu’à 1200 mètres d’altitude, parfois plus haut, mais c’est exceptionnel. Dans les inventaires des paroisses montagne et de Valpelline, les citations de noix sont fréquentes, de même que celles des cerneaux, d’huile et enfin, de troillet, de pain de noix. Par contre, dans les paroisses de haute montagne, comme Bionaz, Oyace, Cogne, Ayas, l’huile n’est pas très fréquente. Elle est peut-être présente pour alimenter les petites lampes d’éclairage, mais les notaires ne la citent pas. Au surplus, il n’y a ni fruits, ni grumaz, c’est-àdire ni cerneaux. Les cerneaux sont conservés pour un temps limité ; on cassait les noix aux cours des veillées au début de l’hiver et ce n’est qu’ensuite, au mois de novembre et de décembre, qu’on les portait au pressoir. Les pains de noix, les trolliets, sont des galettes de pulpe de noix pressée. Elles sont fréquemment citées et conservées dans les greniers près des céréales et jusque dans les villages d’altitude. L’huile, par contre, est dans un endroit frais, souvent à la cave, dans des doils, des jarres de terre cuite. Des goû ts venus d’ailleurs Dans les maisons les plus cossues, on trouve dans la chambre dessus de maison […], une petite boiste des espices68, comme, en 1683, dans l’habitation de feu Richard Farcoz du village d’Estrané à Valpelline69. Il y a également des boî tes de ce genre à Cogne dans les maisons importantes, celle du Juge Gilliavod ou celle du notaire Favre, mais il est plus intéressant encore de savoir ce que contenaient ces boî tes. En 1710, la brève description de l’intérieur de la petite bouttique de feu Jean Pierre Valsuan à Valpelline, originaire de Locanaz, le suggère. On y trouve un once de clou de geroffles70 à côté de papiers, de clous, d’épingles, de trois rosaires, d’aiguilles, de neuf petits alphabets ou cinq catéssisme de Lyon. À la fin du XVIIIe siècle, la bouttique de la veuve de Jacques Antoine Grappein71 révèle une plus grande variété des épices en vente à Cogne, pour les mieux nantis, cela va sans dire. La diversité des denrées est extraordinaire et met en évidence l’existence d’un commerce intercontinental qui touche, déjà à cette époque, le cœur des Alpes. On y trouve une livre et dix onces de poivre à cinq sols l’once, onze onces d’anis à deux sols l’once, quatre onces de clous de giroffle, à côté du sucre candi, du miel, de la cassonade fine ou grossière, de jus de glisse, d’huile de noix et d’olive, de vingt trois livres de café de la Martinique et d’un seul bâton de choucolaz ! Ce texte met en lumière, semble-t-il, l’existence dans les vallées latérales valdôtaines d’une élite au courant de la mode en Europe et surtout d’une autre réalité sociale que celle qui nous a été inculquée au XXe siècle concernant les habitants des communes “ reculées” de haute montagne. Il montre surtout qu’à côté du poids énorme qu’occupait le pain, le beurre et le fromage dans la survie, existait aussi, pour certains, le superflu. 258 Réf. 21/2/1699 17/5/1735 7/3/1743 27/6/1774 3/1/1652 20/1/1681 12/2/1714 7/2/1726 7/1/1737 11/12/1777 24/4/1718 18/8/1773 12/11/1793 9/12/1754 28/4/1759 Lieu Ayas Ayas Ayas Ayas Arvier Introd Introd Introd Introd Introd Bionaz Bionaz Bionaz Oyace Oyace Trolliet Pommes de terre Pommes de terre Trolliet Oignons Pommes Troilliet Meillaz * * * * * * * * Grains * * * * * * * * * * * Farine * * * Pains * * * * * * * * * * * * * * * * * * * Farine * * * * * * * * Grains Farine * Gruau * * Grains * * * * * Gruau Froment Grains * * * * Pains Arvelle Petit seigle * * Légumineuses * * * * * Lentilles Fèves Avoine * * * Haricots Orge Pois * * * * Choux Riz Ch â * Vertes Seigle/Blé Piolet gn * * Noires es ta i Blanches Sel Fruits * * * * * Noix * * * * Cerneaux Divers * * * * * * Huile Tableau N. 1 - Les réserves sèches : céréales, légumineuses, choux, châ taignes et noix De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles) 259 18/1/1775 24/3/1774 Doues Étroubles Valpelline 17/5/1743 Valpelline 9/2/1683 Valpelline 7/1/1707 Valpelline 13/10/1731 28/4/1768 19/2/1763 21/6/1772 6/3/1760 Ollomont Doues Doues Oyace Amandes Vin cuit de pommes Œ ufs Meliaz Pommes de terre Poudre de marc de pommes. Genévrier Troilliet Tartifles Trolliet Amandes Pains d’orge * * Grains * Farine * * Pains * * * * * * * * * * * * Farine * * * * * * * Grains Farine * Gruau * * * * Grains Froment Grains * * Gruau Sel * * * * Pains Arvelle Avoine Légumineuses * * * * * Lentilles Fèves Orge * * * * Haricots Seigle/Blé * * Pois * * * Choux Riz Ch â * * * Vertes Divers Piolet gn * Noires es ta i Blanches Réf. Fruits * Noix * Cerneaux 260 * * * Huile Lieu ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Petit seigle Valpelline Valpelline St-Oyen Bosses Bosses Cogne Cogne Cogne Cogne Cogne Cogne 13/2/1764 19/6/1751 3/4/1709 17/2/1709 19/11/1712 10/4/1731 20/7/1729 31/5/1732 2/5/1733 4/2/1773 7/7/1796 Bled turc Mays Amandes Oignons Pommes de terre Trolliet Mergaz Miglia Sel * * * * * * * Grains * * * * * * * * Farine * Pains * * * * * * * * * * Grains * * * * * * * * * * * * Grains Farine * Gruau * * Grains * * Gruau Froment Farine * * Pains Arvelle Petit seigle * Légumineuses * * * Lentilles Fèves Avoine * Haricots Orge Pois Seigle/Blé Piolet * * * * * * * * Choux Riz Ch ât Vertes ne * * * * Noires s ai g Blanches Divers Fruits * * Noix Cerneaux Réf. * * * * * Huile Lieu De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles) 261 262 Pilaz (Ayas) Résy (Ayas) Periasc (Ayas) Le Crest (Ayas) Plan-d’Introd Ville-dessous (Introd) Aux Ansermets (Introd) Ville-dessus (Introd) Ville-dessus (Introd) Puillayes (Bionaz) Ruz (Bionaz) Jovenoz (Bionaz) Perquis (Bionaz) CT021 CT021 CT011 CT458 AO554 AO1570 AO051 AO051 AO2656 AO389 AO560 AO1580 AO1576 Antagnod (Ayas) Lieu CT971 Réf. Favre Vaudan Chentre Vaudan Buillet Buillet Jaccod Bourgeois Obert Brunod Buillet Quey Viot Visendaz Hoirie 5 mai 1702 24 avril 1718 18 aoû t 1773 12 novembre 1793 11 décembre 1777 11 janvier 1737 2 février 1726 12 février 1714 7 mars 1743 27 juin 1774 5 mars1681 17 mai 1735 6 juin 1737 21 février 1699 Date, progressive 100 pains durs cuits 80 pains durs de niallet 80 pains dur 100 pains, moitié d’une annee et moitié de deux mois deux sacs et demi de pain cuit 190 pains de 4 à 5 livres l’un 72 pains de cinq livres l’un 40 pains de ble seigle cuit pesant environ cinq livres l’un 70 pains dur d’environ 5 livres l’un du pain jusqu’à la recolte, sinon qu’il luy manque du sel, deux rups, et qu’il a du grain pour faire du pottage estimé à deux livres 200 pains cuitz de seigle 100 pains petitz 160 pain cuict pesants… 6 livres l’un car fort secs, a la valleur de 11 setiers de bled 80 pains de Toussaint de 4 à 5 livres Nombre de pains Tableau N. 2 - Pains et pommes de terre Une matre remplie de pommes de terre, la matre taxée deux livres et les pommes de terre deux livres, en tout quatre livres Pommes de terre ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE AO406 AO066 AO405 AO1331 AO1331 AO068 AO069 AO068 AO066 AO068 AO068 AO068 AO747 AO068 AO069 Réf. Bourg (Étroubles) Vaud (Ollomont) Les Reys (Ollomont) Bouioz (Oyace) Vernosse (Oyace) Bouioz (Oyace) Lestrané (Valpelline) Arliod (Valpelline) Bourgcindré (Valpelline) Tholes-dessus (Valpelline) Les Gontés (Valpelline) Cuchepache (Bosses) La Thuilettaz (Bosses) Doues La Cou (Doues) Lieu Perrier Nex Cuaz Ronc Marguerettaz Jacquemod Favre Rosset Bal Chenal Bredy Chenal Farcoz Viveys Vevey Hoirie 24 mars 1774 16 février 1763 21 juin 1772 1712 (?) 17 février 1707 19 juin1751 17 may 1743 11 janvier 1707 13 octobre 1731 9 décembre 1754 28 avril 1759 6 mars 1760 9 février 1683 6 janvier 1704 28 avril 1768 Date, progressive 256 pain de gnalet 196 pains de seigle dur de mediocre grosseur 37 pains moitié seigle, moitiés avoine, de médiocre grosseur 44 pains de seigle durs > 5 sols / L. ditte tartiffle > 18 sols / L. 440 pains de seigle de pain de Toussaint… cinq livre l’un 3 rups de pains frais 135 pains durs 141 pains de gnallet 6 pains rassis 70 pains cuitz 65 pains durs 240 pains de gnalet + encore 20 pains dur de gnalet 60 pains 240 pains de segle de niallet 30 pains d’orge 35 pains de segle dit niallet 200 pains cuits 70 pains cuitz 40 pains de gnalet Nombre de pains 4 emines de pome de terre 5 quartannes de tartifles Pommes de terre De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles) 263 264 Maison de AO2836 AO2871 l’Eglise (Cogne) Grappein Favre l’Eglise (Cogne) Village de Notaire Collomb Gilliavod André Sieur Marietty Hoirie Second village de Cherron Cogne AO2836 AO2655 Saint-Oyen Lieu AO1331 Réf. 7 juillet 1796 4 février 1773 2 mai 1733 31 mai 1732 3 avril 1709 Date, progressive de terre taxé vingt quatre sols l’emine 15 livres de pains frais blutés emines de pommes Pommes de terre 19 livres de pain frais 2 rups et 16 livres 6 onces de pains durs 3 rups de pain dur dur de la Toussaint de l’année precedante 7 rups de pain frais 2 rups et 13 livres de pain 13 pains buirattés 678 pains, la moite d’iceux dur et sec, 50 pains de seigle de cinq livres l’un Nombre de pains ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles) Tableau N. 3 - Les produits laitiers, les œ ufs et le sel Ayas Ayas Ayas Ayas Arvier Introd Introd Bionaz Bionaz Bionaz Oyace Oyace Oyace Ollomont Ollomont Doues Doues Étroubles Valpelline Valpelline Valpelline Saint-Oyen Bosses Bosses Cogne Cogne Cogne Cogne Cogne Cogne 21/2/1699 17/5/1735 7/3/1743 27/6/1774 3/1/1652 20/1/1681 7/1/1737 24/4/1718 18/8/1773 12/11/1793 9/12/1754 28/4/1759 6/3/1760 1759 (?) 28/4/1768 19/2/1763 18/1/1775 24/3/1774 13/10/1731 17/5/1743 19/6/1751 3/4/1709 17/2/1707 19/11/1712 20/7/1729 10/4/1731 31/5/1732 2/5/1733 4/2/1773 7/7/1796 * * * Œ ufs From. de chèvre / Vacherin Ceras Ceras de montagne Ceras gras Ceras maigre Grivière Fromage d’alpage Fromage sec, rassis Fromage frais, blanc Fromage commun Beurre cuit / fondu Produits Beurre frais Date Sel Lieu * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * 265 266 Antagnod (Ayas) Pilaz (Ayas) Ruz (Bionaz) Dzovennoz (Bionaz) La Cou (Doues) Bourg (Etroubles) Vaud (Ollomont) Lestrané (Valpelline) Barliard (Ollomont) Bouioz (Oyace) Arliod (Valpelline) Les Gontés (Valpelline) Tholes-dessus (Valpelline) CT971 CT021 AO051 AO2656 AO405 AO406 AO068 AO747 AO068 AO068 AO751 AO068 AO069 Lieu Réf. Favre Rosset Jacquemod Farcoz Rosset Chenal Viveys Perrier Chentre Cuaz Visendaz Quey Vaudan Hoirie 17 may 1743 7 janvier 1707 19 juin1751 9 février 1683 1759 (?) 6 mars 1760 6 janvier 1704 24 mars 1774 18 aoû t 1773 21 juin 1772 21 février 1699 17 mai 1735 24 avril 1718 Date, progressive trois livres de suif huict livres de chair de moutons sallée sèche environ demy rup de viande salee trente livres de viande salee sesche de brebis soit cheur, trente autres livres de chair de veau salee fresche six onces de viande sallée, quatre sols la livre trois livres de viande sallé seiche de cochon trois livre de lard quatre livres et 8 onces de de saussisse seiche de vache et de chèvre, la viande cinq sols la livre, les saussisses six sols la livre demi livre de graisse de brebis quatre rups de viande salée seiche de vache<5 sols la livre trente livres de viande salée de veau seiche<4 sols la livre quatorze livre de saucisses seiches trois sols la livre vingt quatre livres de chair et de viande de chevre le nombre d’une douzaine de saucisses deux rups et demy de chait fraische sallee de chevre, soit feyes trois cails onze livres et demy de gressy à faire suif seze livres de cher sesse et salee deux livres de viande une livre de suif deux livres de viande salees deux rups de viande sallee fraische de vasche dix huit livres de viande sallee Viandes Tableau N. 4 - Réserves de viande sèche : quelques exemples ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Cuchepache AO1331 l’Eglise (Cogne) l’Eglise (Cogne) Village de Favre Second village de AO2655 AO2871 Notaire Maison de Cherron AO2836 Grappein Collomb Gilliavod Cogne Sieur André Marguerettaz Hoirie AO2836 (Bosses) Lieu Réf. 7 juillet 1796 4 février 1773 2 mai 1733 31 mai 1732 17 février 1707 Date, progressive vingt quatre livres six onces de graisse sèche septante six livres six onces de viandes salées seches de menus betail… dix livres de viande salée l’année précédente fort bonne douze livres et huit onces de chair sallée de mouton en automne de et l’autre moitie de demy annee seze livres de chaire salee assez bonne, la moitie d’un an et demy cinq rups de chair sallée de bovine seiche cinq toises de boyaux cinq langues de bovines neuf livres et demi sallées et seiches quarante livres de chair de veau sallée fraische 19 livres et demi de saucisses seiches quatre poitrines de bovines sallées et seiche deux mesames de lard, trois rups dix huit livres Viandes , De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles) 267 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Tableau N. 5 - Réserves de viande * Ayas 17/5/1735 * Ayas 7/3/1743 Ayas 27/6/1774 Arvier 3/1/1652 * Introd 20/1/1681 * Introd 12/2/1714 Introd 7/2/1726 Introd 7/1/1737 Introd 11/12/1777 Bionaz 12/11/1793 * Oyace 9/12/1754 * Oyace 28/4/1759 * Oyace 6/3/1760 * Ollomont 1759 (?) Lard Saucisses Suif Viande de cochon Viande de chèvre Viande de mouton * * * * * * * * * * * * Doues 19/2/1763 Doues 21/6/1772 Étroubles 24/3/1774 * Valpelline 7/1/1707 * Valpelline 13/10/1731 Valpelline 17/5/1743 * Valpelline 19/6/1751 * Saint-Oyen 3/4/1709 * * Bosses 17/2/1707 Cogne 20/7/1729 Cogne 10/4/1731 * Cogne 31/5/1732 * Cogne 2/5/1733 * Cogne 4/2/1773 * Cogne 7/7/1796 * 268 Poitrines 21/2/1699 Langues Ayas Viande de vache Produits Viande salée / sèche Date Sel Lieu * * * * * * * * * * * * Date 2/7/1676 20/3/1688 21/2/1699 21/2/1699 20/4/1707 19/4/1713 17/8/1731 17/5/1735 28/5/1736 8/6/1736 6/6/1737 9/3/1739 8/10/1742 7/3/1743 22/9/1752 30/7/1753 17/11/1758 14/5/1761 15/1/1765 3/10/1769 27/6/1774 19/12/1775 Minutier AO1553 CT405 CT971 CT971 CT409 CT409 CT020 CT021 CT021 CT021 CT021 CT1018 CT011 CT011 CT450 CT451 CT982 CT027 CT027 CT985 CT458 CT986 Joannin Obert Egrége Emanuel Phélix Fornier Martin Visendaz, part de la mère Martin Visendaz, part de la fille Discret Emanuel Rollandin Discret Jean Jaques Borbay Jean Claude Dufour Jean de Claude Quey Egrège Jean Martin Raymonds Jean Michel de feu Baptiste Chasseur Jean Michel feu Jean Michel Viot Joseph Chasseur Martin Merlet Jean Pierre feu Egrège Mathieu Obert Jean Louis Becquet Jean Jacques Favre Jean Claude David, menuisier Jean Baptiste Bechaz feu Jacques Jean Baptiste Dublanc-Fournier Jean Martin Obert Jean Louis Brunod Jean Jacques Alliod Nom du père défunt Pilaz Bisou Antagnod Antagnod Antagnod Antagnod Magnéaz Pilaz Champoluc Cunéaz Résy Antagnod Antagnod Perriasc Lignod Cunéaz Magnéchoulaz Magnéaz Magnéaz Trochey Crest Périasc Village 1 1 2 3 5 2 4 2 2 1 2 1 1 1 2 Vaches 5 4 1 2 1 2 2 3 5 3 4 3 4 2 Génisses Tableau N. 6 - Le bétail à l’étable à Ayas, de 1676 à 1775 Veaux 1 5 1 5 1 1/2 2 1 2 1 1 1 1 5 2 7  nes 1 1 2 2 2 1 1 3 3 1 1 1 1 Mulle Cheval Monture 12 6 10 6 12 5 12 1 chèvre 6 6 8 15 4 22 Ovins Poules 4 De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles) 269 Jean Louis Blanc 3/1/1780 AO2869 André Gilliavod Anselme Bienvenu Bochet 28/3/1747 AO2644 10/5/1776 2/5/1733 AO2836 Estienne Abram Jean Marie Jeantet François Joseph Berard Sieur André Gilliavod, Lieutenant et Juge Jean Collomb AO2657 20/7/1729 10/4/1731 26/9/1731 31/5/1732 AO2653 AO2653 AO2653 AO2836 Jean Antoine Grappein dit Perrin Jean Antoine Grappein Jean Pantaléon Burland Notaire Jean Antoine Favre 5/9/1723 2/11/1726 AO2650 AO2650 Nom du père défunt AO2643 27/10/1741 AO2655 4/2/1773 Date Minutier Maison de Cherron ? Village de l’Eglise L’Aydetre Au second village de l’Eglise Au dessous village de l’Eglise Au dessous village de l’Eglise ? Au second village de l’Eglise Espinel Espinel Cogne Cogne Village Vaches 1 2 9 1 3 6 3 2 5 3 3 1 1 1 Génisses 270 1 1 11 1 >2 1 1 Veaux Tableau N. 7 - Le bétail à l’étable à Cogne, de 1723 à 1780 1 1 1 1 1 1 Mulle Cheval Monture 5 3 6 3 3 1 4 3 7 4 4 3 5 3 4 6 2 2 9 6 6 Caprins Ovins 5 + 1 coq 7 Poules ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Pantaléon Rosset Jean Pantaléon Chenal Jean Pierre Cheintre Estienne Perrier Jean Michel Cuaz Jean Bernard Chentre Jean Michel Vaudan 31/7/1747 3/8/1759 6/3/1760 4/3/1761 AO068 AO066 AO068 AO066 AO406 24/3/1774 AO405 21/6/1772 AO2656 18/8/1773 AO389 12/11/1793 Jean Pantaléon Glassier Jean Louis Favre Jacquemoz Vivey Barthelemy Marguerettaz François Rosset Jean Claude Marietty du Ronc PanthaleonVaudan André Favre 5/5/1702 6/1/1704 17/2/1707 7/1/1707 3/4/1709 1712 24/4/1718 17/5/1743 AO051 AO051 AO1331 AO051 AO510 AO1331 AO051 AO069 Richard Farcoz Nom du père défunt 9/2/1683 Date AO747 Minutier L’Estrané (Valpelline) Puillayes (Bionaz) Vaud (Ollomont) Cuchepachy (Bosses) Arliod (Valpelline) Saint-Oyen La Thuillettaz (Bosses) Ruz (Bionaz) Les Ansermins (Valpelline) Les Vignettes (Valpelline) Barliard (Ollomont) Bouioz (Oyace) Freyssonia dessous 2 (Valpelline) Bourg d’Etroubles La Cou (Doues) Dzovennoz Bionaz Perquis (Bionaz) Village Vaches 1 2+1 bœuf 14 1 2 2 2 3 1 Génisses 1 3 1 1 2 3 1 4 3 5 1 Veaux 1 1 2 3 1 1 2 1 1 2 1 jument Mulle Cheval Monture 3 2 3 2 1 8 2 1 1 1 Ovins Tableau N. 8 - Le bétail à l’étable dans le Valpelline et la vallée du Grand-Saint Bernard, de 1683 à 1793 Caprins 3 2 2 3 3 2 1 5 5 4 5 2 2 1 5 + 1 coq 5 + 1 coq 4 4 + 1 coq 2 2 5 + 1 coq 8 + 1 coq Poules De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles) 271 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE N O T E S Comme l’a si bien rédigé Orphée Zanolli dans son article « L’apprentissage et l’exercice de certains métiers et professions au mandement de Vallaise – XVIIe-XIXe siècles. Aperçu historique », in Histoire et culture en Vallée d’Aoste. Mélanges offerts à Lin Colliard, Quart (AO) 1993, pp. 361-400, les archives des Notaires recèlent dans leur sein l’histoire détaillée de tous nos villages du XIVe au XIXe siècle. Dans cet article, de la p. 362 à la p. 364, l’auteur décrit les conditions d’apprentissage du métier de notaire en Vallée d’Aoste. 