Entretien avec JEAN-MARIE BARTHÉLÉMY
«Car l’Homme est fait pour rechercher l’humain»
Réflexions sur le statut épistémologique de la psychiatrie
Aujourd’hui la Psychiatrie semble de plus en plus une science au sens traditionnel du terme. Elle cherche à
« expliquer » les maladies mentales par des méthodes quantitatives. Que pensez-vous de cette
approche ? D’après vous, est-elle suffisante pour comprendre les maladies mentales ? D’ailleurs comprendre
une maladie mentale signifie-t-il seulement en déterminer les causes ?
- « Felix qui potuit rerum cognoscere causas ! »1, s’exclamait le sage Virgile. « Heureux celui
qui peut connaître les causes des choses », traduit-on habituellement comme s’il s’agissait
d’une béatitude… Peut-être vaudrait-il mieux risquer cette variante « Bien malin celui qui
connaît les causes des choses ! », afin de mieux respecter la part de défi chimérique et la jolie
pointe d’ironie qu’inclut vraisemblablement la formule avisée. L’approche à laquelle vous
faites allusion, non seulement je ne la trouve pas suffisante, mais surtout elle me semble
inadéquate, inadaptée à sa destination puisque par définition son objet est d’abord et surtout un
« sujet ». Un terme dont je me méfie cependant, parce qu’il a été détourné par des instances de
pouvoir régalien ou auto-conféré, en particulier une trop grande partie de la psychologie, pour
ne plus être entendu que sous son acception de soumission ; dans ce cas, le « sujet », qu’il soit
alors « de sa gracieuse majesté » ou « de l’ expérience », ne désigne plus celui, libre et
singulier, dont procèdent la pensée, les sentiments et l’action, mais un pur vassal aux ordres
supposés d’une autorité dont il dépend. Ainsi, je préfère parler de « personne », même si,
dans notre langue, le vocable a l’inconvénient de souligner à la fois une présence humaine et
son absence, ce qui, à la réflexion phénoménologique pourrait présenter aussi l’avantage de
renvoyer à un scintillement d’existence, pour soi comme pour autrui, et non pas à une
monolithique et triomphante souveraineté du moi…
Comprenons-nous bien. Il serait absurde de mettre à l’écart tout le substrat neuro-biologique
de certains troubles psychiques. Mais il est tout aussi inapproprié d’en écarter, par principe ou
simple volonté de découpe analytique, prétendument et illusoirement méthodologique, tout
ancrage personnel et plus largement psychosocial. En bon phénoménologue que j’essaye de
continuer à être, et en fidélité avec mes maîtres, dont Eugène Minkowski, j’ai, dans le champ

1
Intervista, traduzione italiana e note a cura di SALVATORE GRANDONE.
VIRGILIO,Georgiche II, v. 490.
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JEAN-MARIE BARTHÉLÉMY
«Car l’homme est fait pour rechercher l’humain»
psychiatrique en particulier auquel vous me ramenez, beaucoup de réticence à l’égard d’une
perspective trop rapidement et linéairement explicative. « Avant de connaître les
phénomènes, répétait souvent Minkowski, nous voulons savoir ce qu’ils sont »2. L’idée qu’une
cause engendre un effet et un seul et qu’à chaque effet correspondrait une cause unique, si elle
a permis de sortir de l’obscurantisme, commence à dater un peu, y compris dans les sciences
dites « exactes » et que l’on a requalifié plus récemment de « dures » sans que cela change quoi
que ce soit à la position du problème. D’ailleurs, votre question stipule bien « les causes », et
non pas « la cause », avec la suggestion implicite et intuitive que des troubles différents
pourraient s’alimenter à une origine différente mais aussi, peut-être, qu’un trouble singulier
puisse dépendre d’une multiplicité de facteurs étiologiques et contextuels combinés.