2 Coustumes du Duché d’Aouste avec les uz et stils du pais, Chambéry [1588], nouvelle édition, Aoste 2004. 3 Pour plus de détails sur la tutelle, voir Livre II, Tiltre I, articles de 44 à 50. 4 Coustumes, Livre II, Tiltre VIII, Art. 1. 5 AO554. Notaire Jean Pierre Clap, Introd, 5/3/1681. 6 Alexis BÉTEMPS, À la recherche des mots anciens. Un glossaire inédit de René VIÉRIN, in Actes de la conférence annuelle sur l’activité scientifique du centre d’études francoprovenç ales, 20-21 décembre 2003, Saint-Nicolas 2004, pp. 223-286. Page 247 : il est à noter que advant d’inventariser touttes les dites denrées seroient estez leves, par les parents et curateurs, des victuailles et biens pour la veuve et tous leurs enfants [...] jusqu’à la prise prochaine, comme aussi les semences que conviene semer les champs [...]. 7 CT 971. Notaire Mathieu Obert, 21/2/1699. 8 rande : comble, dans le francoprovençal d’Ayas. 9 AO1331. 10 En matière de succession, le Coutumier prévoit des articles différents pour Cogne. Ils sont situés au dernier Livre. 11 Archives paroissiales d’Arvier. Notaire Germain Chantellex. 12 Ce livre décrit en 265 pages tout ce qui est requis pour bâtir une maison champestre, pour nourrir et médeciner le bétail, pour créer un jardin garni de légumes, de plantes médicinales, de fleurs, pour gouverner les abeilles, pour soigner champs céréaliers et prairies, pour mettre sur pied un verger, planter un bois et conserver tous les fruits de la terre tout en veillant à la santé de la maisonnée. 13 AO1553. Notaire Martin Obert. 14 Claudine REMACLE, Il patrimonio mobile, in Collectif, Ayas. Uomini e architettura, Ayas 2000, pp. 115-124. 15 AO2653. Notaire Jean André Gilliavod. 16 Association des Musées de Cogne, Architecture rurale en Vallée d’Aoste. La maison de Cogne, Aoste 1997, pp. 97-100. 17 Brouttin : litière pour l’étable, constituée des aiguilles sèches d’épicéa, de mélèze, d’arolle, ratissées dans les bois en automne. 18 AO2653. Notaire Jean André Gilliavod. Cogne comprenait sur son territoire des mines de fer. 19 CT011, 3/10/1742. Notaire Jacques Alliod. 20 AO1331. 21 Courtoisie : triangle de fer qu’on accroche à la crémaillère pour y poser une poêle à frire. 22 Bernageoz : pelle à feu. 23 Livrail : petite balance. 24 AO554, 5/3/1681. Plan-d’Introd. 25 AO2655, 4/2/1773. Hoirie du notaire Jean Antoine Favre du Second village de l’Église : deux cafetieres aussi de cuivre avec couvercle et anse [...] ; AO2871, 7/7/1796. Notaire Jean Pantaléon Gerard. Dans la cuisine du négociant Jacques Antoine Grappein à Cogne, on 1 272 De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe- XVIIIe siècles) ne trouve pas moins de cinq cafetières. Il est probable que cette cuisine, servant d’arrière-boutique, était un café. 26 Voici les mesures principales utilisées et légèrement simplifiées pour être plus facilement gardées en mémoire. Poids Le rup (25 livres) = 9,6 kilogrammes La livre (12 onces) = 384 grammes L’once = 32 grammes Capacité de liquide (vin, eau de vie) La charge = 118 litres Le barril = 59 litres Capacité de matières sèches (céréales) Le sac (6 émines rases ou trois sétiers) = 134 litres Le sétier (2 émines rases) = 45 litres L’émine rase = 22 litres ; 4 comble = 28 litres La quartaine rase = 11 litres L’éminal = 1,8 litre 27 Alexis BÉTEMPS, À la recherche des mots anciens…, p. 247. Inventaires de 1661 et de 1772. 28 Repotaz : chou cuit. 29 AO2656, 18/8/1773. Notaire Anthoine Glarey. 30 AO068, 17/5/1743 ; AO2656, 18/8/1773. 31 AO068, 1759. Notaire Jean Léonard Ansermin. 32 AO0510, 3/4/1709. Notaire Cerise. 33 AO1570, 12/2/1714. Notaire Thomas Obert. 34 AO066, 13/10/1731. Notaire Jean Léonard Ansermin. 35 Matre : tronc évidé. 36 Chappler : hacher, du franco-provençal tsaplé. 37 Grolle : récipient en bois tourné à couvercle et en forme de calice, dans lequel on boit le vin. 38 Trapey : au fenil, plancher intermédiaire servant de séchoir. 39 Quennes : couennes = dosses. 40 Arveillies : genre de lentilles, probablement. 41 Recor : regain. 42 Estaches : piquets de clôture. 43 Vions : tuteurs pour haricots grimpants. 44 Quonques : conques, récipients en bois. 45 Cleaz : cloison basse, claie. 46 Brelles : bancs. 47 Buil : mangeoire. 48 Anoilles : génisses de deux ans. 49 AO068. Notaire Jean Léonard Ansermin. 50 AO068, 6/3/1760. 51 Ce terme gnalet ou gnalèi, d’après le dictionnaire de francoprovençal de CHENAL et VAUTHERIN, p. 835, signifie provisions, épargnes, mais aussi la quantité de pain que l’on cuit à Noë l, en principe pour toute l’année. 52 CT405 et suivants. 53 AO068. 54 AO2656. 55 AO068. 56 AO2656. 273 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Ravisse : herbes et racines sèches de raves ou d’autres légumes. AO068. Notaire Ansermin. Oyace, 9/12/1754. 59 AO068. Notaire Ansermin. Sorreley, 18/12/1713. 60 Voir plus haut, le contenu du grenier de la maison Marguerettaz à Cuchepache (Bosses). 61 CT011, 3/10/1742. Notaire Jacques Alliod. 62 AO554, F° 228 vo. Notaire Jean Pierre Clap. 63 Pallatier : ratelier à pains. 64 AO068. Notaire Jean Léonard Ansermin. 65 Chenevaz : graines de chanvre. 66 Oyace 6/3/1760, Étroubles 24/3/1774, Bionaz 12/11/1793. 67 CT016, 13/4/1745. Notaire Jean Jacques Alliod. 68 AO747, 9/2/1683. Notaire Jean Michel Deschenaux. 69 Ce lieu-dit était situé à l’amont de Valpelline, entre Berioz et Thoules, sous le grand chemin montant vers Bionaz. 70 AO051, 1710. Notaire Mathieu Ansermin. 71 Joseph-César PERRIN, Essai sur l’économie valdô taine du XVIe siècle à la Restauration, Aoste 2003, p. 130 et p. 147. 57 58 274 L’enfant de l’alpe haute, autrefois, la plante et l’enfant Alain Renaux Présentation du projet d’enquê te sur la vie des enfants d’autrefois dans les Alpes et de l’acquisition de leur savoir relatif aux usages de la flore Ce travail est une continuité d’une précédente étude réalisée dans le Languedoc, entre Garrigues, Cévennes, et Hautes Cévennes, auprès de personnes âgées issues du monde rural. Cette étude, effectuée dans le cadre d’un Diplôme d’Études Doctorales du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris, sous la direction de feu le Professeur Jacques Barraut, a été éditée sous le titre « Le savoir en herbe, autrefois la plante et l’enfant ». La restitution auprès du public était un élément capital dans la réalisation de cet ouvrage. Il me semble très important que Madame et Monsieur « tout le monde », sans aucune connotation péjorative, puissent avoir accès à ces connaissances, dans un langage compréhensible pour tous, et agréable à lire. Ils sont les acteurs premiers dans la maintenance, ou non, de l’esprit de la montagne. C’est pourquoi j’ai préféré écrire un livre de vie dans lequel il y a beaucoup de données botaniques, plutôt qu’un livre sur les usages des plantes. J’ai appris récemment que des extraits de mon livre étaient lus dans les écoles primaires et que des instituteurs s’en servaient pour leurs animations. Je l’ai reçu comme un cadeau. Le retour affectif auprès du public, ainsi que le retour journalistique (MidiLibre, Ouest -France, Le Monde, Journal l’Alsace, etc.) m’a incité à poursuivre ce travail, dans un pays qui me tient très à cœur, les Alpes. Certes, j’ai bien conscience de l’aspect disproportionné du projet. Les Alpes, par leur superficie, les nombreuses régions écologiques, la grande richesse floristique et faunistique, et les bouleversements profonds de la société survenus notamment depuis la deuxième Guerre Mondiale, sont d’une autre dimension 275 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE que celle des Cévennes. Pas plus que le précédent, ce ne sera un ouvrage exhaustif, loin s’en faut, mais un ouvrage représentatif, avec cependant de nombreuses données botaniques, culturelles et pratiques. Dans quelques années, il sera trop tard pour les enquêtes de collecte. Nous vivons la fin d’une époque charnière entre deux types de société, et heureusement il existe encore les témoins d’une époque révolue qui sont prêts à témoigner. Chaque médaille ayant deux faces, il y a bien sû r des aspects positifs aux changements, et des aspects inquiétants, surtout quand on les projette dans l’avenir. Cela fait sans doute partie des innombrables raisons de notre présence à ce colloque, au-delà de l’aspect thématique qui nous réunit. Présentation du thème Avant la deuxième Guerre Mondiale, dans les zones de montagne, les conditions géographiques et socio-économiques difficiles accentuaient la précarité de l’existence. Pour pallier aux faibles revenus, les gens tentaient de réduire le plus possible les dépenses. Quand ils le pouvaient, ils fabriquaient eux-mêmes les objets usuels, se soignaient avec les plantes qu’ils prélevaient dans la nature avoisinante, cueillaient des salades sauvages… Dans ces territoires de faible productivité biologique, les plantes de la flore spontanée, d’une grande richesse spécifique, tenaient une place importante dans l’économie familiale. De grandes variabilités existent cependant, qu’il s’agit des Alpes du sud ou celles du nord, qu’il s’agit du bas de la vallée aux territoires d’altitude. Dans ce contexte de pauvreté, l’enfant était réquisitionné très tôt pour aider ses parents : cueillettes, garde et soins aux animaux, corvée d’eau pour les gens et les bêtes, corvée de bois, herbe des lapins, etc. D’après le témoignage des personnes âgées, les enfants, à l’âge de dix ans, en savaient presque autant sur les plantes qu’un adulte, hormis l’expérience. L’apprentissage du savoir se faisait sur le tas, les sens de l’enfant, alliés à son intellect, favorisant l’ancrage dans la mémoire. Mais derrière les images bucoliques, la vie était difficile, le froid rude et les travaux pénibles. Personne n’aurait réellement envie de revivre cette quotidienneté. Il y a cependant des aspects intéressants qu’il serait bon de ne pas oublier, voire retrouver… De nos jours, les cueillettes ont quasiment disparu et les enfants et petitsenfants ne connaissent plus les plantes de leur environnement. Quelles étaient les conditions d’existence qui amenaient naguère parents et enfants à recourir aux végétaux de la flore spontanée ? Comment les enfants les découvraient-ils, et comment ils les utilisaient ? Tel est le fil conducteur de ce travail. 276 L’enfant de l’alpe haute, autrefois, la plante et l’enfant Les plantes dans la quotidienneté de l’enfant (résumé succinct) Ces végétaux sauvages, selon les endroits étaient très présents dans la vie familiale. Les enfants les découvraient à chaque instant de la quotidienneté. C’est la raison pour laquelle cette étude aborde, outre les aspects géographiques et socio-économiques (les plantes existent toujours, mais on ne les ramasse plus) les aspects importants de la vie de l’enfant : 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. La maison et les corvées La famille et le village Les repas La maladie Les jeux L’école Les animaux d’élevage 1. L’enfant, la maison et les corvées Dans le milieu rural, la plupart des familles avaient des revenus modestes. Ceux qui tiraient l’essentiel de leurs ressources de l’agriculture et de l’élevage, prépondérant dans ces zones, vivaient chichement et durement. Les maisons étaient loin d’être confortables : pas d’eau courante, pas d’électricité, un âtre ou un poêle comme seul point de chauffage, pas d’isolation… Et des hivers longs et rigoureux, beaucoup plus neigeux aux dires des gens du pays. Dans certaines régions, la famille se réfugiait pour l’hiver à l’étable, avec les animaux. Les tâches quotidiennes se faisaient à la main et les enfants étaient très sollicités pour aider. Ils participaient à de nombreuses petites corvées en fonction de leur âge, ce qui soulageait d’autant le travail de la mère. Les balais étaient faits en bruyère multiflore ou à balais, en genêt à balais, en amélanchier ovale, en paille de seigle, etc. On utilisait pour la vaisselle la pariétaire diffuse et officinale, l’ortie dioï que, les différentes prêles, le son, etc., dans des eaux chaudes sans détergents, et les eaux grasses partaient pour la nourriture des cochons. Les familles connaissaient le savon de Marseille, mais la lessive des draps se faisait à la cendre, et le linge délicat au bouillon de saponaire officinale. Les vêtements noirs étaient trempés dans un bouillon de feuilles de lierre. 2. L’enfant, la famille, le village Autrefois, les familles étaient plus nombreuses, et les grands-parents souvent vivaient chez l’un de ses enfants. Les vieux aidaient comme ils pouvaient, et 277 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE leur rôle n’était pas négligeable. Ils représentaient un pôle affectif important pour leurs petits-enfants et assuraient une grande partie de la nécessaire acquisition des savoirs. Dans les grandes lignes, le père représentait l’autorité suprême, et la mère le cœur. Tous deux étaient respectés. La discipline était de rigueur et les mœurs relativement austères, surtout en regard de ceux d’aujourd’hui… La religion était omniprésente. Au début du siècle dernier, les moyens de communications et de transport étaient encore peu développés. La plupart des gens circulaient à pied, l’hiver en ski ou en raquette (qu’ils se confectionnaient eux-mêmes), en diligence ou en train, et souvent, un unique poste téléphonique existait dans le village. Les relations entre les habitants du village, par nécessité, étaient plus étroites. Les gens s’entraidaient davantage, dans les champs, lors d’une naissance, d’un décès, d’une maladie… L’hiver, ils s’invitaient pour la veillée, dans la cuisine ou à l’étable. Une grande partie du savoir se communiquait lors de ces rencontres. Souvent les gens en profitaient pour confectionner des paniers, des outils, du petit mobilier, des objets d’art, etc. En vannerie, on utilisait principalement l’osier jaune des vanniers, la viorne mancienne, l’alisier blanc, l’amélanchier, le noisetier, le châtaignier, la clématite des haies, la ronce, la paille de seigle… Il n’y avait pas de bruit de moteurs, et la vie était scandée par les bruits des sabots des enfants partant à l’école, les crissements des roues de charrettes sur la neige, les bruits des métiers des artisans… À l’automne, les hirondelles se rassemblaient sur les arbres car il n’y avait pas de fils. Les sabots étaient faits en bois d’aulne glutineux ou vert, de bouleau verruqueux, de noyer, de hêtre, d’alisier, etc. De nombreuses plantes en feuillage ou en fleurs étaient utilisées pour l’ornementation et la décoration dans les fêtes religieuses et de village. 3. L’enfant, la plante, le repas Les légumes en soupe ou en ragoû t, la chair du cochon, les produits du petit élevage, les fromages et les œufs, rarement de la viande, constituaient la majeure partie des ingrédients de base pour une cuisine quotidienne simple, avec bien évidemment des plats plus spécifiques selon les régions. Par souci de survie et d’économie, presque chaque famille élevait un ou deux cochons pour la charcuterie, et les nourrissait selon, de châtaignes, de pommes de terre, de raves, de betteraves, d’orge ou de seigle, de fleur de foin, etc. Des plantes sauvages rentraient dans la confection des boudins et des saucisses, et souvent ces mêmes plantes montées ou en fleurs servaient comme appoint à la nourriture des cochons : laiteron maraî cher, pourpier maraî cher, 278 L’enfant de l’alpe haute, autrefois, la plante et l’enfant laitue scarole, ortie dioï que, oseilles diverses, certains chardons et cirses, luzernes, feuilles de frêne et de hêtre, etc., sans oublier les châtaignes, les glands et les faines, d’autres fruits sauvages… Le jardin faisait l’objet de tous les soins, et dans la plupart des régions, les habitants s’organisaient à tour de rôle pour le chauffage du four à pain. Dans les zones d’altitude, le pain préparé à l’avance était stocké dans une pièce à part et se mangeait sec, trempé dans la soupe ou le ragoû t tout l’hiver. Au printemps, dans les Alpes du sud, rares étaient les déjeuners sans une salade sauvage : campanule raiponce, laitue pérenne, laitue scarole, salsifi à feuilles de poireau, picridie, porcelle racineuse, pissenlit, silène enflé, petite pimprenelle, alliaire officinale, lampsane, pourpier maraî cher, cardamine hirsute, chicorée à la bû che, etc., ou une bonne bourbouillade, un plat d’herbes cuites : crépide à feuilles de pissenlit, oseilles, andryale sinuée, bourrache officinale, crépide sainte, orties, mouron blanc, chénopode blanc, bourrache officinale, consoude officinale, amaranthe rétroflexe, les plantains, etc. Entre repas et remède se situait “ l’eau bouillie ou aï go boulido” , une décoction d’ail et de thym, plus ou moins agrémentée, qui se buvait comme une soupe. Dans les Alpes du nord, en basse altitude, on ramassait la laitue scarole, la mâche sauvage, le cresson de fontaine, la barbarée ou cresson de terre, la cardamine hirsute, la cardamine des prés, la laitue pérenne, les crépides, le pissenlit, la bourrache officinale, etc. Plus en altitude, on cueillait le pissenlit, la cardamine des prés, la cardamine des Alpes, la mulgédie des Alpes, la barbarée, le salsifi d’orient, le mouron blanc, etc. On cuisait, en soupe ou en ragoû t en mélange avec les traditionnelles pommes de terre, les orties, le chénopode Bon Henri, la renouée bistorte, les oseilles dont la rhubarbe des moines (oseille des Alpes), le mouron blanc, les plantains, etc. Plus on remonte du sud vers le nord, de la vallée en altitude, et plus le nombre d’espèces comestibles se raréfie, de même que la consommation des végétaux sauvages, même si ceux-ci sont en relative abondance comme l’ortie et le chénopode. Les enfants participaient pour une grande part à toutes ces cueillettes. Ils avaient acquis très tôt une solide connaissance des plantes sauvages comestibles et des lieux de ramassage. 4. L’enfant, la maladie, les remèdes Les visites du médecin et les médicaments n’étaient pas remboursés, et la dépense causait une véritable brèche dans le porte-monnaie familial. Aussi les gens essayaient-ils de se soigner eux-mêmes avant de faire venir le docteur. Il était coutume de dire qu’il fallait être à moitié mort pour l’appeler. Les gens se rendaient également chez les guérisseurs et les conjureurs, parfois nombreux selon les régions. 279 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE C’était principalement la femme qui, dans la famille s’occupait de prodiguer les soins. Mais chacun connaissait les plantes médicinales, et les enfants, en accompagnant dès le plus jeune âge, la maman ou les grands-parents, participaient à leur cueillette. Dans le sud des Alpes, il y avait deux grands moments dans la médecine préventive familiale : la cure de printemps avec des plantes amères pour “ purger” le foie, “ renouveler” le sang (germandrée petit-chêne, petite centaurée, racines de bardane, la camomille, romaine et la grande camomille, le marrube blanc, etc.), et la cure d’automne, avec des plantes diurétiques, pour prévenir des froids de l’hiver (feuilles de frêne élevé, verge d’or, bruyères et callune, …). Les vieux se souviennent encore des boissons amères, qu’enfants, leurs mères les obligeaient d’avaler avant même de se lever. Cette pratique était plus rare dans les alpes du Nord. On utilisait cependant en cure dépurative la pensée sauvage, les racines d’oseille et de gentiane, la grande camomille, les génépis, les feuilles de noyer, etc. Des plantes étaient utilisées dès les premiers “ coups de froid” , plantes diurétiques ou transpirantes, pour “ évacuer le mal” : primevère officinale, bourrache officinale, sureau noir, reine des prés, frêne élevé…, ou plus directement sur le “ mal” : bourgeons et sève de pins et de sapins, thym, lavandes, romarin, etc. Parmi les pratiques médicales familiales, certaines comme les bouillons de serpents séchés contre les maladies pulmonaires, la bave d’escargot contre la toux et la coqueluche, les toiles d’araignée sur la plaies, impressionnaient beaucoup les enfants. Mais hélas, la médecine de l’époque était souvent impuissante face à certaines maladies, et les décès nombreux survenaient comme une fatalité. 5. L’enfant, la plante, le jeu Économie oblige, rares étaient les enfants qui possédaient des jouets achetés dans le commerce. Le matériau naturel était sur place, et les enfants développaient des trésors d’ingéniosité pour créer leurs propres jouets. La conception et la réalisation du jouet, tout en développant le sens de l’observation et de la réflexion, leur prenaient parfois plus de temps et de plaisir que le jeu lui-même. Là aussi, de nombreuses plantes étaient utilisées, aussi bien les plantes ligneuses que les plantes herbacées. La découverte du milieu naturel se faisait également par le goû t, plantes sucées et grignotées, sans oublier celles qui étaient fumées en cachette, comme la clématite des haies, les toupets plumeux de l’arnica et du tussilage, la barbe des maï s, etc. 280 L’enfant de l’alpe haute, autrefois, la plante et l’enfant Mais les conditions difficiles de l’existence obligeaient les enfants à aider leurs parents et la part de jeu, chez certains, se réduisait souvent à peau de chagrin. 6. L’enfant, la plante, l’école Obligé de faire parfois plusieurs kilomètres à pied pour se rendre à l’école, de nombreux enfants se familiarisaient avec les plantes et les animaux rencontrés le long des chemins. Les jeux étaient fréquents sur le chemin du retour. À l’école, l’influence de l’instituteur ou de l’institutrice s’avérait déterminante dans le développement du goû t de la nature, et de la botanique en particulier. De nombreuses personnes âgées sont restés curieux de la nature grâce à leurs enseignants. 7. L’enfant, la plante, les animaux d’élevage Le petit élevage constituait l’un des piliers de la survie. Les enfants participaient à la cueillette des herbes, au ramassage des glands et des faines, à la ramée pour le complément de nourriture des animaux. Les enfants étaient souvent levés très tôt pour les soins et la garde des animaux avant même d’aller à l’école. Au retour de l’école, ils allaient garder les bêtes. Ils arrivaient petit à petit, à connaî tre les plantes appétées par les animaux et celles qui étaient refusées. Quand les animaux étaient malades ou blessés, les enfants les plus grands assistaient aux soins prodigués par les parents ou les guérisseurs. Là également, nombreuses étaient les plantes utilisées : fougère mâle, angélique archangélique, botryche lunaire, anarrhinum à feuilles de pâquerette, épervière piloselle, bourrache officinale, mauves, armoise vulgaire, marronnier blanc, achillée herba-rotta, genévrier sabine, plantain lancéolé, aspérule odorante, plantain œil de chien, plantain holosté, fougère rouge, sève de pins ou de sapins, tabac, colchique, vératre blanc, aigremoine eupatoire, etc. Conclusion De nos jours, enfants et petits-enfants ne connaissent plus les plantes. Souvent les personnes âgées disent qu’ils ne s’attendaient pas du tout à un si grand bouleversement de la société. On leur transmettait le savoir parce qu’on pensait qu’il allait leur servir toute leur vie d’adulte. Les temps ont changé, et la nécessité de prélever les plantes sauvages pour la nourriture et les soins médicaux ne se fait plus sentir. La transmission d’un savoir naturaliste, indispensable il y a quelques décennies, s’est arrêtée. L’exode des campagnes, associée par la suite à l’arrivée massive de “ nouveaux” , a 281 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE considérablement intensifié le phénomène. Les nouvelles générations, malgré un timide “ retour à la nature” engendré par les stress et les retombées dues à certains abus (vache folle, maladies iatrogéniques qui constituent la 7e cause d’hospitalisation, OGM, etc.) sont de plus en plus coupées du milieu naturel. La connaissance des plantes et de leurs usages, à quelques exceptions près, est désormais absente de la mémoire enfantine. Les paysages changent. De grands pans de territoire, moins soumis à la pression humaine, retournent progressivement à la forêt. Des plantes et de animaux disparaissent de la carte postale… En cette fin de siècle et à l’aube de ce troisième millénaire, après des milliers d’années de pratique, il semblerait qu’en France, pour le moins, on assiste à la fin des cueillettes par, et pour, l’utilisateur direct. Des intermédiaires, agriculteurs ou cueilleurs professionnels, s’organisent pour le ramassage et la culture, d’autre pour la vente. 282 Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne fournis par les données des enquê tes toponymiques du BREL en Vallée d’Aoste Andrea Rolando Introduction La toponymie peut être considérée comme une science autonome, mais elle peut aussi aider d’autres branches d’études, même dans le cas où ces disciplines ne touchent pas directement le domaine linguistique1. Je me suis alors demandé si une étude des noms de lieux pouvait donner des renseignements sur l’alimentation de l’homme. Les recherches de toponymie s’arrêtent parfois sur les noms des villes, sur les “ macro-toponymes” , les noms qui intéressent des grands espaces, ou sur les noms de lieux dont le sens est lié à la roche et aux cours d’eaux, qui semblent cacher des mystères lointains et ayant, dans la plupart des cas, un rapport évident avec la morphologie du terrain. Il existe quand même une catégorie de noms de lieux qui n’est pas moins noble et moins intéressante, les “ micro-toponymes” , lieux-dits, désignant le plus souvent des aires de dimension réduite, parfois très réduite ; une unique propriété ou un arbre isolé. On pourrait faire les exemples des lieux-dits du type lo Gran Tsan ‘le grand champ’, lo Gran Pró ‘le grand pré’, lo Pomé ‘le pommier’, par lesquels on voit aussi que la toponymie n’est pas le règne de la fantaisie. À cause des variations climatiques et des changements dans l’exploitation agricole, surtout dans les dernières années, le paysage a beaucoup changé et pour ces lieux-dits, dans la plupart des cas, il n’y a plus de correspondance entre le sens du mot et la nature du terrain. Les champs, par exemple, se sont transformés en bois ou en prés, et seule la présence d’étagements de terrain nous témoigne qu’ils ont existé. Même s’il n’y a plus cette correspondance, et là on voit l’utilité de la toponymie, ces micro-toponymes peuvent nous renseigner sur la présence, autrefois, de plantes, d’arbres fruitiers, de cultures, parfois en nous précisant le genre de cultures et, par conséquent, nous informer aussi sur la nourriture des gens qui habitaient la montagne. 283 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Lieu-dit Lo Gran Tsan, Antey-Saint-André (photo A. Rolando) Lieu-dit Lo Tsan dou Molén, Antey-Saint-André (photo A. Rolando) 284 Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne… 1. Méthode de recherche Pour cette étude je me suis servi des données des enquêtes toponymiques menées par le BREL (Bureau Régional pour l’Ethnologie et la Linguistique), dans la vallée de Valtournenche, vallée située dans la partie nord orientale de la Vallée d’Aoste, du côté de “ l’adret” valdôtain. Ces enquêtes ont intéressé les communes de Valtournenche, Torgnon, Chamois, La Magdeleine, Antey-Saint-André. En plus, j’ai choisi un point de comparaison avec la vallée centrale à Saint-Vincent2. Je ne me suis pas borné à l’analyse exclusive des noms de lieux, mais j’ai aussi pris en considération toutes les données qu’on recueille lors d’une enquête toponymique et qui complètent la description d’un toponyme. En effet, pour chaque toponyme ou lieu-dit relevé dans sa forme orale dialectale, les enquêteurs chargés par le BREL ont rédigé une fiche montrant le toponyme dans sa forme phonétique, selon un système simplifié étudié spécialement pour ces enquêtes toponymiques, les éventuelles variantes et autres dénominations du lieu, les coordonnées du plan cadastral, l’altitude, le sens du mot (selon l’avis du témoin), la description du terrain (la nature du terrain telle qu’elle était autrefois et comme elle se présente aujourd’hui), d’autres informa- Les Communes intéressées par la recherche 285 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE tions (récits et légendes racontés par les témoins) ; seulement pour citer quelquesunes des parties de la fiche à remplir. Fiche toponymique, recto et verso Au cours de la recherche j’ai tenu compte de la forme dialectale du toponyme, du sens du toponyme donné par le témoin, de la description du lieu, de l’altitude et des récits. Au moment de la rédaction de la fiche les enquêteurs ont en plus inséré des codes, dans les parties réservées au sens du toponyme et à la nature du terrain, correspondant aux diverses catégories de sens (oronymes, hydronymes, phytonymes etc.) et de la nature du sol (rochers, cours d’eau, prés, moulins etc.) et permettant des recherches par ordinateur. Les lieux-dits pouvant donner des informations sur l’alimentation traditionnelle en montagne ont été recherchés en partant des codes ou catégories suivantes : pour le sens du toponyme, “ C phytonymes” , en particulier “ C01 nom de plantes” (par exemple : lo Péé ‘le poirier’), “ C02 ensembles d’éléments végétaux” , “ C03 cultures” ; “ D zootoponymes” , en particulier “ D01 animaux domestiques” , “ D02 animaux sauvages” ; “ Écotoponymes” en particulier “ E01 agricole” , “ E04 chasse-pêche-récolte” , “ E05 artisanal” et, pour la nature du terrain, “ C établissements” en particulier “ C19 moulin” (par exemple lo Pró dou Molén ‘le pré du moulin’, “ C54 four” ; “ D végétation” en particulier “ D03 arbre” , “ D08 champ” , “ D09 vignoble” . 286 Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne… EXEMPLE DE LA LISTE DES CATEGORIES DE SENS DES TOPONYMES A. ORONYMES A01 Position A02 Caractéristiques du sol A03 Morphologie du terrain B. HYDRONYMES C. PHYTONYMES C01 Noms de plantes C02 Ensembles d’éléments végétaux C03 Cultures D. ZOOTOPONYMES D01 Animaux domestiques D02 Animaux sauvages E. ÉCOTOPONYMES E01 Agricole E02 Pastoral E03 Sylvicole E04 Chasse-Pêche-Récolte E05 Artisanal E06 Extractif E07 Industriel E08 Communication E09 Tourisme E10 Civil-Publique E11 Ecclésiastique E12 Militaire E13 Fonctions sociales E14 Types de propriétés E15 Restes historiques-artistiquesarchéologiques F. ANTHROTOPONYMES F01 Prénoms F02 Surnoms F03 Noms F04 Relations G. MYTHOTOPONYMES H. TOPONYMES HISTORIQUES I. PHÉNOMÈ NES ATMOSPHÉRIQUES Z. INCONNU Vu que parfois le sens du toponyme peut être inconnu aux témoins (dans ce cas il est inséré dans la catégorie signalée par un Z) ou que la description du terrain peut ne pas être suffisante, la recherche par catégories peut résulter incomplète. Il a été alors nécessaire de compléter l’enquête, en plus d’une lecture générale des listes des toponymes, en partant de la forme phonétique du nom de lieu. Grâce à l’ordinateur il a été possible de rechercher tous les toponymes terminant par les sons -é ; -ì ; -ére ; -ée ; -ire ; -éri ; des suffixes collectifs qui résultent, selon les différents patois de la zone enquêtée, de l’évolution des suffixes latin –ARǏ U et –ARǏ A et qui ont donné -er et -ière en français et -aio, -aia en italien. Ces suffixes signalent, dans la plupart des cas, la présence d’une grande quantité de quelque chose ou un lieu où abonde l’objet indiqué par le radical du mot ou encore un terrain destiné à une culture déterminée3. Ils sont souvent liés aux noms de fruits, de plantes cultivées, d’animaux. 2. Organisation des données De l’ensemble de lieux-dits résultés de la recherche4, j’ai tiré ceux qui semblent avoir un rapport avec l’alimentation5 et, ces derniers, je les ai insérés dans 287 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE une liste, et regroupés selon l’altitude, afin de mettre en évidence les différences de végétation et de cultures par rapport à la hauteur, et, en groupes et sousgroupes, selon le genre d’informations qu’ils fournissent. Cette liste est composée de sept colonnes : la première présente un numéro de renvoi, la deuxième les groupes et sous-groupes, la troisième les toponymes, la quatrième colonne est réservée aux numéros de fiches des toponymes et à l’indication des communes6, la cinquième aux altitudes, la sixième au sens du toponyme (toujours selon les indications des témoins), la septième aux informations qu’on trouve dans les parties “ Nature du terrain ” et “ Autre informations ” de la fiche toponymique. 