La psychiatrie reste fille de la médecine et n’échappe donc pas à l’évolution de cette dernière
dont elle dépend. Il n’y a pas qu’en psychiatrie qu’un éloignement à l’égard de l’humaine
condition a eu tendance à se relâcher mais aussi dans l’ensemble du secteur de la santé dont les
indéniables progrès techniques ont semblé mettre en retrait la préoccupation d’une souffrance
humaine ramenée bien souvent à une appréciation de la douleur à partir d’une échelle autoévaluative. Cette invasion du quantitatif n’est pas nouvelle, mais elle a pris durant les dernières
décennies un ascendant sans précédent dans tous les champs de la société sans épargner ni la
médecine ni par conséquent la psychiatrie. Jaspers la dénonçait dès 1922, dans son Traité de
Psychopathologie Générale, comme une dangereuse dérive : « Les préjugés de la psychologie
intellectualiste s’unissent volontiers aux préjugés provenant des sciences naturelles pour
affirmer que des constatations quantitatives seules ont valeur scientifique et que l’examen
qualitatif pur reste toujours subjectivité et arbitraire. Les méthodes statistiques
expérimentales, qui en certains cas donnent des mesures, des chiffres, des courbes deviennent
de ce point de vue le seul moyen de faire une étude scientifique. Là où cette étude directe est
impossible, on travaille avec des concepts quantitatifs lors même qu’ils ne représentent plus
rien du tout »3. Je vous donne un exemple beaucoup plus récent fourni par une de mes
patientes. Alors qu’elle se tourmentait, après beaucoup d’années de vie commune, pour savoir
si elle souhaitait continuer à partager son existence avec son mari, elle s’est vue proposer, par
une psychiatre, de remplir un tableau à double entrée qui, tel un bilan comptable des plus
classiques, présenterait face à face les avantages et les inconvénients qu’il y aurait à partir ou à
rester, afin que sa décision finale puisse reposer sur une appréciation objective et donc la faire
sortir de ses ruminations anxieuses dont elle ne parvenait pas à se départir. Pour en
comprendre les déterminants, les enjeux et les issues, il conviendrait, comme quiconque
surtout non spécialiste le concevra avec évidence, de les rapporter patiemment à l’intimité
2
«La phénoménologie nous invite à nous “attarder” aux phénomènes afin d’en préciser les caractères fondamentaux. Avant de
connaître l’origine, nous voulons savoir ce qu’ils sont, quels sont les éléments qu’ils apportent, chacun dans sa spécificité, à la
contexture générale de l’existence». E. MINKOWSKI, Traité de psychopathologie, Paris, PUF, 1966, p.455.
3
K. JASPERS, Psychopathologie générale, traduit d’après la 3 ed. allemande par A. Kasteler et J. Mendousse, Paris, Alcan, 1933, p. 21.
2
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respectable dont elle provient, à lui donner forme et sens dans son effort d’adaptation à une
autre singularité jusqu’alors alliée avant d’être remise en cause. Comment peut-on en venir à
une telle indigence de réflexion et de proposition à son patient, en solde d’inventaire à une
coexistence affective partagée pendant des lustres ? Comment est-il possible, dans une
intention analytique ou théorique, quand bien même portée par un pragmatisme ou une
prétention à l’efficacité immédiate, de rabaisser l’ambivalence personnelle constitutive de
chacun d’entre nous et le conflit interpersonnel grâce auquel nous nous constituons dans la
relation avec autrui à une telle caricature étriquée ? Comment en est-on arrivé, par une
« science » autant dépourvue de conscience à racornir son intervention à de telles
procédures binaires et donc symptomatiques d’une complète dévaluation de la pratique
clinique et de l’exercice de son art ? Quand la psychiatrie se réduit à cette dichotomie simpliste
dans un champ aussi captivant et complexe que celui de la vie psychique, il devient légitime et
urgent de s’interroger non seulement sur ce qu’elle est devenue et son avenir mais aussi sur
une société exclusivement mercantile envahie par le « modèle » économique capitaliste auquel
elle s’affilie de plus en plus sans le moindre état d’âme. Quand je suis en face du patient je ne
me préoccupe guère, ni au départ de notre rencontre ni dans son suivi, des causes de ce qui le
conduit devant moi, je cherche plutôt à comprendre et m’insérer dans un trajet d’existence
singulier qui finira bien par se nouer au mien si l’on croit et souhaite qu’il puisse être porteur
de quelques capacités d’inflexion d’un côté comme de l’autre.
Quels auteurs et quels livres conseilleriez-vous aux jeunes psychiatres d’aujourd’hui pour ouvrir leurs
horizons théoriques et épistémologiques ?
- Votre question comporte une superbe naïveté qui vous honore ! D’une part aucun jeune
psychiatre d’aujourd’hui ne viendra me solliciter pour un tel conseil de lecture et, si je
renversais cette initiative, elle pourrait paraître comme de l’impudence ou de
l’impertinence. L’époque pas si lointaine où se tissaient naturellement des relations
d’échanges, amicales et professionnelles, de formation mutuelle entre anciens et jeunes
psychologues et psychiatres me paraît bien révolue. J’ai passé pour ma part d’interminables
soirées en compagnie de collègues à l’internat médical psychiatrique où, entre parties de pingpong et amusements frivoles de carabins, s’engageaient des conversations à bâtons rompus sur
nos patients communs, les vicissitudes de l’institution hospitalière et aussi le champ de la
pratique et des théories de nos disciplines croisées, connivences livresques comprises.
Quand je parcours aujourd’hui les linéaires des librairies au rayon psychologie ou psychiatrie
— parfois même je me surprends à les contourner pour ne pas ajouter à ma détresse ! — je
me désespère de n’y plus trouver, en majorité, que des manuels « alimentaires » à usage des
étudiants, ou d’autres, à but commercial tout aussi transparent, promettant des bonheurs
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«Car l’homme est fait pour rechercher l’humain»
ultimes en quatre leçons de « nouvelles thérapies », si possible exotiques, à l’obsolescence
programmée. Alors, je retourne à mes classiques qui gardent leur pleine fraicheur et capacité à
enchanter mon univers ordinaire autant qu’imaginaire. Vous n’y serez pas surpris d’y retrouver
mes maîtres, en ligne directe ou par génération interposée, qui n’inspirent pas pour moi, je
vous l’assure, qu’une référence par pure nostalgie, fidélité ou dévotion. C’est donc à leur
fréquentation assidue que j’inviterais encore aujourd’hui non seulement les confrères
fantomatiques que vous m’avez si généreusement attribués mais aussi tous ceux qui, en dehors
de notre étroite communauté, seraient d’une curiosité et ouverture d’esprit suffisantes pour
s’intéresser aux aventures de la vie psychique, pas seulement dans l’expression de ses
troubles. Il m’est arrivé, par exemple de recommander à la lecture en dehors du cercle
professionnel les ouvrages de Minkowski comme Le Temps Vécu4 ou Vers une Cosmologie5 qui se
prêtent volontiers à une lecture pour des non-spécialistes. Le Traité de Psychopathologie appelle
sans doute à plus de connaissances cliniques et nosographiques dans le champ psychiatrique
mais s’ouvre souvent à une réflexion qui l’insère dans l’expérience humaine. Il en va de même
pour d’autres traités de base – que je distingue des manuels car ils sont souvent l’œuvre d’une
vie et non d’un exercice de genre — comme celui de Jaspers auquel je faisais allusion tout à
l’heure et dont les rééditions multiples ont même résisté à son abandon de la psychiatrie pour
la philosophie ; ou encore de celui dirigé par Henri Ey6, un peu moins psychopathologique que
sémiologique cependant.
Eugène Minkowski est un des auteurs qui a inspiré votre parcours de recherche. Dans quel sens d’après vous
la pensée de Minkowski est-elle encore actuelle ? S’agit-il d’une actualité à limiter seulement au niveau de
l’approche méthodologique ou y a-t-il aussi des descriptions de la structure intime des maladies mentales
qui sont encore valables. Je pense par exemple à son livre sur la Schizophrénie. D’après vous la méthode
‘’phénoménologique’’ de Minkowski est-elle à intégrer avec l’apport d’autres disciplines ? Si oui
lesquelles et pourquoi ?