3. Analyse Au premier groupe, Cultures, appartiennent les noms de lieux qui rappellent que, à un certain endroit, il y avait des cultures, sans en préciser le genre. Ils nous le rappellent par les simples formes tsan ‘champ’ ou courtì ‘jardin potager ’, comme dans le cas de lo Tsan dou Roc 7 ‘le champ du rocher ’ (12a) à Torgnon ou lo Courtì Damòn ‘le jardin potager en amont’ (4b) à Saint-Vincent ; ou par des unités de mesure, l’émeunna ‘l’hémine’8 et la cartanó la “ quartanée ” 9 comme dans le cas de l’Inmeuna (12b) à Saint-Vincent ou la Cartanó (12c) à Antey-Saint-André ; ou encore par un ancien mots qui semblerait être lié au glanage, action de glaner, ‘ramasser dans les champs, après la moisson, les épis qui ont échappé aux moissonneurs’, lè Guiéne ‘les glanes’ (20d), aussi ‘poignée d’épis glanés’10 à La Magdeleine. Dans ce groupe, des informations supplémentaires peuvent être recherchées dans la partie “ Autres informations ” . On découvre qu’on cultivait de l’avoine, du blé ou froment, de l’orge, de pommes de terre (on mentionne une variété de pommes de terre dite felèize), du seigle et encore, en ce qui concerne l’alimentation des animaux, la luzerne et la fétuque des prés11. Pour les jardins potagers on mentionne le chou et le haricot et aussi le péquén abran, le groseiller des alpes12. Les champs se maintiennent au-dessous des 2000 m (1800-1900 m). Au-dessus de cette hauteur le paysage et le type d’exploitation du terrain change radicalement. Il faudrait les interpréter différemment les noms de lieux tels que Champ Long à La Magdeleine à 2200 m. Au groupe Genre de cultures appartiennent les toponymes caractérisés par les suffixes dérivés du lat. –ARǏ A et qui semblent nous fournir des informations plus précises sur le type de culture. Par ex. la Fromèntire (5a) à Saint-Vincent ou Fromèntó (13c) à Antey pour le froment ou peut-être l’avoine fourragère13 ; lè-zAvoée (13a) à Antey et lè-z-Arvèillée (13d) encore à Antey et à Torgnon pour l’avoine14 et les lentilles15 ; ou encore la Plantse di Fove ‘la pièce des fèves’ (21a) à 288 Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne… Torgnon pour les fèves16. La Meillée (13f) à Antey-Saint-André pourrait nous indiquer des anciens champs de millet si à ce toponyme correspond l’ancien et le moyen français milière ‘champ semé de millet’17. La Marsaleunna (21d) à La Magdeleine et lè Marselére (13h) à Antey-Saint-André devrait être lié à la marseula ‘le seigle’, lo bió, qu’on semait au mois de mars’18 et destiné aux bêtes. Sous la catégorie Plantes, j’ai regroupé les vignobles et les vergers. Les vignobles, lè Veugne (2b), (14b) à Saint-Vincent et aussi à Antey-Saint-André. Dans la commune de Saint-Vincent, ils s’élèvent jusqu’à 700 m ; à Antey-SaintAndré le toponyme se trouve à 1050 m, mais c’est un cas isolé. On peut avoir des doutes sur l’effective présence de cette plante, le nom de lieu pourrait être un anthro-toponyme, lié au nom de personne Anne-Marguerite Vignaz relevé dans le Cadastre Sarde dans la description des confins d’un terrain situé tout proche19. Les témoins racontent cependant qu’on voyait encore des plantes de vignes et qu’il y a avait des vignobles en amont du Ru de Marsillier, à 850 m environ, et près du hameau de Rovet à 1200 m, dans la commune de Torgnon. En ce qui concerne les vergers, le plus souvent appelés verzé, comme lo Vèrzé ((6a) à Antey-Saint-André) où verdé comme (14a) à Torgnon, les témoins les considèrent les prés les mieux soignés situés près des maison, caractérisés par la présence d’arbres fruitiers, mais pas toujours. Dans la description du terrain on trouve surtout des pommiers dont parfois on spécifie la qualité, lè pomme rénètte ‘les reinettes’, par exemple. On trouve aussi des poiriers, des cerisiers, des pruniers et des noyers. On rencontre le type verzé ou verdé jusqu’à 1400 m, dans la commune de Torgnon. Lieu-dit lè-z-Arvèillée, Antey-Saint-André (photo A. Rolando) 289 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Les lieux-dits qui nous informent directement sur le Genre des plantes sont caractérisés, dans la plupart des cas, par les suffixe -é ou -ì dérivé du lat. –ARǏ U. On trouve d’amandiers, lo Mandoulì (7a) à Saint-Vincent ; de bigarreaux, lè Grafioné (7b) à Antey-Saint-André20 ; cerisiers, merisiers ou griottiers, lè Sééze (15b) à Valtournenche ; de châtaigniers, lè Tsatagnì (7d) à Saint-Vincent ou lè Tsatagné (7d) à Antey-Saint-André. Au village de Liex, à Antey, on appelle tsénèi les endroits où il y a des châtaigniers et pas de tséno ‘chêne’21. Dans la zone de Chessin et Covalou, toujours à Antey, les bogues des châtaignes étaient entassées et conservées dans les éeussé, endroits clos et délimités par des murs en pierres sèches, sur trois côtés, au niveau du sol. Les bogues étaient couvertes avec des branches de conifères, on revenait les prendre pour les manger au mois de décembre, avant la Noël. Les châtaignes étaient échangées, quilo pè quilo, un kilo de châtaignes pour un kilo de pommes de terre avec les gens de Torgnon. Il y a encore de figuiers, lo Tsan dou Fié ‘le champ du figuier’ (7a) à Saint-Vincent, ensuite des noisetiers, la Couddra Damón ‘le noisetier en amont’ (15d) à SaintVincent ; des noyers, Dézò lo Noyé ‘au-dessous du noyer’ (7f) à Torgnon22 ; des poiriers, lo Tsan dou Pèé ‘le champ du poirier’ (15f) à Antey-Saint-André qui, selon les témoins, produisait des poires indiquées pour faire du sirop. Pour les pommiers on trouve, par exemple, lo Pró dou Pomé ‘le pré du pommier’ (15g) à Valtournenche, où « […] Il y avait des pommiers qui produisaient des petites pommes sures. Pour pouvoir les manger il fallait les cuire. On exploitait pour ça les dernières chaleurs du four à pain, on les appelait les pachón ». Et encore on a lo Sambù ‘le sureau’ (15h), à Saint-Vincent ; un témoin d’Antey a raconté qu’on employait le sureau pour corriger le vin, pour lui donner de la couleur. Il y a aussi des toponymes qui nous suggèrent l’élevage des animaux, la Colombée (16a) à Antey-Saint-André et Valtournenche comme lieu d’élevage des pigeons23, lo Tsan dè l’Oca ‘le champ de l’œi’ (23a) à Torgnon pour l’oie, Portsée (8a) à Antey-Saint-André et la Bouatta dou Gadén ‘la cahute du cochon’ (23b) à Valtournenche pour les porcs24. Évidemment dans les villages il y a des poulaillers, lo Poulayé (8b) à AnteySaint-André25 et Valtournenche (16b), lo Poulaì (16b) à Saint-Vincent. Et aussi des ruchers, lo Tsan dè l’Avoueillé ‘le champ du rucher’ (16c), à Antey-SaintAndré par exemple mais aussi à Valtournenche, l’Aveillé (16c) qui nous font penser à la production du miel26. Lo Par di Vé ‘le parc, l’endroit où on ferme les veaux’ (16d) pour les veaux à Antey-Saint-André. Aussi les toponymes qui se réfèrent aux bâtiments peuvent nous apporter des informations sur les habitudes alimentaires. La Cantén-a (17a), cantine, à Antey-Saint-André ou la Fiscada (24a) à Valtournenche et Antey-Saint-André. Mais surtout les fours, les laiteries, les moulins, les pressoirs et les meules qui, par les contes des témoins nous parlent de la transformation des produits des champs en nourriture. La Piantse dou For ‘la pièce du four’ (17b) à Saint-Vincent 290 Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne… et, tout simplement, lo For (17b) à Antey-Saint-André ; fours dans lesquels « […] On faisait le pain noir avec des pommes de terre, du seigle et de l’orge. […] Au dernier moment on faisait cuire des pommes (lè pachón) ». Puis les moulins, lo Molén (17d) à Antey où « Le moulin avait deux meules, une pour le maï s, la méilla, et une pour la farine blanche et les châtaignes ». comme pour lo Molén di Tailleur à Valtournenche. « La meule, la Pila (9c) à Antey, était employée pour écraser les noix et les pommes ». Toujours dans la partie “ Autres informations” on peut trouver des recettes, par exemple pour faire lo peló, le gruau, recette que j’ai complété avec ce qu’on lit dans le livre Mets et recettes édité par le Centre d’Études Francoprovençales René Willien (pp. 256, 257) « Lè greû sse i savivan totte fae lo peló, perquè y éve én medzé san, nourrissan é a la portó dè tcheut. On lo fésive avoué d’ordzo peló à euna pila esprè. Dédén én brón ón fésive couée pè dovve bon-e-z-oue lo peló avoué l’éve, apré ón djontive dè tsatagne, dè féjoù (‘ co mioù sè y avon la deû sse) é ver la fén eunna tartifia. A la fén, can y éve to bé én valer, ón djontive lo lassé é euna mandolla dè beuro coló. On medzive avoué dè fromadzo. N’èn rémarcó qué tsaque fameuye y aprestive lo peló à cha magnée : coquén i fézive couée lo peló mae avoué d’éve, d’ô tre i beuttivan demé d’éve é demé dè lassé ; coquén y èmpiéyive mae dè gran d’ordzo, d’ô tre mae dè fromèn, ou métchà é métchà ; coquén i beuttive ‘ co dè saliì dè pors é pé condì lo peló i fézive ‘ co couée én bocón dè lar avoué la couenna ou peotro én eus » . « Toutes les grands-mères savaient faire le gruau, parce que c’était une nourriture saine, nourrissante et à la portée de tout le monde. On le faisait avec de l’orge pilé avec une meule spéciale. Dans une marmite en bronze on faisait cuire le gruau avec de l’eau deux bonnes heures, ensuite on ajoutait des châtaignes, des haricots en grains (ou mieux avec leur gousse) et vers la fin une pomme de terre. Quand le tout était bien homogène, on ajoutait du lait et une noix de beurre fondu. On le mangeait avec du fromage. Nous avons observé que chaque famille préparait le gruau à sa manière : les unes ne le faisaient cuire qu’avec de l’eau, les autres utilisaient moitié eau, moitié lait ; les unes n’utilisaient que du grain d’orge, les autres que du grain de froment ou bien moitié-moitié ; les unes y ajoutaient aussi du céléri et des poireaux et pour “ assaisonner ” le gruau elles faisaient cuire aussi un morceau de lard avec sa couenne ou un os ». 291 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Les aliments, il fallait les produire mais aussi les conserver, avec la glace, la Guiasire (10a) à Saint-Vincent, le sel, peut-être Sounée (10b) à Antey-SaintAndré27 ou comme pour la Covva dou Gorpeuill ‘la queue du renard’ (18a), où l’air froid parmi les rochers d’un pierrier, clapèi, était rafraî chissante. Les témoins des enquêtes toponymiques nous expliquent ce qu’on pouvait manger mais aussi ce qu’on ne pouvait pas manger et, dans ce cas, boire. La Gran Fontan-a ‘la grande source’ (19a) à Antey-Saint-André et l’Eve dou Tovassèi ‘l’eau du Tovassey’ (11a) encore à Antey, l’une trop froide, il fallait empêcher aux bêtes de la boire, l’autre trop lourde, on se sentait mal si on buvait de cette eau28. 4. Conclusion Cette recherche n’est pas complète, il est probable que beaucoup d’autres lieux-dits de la zone enquêtée pourraient nous renseigner sur l’alimentation en montagne, elle devrait avoir démontré, encore une fois, que la toponymie et d’autres branches d’études peuvent se compléter. Ceux qui s’intéressent aux produits alimentaires traditionnels pourraient trouver dans ce type d’information une confirmation de ce qu’ils savent déjà et peut-être quelque chose de nouveau. On pourrait encore vérifier si certains types de cultures sont possibles, ou encore possibles, dans les zones ou endroits repérés par les toponymes. Lè-z-éeussé, Antey-Saint-André (photo A. Rolando) 292 Cultures Champs Plantes Vergers 1 1a 2 2a SV 95 AN AN “ tsan” lo Tsan dè Fromèn “ tsan” 4 Cultures 4a Champs SV 1477 SV 1541 SV “ veugne” lo Vió n dè la Veugne la Gomba dè Fontana SV 1507 SV SV 1479 SV lo Verzì Dèzot “ verdzì” la Veugne “ for” SV 501 - 1000 850-900 780-1520 450-1580 630 450 420, 500 500 400 430 430, 436 500 450-1580 N° fiches Altitude Commune … - 500 “ tsan” Toponyme 3 Bâtiments 3a Fours 2b Vignobles Groupe L. Le champ de blé. Z Z Z Verger. Sens du toponyme selon le témoin LISTE DES TOPONYMES Vigne et froment à 610 m ; pommiers châ taigniers à 940 m ; châ taigniers, cerisiers, froment, pommes de terre, légumes, luzerne à 1000 m. Autrefois champ où on cultivait le blé. Pommes de terre, seigle, avoine, blé, froment, orge, (luzerne, fétuque), cerisier à 1430 m. « […] le terrain était presque entière ment cultivé à vignes. Aujourd’hui […] bâtiments ». Il y avait des vignes. Autrefois sentier, aujourd’hui route « Il y a vingt ans, il y avait des vignes » Pommiers et poiriers. Vigne et froment à 500 m. Nature du terrain et autres informations Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne… 293 294 6 Plantes 6a Vergers 857 SV 47 AN 131 AN AN lo Verdzé di fétì lo Verzé “ verzé” 82 SV lo Verdzì “ verdzì” la Mèntà 95 AN lo Tsan dè Fromèn 5b Menthe 1374 SV la Fromèntire SV “ courtì” 789 SV 827 SV 780 SV le Courtì lo Courtì Damó n 5 Genre de cultures 5a Froment la Fromèntire 4b Jardins potagers 685 3x780, 779, 797, 800, 950-60, 970-90, 1000 570 570, 620, 650, 2x700, 833, 900 780 1000 850-900 900 670 576, 600, 690, 700, 1000 600 690 Verger. Verger. Herbe de bonne qualité pour les vaches. Z Z Z Z Jardin potager. Jardin potager. Arbres fruitiers. Terrains situés presque toujours près des maisons, parfois on signale la présence d’arbres fruitiers. « […] trois, quatre pommiers (lè pomé). On cueillait les pommes (lè pomme rénette) aux premiers jours de septembre, au décroî t de la lune (a la leunna deua) ». Arbres fruitiers. « Terrain un peu raide […] On y trouve des vignes ». « Terrain un peu en pente […] prés et pâturages ». Le champ de blé. Autrefois champ où on cultivait le blé. Terrain où pousse la menthe sauvage, “ mèntatso” . « […] il y avait des vignobles ». « Autrefois il y avait des jardins potagers, des champs de pommes de terre et de froment ». Alimentation traditionnelle en montagne la Gran Veugne la Vignetta “ veugne” 7e Figuiers 7c Cerisiers 7d Châtaigniers AN “ tsatagné” 1396 SV 96 AN 53 AN lo Tsan dou Fié lo Fiè 2x600 960 833 1020 771 SV 133 SV 975 SV 779, 950, 875-920, 1090 600 870 1000 697 SV lo Tsatagnì Avó la Cruich “ tsatagnì” Tsampas Rovarèi “ rovarèi” lo Pró dou Tsatagné 1608 SV 300 AN 960 700 1250 630 899 805 SV 806 SV 871 SV 135 SV 1448 SV 378 SV 680 600 575, 7x600, 650, 680, 2x700 600 600 700 784 SV 831 SV SV Chirizole lo Castagnéto Damó n lo Tsatagnì Dèzot lo Tortso Damó n lo Tortso Pó rtapila 7 Genre de plantes 7a Amandiers lo Mandoulì 7b Bigarreaux lo Grafioné 6b Vignobles Figuier Figuier Le pré du châtaignier. Z Z Châtaignier. Z Grafió n. Variété de cerises. Z Z Z Z Z Z Z Z « Il y avait un figuier ». Selon le témoin cette plante est rare à cette hauteur. On raconte qu’en amont du ru de Marselier il y avait des vignes. Il y avait un gros châtaignier. « […] châtaigniers […] » Châtaigniers. « Autrefois il y avait des châtaigniers ». « […] il y avait des champs de pommes de terre ». « […] bois de châtaigniers ». Vignes. Amandier. « On y trouve des vignes ». « Terrain plat, vignes ». Autrefois vignes. « On y trouve des vignes ». « On y trouve des vignes ». Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne… 295 296 Poiriers 7f 9c Pressoirs 9b Moulins 8b Poulaillers 9 Bâtiments 9a Fours 8 Animaux 8a Porcs 7g Pommiers Noyers 7f 167 TO 122 AN 177 AN 1499 SV 203 AN Dézò lo Noyé la Létse dou Péé lo Pró dou Péé Babéloune le Tré Pomé 805 SV 806 SV SV “ molén” Dèzot lo Tortso Damó n lo Tortso 837 SV 767 SV SV “ for” Moulén Tsan Molén 815 AN lo Poulayé 296 AN AN “ noyé” Portsée 134 AN lo Greu Pró dou Noyé 570, 640, 800, 2x833, 940, 974 600 600 560, 2x570, 953, 973, 1000 600 940 1090 950 980 990, 1045, 1060-70, 1170, 1175-1525 (vallon), 1400-10 1450 800 950 570 795 Autrefois bois de châtaigniers. Z Z Z Z Poulailler. Prou tsér, “ beaucoup cher ” « On y trouve des vignes ». « Terrain plat, vignes ». « […] vignes et champs ». « Autrefois il y avait des champs de pommes de terre et de froment […] châtaigniers ». Pré en pente moyenne, on ne peut pas cultiver les pommes de terre parce que le terrain est trop exposé au soleil. Vieux poulailler dans le village d’Avout. Il y avait un noyer. Il y a un poirier. Pré et gros poirier. « […] Il y avait des vignes, des champs de pommes de terre, de seigle, de froment, d’avoine, d’orge et des prés ». Les trois pommiers. Verger, pommiers. Sous le noyer. Poirier. Le pré du poirier. Z Le gros pré du noyer. Alimentation traditionnelle en montagne 233 AN SV 768 TO TO 10 VT VT 680 SV 483 AN AN 181 TO l’Éve di Tovassèi “ tsan” lo Tsan dou Roc “ tsan” lo Tsan dou Molén “ tsan” l’Inmeuna l’Émenó “ É menó” l’Émmeó 12 Cultures 12a Champs 12b Hémine 273 AN Sounée 1490 SV 414 AN 10b Sel 11 Eaux 11a Sources 10 Conservation des aliments 10a Glace la Guiasire la Pila 1280-2110 1040 1018-50 2x1040, 1110 1450 1128-1800 1440 1128 450-1580, 1050 1001 - 1500 870-980 990 550 990 Hémine, unité de mesure. Z Hémine. Le champ du moulin. Le champ de la pierre. Eau. Lieu où on fait la glace. Z Meule, pressoir. Champs de blé, avoine, pommes de terre. Anciens champs. Champ. Friche. Chê nes à 1040 m ; seigle, orge, avoine, blé à 1050 m ; arbres fruitiers à 1139 ; seigle à 1200 m et 1350 m ; noisetiers sauvages à 1345 et 1390 m. Autrefois champs. Rotation des cultures. Aujourd’hui pommes de terre. Les gens du village de Liex conseillent de ne pas boire cette eau parce qu’elle est trop lourde. Hameau. « La meule était employée pour écraser les noix et les pommes ». Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne… 297 12c Quartanée TO 504 VT VT 333 AN AN 186 TO TO 114 VT VT 636 SV SV 995 AN 923 AN 397 TO “ émmeó” lé-z-Iméó “ iméó” la Cartanó “ cartanó ” 298 la Cartanó “ cartanó” Cartaó “ cartaó” le Courtì “ courtì” lè Courtì lo Courtì lè Gran Courtì 1415 1300 1088, 1410, 1700 1385 1490, 1540 1088 1175, 1200, 1375, 1690 1440 1458-70, 1150-55 1480 1645, 1660 1300 1490 1080 Autrefois champ de blé, seigle, pommes de terre, avoine. Autrefois champ, aujourd’hui inculte. Champ. Il y a un noyer et on y cultive les pommes de terre. Champs de seigle, orge, froment. Champs de seigle, orge, froment. Jardin potager. Le grand jardin potager. Jardin potager. Jardin potager. « […] Il y avait des plantes de “ péquén abran ” , un genre de cassis ». Pommes de terre et choux. En partie encore jardin potager. « Autrefois il y avait des champs de pomme de terre ». « Il se rapporte à Champs cultivé à pommes de terre et la quantité de sei- seigle. gle récolté (cartan-a capacité d’un récipient circulaire en bois utilisé pour mesurer la quantité de céréales) ». Unité de mesure pour les céréales. Mesure (12 kilos de seigle). Z ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE AN “ verzé” 1180 AN 1015 TO la Meillée lo Pévéè 13g Sarriette 945 AN 378 AN la Meillée 13f Millet lè Marselére TO 85 TO “ arvèillée” Meuntée 13e Menthe 13h Seigle 14 Plantes 14a Vergers 1258 AN 541 TO 2x1010, 1010-20, 1015-28, 1025, 1029, 1030, 1045, 1070, 1075-80, 1075-95, 1080-90, 1100, 1120, 1139 1350-1400 1070-1100 1430 1020-40 1210, 1215 1685 1110-30 1500 Z Pâturages. Pré de fauche. « Autrefois champs où on cultivait du seigle et du froment ». Prés de fauche près du torrent. Autrefois champs de pommes de terre, avoine, seigle. Jardin potager et pré. Pommiers (pomme rénette), poirier, cerisiers, noyer, prunier, une pied de vigne à 1029 m, fétuque. Lieu où pousse de “ meunta” . la menthe sauvage, Z Il y avait des pommiers et d’autres arbres fruitiers. Z Éboulement. “ Pévéetta” , herbe Pré de fauche. du jardin potager. Z Autrefois, en partie, champ. Z Z 1140-1275 Z Z 1500 Jardin potager. 1345, 1428, 1450, 1489, 3x1500, 1506 lè-z-Avoée 1273 AN 766 TO 1130 435 AN 1000-1130 34 VT VT lè-z-Arvèillée l’Arvèillase 13d Lentilles 13 Genres de cultures 13a Avoine 13b Fraise Fratèlé 13c Froment Fromèntó lé Courtì “ courtì” Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne… 299 300 lè Veugne 651 SV SV 697 AN 219 SV la Couddra Damó n Dérì lè Couddre le Couddre Lènguérola dou Nouì 15c Figuiers 15d Médicaments 15e Noisetiers 15f Noyers 315 SV 916 SV 195 AN AN 2100 VT VT 535 SV 1197 AN lo Piàn dè Cherije lo Pra Cherije lè Sèéze “ séezée” lé Sééze “ sééze” lo Fié lè Medeseunne 327 SV 377 TO TO 1114 SV 502 AN 224 VT lo Verzé 15 Genre de plantes 15a Bigarreaux Grafiounì le Grafioné “ grafioné” 15b Cerisiers la Cherijire 14b Vignobles TO “ verzé, verdé” 1070 1050-60 1100 1088 1200 1200 1000-25 1045, 1450-1455 1410 1280, 1375 1400 1120-50 1200 1400 1375 1450 1018-50 L’endroit est riche en merisiers. Z Cerisier. Les cerisiers. Les cerises. Noisetiers. Z Pommes de terre. On ne signale pas de figuiers. Autrefois champs, pommes de terre, orge, seigle. Aujourd’hui éboulement. « […] il y avait des champs de pommes de terre et de froment ». Aujourd’hui champ de pommes de terre et luzerne. Prés. Pommiers et cerisiers. Cerisiers et châtaigniers. Z Z Plantes qui avaient une forte odeur. Z Terrain un peu en pente, pâturages. Autrefois champ de pommes de terre. Champ de pommes de terre au village de Maen. Selon le témoin il y aurait encore quelques plantes. Prés toujours verts, près du village, bien soignés. Pommiers. Z Z Vignoble. 1150, 1180, 1210, 1328, 1330, 1375, 1390, 1392, 1395, 1400, 1410, 1440, 1500, 1560, 1580 1340 Z ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE 15i Sureaux 16 Animaux 16a Colombiers 15h Pommiers 15g Poiriers 321 AN 610 TO 306 TO TO 1222 SV AN 270 TO TO 746 TO TO 614 VT VT 520 SV 319 AN 805 AN lo Tsan dou Péé lo Pitché dou Péé lo Pèé “ pèé” lo Poumì “ pomé” lo Pomé “ pomé” lo Mèlé “ mèlé” lo Pró dou Pomé “ pomé” lo Sambù la Colombée la Colombée 1125 1020 1425 1400 1290 1400 1375 1300 1075, 1290, 1120-65, 1130-35, 1375-85 1345 1145, 1225, 1275, 1375, 1400, 1445 1175 1200, 1550, 1630 1415 1020-25 Oiseaux. Z Il y avait quatre noyers, on récoltait les noix pour produire l’huile de noix. Ancien champ. Pommes de terre, pâturages. Pré, inculte. « […] Il y avait des pommiers qui produisaient de petites pommes dures. Pour pouvoir les man ger il fallait les cuire. On exploitait pour ça les dernières chaleurs du four à pain, on les appelait les “ pachón” ». Le pré du pommier. Z Poirier, pommier. Pré de fauche. Pommiers sauvages. Cerisier (1120-65 m), pommiers, frê nes, cerisiers (1375-85). Le pommier. Le pommier. Le pommier. « Au centre du pré il y avait un poirier qui produisait des poires indiquées pour faire du sirop ». Le petit du poirier. Pré de fauche. Le poirier. Il y avait un poirier. Le champ du poirier. Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne… 301 302 455 AN 991 AN lo Pró dou For lo For la Létsée dè la Litiì SV “ for” 17c Laiteries 394 SV la Piantse dou For 17b Fours 618 TO 8 AN la Cantén-a 17 Bâtiments 17a Cantines 1945 VT l’Aveillé 969 AN AN “ avoueillé” lo Par di Vé 637 SV 134 VT 534 AN lo Poulaì lo Poulayé lo Tsan dè l’Avoueillé 1867 VT 16d Veaux 16c Ruchers 16b Poulaillers la Colombée 1320 1100, 1240, 1331, 1350 1130 1390 1100 690 1390 1029, 1340, 1385, 1420-30 1450 1088 1500 1045-50 1350 Il y avait un rucher. Aujourd’hui poulailler. Champ de pommes de terre, poulailler. Le témoin n’a jamais vu de ruchers à cet endroit, l’exposition au soleil n’est pas bonne. Autrefois pré et pâturage, aujourd’hui inculte. La léchère, lieu marécageux, de la laiterie. Le pré du four. Le four. Z Cantine. Pommier (pomme rénette). « […] On faisait le pain noir avec des pommes de terre, du seigle et de l’orge. […] Au dernier moment on faisait cuire des pommes (lè pachón). Pré. Maison bâtie en 1884-88, selon le témoin. Cantine plus étable et habitation, deux pommiers, un poirier, un noisetier. « Il y avait quelques champs de pommes de terre et de froment ». Endroit où on rassemble les veaux. Enceinte, cerisier. Le rucher. Poulailler Poulailler. Le champ du rucher. Z ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE 446 SV SV lo Tsan Machérà “ tsan” 450-1580 1580 1501 - 2000 20 Cultures 20a Champs Z Grande source. 1125 1298 AN la Gran Fontan-a 1345 19 Eaux 19a Sources 1266 AN lè Pró dou molén La queue du renard. 537 AN lo Molén 1050 536 AN lè Gran Molén 1080, 1090, 1210, 1310, 1560 1020-35 Les Grands Moulins. 1021 Le moulin. Z 17e Pressoirs la Pilla 885 AN 18 Conservation des aliments 18a Air la Covva dou Gorpeuill 707 AN SV “ molén” 1560 Les prés du moulin. Pressoir. 456 SV lo Molén 1130-35 17d Moulins « […] il y avait des champs de seigle et avoine ». Il fallait empêcher aux hommes et aux bêtes de boire cette eau qui était froide. Trou parmi les rochers d’un pierrier où souffle de l’air froid. « Le moulin avait deux meules : une pour le maï s, la méilla, et une pour la farine blanche et les châtaignes ». Il y avait des pommiers. Village. Moulins, laiterie, cantine. « Autrefois il y avait des champs de blé et de pommes de terres ». Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne… 303 304 463 SV VT Cartanà “ cartaó” 20b Hémine 20c Quartanée 59 LM 257 LM 529 TO TO 459 SV lo Tsan dè Boén “ tsan” l’Inmenà lè Guiéne lo Courtì 105 CH lo Gran Tsan 20d Glanes 20e Jardins potagers LM “ tsan” 1800-1830 1680-1685 1490, 1540 1545 1800 1128-1800 1555 Z Le jardin potager. Unité de mesure, le double de la cartanà . Unité de mesure. Le champ. 1535, 1500, 1550, 1565-1575, 1610, 1625-50, 2x1630, 1645, 2x1650, 2x1660, 3x1670, 3x1675, 1675-90, 1690-1700, 1695, 1700-10, 1710, 1715-25, 3x1720, 1725, 1730, 1740, 1750, 2x1760, 1760-1900, 1770, 1820, 1850 1760 Le grand champ. Toujours pré de fauche. Autrefois terrain cultivé à blé ou à pomme de terre. « Autrefois il y avait des champs de blé et de pommes de terre ». Autrefois champs. Les témoins parlent d’une variété de pommes de terre appelées “ felèize” . Il disent que le mot n’est pas patois mais piémontais. Bois de mélèzes. Avoine, blé, seigle, pommes de terre. ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE 22b Noisetiers 351 LM 558 TO TO 40 VT VT 11 VT VT lo Sèrezé la Sééze “ sééze” lé Sééze “ sééze” la Plantse dou Coudré “ coudré” 255 LM 22 Genre de plantes 22a Cerisiers lè Sèrezére VT “ courtì” 1 LM LM 651 TO 404 LM TO 287 LM 1582 VT lé Courtì dé la Ravée 21 Genre de Cultures 21a Fèves Févié “ févié” la Plantse di Fó ve 21b Froment lè Couaye dou Fromèn 21c Lentilles “ arvèillée” 21d Seigle la Marsaleunna LM “ courtì” 1520 1510 1500 1500, 1510 1315, 1330, 1590 1775 1600 1650 1570 1525, 1610 1680 1775 1650 1735 2x1570, 1615, 1650 1640, 1680, 1680-85, 1700, 1710 1750 Avoine, pommes de terre, seigle. Noisetier. Z Endroit où il y a des cerisiers. Le cerisier. La cerise. Seigle du printemps. Autrefois champ. Il y a un cerisier. Autrefois champs de pommes de terre, avoine, blé, seigle. Autrefois champs de pommes de terre, avoine, blé, seigle. Pré. Il y avait et il y a des cerisiers. Autrefois champ où l’on semait le seigle du printemps appelé “ marseula” , au lieu du nom traditionnel du seigle qu’on semait en autumne “ bió” . La pièce des fèves. Autrefois champ de fèves. Froment. Z Le potager du champ des navets. À 1700 m blé avoine seigle. Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne… 305 306 24d Pressoirs 24c Moulins 35 LM 47 TO 1871 VT lo Molén lo Molén di Tailleur la Pila 1867 VT 169 LM VT 573 LM 1482 VT 2018 VT la Fiscada lo Pró dè la Létérì “ létiì” lo Molenó l’Avoueillé 23c Ruchers 24 Bâtiments 24a Cantines 24b Laiteires la Bouatta dou Gadén 23b Porc 1198 TO TO “ mèlé” lo Tsan dè l’Oca 484 LM 283 LM 360 LM lo Péré lo Péré lo Pomé 23 Animaux 23a Oies 22d Pommiers 22c Poiriers 1960 1650 1870 1520 1630-1635 1590 1650 1640 1840 1530 1200, 1550, 1630 1550 1815 1810 Champ de blé, seigle etc. Poiriers Pré et pâturage avec poirier sauvage. « Il y a un pommier qui donne de petites pommes ». Table, dehors pour les touristes. Dérivé de moulin. « […] On pouvait moudre le seigle, l’avoine, le froment ». Le moulin. Pré avec eau souterraine. Le moulin du « C’était un moulin privé, qui a fonc tailleur, sobriquet. tionné jusqu’en 1958-60. Il y avait deux meules : l’une pour le maï s, l’autre pour le grain (blé, froment…) ». Z Pâturage et mayen. Lieu frais. Laiterie. Le champ de l’oie. Autrefois champ à rotation des cultures. Aujourd’hui pré de fauche. Petite étable du porc. Le rucher. Autrefois champ, aujourd’hui pré. Le rucher n’existe plus. Poirier. Poirier. Pommier. ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE 26 26a 27 27a “ tsan” Genres de cultures Thym la Sérieula Bâtiments Laiteries la Létiì 25 Cultures 25a Champs 2340 2140 426 VT 2300-2700, 2312, 2310-2330, 2320, 2360-2650 363 VT LM 2001 - … Laiterie. Nom de l’alpage. Laiterie du village de “ Tsegnan-a” . Pâturages. Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne… 307 308 Figuiers Noisetiers Noyers Poiriers Pommiers Sureaux Fève Fraises Froment Lentilles Menthe Millet Sarriette Seigle Thym Glanage Jardins potagers Quartanée Vignobles Châtaigniers Cerisiers Bigarreaux Amandiers Hémine Vergers Avoine Genre de plantes Champs Plantes Genre de cultures Cultures Veaux Ruches Poulaillers Porcs Oie Colombiers Animaux Pressoirs, meules Moulins Laiteries Fours Cantines Bâtiments LISTE DES GROUPES ET SOUS-GROUPES DES LIEUX-DITS Sel Glace Air Sources Conservation Eaux des aliments ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne… N O T E S Pellegrini (1990), p. 5 : « La toponomastica deve essere considerata - come tante branche del sapere - una scienza autonoma, ma anche una scienza ausiliaria. Essa rappresenta infatti la convergenza di varie ricerche ed un campo d’indagine tipicamente interdisciplinare ». 2 Archives des enquêtes toponymiques du BREL (Bureau Régional pour l’Ethnologie et la Linguistique). L’enquête de Valtournenche a relevé 2299 toponymes et lieux-dits, celle de Torgnon 1494, Antey-Saint-André 1343, Chamois 300, enquête qui doit être terminée, La Magdeleine 600, Saint-Vincent 1645 (pour un total de 7681 lieux-dits). 3 GDLIM, pp. 84, 85 “ –àio, –àia” . 4 Au total 130 lieux-dits. 5 Il faut toujours être méfiant, même le nom le plus simple et dont le sens semble être transparent peut cacher des surprises, qui se révèlent parfois à travers les archives. Pour cette recherche je n’ai que superficiellement fouillé dans les documents écrits. 6 AN, Antey-Saint-André ; CH, Chamois ; LM, La Magdeleine ; TO, Torgnon ; SV SaintVincent ; VT, Valtournenche. 7 Je n’emploie pas le système de transcription utilisé dans les enquêtes toponymiques pour représenter les toponymes dans leur forme dialectale, mais la graphie normalisée proposée par le BREL pour l’écriture du francoprovençal valdôtain et présentée dans Patois à petit pas, méthode pour l’enseignement du francoprovenç al, Assessorat de l’Éducation et de la Culture, Région Autonome Vallée d’Aoste, Imprimerie Valdôtaine, 1999, Aoste. Dans cet article l’initiale des lieux-dits sera toujours en majuscule. 8 NDPV émenna : « […] L’émenna di vin, l’hémine du vin (16 litres). L’émenna di trifolle, l’hémine des pommes de terre (20 kilos). L’émenna di fromen, l’hémine du blé (18 kilos). La demia émenna o quartana, la demi-hémine ou quartane […] ». 9 NDPV quartana : « […] Mesure de capacité d’environ un décalitre […] Euna quartana de fromen pèise pi o mouen nou kilo, euna quartana de trifolle pi o mouen dzë kilo, une quartane de blé pèse environ neuf kilos, une quartane de pommes de terre environ dix kilos ». 10 DHLF glaner, variante glener, du bas latin glenare (d’origine gauloise), ‘ramasser les épis laissés par les moissonneurs’, le déverbal glane a eu le sens de ‘poignée d’épis glanés’. 11 Fiche n° 544, lè Tsan dè la Lizerna (LM), fiche n° 1101, lo Fétù (AN). 12 Les noms des plantes en français ont été tiré de Lavoyer Ivo, Glossologie et Flore des Alpes, Imprimerie Valdôtaine, 1994, Aoste. 13 DHLF froment : « […] du latin frumentum, terme général pour toutes les céréales à épi et, spécialement, le blé. […] fromental, – ale, – aux : adj. et n. m. dérivé de froment ou emprunté au bas-latin fromentalis ‘de blé’, est rare au sens latin (fin XIIe s. formentail). Comme nom, le mot désigne l’avoine fourragère ». 14 DENLF les Avenières, Haute-Savoie, lat. avena, peut prendre le sens de ‘terre maigre’. FEW 1, 187 avena ‘hafer’ Fr. avoine, afr. aveine, apr. avena […] Lyon aveniri […] ‘champ dans lequel on a récolté l’avoine […] ‘jachère’ […] ‘droit féodal sur la récolte de l’avoine’ […] mfr. avonier ‘mesure pour l’avoine’. DHLF avoine : « […] provient, sous la forme aveine (XIIe s.), du lat. avena de même sens, mais désignant surtout la graminée sauvage, considérée comme une mauvaise herbe, ou à la rigueur une plante à fourrage […] le mot ne semble pas indo-européen ». 15 NDPV arveilla s. f. Nom de la lentille à Brusson. FEW 1, 151 arvum ‘flur, saatfeld’ Ard. arve ‘champ, terrain vide’. 16 DHLF fève : « […] est l’aboutissement (1170) du latin faba ; la fève, qui jouait un grand rôle dans l’alimentation des romains, appartient à la civilisation du nord-ouest de l’Europe […] ». 1 309 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Source d’eau dans le bois, Antey-Saint-André (photo A. Rolando) FEW 6.2, 83 milium ‘hirse’ Fr. mil « panicum miliaceum », afr. mules, afr., mfr. milet, fr. millet. Afr. mfr. milière ‘champ semé de millet’. 18 FEW 6.1, 390 martius ‘mä rz’. 391, –alia Alothr marxalle ‘menus grains qu’on sème au mois de mars’. 19 Cadastre Sarde d’Antey-Saint-André, 1769. Parcelle 2743 ; mas de Les Tesseres ; qualité : pré, champ ; fins : levant Jean-André Deschèvres, midy Anne-Marguerite Vignaz […] 20 FEW 4, 242-243 : graphium ‘griffel’ « […] A pr. graffion ‘bigarreau’ […] sav. grafion ». 21 FEW 2.1, 459-460 : *cassanus (gall.) ‘eiche’ « […] 1. a. Afr. cha(s)ne ‘chêne’ […] aost. tsénei [lieu planté de chênes], Valtourn. tseney ‘lieu planté de châtaigniers’ ». 22 DHLF noix : « […] le nom de l’arbre qui produit les noix, noyer […] n’est pas dérivé de noix, mais est issu du latin. pop. *nucarius, dérivé du latin classique nux ». 23 DENLF Colomars, Colombier(s), Colombières, « Lat. columbarium, pigeonnier; - au plur., devenu fém., columbaria […] », cfr. Pellegrini (1990) p. 362 : « palumbus ‘colombo’ > […] ant. palumbaria (Roccastrada GR) = 1076 […] (calabr. palumbaru ‘colombaia’) ». DHLF colombier : « […] d’abord columbier (v. 1121) est issu du latin columbarium ‘endroit où on élève les pigeons’ ». 24 Pellegrini (1990) p. 362 : « porcus ‘porco’ > […] (porchereccia ‘stalla di porci’) […] Porcaria ant. nel Mirandolese e nel Ferrarese (diploma di Astolfo e Desiderio) ». FEW 9, 184-185 porcarius ‘zum schwein gehö rig’ “ […] A pr. porcaria ». 25 DHLF poule : « […] poulailler en a.fr. ‘marchand d’œufs et volaille’ est devenu (1389) le nom de la petite construction où on élève les volailles qui y habitent.” 26 DHLF abeille : “ […] d’abord sous la forme abueille (1273), a remplacé à partir du XVIe s. l’expression mouche à miel, employée au moyen âge pour désigner cet insecte ; cette for17 310 Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne… me est empruntée à l’ancien provençal abelha qui vient lui-même du lat. apicula, diminutif de apis ‘abeille’. […] abeiller (v. 1260) ‘ruche’ ». 27 DENLF La Saunière < « Lat. salina, saline, lieu où on se recueille le sel ; du masc. salinum […] Saulnières […] Salinariae, vers 1120) ». 28 Le mot tovassèi pourrait être lié au tuf, Dauzat-Deslandes-Rostaing (1978), touvet. B I B L I O G R A P H I E CEFP, Mets et recettes, Musumeci Éditeur, Quart (Aoste), 1994. DAUZAT A., DESLANDES G., ROSTAING Ch., Dictionnaire étymologique des noms de rivières et de montagnes de France, Éditions Klincksieck, Paris, 1978. DENLF, DAUZAT Albert, ROSTAING Charles, Dictionnaire étimologique des noms de lieux en France, 2e édition revue et complétée par Ch. Rostaing, Librairie Guénégaud, Paris, 1989. DTI, GASCA QUEIRAZZA G., MARCATO C., PELLEGRINI G. B., PETRACCO SICARDI G., ROSSEBASTIANO A., Dizionario di toponomastica: storia e significato dei nomi geografici italiani, Garzanti, Torino, 1996. FEW, WARTBURG Von W., Franzö sisches Etymologisches Wö rterbuch, BonnTü bingen-Basel. 1922 et suiv. GDLIM, Grande dizionario della lingua italiana moderna, Garzanti, 1998. LAVOYER Ivo, Glossologie et Flore des Alpes, Imprimerie Valdôtaine, Aoste, 1994. LA, Larousse Agricole, publié sous la direction de Jean-Michel Clément, Librairie Larousse, Paris, 1981. 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Si è riusciti a portare a Torino contadini, pescatori, allevatori, nomadi da tutto il mondo, 5000 circa, tutti organizzati in quelle che Slow food ha chiamato C OMUNITÀ DEL CIBO . 5000 produttori e operatori del settore agroalimentare provenienti da 130 Paesi, rappresentativi di un diverso modo di intendere la qualità del cibo, attento alle risorse ambientali, agli equilibri planetari, alla qualità dei prodotti, alla dignità dei lavoratori e alla salute dei consumatori. In quattro giorni di conferenze e seminari si sono confrontate nello scorso ottobre le Comunità del Cibo impegnate nell’agricoltura, nella pesca, nell’allevamento e nelle economie di raccolta del cibo: hanno potuto conoscersi e condividere saperi e soluzioni elaborate localmente, ma replicabili in altri contesti. Giacomo Mojoli, VicePresidente nazionale Slow food, era in quei giorni a Torino e vi porterà nel suo prossimo intervento, una testimonianza preziosa su un appuntamento esaltante che si è trasformato in un evento epocale. Ma gli echi – e non solo – sono arrivati fino a noi… Slow food della Valle d’Aosta che ha ottenuto che l’evento si “ allargasse” anche fuori dai confini piemontesi, è stata chiamata ad organizzare un importante “ laboratorio” anche nella nostra regione. Giovedì 21 ottobre al Forte di Bard si è parlato di formaggio e degli effetti positivi del latte crudo e dell’importanza della libera scelta (produttiva e di acquisto) sulla pastorizzazione. 