- « La schizophrénie a vieilli depuis sa naissance, écrivait Minkowski en introduction à son
ouvrage sur la question, j’ai vieilli avec elle, probablement même plus vite qu’elle »7, ajoutait-il
dans un délicieux mélange d’humour, de rigueur méthodologique et de lucidité ! J’ai souvent
remarqué que l’« argument » de la désuétude, au nom d’une soi-disant actualité ou modernité
revendiquées, était utilisé par ceux qui dénigrent sans jamais avoir lu. L’opportunité de revenir
régulièrement aux textes de Minkowski, afin de me les remettre en mémoire, de retrouver
simplement l’exactitude d’une citation, de retrouver les étapes intégratives de l’évolution de sa
pensée ou encore de me focaliser sur un de ses développements à l’occasion de la préparation
4
E. MINKOWSKI, Le temps vécu (1933), Paris, PUF (Quadrige), 2013.
ID., Vers une cosmologie (1936), Paris, Payot, 1999.
6
HENRY EY (et alii), Manuel de psychiatrie, Paris, Masson, 1960; HENRI EY, Traité des haluccinations (2v.), Paris, Masson, 1973.
7
E. MINKOWSKI, La schizophrénie (1927), Paris, Payot, 2002.
5
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«Car l’homme est fait pour rechercher l’humain»
d’un de mes exposés ou articles, m’apporte au contraire une bouffée d’air renouvelé et, à
chaque fois, une envie d’élargir la figure imposée par le contexte de ma présentation et sa
limite. Peu d’œuvres, si l’on y songe avec sérieux, se montrent capables d’une telle invite à les
reprendre, à les commenter ou les prolonger, plus exactement elles ne le sont à juste titre que
parce qu’elles se différencient des productions à usage unique, fonctionnel et éphémère. La
réflexion mériterait d’ailleurs une extension au-delà du champ où vous m’interpellez.
Bien sûr aucune œuvre authentique n’est à l’abri de colorations circonstancielles et datées, au
sens où, entrelacées à une vie, elles ne peuvent s’extraire d’un panorama et d’une Histoire qui
la déterminent auxquels même les « sciences dures » ne peuvent échapper. Cependant, si elles
y trouvent un ferment, elles parviennent, sans les avoir recherchées d’ailleurs, à une originalité
et une longévité qui deviennent un critère solide de leur valeur persistante. Sous la pression de
piètres délateurs mais aussi en fonction d’une exposition tenace aux situations pédagogiques
et, en fin de compte, qui lui doit peut-être beaucoup, d’un trait de caractère personnel à
tendance critique, il m’est arrivé de remettre à l’épreuve cette ascendance méthodologique et
épistémologique à laquelle vous faites allusion, sans que le fond ni la substance en soient
affectés. Quand je m’interroge sincèrement sur le « dépassement » de l’œuvre de Minkowski
par quoi que ce soit de contemporain, je ne vois rien d’équivalent qui puisse lui être opposé, ce
qui ne veut évidemment pas dire que d’autres approches ne soient pas tout autant respectables
et recevables.
S’agissant de son livre sur La Schizophrénie, vous pensez bien ! En tout cas nos deux pensées se
rejoignent, ce qui suffit à me réjouir ou me consoler mais contribue aussi fort heureusement à
me faire réfléchir…C’est un excellent exemple de ce que j’essayais de faire passer dans mes
propositions précédentes. J’ai souvent dit à un public étudiant en mal de causalité
impatiente, que le jour où l’on trouverait le virus ou le gène de la schizophrénie — il s’agit
bien entendu d’une image ! — cela ne modifierait en rien ni les descriptions cliniques de
Minkowski ni ses élaborations psychopathologiques, pas plus, et cela m’arrangeait bien à
l’époque, les cours que je leur dispensais… Tout simplement, vous l’aurez compris, parce que
les deux registres d’appréhension ne sont pas de même nature. L’auteur lui-même
reconnaissait humblement, au terme de pages et d’années de réflexions consacrées à la
schizophrénie, que la question de son origine, qui vous tourmentait dès le début de notre
échange, appartenait à l’avenir. À ce que je sache, pour notre propre
présent, l’avenir, depuis, est bien resté devant nous cent ans plus tard…
Quelques mots maintenant sur la dernière partie de votre question, qui concerne l’intégration
à d’autres approches de la méthode phénoménologique. Vous savez bien sûr que
Minkowski, en raison de sa double formation, philosophique et médicale, est venu