313 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Vi hanno partecipato almeno 300 produttori provenienti da tutto il mondo, soprattutto contadini del Nord Europa. 200 di loro sono stati per più giorni in Valle, ospiti nei Comuni del Gran San Bernardo. I primi ad arrivare e gli ultimi a partire sono stati trenta contadini della Georgia (ex URSS), che, andandosene hanno assicurato che non si dimenticheranno facilmente di noi. Tutti, noi e loro, siamo stati fortemente coinvolti nello svolgimento di un meeting inedito, mai tentato prima. L’evento è destinato a lasciare un segno profondo anche sulla nostra organizzazione di Slow food. Davvero, dopo Terra madre, non saremo più come prima. Chi siamo Slow food nasce come Arcigola nel 1986, sostanzialmente partendo da uno slogan: la rivendicazione del diritto al piacere gastronomico. Un’autentica svolta non solo nella gastronomia. Un esempio? Il vino italiano quando è arrivato Slow food appunto poco meno di vent’anni fa, era già uscito dalla crisi. Parlo della gravissima crisi del metanolo che i più ricorderanno. Era stato salvato, rilanciato, riqualificato per merito soprattutto di alcuni produttori straordinari (che avevano da subito scommesso sulla qualità) e da esperti che non loderemo mai abbastanza e divulgato da quel grande maestro che è stato Luigi Veronelli. Slow food arriva e fa a sua volta una scommessa: far conoscere il vino di qualità a chi, pur non avendo tanti soldi, vorrebbe provare il piacere di un buon bicchiere. Spiega – all’inizio tra molto scetticismo – che la storia del vino è la storia del gusto, più ancora che storia delle tecniche e che l’uno e le altre sono cultura e ottiene… successo. In un settore che sta per conoscere un autentico boom, inventa un nuovo linguaggio, parla di piacevolezza e dà un suo personale contributo alla nuova comunicazione. Il piacere di un buon vino era un elemento di cui quasi vergognarsi, certamente non degno di studio e nemmeno di essere proclamato. I costumi gastronomici erano folklore. Slow food inventa un approccio al vino – e poi al cibo – STORICO, ECONOMICO, EDONISTICO, partendo però sempre dal gusto. Dichiara che un mondo senza sapori e senza odori è insensato e privo di vita. L’assaggio è conoscenza e piacere. Avverte i puristi che la qualità può (e deve) diffondersi anche facendo grandi numeri. Prima di noi sembrava invece inesorabilmente vincente un concetto di alimentazione bipolare: da una parte una facoltosa nicchia di gourmet e dall’altra uno stuolo di consumatori di cibo-benzina, gusto coca-cola. Slow food ha 314 Slow food: dalla democratizzazione del piacere alla riscoperta del ruolo dell’agricoltura appunto democratizzato il piacere, ha dichiarato possibile il piacere per tutti, senza vergogna, esaltato dalla convivialità e dalla consapevolezza. Il legame fondamentale con il territorio Il territorio, con i suoi prodotti, sono per noi un importante, distintivo, riferimento. Alcuni fattori “ naturali” , si sa, fanno di ogni prodotto tipico una specialità: può essere il terreno e il clima per la frutta; l’erba di montagna ricca di fiori che dà un gusto particolare al latte e ai formaggi dell’alpeggio e ancora, il terreno, con l’esposizione e le pendenze, per i vini. I prodotti del territorio – è altrettanto risaputo – favoriscono peraltro anche l’attività turistica. Sono cioè una risorsa culturale e turistica: il cibo regionale e locale, le specialità di un posto realizzate con metodi tradizionali di lavorazione sono la tangibile eredità di una cultura contadina non scritta, ma complessa e ricca. Per quanti turisti, Fontina è il primo nome che viene loro in mente a sentir pronunciare la parola Valle d’Aosta? Più ancora del Monte Bianco (che molti pensano sia solo in Francia) e del Casinò … La fontina e i formaggi della Valle d’Aosta (il fromadzo, la toma di Gressoney, il salignon, il reblèque: una produzione casearia tipicamente di montagna) hanno grandi potenzialità, sol che si imbocchi definitivamente e con convinzione la strada della qualità. Intanto sappiamo che solo dal latte crudo può nascere l’eccellenza gastronomica. Poi si tratta di sfruttare al meglio una tendenza ancora in via di formazione: il formaggio italiano, che è stato ed è ancora considerato dai più come un alimento umile, gustoso ed abbondante, si accinge ad acquisire lo status di prodotto edonistico e colto. Ma non ci sono solo i formaggi: ci sono i vini, le mele, la mocetta, il lardo di Arnad, i boudins, le saucisses, i prosciutti, il miele… Consapevoli, informati e… rispettosi Il socio Slow food è consapevole delle potenzialità di questo patrimonio. Consapevole vuol dire informato, educato: vuol dire che sa che il patrimonio enogastronomico – come il territorio – va protetto. Se é così , al socio Slow food non può bastare il giro dei ristoranti; il suo percorso lo porterà nei campi, nelle stalle, sui mercati. Portatore di una proposta forte: resistere al gusto unico, investire sulle differenze, sulla tradizione e sul rispetto dell’ambiente. Con uno sguardo certo rivolto al futuro, ma con un’attenzione rispettosa al passato. Nella convinzione che gli alimenti sono molto più di semplice cibo, poiché rappresentano un’intera cultura. 315 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Il cibo, i modi e le tecniche con cui ci si alimenta, in ogni parte del mondo sono espressione e simbolo di una cultura identitaria, ma sono anche la risultante di processi economici, sociali, tecnologici, agronomici. Nel corso della storia i mutamenti in questi settori sono sempre avvenuti piuttosto lentamente, tranne che in rare eccezioni: ciò ha permesso di sedimentare e conservare ovunque diversi usi e costumi gastronomici. Con la proposta, ribadiamo un allarme: « promuovere la qualità dei vini e dei cibi è inutile se non ci si rende conto che, nel frattempo, l’agricoltura industriale, l’abbandono delle montagne e l’inquinamento stanno cancellando in tutto il mondo varietà di frutta, di verdura, razze animali, salumi e formaggi ». Così , da gastronoma, Slow food si è fatta eco-gastronoma, ponendo come centrale il tema dell’agricoltura per annunciare, usando le parole del nostro Presidente Carlo Petrini, che « la sfida vincente starà nel nuovo modo di sfruttare le risorse del territorio in maniera rispettosa dell’ambiente, salvaguardando la qualità e la tradizionalità » . 316 Mangiare: un “atto agricolo” Verso un’ecologia dell’alimentazione Giacomo Mojoli Paradossalmente si può affermare che attorno ai temi dell’alimentazione, della cosiddetta enogastronomia, oggi esista troppa comunicazione. C’è una grande ridondanza di convegni e di seminari sul tema del cibo. Attorno a questi argomenti si è innescata una sorta di spettacolarizzazione, rappresentata in primo luogo e nel modo più indecoroso da innumerevoli trasmissioni televisive che rasentano una sorta di pornografia dell’immagine gastronomica. Per questo, relativamente al tema della comunicazione, ma non solo, è necessario riportare il discorso sull’alimentazione al punto da cui dovrebbe partire: mangiare è fondamentalmente un “ atto agricolo” . Infatti, ogni qualvolta noi scegliamo un prodotto alimentare, di fatto, influenziamo lo sviluppo di un determinato modello agricolo anziché di un altro. Nel senso che, per ottenere cibo di qualità, bisogna partire dalla qualità della terra, dall’eco-sistema del mare, da un nuovo modello di agricoltura, di agronomia, di zootecnia, di acquicoltura. In poche parole, non può esistere un prodotto alimentare di qualità se al tempo stesso non ci si preoccupa di salvaguardare un ambiente basato sulla sostenibilità. Oggi molto sta cambiando ed in modo forse assai più veloce di quanto si percepisca. Il mondo del consumo è profondamente mutato e, soprattutto in Europa, anche a causa – o per “ merito” – dei numerosi scandali alimentari, si è sviluppata una nuova psicologia del consumatore unitamente alla percezione che attorno al tema dell’alimentazione il punto centrale sia quello della sostenibilità, degli equilibri, della rintracciabilità, della quantità dei nostri consumi. Sempre di più la grande scommessa che abbiamo di fronte è quella di riequilibrare i consumi, di tornare con i piedi per terra, di non confondere lo sviluppo con la crescita incontrollata, ossia la qualità della vita con la rincorsa frenetica verso l’accumulazione di beni materiali. Per questo, noi di Slow Food, riteniamo che mai come oggi, tutto ci riconduca alla grande questione dell’agricoltura contadina che, contrariamente a tanti 317 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE luoghi comuni, non rappresenta un mondo arretrato e un po’ bucolico, ma altresì un laboratorio dentro il quale sperimentare e ri/vivere un nuovo futuro produttivo. Perché parlare oggi di agricoltura contadina, significa al tempo stesso ri/progettare il tessuto delle comunità rurali e produttive, in grado di realizzare su piccola scala una nuova economia agricola. Una nuova e moderna economia, rispettosa dell’ambiente, interattiva con il territorio, capace di dare dignità, interesse e gratificazione ai contadini e ai giovani che stanno indirizzandosi in questa direzione. Come nel caso, concreto, dei presì di che Slow Food va realizzando in Italia e nel Sud del mondo dove la chiave di volta che ci ha permesso di arrivare all’universo sommerso della qualità alimentare, per aiutarlo a farsi protagonista, si è dimostrata quella economica. Il tutto, partendo da un’intuizione forte, verificata “ sul campo” , sul fatto che non erano sufficienti appelli, censimenti o studi universitari per convincere produttori e contadini a resistere, a investire sul futuro delle loro singolari produzioni. Bisognava far toccare loro con mano che la nostra società, una parte di consumatori, non necessariamente i più ricchi, era disponibile a viaggiare per trovare quei prodotti e a spendere il giusto per acquistarli. L’idea vincente, nella sua apparente semplicità, fu quella di fare assaggiare ai consumatori questi prodotti, di dargli un’anima, una storia, un luogo, un sapore, un odore. Questi salumi, questi formaggi, questi pesci pescati in modo sostenibile, queste carni di animali allevati con rispetto, nutriti con sani alimenti naturali, rappresentavano un pezzo reale di economia, ma anche di storia, di cultura, di saperi manuali e “ scientifici” irripetibili. In un certo senso, se ci pensate, una sorta di rete di conoscenze e di esperienze dove i Presì di divengono dei terminali atti a favorire un legame forte e dinamico tra il mondo della produzione e quello dei consumatori. Oggi i Presì di italiani sono circa 200, quelli internazionali quasi 70; esprimono culture originali, antiche, progettuali, sono saldamente inseriti sul territorio, lo preservano dal degrado, garantiscono la biodiversità agroalimentare. Ma, per elaborare un modello di agricoltura “ alternativo” e reale, per dare forza e visibilità alle comunità rurali, bisogna che queste prima di tutto s’incontrino, scambino esperienze, rendano consapevoli a loro stessi i propri saperi, le proprie pragmatiche e tradizionali conoscenze. In sostanza, bisogna che le Comunità del cibo divengano rete o, meglio ancora si mettano in rete. Da qui, l’idea del progetto Terra Madre che si è svolto nello scorso ottobre a Torino, in contemporanea al Salone del Gusto, la più importante manifestazione mondiale dedicata al cibo e alla cultura materiale. Un incontro mondiale, quello di Terra Madre, tra le comunità del cibo che ha coinvolto circa cinquemila persone, soprattutto i semplici lavoratori della terra e della produzione alimentare. Con l’intento, attraverso questo meeting, di dare rilevanza agli aspetti culturali e di conoscenza di questo variegato popolo della terra. Partendo dal loro “ sempli318 Mangiare: un “ atto agricolo” ce” vissuto, dalle tematiche relative alla coltivazione dei loro prodotti, dall’allevamento dei loro animali, dai loro modi tradizionali di trasformare e conservare la materia prima. In sostanza, abbiamo fatto emergere le loro economie di piccola scala, con la complessità dei vari sistemi agricoli, mettendo in evidenza il confronto e l’incontro tra le diversità. Perché identità e scambio stanno alla base di qualsiasi dinamica della vita delle comunità e, più lo scambio è dinamico e spontaneo, più l’identità non si fossilizza divenendo un aspetto inamovibile. Per ribadire che le identità genuine non sussistono al di fuori dello scambio e che tutelare e valorizzare la biodiversità culturale non significa chiudere le specifiche identità in un guscio. Come per altri aspetti delle complesse dinamiche sociali, anche in questo caso, la grande sfida è stata rappresentata dalla capacità di mettersi in rete, per condividere una medesima filosofia che si determina attorno ai principi della biodiversità, dello sviluppo sostenibile e su una visione completamente nuova dell’agricoltura. Nel futuro prossimo, il valore aggiunto nel determinare la qualità globale del cibo non sarà dato solamente dal fattore organolettico-sensoriale, dall’elemento salutistico, economicosociale. Il cibo dovrà essere buono da mangiare, ma anche buono da pensare, verso un modello basato sul concetto di ecologia dell’alimentazione. 319 Se donner corps et biens Rose-Claire Schü le Lorsqu’on consulte des monographies dédiées à nos villages de montagne, on se rend compte que nombre des auteurs énumèrent avec une facilité déconcertante les moments saillants de la vie villageoise de jadis et de leur temps. Qu’il s’agisse de ce qu’il est convenu de caractériser comme le parcours du berceau à la tombe, celui des fêtes calendaires, de la médecine populaire ou des croyances, tout ce qui peut être rangé sous la dénomination d’événement exceptionnel, est relaté. Veut-on connaî tre la vie quotidienne, les renseignements se font rares pour le présent de l’auteur et inexistants pour le passé. Les historiens et les économistes de leur part, nous renseignent souvent à l’aide de statistiques et de listes plus ou moins sèches sur les quantités et prix du blé, du sel et du vin notamment mais ils ne peuvent que rarement dépasser les généralités régionales vu que leurs documents ne détaillent pas les besoins singuliers des habitants, toutes classes confondues. Les différentes archives n’ont conservé des documents qu’en raison de leur importance politique ou fiscale. Ce n’est que depuis le XVIe siècle que de simples actes de vente ou de transaction se font plus fréquents. Les testaments et les contrats de mariage sont longtemps l’apanage de la noblesse ou de la bourgeoisie aisée et ne peuvent éclairer la situation du simple habitant de nos régions et, qui plus est, du montagnard. Comment savoir de quelle manière on vivait au quotidien dans nos villages de montagne du XVIIIe au XXe siècle ? Et pour se restreindre au sujet de notre colloque, quel était le rôle des végétaux cultivés ou sauvages dans l’alimentation usuelle des villageois du Valais romand alpin durant ces derniers siècles ? Les enquêtes que j’ai menées au milieu du XXe siècle dans le Valais central ont été, du moins dans un premier temps, linguistiques mais avec une nuance ethnologique telle que nos grands dialectologues nous l’avaient enseignée. Ce n’est qu’au fil des années, des décennies devrais-je dire, que les questions que j’aurais dû poser dès le début se sont révélées. Même si de bons contacts avaient été rapi321 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE dement noués, le savoir, la connaissance de la réalité et la compréhension de la langue faisaient souvent défaut. Comment savoir que nous mangeons toujours de la viande à midi signifiait que le repas de midi se composait d’un bout de pain de seigle et de fromage, ce que le patois nendard qualifie de yande, et non de chair animale ? Les nombreux contes et récits que j’ai notés ou enregistrés ne portent guère de l’eau à notre moulin, même si une certaine familiarité acquise entre temps permet de les décrypter avec plus ou moins de bonheur. Les enquêtes plus récentes, obtenues avec plus de connaissance des réalités locales et de solides relations de confiance, sont bien plus explicites, mais les personnes très âgées et leurs souvenirs nous avaient déjà quitté... La production agropastorale locale à laquelle l’alimentation était étroitement liée a été de plus en plus abandonnée et avec elle la connaissance de ses techniques et de ses savoirs. Les nécessités de l’ancien temps et les traditions alimentaires qui avaient toujours su s’adapter aux réalités et aléas des saisons et du climat, ont fondamentalement changé estompant de façon stupéfiante jusqu’aux souvenirs. La mobilité nouvelle, l’accélération des transports et de la vie et surtout de toutes nouvelles orientations professionnelles ont complètement modifié la vie familiale et les cycles et traditions alimentaires. Les soucis de l’aspect corporel ont succédé au besoin de la force corporelle indispensable à la vie paysanne. Au cours des dernières décennies, le souci primordial et permanent du montagnard des siècles passés, celui d’assurer une nourriture de survie pour lui et sa famille, a disparu ; dès ce moment ce sont les préoccupations de diététique qui ont pris la relève, bouleversant à fond l’alimentation traditionnelle. La civilisation des céréales et du lait disparaî t au profit des denrées présentées par l’industrie alimentaire et, dans une moindre mesure, des légumes et des fruits. La prédominance de légumes et de fruits dans l’alimentation moderne, amorcée dès après la seconde guerre mondiale est une adaptation aux tendances généralisantes des pays industrialisés et n’entrera pas dans mes propos volontairement restreints à l’évolution locale. Et les publications ethnographiques récentes devenues nombreuses ? Et les documents d’archives ? À de rares et intéressantes exceptions près, les publications historico-ethnographiques de la deuxième moitié du XXe siècle, ne relatent pas le quotidien, jugé trop banal. Les œuvres littéraires d’auteurs locaux font souvent évoluer leurs protagonistes dans le quotidien d’un passé proche. Leurs auteurs ne savent pas toujours résister à la tentation d’évoquer une vie idyllique du bon vieux temps ou au contraire d’insister sur la pauvreté, la précarité, la faim et les famines dominant la vie montagnarde bien que ni eux ni même la génération les précédant ne soient plus passé par de telles épreuves. Dans l’ensemble les données sû res concernant la vie de tous les jours restent rares. Dans les documents des archives communales1 que j’ai pu dépouiller plus ou moins exhaustivement, je n’ai trouvé que peu de testaments, quelques contrats d’usufruits, des décomptes de tutelle, des inventaires post mortem et de nombreux actes de ventes et achats susceptibles de renseigner sur l’alimentation, prioritairement végétale. Les forêts, les alpages et les prés, omniprésents dans les documents, n’entrent pas dans notre propos. 322 Se donner corps et biens Les testaments examinés révèlent d’abord un grand souci du spirituel. Le nombre de messes à faire dire, de bienfaits, de donations à statuer, voire de pèlerinages à accomplir, est généralement impressionnant. Suivent la répartition des biens immobiliers et meubles et les indications concernant les obligations sociales à charge des héritiers, notamment le ou les repas funéraires à organiser. Ces repas qui varient fortement d’une paroisse à l’autre, mais aussi d’une couche sociale à l’autre, ont certes le but d’honorer le défunt, de resserrer les liens familiaux et communautaires, mais remplissent aussi un but caritatif indéniable. En effet, jusque dans la première moitié du XXe siècle, lors des funérailles d’un notable, d’une personne de famille aisée, les mendiants ou simplement les pauvres, accouraient de loin à ces repas. Dans le Centre du Valais, l’usage associait souvent le repas offert aux participants aux funérailles, repas composé de pain, de fromage et de vin, et l’offrande, donne ou aumô ne destinée aux pauvres. Selon les possibilités des familles et les prescriptions testamentaires, les indigents recevaient alors après la soupe des pauvres du pain et du fromage à emporter, à charge de prier pour le repos de l’âme du défunt. D’après mes informateurs, il y avait au début du XXe siècle lors d’enterrements à BasseNendaz, jusqu’à 120 pauvres. Les testateurs se bornaient généralement à l’indication : « un repas comme il convient », ou : « selon la coutume du village »2. D’autres, spécifiaient le nombre et la qualité des viandes qui devaient former la base du potage à servir, le nombre de fichelins d’orge pilé ou de fèves à ajouter au potage, la quantité de fromage et de pain à remettre aux indigents, sans oublier les setiers de vins à dispenser à tous les participants aux funérailles. Certaines paroisses ou communes, comme celle de Chermignon (VS), possédaient un très grand chaudron des morts3 réservé aux potages d’aumô ne. Je n’ai trouvé aucune mention de légumes ou de fruits utilisés lors de ces repas. La recherche de Pierre Dubuis4 sur les repas funéraires du Val d’Hérens au début du XVIe siècle, énumère des repas funéraires de notables. Dubuis n’a repéré ni légumes ni jardinage5 et dit ne pouvoir en tirer de renseignements sur l’alimentation quotidienne. Il s’agit indubitablement de repas festifs et extraordinaires où la quantité et la qualité des aliments se devaient d’être exceptionnelles. Les testaments ne fournissent donc pas de renseignements sur l’alimentation quotidienne. Les contrats ou convenances par lesquels des personnes âgées cèdent de leur vivant leurs biens à leurs héritiers ou se donnent corps et biens à des proches ou à des tiers contre le vivre et le couvert leur vie durant, semblent plus prometteurs pour notre recherche. Ils ne sont pas très nombreux dans les documents auxquels j’ai eu accès, en revanche ils détaillent parfois ce qui est annuellement dû en usufruit, en argent ou en denrées. Comme cela a été la coutume aux siècles passés et comme c’est encore l’habitude actuellement, il n’est que rarement passé un acte notarial lorsqu’une personne ou un couple âgé souhaite céder ses biens à ses héritiers, surtout s’il s’agit de ses enfants. Les récipiendaires s’entendent entre eux et avec le légataire ; ce n’est généralement que lorsqu’il n’y a pas d’héritiers en ligne directe qu’on rédige parfois un contrat, ce qui explique leur relative rareté. 323 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Dans le Centre du Valais, il y a toujours eu dans les familles riches en descendants, un nombre élevé de célibataires qui vivaient dans un grand ménage, entre-eux6 ou en communauté avec un membre marié de la famille. De très nombreux héritages restaient donc en indivis. Vivant dans un arrangement généralement tacite de communauté de biens entre cohéritiers, il n’y avait pour ses membres nul besoin de prévoir un changement de situation lorsqu’ils devenaient très âgés ou handicapés. Au XIXe siècle, c’était notamment le cas des crétins et autres diminués mentaux qui étaient entretenus selon leur droit successoral7. Dans l’ensemble, il semble que les parents âgés, les déficients et ceux qui s’étaient donnés corps et biens étaient bien traités dans le cadre et l’environnement qui avait toujours été le leur. Il y a eu, comme partout, des abus et des dérapages mais d’après ce que j’ai pu apprendre, ils étaient plutôt rares. Les familles assumaient par tradition et par foi chrétienne leur importante fonction d’assistance sociale, et les personnes âgées, les malades physiques et psychiques étaient gardés dans le cercle familial, tant que faire se pouvait. Néanmoins, la sagesse populaire veut qu’il ne faille pas se déshabiller avant de se coucher et qu’on puisse se défaire de tout sauf d’un gî te8. Depuis l’introduction de l’AVS d’une part, l’abandon de l’agriculture d’autre part, ainsi que de l’ouverture de homes pour personnes âgées, les modalités de transmission des biens ont changé, les usufruits se résument en général au droit d’habiter la maison9 ou le logement familial, les frais d’entretien se règlent en argent. Encore en 2005, il est rare que de telles conventions soient faites devant notaire. Revenons à l’ancien temps. Les documents montrent que les droits d’usufruit s’étendaient souvent aux champs, aux prés, aux droits d’alpage et d’irrigation et ne se limitaient pas au logement. Lorsque les légataires étaient un couple âgé encore en relativement bonne santé, il était prévu qu’il puisse continuer à s’occuper d’une chèvre, parfois d’une vache et même jouir d’une parcelle de champ. En 1837, un homme qui partage ses biens de son vivant, se réserve expressément pour lui et sa femme l’usage des meubles servant à faire l’eau-de-vie et ceux servant aux semailles10. Un autre s’était réservé en 1805 un champ ainsi que chaque année les semailles nécessaires, sa vie durant11. En 1837, un habitant de Beuson garde la faculté de jouir de la moitié d’un foulon aussi longtemps qu’il pourra lui-même fouler, et quand il ne pourra plus le faire, le quart du gain de ce foulon12. S’agissait-il d’une personne seule, souvent d’une veuve âgée mais encore capable de maî triser son quotidien, le contrat spécifiait les différentes prestations de rente à lui fournir annuellement. En 1805, par exemple : 5 fichelins de seigle, 1 bichet d’orge et deux de froment, 2 fromages et la moitié d’un sérac de montagne 6 livres de beurre fondu, 1 setier de vin 10 livres de viande de bœuf et 5 livres de mouton ou chèvre, un demi écu d’argent pour du sel.13 324 Se donner corps et biens En 1832, un habitant aux Bornes de Haute-Nendaz, certainement aisé, père de trois enfants, probablement veuf, recevra non seulement du seigle, de l’orge, des fromages de montagne, du sérac et du beurre, mais également 12 livres de lard, 3 mesures de sel, 10 fichelins et demi de pommes de terre, 3 demi pots de brantevin, 30 quarterons de vin à prendre avant d’être pressé. chaque enfant lui donnera en outre : l panier de raisins aux vendanges, et pendant le printemps, alternativement du lait aux fêtes et les dimanches. 18 batz d’argent. Ils s’arrangeront entre les trois pour l’habillement de leur père selon ses besoins et à mesure qu’il en demandera. Ils lui fourniront aussi le bois nécessaire à son affouage et son chauffage14. Comme dans les cas cités auparavant, il n’est jamais question d’usufruit de jardin ni de droit à des légumes, à part les pommes de terre dans le dernier exemple. Les parents qui partagent leurs biens de leur vivant parce qu’ils ne peuvent plus ni travailler et ni assumer leur ménage continuent à vivre dans leur ancien logement ou, à tour de rôle, chez leurs enfants ou des proches. Ces derniers doivent leur assurer la nourriture préparée. En 1781, un fils doit à son père la soupe et viande15 ou cousinage ordinaire16 et journalement. S’agit-il d’une personne qui s’est donnée corps et biens contre une rente viagère délivrée par un tiers, sa rente ne diffère guère de celle attribuée par des membres de la famille. Les comptes de gestion rendus par un tuteur semblent parfois plus explicites, ils peuvent mentionner du riz, de la viande fraî che ou sèche, du pain, mais aussi les frais de cuisson du pain ou le paiement du travail d’un magnin. Là encore, ni légumes ni fruits. Ce ne sont toutefois ni les conditions juridiques ou économiques de ces différents contrats que nous voulons examiner, mais la place que les éléments végétaux cultivés ont pu prendre dans l’alimentation des deux derniers siècles. Sans aucun doute, les céréales représentent la partie essentielle de l’alimentation. Les fèves exceptées, les légumes et les fruits n’apparaissent guère. Les céréales citées sont le seigle, l’orge, l’avoine et le froment. Les deux dernières sont représentées par de petites quantités et rarement une céréale n’est caractérisée, sauf dans un inventaire post mortem : 2 fichelins d’orge blanc printanier17. 325 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE En 1949 une excellente informatrice de Haute-Nendaz me disait : « Aujourd’hui on plante du Hudson, jadis, on n’avait pas de noms pour le blé ». On se procurait la semence dans le bas de la commune ou à Vétroz ou a Savièse où le blé mû rit mieux. On différenciait le blé selon le moment des semailles. On disait la seigle prime, le froment prime, la seigle hivernée. Comme déjà mentionné, jamais un jardin n’a été mis en usufruit. Est-ce que la jouissance de ce petit lopin de terre allait de soi ? Ou, pensait-on que le jardinage étant trop pénible pour les personnes âgées, les légumes seraient fournis d’office par les héritiers ou les voisins ? Il faut dire qu’on consommait très peu de légumes dans les régions alpines18 et que, comme lors de la boucherie domestique, on offrait facilement au moment de leur maturité des légumes en surplus aux voisins ou amis. Pourtant, les jardins sont fort bien présents dans les nombreux actes de vente ou d’achat des archives, les vergers le sont beaucoup moins. De dimensions fort réduites, les jardins ne se trouvaient qu’exceptionnellement près des habitations. Ils étaient regroupés, par village ou hameau dans des terrains propices au jardinage, généralement sur un replat humide. Parfois il est fait mention d’un jardin de choux, jamais d’un autre légume. Un inventaire de 1803 mentionne un tsaplotsu19 qui peut tout aussi bien être un grand couteau qu’un rabot à choux ce qui permet de penser que non seulement on plantait des choux mais qu’on en faisait de la choucroute. Les seules variétés de choux plantés dans les villages de montagne étaient le chou milan à feuilles frisées qu’on consommait frais et le chou cabus, à feuilles lisses, employé pour la choucroute. Je n’ai pu savoir à quelle variété appartenaient les choux précoces et ceux dit tardifs. Le chou rouge et les choux de Bruxelles sont rares, d’introduction très récente, et se plantent de préférence dans les jardins de basse altitude. Vers 1960, la culture de choux-raves et de colraves restait le fait de rares amateurs. Les raves, bien qu’attestées par les nombreux lieux-dits et les récits des personnes âgées, ne sont jamais citées dans les documents. Les premières carottes n’ont été introduites dans les jardins de montagne qu’à la fin du XIXe siècle. Dans le patois de Nendaz elles s’appellent ribenne, du germanique Rü ben, ce qui permet de supposer qu’elles ont été importées par des Haut-Valaisans ou un marchand-grainier de Suisse allemande. Les fèves, qui apparaissaient à côté des céréales dans les listes de dî mes à remettre au décimateur, sont peu présentes dans les documents des deux derniers siècles que j’ai examinés20. Pourtant, jusque dans la première moitié du XXe siècle, jusqu’à leur éviction par la pomme de terre, les fèves représentaient une très importante composante de la nourriture quotidienne des montagnards. On les plantait par champs entiers, pourtant en 1950 je n’ai plus trouvé que ci et là une rangée de fèves en bordure d’un champ de blé ou de pommes de terre. Plus tard, il y avait quelques plants dans un jardin. Depuis 1970 j’en n’ai plus vu. Dans un acte de 1838, on cite la propriété d’un tiers d’une rouchenne contigü e à une grange sise au Charnieux, à Haute-Nendaz21. La rouchenne est un séchoir constitué de deux colonnes de 5 à 6 m de haut, plantées dans le sol et 326 Se donner corps et biens reliées par une série de perches horizontales. En automne, les plants de fèves étaient coupés au champ tige par tige, et mis en fagots. Transportés sur le bât du mulet ou sur la luge à corne jusqu’au séchoir, les tiges liées en petites javelles, tête en bas, étaient suspendues aux traverses pour les sécher. En hiver, les fèves étaient descendues du séchoir et battues sur l’aire du raccard. En 1948, la dernière rouchenne de Haute-Nendaz, était encore sur pied mais en piteux état et elle a disparu peu après. Située au Charnieux, quoique pas vraiment adossée à la grange voisine, il pourrait s’agir du séchoir mentionné plus de cent ans auparavant au même lieu-dit. Seuls mes informateurs les plus âgés savaient alors encore en expliquer les détails de son emploi. Tout permet de supposer qu’au XIXe siècle on cultivait beaucoup de fèves et que ce n’est qu’au début du siècle suivant qu’elles ont été évincées par la pomme de terre22. Les graines sèches de cette légumineuse constituaient, avec de l’orge concassé en gruau, l’ingrédient de base des potages. Dans les années de disette on faisait moudre les fèves pour compléter la farine de seigle destinée au pain. On consommait aussi des fèves fraî ches, cuites dans leur gousse. D’après mes témoins âgés c’était surtout le cas lorsque, jusqu’au début de la guerre de 14 à 18, la jeunesse faisait la fête sur une des nombreuses crêtes près de l’un ou de l’autre village. Adolescents et jeunes adultes des deux sexes se retrouvaient par un bel après-midi de dimanche autour d’un feu où cuisait une grande chaudronnée de fèves en gousses. Dans la bonne humeur, chacun sortait et mangeait les graines de la gousse bouillie. Les Nendettes et Nendards qui me l’ont relaté étaient tout nostalgiques de ces fêtes qui rassemblaient parfois la majeure partie de la communauté villageoise. La dernière fête a eu lieu à la Crête des Raches lorsqu’on a remis la bourgeoisie d’honneur à la famille de Dardel. Si les fèves fraî ches constituaient un mets de choix, les graines sèches, cuites et parfois rôties comme des marrons, ravissaient les enfants. Les écoliers qui en emportaient dans leurs poches pour la récréation, leur trouvaient en plus un petit goû t de fruit défendu lorsqu’ils les grignotaient en classe. Les pois à écosser, dans lesquels il faut aussi comprendre les lentilles, semblent avoir été assez communs mais ils n’ont jamais connu la popularité et l’estime réservée aux fèves. Leur souvenir était très mince lors de mes premières enquêtes et les documents des siècles qui nous intéressent ici sont muets à leur sujet. Sous la dénomination latine de “ pisellum” , les pois figurent bien dans les listes de dî mes, sans qu’il soit possible de savoir quelle en était la sorte et sans autre commentaire. En 1733, des pois sont une partie du paiement d’une vente23. Schiner indique en 1812 qu’à Savièse on plantait des pois. Je n’ai pas repéré d’autres mentions. En ce qui concerne les lentilles, les recherches sont restées vaines. Questionnés, de nombreux Nendards pensaient qu’on n’avait jamais cultivé de lentilles dans leur commune. En 1948, ils déclaraient ne connaî tre ni la plante ni ses graines et d’en n’avoir entendu le nom qu’au sujet du récit biblique d’Ésau24. Pourtant dans leur patois, ils employaient couramment des comparaisons basées sur la petitesse, la forme et le grand nombre de lentilles. Parlant de pois, ils se référaient tous aux petits pois actuellement cultivés. Les personnes 327 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE âgées se souvenaient que vers 1900, les premiers pois verts à écosser avaient été introduits dans la commune par la fabrique de conserves de Saxon. La culture de cette légumineuse peu délicate réussit bien et en 1917, le marécage des Écluses à Haute-Nendaz a été asséché pour pouvoir planter plus de pois. La fabrique fournissait les semences et achetait la récolte. Les gousses étaient transportées dans des sacs sur des luges à cornes jusqu’à Aproz où la conserverie les prenait en charge. Ce transport s’est avéré fort pénible car les chemins muletiers étaient peu praticables avec les luges. La culture préindustrielle des petits pois, bien que rentable, fut donc rapidement abandonnée. On continua toutefois à planter de petites quantités de saxons dans les jardins pour l’usage domestique. Peu à peu, certaines familles acquirent des semences d’autres variétés de pois, par exemple des pois mange-tout. Impossible de savoir depuis quand on a planté des haricots à rames dans le Valais central. Le patois qui nomme indifféremment les pois et les haricots à écosser par le même mot péy “ pois” , n’apporte pas d’éclaircissement. De mémoire d’homme, on a toujours cultivé des haricots à grains disent les personnes les plus âgées. Depuis la fin du siècle passé, les haricots à rames se sont fait plus rares dans les jardins. Autour de 1880, les premiers haricots verts ont été semés à Basse-Nendaz mais leur culture ne s’est étendue jusqu’à HauteNendaz qu’en 1923. Les haricots nains ne supportent pas le gel et la limite climatique jusqu’à laquelle la culture de ce légume est possible est vite atteinte, en outre contrairement aux pois, ils résistent mal aux étés froids et pluvieux. En 2004, les rangées d’haricots nains qui donnent un légume apprécié, sont présents dans la plupart des jardins privés. Au XXe siècle, le légume le plus planté est incontestablement la pomme de terre. Tous les ménages qui ont un lopin de terre en cultivent. Selon Tamini25, l’évêque Roten déclare que, pour la pomme de terre introduite vers 1750, les champs dî més doivent la dî me, même si les tubercules, jusqu’alors inconnus en Valais, remplacent le blé. Son introduction, du moins en montagne, s’est faite lentement et avec beaucoup d’hésitations26. Dans les décomptes de tutelle de Nendaz il est, en 1821, question de 4 bichets de pommes de terre, en 1822 d’un bichet de trifles27. En 1850, le père Furrer28 écrivait : « Encore dans ce XIXe siècle, bien des paysans se flattent de planter si peu de pommes de terre qu’elles puissent être considérées une rareté ». Lors de mes premières enquêtes, les témoins âgés confirmaient ce fait, leurs parents et grands-parents, fort réticents envers ce légume considéré malsain, voire toxique, n’en plantaient que quelques kilos, souvent dans un jardin29. À la fin du XIXe siècle, les pommes de terre étaient principalement plantées en champs. Les variétés connues avant la bintche (Bintje) étaient nommées selon leur origine comme les bédjouasses , venant d’Isérables, ou d’après leur couleur jaune, rouge, etc.30 Le cadre de cette présentation ne permet ni de traiter l’importante histoire de la 328 Se donner corps et biens pomme de terre ni de parler des légumes introduits après la première guerre mondiale tels que la tomate, les asperges, les artichauts, les bettes à côtes31, les betteraves rouges à salade ou carottes rouges, les potirons, etc. Quel rôle jouaient jadis les fruits dans ce Valais qui apparaî t aujourd’hui comme le verger de la Suisse ? En ne prenant en considération que les régions des vallées latérales du Valais et notamment la montagne, on constate que les arbres fruitiers étaient peu présents dans les actes avant le XIXe siècle. Les vergers proprement dits étaient peu connus et semblent n’avoir été implantés que dans les villages de basse altitude. Jusqu’en 1912, les arbres fruitiers n’appartenaient que rarement au propriétaire du sol où ils poussaient32. Dans un testament de 1843, le testateur donne et lègue à son filleul le droit de planter 2 autres pommiers ou noyers dans le dit préverger, avec le droit de les planter une seconde fois s’ils périssent la première fois33. Certains arbres comme les noyers, étaient essentiels pour l’équilibre alimentaire en tant qu’unique source d’huile, d’autres comme les poiriers et pommiers enrichissaient le quotidien de leurs fruits séchés. Lors de décès la propriété généralement très convoitée de ces arbres était soumise au régime successoral général, et lors de conventions d’usufruit ou rentes, les réserves spécifiées au sujet d’arbres n’étaient pas rares. Les parts pouvaient être infimes, en 1862 par exemple, un habitant de Haute-Nendaz revendique les trois septièmes de 3 pruniers dans la plaine d’Aproz donc, dans un endroit plus propice à l’arboriculture que son village de montagne. En 1838, un J.-L. Délèze donne à un fils la moitié d’un noyer et autant d’un pommier au lieu dit en la Toula, terre de Nendaz et la moitié de 4 poiriers dans un champ à Coor. Vu la valeur qu’on leur attribuait, les actes de tout genre ne manquaient pas, surtout au XIXe siècle, de spécifier non seulement le site où l’arbre était planté mais aussi la qualité et le nom de ses fruits et ne se bornaient pas à l’énoncé de l’espèce noyer, pommier, prunier, sauvageon, etc. Pour la commune de Nendaz, ce souci d’identification a fourni les indications suivantes : pommes douces, piquantes, plates, dures, rayées, rouges, blanches, entées (greffées), pommes reinettes, reinettes rouges, pomme d’Averna, Barbouteune, Grandeë . En 1908, l’almanach du Valais donne des conseils sur la manière de conserver les fruits et indique trois sortes de pommes : les Francs-roseaux, les Reinettes du Canada et les Calvilles blancs. Les poires sont souvent caractérisées par la date de leur maturité : poires [de la] Saint-Félix, Saint-Jacques, Saint-Laurent, Saint-Martin, Poires œuf, pape, parement, des Rois, batârdes, blètsoun. 329 ALIMENTATION TRADITIONNELLE EN MONTAGNE Dans les documents d’archives, les arbres fruitiers à noyaux sont plus tardivement différenciés que ceux à pépins et se résument aux prunes jaunes ou dzanette et aux reines-Claude pour les prunes ; pour les cerises, dès 1900, aux bigarreaux et aux gaffions. En 1912, le docteur Schiner donne le précieux renseignement suivant : « […] les pruneaux qu’on fait sécher au four ou au soleil après leur avoir enlevé le noyau. Il y en a d’excellentes comme les reines-Claude et d’autres qu’on appelle Masquines, fort petites, mais aussi fort douces et fort sucrées ». On séchait aussi les poires, et parfois des pommes après les avoir coupées en deux tandis que les cerises à sécher n’étaient pas dénoyautées. Lorsque le climat le permettait on séchait les fruits au soleil, par temps maussade on les séchait au four à pain, après la cuisson du pain. Ils agrémentaient la nourriture hivernale. En conclusion, il faut avouer que la recherche de l’alimentation végétale quotidienne dans les actes, documents d’archives et autres sources s’est révélée peu fructueuse. Bien sû r que les informations que les documents nous transmettent sont souvent partielles, dépendantes du zèle de leur auteur dans les inventaires après décès, mais aussi de la valeur qu’il accorde aux différents sujets. En revanche, la comparaison avec l’alimentation de la première moitié du XXe siècle permet de dire que le peu de présence des légumes et fruits correspond parfaitement à la réalité. Le montagnard vit pleinement dans la civilisation des céréales et des fèves jusqu’à l’acceptation des pommes de terre. Les produits du lait, et dans une moindre part la viande des animaux d’élevage et de la chasse assurent le complément indispensable d’une alimentation sobre et souvent précaire. En 2004, je constate que si nombre de jeunes ménages suivent plus facilement les courants diététiques à la mode que leurs prédécesseurs, une grande partie des habitants du Valais n’a toujours que bien peu d’attirance pour les légumes et les fruits. Les légumes “ anciens” comme les choux ou les raves ne sont plus appréciés, les vieilles sortes de pommes et de poires se sont effacées devant la poire william et la pomme golden qui n’est d’ailleurs que moyennement goû tée. Les légumes et fruits emblématiques du Valais moderne : les asperges, les abricots, fraises et framboises sont devenus un atout touristique et n’ont pas place dans l’alimentation quotidienne du montagnard, notamment âgé. N O T E S Les Archives de la commune de Nendaz ont été complètement explorées, d’autres, comme celles de Lens, Hérémence, etc. très partiellement. Je n’ai pas consulté les Archives des villes et des bourgs de la vallée. 2 Voir Y. PREISWERK, Le Repas de la Mort, Sierre, 1983. En Anniviers, il a longtemps été d’usage de conserver du vin et des fromages des décennies durant afin que les héritiers puissent, le jour fatidique venu, organiser dignement le repas de funérailles. 1 330 Se donner corps et biens 3 Ce très grand chaudron portait aussi le nom de chaudière de la Trinité, car il servait à préparer la soupe de la Trinité offerte ce jour-là à tous les ménages de la commune. Ce chaudron se trouve toujours dans la maison de la bourgeoisie de Chermignon (R. DUC, Le patois de la Louable Contrée, Ancien Lens, II, Sierre, 1986, p. 133). 4 I. RABOUD, R.-C. SCHÜ LE, P. DUBUIS, Assiettes valaisannes. Nourritures d’hier et d’avant-hier, Sierre, 1993. 5 Soit mets de légumes cuits. 6 Ce qu’on disait en patois de Nendaz : afraritchyâ . 7 D’après plusieurs familles nendettes, il semble même qu’on avantageait les infirmes, les simples ou innocents, en sortant largement leur part de la masse successorale avant de répartir le reste entre les autres héritiers. 8 En patois de Nendaz : oun abé. 9 L’habitation n’est transmise en entier à la seule disposition du bénéficiaire que lorsqu’elle se résume à une pièce chauffable et une cuisine. 10 ACV (Archives Cantonales du Valais), Not. Jean Léger Délèze, 1837, p. 49. 11 ACV, Not. Jean François Michelet, 3 mai 1805. 12 ACV, Not. Jq. Léger Magloire Glassey, 1837, p. 124. 13 ACV, Not. Jean François Michelet, 10 mars 1805. 14 ACV, Protocoles judiciaires de Nendaz, 20 février 1832. 15 Probablement pain et fromage. 16 Des mets cuisinés. ACV, Fonds Lens, Not. J. S. Briguet, 14, 1781, p. 86. 17 ACV, Not. J. F. Michelet, 1803, II, p. 13. 18 B. POCHE, Le Monde Bessanais, CNRS Éditions, Paris, 1999 écrit p. 52 : « Les Bessanais consomment peu de légumes et encore moins de fruits ». L. MORET-RAUSIS. Bourg SaintPierre, 1958, p. 171, indique qu’on ne plante que des choux, des choux-raves, des betteraves et des pommes de terre. 19 ACV, Not. J. F. Michelet, 1803, II, p. 17. 20 Le docteur SCHINER, Département du Simplon, Sion, 1912, p. 444 écrit que près de Fey (Nendaz), on voit de nombreux champs semés de fèves, d’haricots et de petits pois. 21 ACV, Not. Jq. Léger Magloire Glassey, 1838, p. 208. 22 Selon W. GYR, Le Val d’Anniviers. Basel 1994, p. 302, jusqu’à la fin de la guerre, environ un quart des terres arables étaient réservées aux fèves. 23 […] cumque bischeleto pisorum […] (ACV, Fonds Nendaz, p. 91 du 29 juin 1733). 24 Les lentilles ne faisaient alors pas encore partie des denrées comestibles qu’on achetait. 25 Abbé J. TAMINI, Essai d’Histoire de Massongex, 1934, p. 32. 26 Ce qui semble avoir été le cas dans de nombreuses régions. Pour la Vallée d’Aoste : L. JACQUEMOD, Trefolle, tartifle, pommes de terre en Vallée d’Aoste, Aoste, 1993. 27 ACV, Protocoles judiciaires de Nendaz, 20 janvier 1825. 28 Père S. FURRER, Geschichte von Wallis, Sion, 1850. Ma traduction. 29 ACV, Not. Jq. L. Mgl. Glassey, 1850, n 9, p. 3, note qu’un jardin de pommes de terre au Ronco de Brignon est l’objet d’une trataction. 30 W. GYR, Le Val d’Anniviers, Basel 1994, p. 285, énumère des pommes de terre printanières, violettes, à yeux violets (pers), rouges, virgules, jaunes, tardives, de 6 semaines, les empérateur, les ijérablo, les jérusalem, celles de septembre. 31 En patois dzotte, donc probablement plus anciennes vu que le sobriquet ethnique des gens d’Ardon était les Picadzottes , les mangeurs de bettes. 32 En Valais, je n’ai pas trouvé le nom arbre de fer que les Valdôtains donnaient à l’arbre n’appartenant pas au propriétaire du sol, (matériaux personnels et Nouvelles du Centre d’É tudes francoprovenç ales « René Willien » de Saint-Nicolas, no 33, 1996, p. 73. 33 ACV , Not. J. L. Délèze, 1843, no 10, p. 2. O 331 Table des matières Paysages… à croquer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Allocution de bienvenue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Teresa Charles, Assesseur à l’É ducation et à la Culture 5 Allocution de bienvenue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Robert Vicquéry, Assesseur à l’Agriculture, aux Ressources naturelles et à la Protection civile 7 Usi del miele tra alimentazione e simbologia nei secoli passati: l’esempio della Valle d’Aosta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Corrado Adamo Tradizione e innovazione nelle produzioni casearie artigianali Roberto Ambrosoli ...................... Gli alimenti fermentati della tavola valdostana . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Andrea Barmaz Alimentation traditionnelle, ou néo-terroirs ? Quelques observations au sujet du dispositif AOC-IGP en train de se construire en Suisse . . . . . . . . . . . . . . . . Stéphane Boisseaux Le gène perdu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Frédéric Bondaz 9 19 23 27 37 Caratteristiche dei prodotti alimentari tradizionali e controllo dei rischi sanitari . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Augusto Chatel 41 Agricoltura e alimentazione degli Indiani d’America sulle Alpi centro-occidentali . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Gaetano Forni 47 Le jardin potager : hier et aujourd’hui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Alessandro Neyroz 79 Stratégie de valorisation des produits de l’Espace Mont-Blanc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Geneviève Petite 85 Le patrimoine pomologique alpin romand et son impact sur les modes alimentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Bernard Vauthier 93 La terza via dell’alimentazione alpina . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 Enrico Camanni 333 Table des matières Rien que des châtaignes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 Ilda Dalle La catalogazione: strumento di conoscenza e memoria. Un esempio: gli oggetti per l’alimentazione . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 Cristina De La Pierre Analyse et interprétation de quelques gestes inhérents aux pratiques alimentaires dans l’aire alpine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 Christiane Dunoyer Tutela e valorizzazione delle culture alimentari alpine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155 Daniele Jalla Pane e non solo: notizie dallo SPEA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 Giovanni Kezich L’alimentazione tradizionale della Valle dell’Aveto Sara Medica .......................................... 173 Quand on ne mangeait pas toujours des deux mains. Souvenirs et témoignages recueillis dans la commune de Verrayes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 Lidia Philippot Goû ts, odeurs, parfums en mémoire : un patrimoine immatériel ? Valentina Zingari ................ 193 Un bon repas de moine : un regard dans les cuisines des anciens couvents d’Aoste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203 Maria Costa Tipicità e marketing territoriale Luigi Gaido ............................................................................ Pommes de terre et charcuteries. De tenir l’hiver à de nouvelles fonctions identitaires et touristiques Jean-Paul Guérin ............... 211 219 La fête de la transhumance et la fête de la Clairette à Die dans la vallée de la Drôme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225 André Pitte Les produits traditionnels et le savoir-faire des consommateurs. Une enquête préparatoire pour l’inventaire du patrimoine culinaire suisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233 Isabelle Raboud-Schü le 334 Table des matières De la cave au grenier à travers les inventaires après décès (XVIIe - XVIIIe siècles) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241 Claudine Remacle L’enfant de l’alpe haute, autrefois, la plante et l’enfant Alain Reanaux .................................... 275 Renseignements sur l’alimentation traditionnelle en montagne fournis par les données des enquêtes toponymiques du BREL en Vallée d’Aoste . . . . . 283 Andrea Rolando Slow food: dalla democratizzazione del piacere alla riscoperta del ruolo centrale dell’agricoltura Giacomo Sado .............................................. 313 Mangiare: un “ atto agricolo” . Verso un’ecologia dell’alimentazione . . . . . . . . . . . . . . 317 Giacomo Mojoli Se donner corps et biens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321 Rose-Claire Schü le 335 Achevé d’imprimer au mois de décembre 2005 sur les presses de Arti Grafiche E. Duc Saint-Christophe