puiser, dans les ressources d’une philosophie contemporaine, des concepts qu’il a transposé à
sa psychopathologie en les respectant sans craindre de les adapter. C’est le cas par exemple
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pour « l’élan vital » ou le « temps vécu » empruntés à Bergson en fonction de la résonance
particulière avec laquelle ces notions s’incarnaient lors de l’écoute des patients
psychiatriques ; les conceptions de la métaphore selon Bachelard, plus poétiques que
philosophiques d’ailleurs, l’ont aussi orienté vers une analyse subtile des propos de ses
malades, rapprochés de leur enracinement dans le langage courant. Husserl puis surtout Jaspers
ont influencé les principes fondamentaux de sa démarche phénoménologique et surtout leur
usage. C’est ce versant de l’œuvre de son ami Binswanger auquel il se montrera surtout
sensible en gardant toujours des réticences à l’égard de la psychanalyse avec laquelle il ne
souhaitait pas forcer des parallélismes ou des convergences. L’élaboration de sa méthode qu’il
qualifiait de « phénoméno-structurale » s’est faite en toute indépendance vis-à-vis de ce que
l’on a appelé « structuralisme ». Minkowski n’aimait guère les rapprochements contraints ou
artificiels et se laissait plutôt guider intuitivement par les pouvoirs intrinsèques à s’entrecroiser
des affluences issues de sources variées. Grâce à la sensibilité de son épouse Françoise
Minkowska, tout un pan du dialogue avec le domaine de l’expression artistique, poétique et
plus largement créatrice a pris naissance et continue aujourd’hui à ouvrir des intersections
fructueuses et des horizons auxquels je suis pour ma part tout particulièrement réceptif, ainsi
que vous avez pu en lire ou entendre quelques échos.
Quel est votre rapport avec la souffrance psychique d’autrui ? Si comprendre le monde du malade implique
l’immersion dans son univers de sens et par conséquent une ouverture empathique vers lui, comment éviter
que cette manière différente de voir et percevoir le réel ne produise pas à la longue un ‘’dérèglement’’ des
sens du psychiatre ? Ce contact avec la souffrance peut-il enrichir notre manière ‘’normale’’ de voir le
monde ?
- Sauf peut-être dans vos inquiétudes sous-jacentes, votre question touche au cœur de la
démarche phénoméno-structurale. Il me faudrait prolonger longtemps cet échange pour que je
parvienne à répondre à sa première partie : essayer d’éclairer par un regard à la fois
introspectif, rétrospectif et prospectif puis m’efforcer de vous transmettre ce qui peut me
relier à la souffrance psychique d’autrui. M’appuyer à nouveau sur Minkowski peut nous faire
gagner du temps en nous portant vers l’essentiel c’est-à-dire ce qui déborde nos empreintes
privées tout en les assimilant. Il se référait souvent, à titre personnel, au moment
métaphorique fondateur du sens donné à sa propre existence soudée à son œuvre. Alors qu’il
était enlisé dans une tranchée durant la première guerre mondiale où il fut engagé
volontaire, une main anonyme et boueuse s’est tendue vers lui, pour l’aider à se sortir du
bourbier. « Un pacte fut scellé », commente-t-il sobrement. Sans que je puisse me référer à un
événement aussi précis en ce qui me concerne, il a bien dû y avoir un ensemble de
circonstances qui présente quelque analogie avec cette situation où chacun pourra reconnaître
une parcelle de lui-même…si c’est un Homme. « Car l’Homme est fait pour rechercher
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l’humain »8, était devenu la devise de Minkowski. Ce qui m’a tardivement arrêté dans cette
affirmation généreuse, c’est ce « car » dont on a du mal à fixer l’origine ou des prémisses, ce
qui nous ramène à votre perplexité initiale sur la causalité. Elles sont probablement antérieures
à notre propre existence, portée par le fil continu de cette solidarité interhumaine auquel
Minkowski accordait une importance capitale, pas seulement pour souligner un geste altruiste
mais en même temps définir les soubassements enchâssés de ses conceptions, de sa vie et de son
œuvre. Ce « car » est gratuit, sans référent antérieur, « injustifiable » si l’on peut dire, ce qui
renforce encore la beauté de ce qui l’annonce et en découle.
Pour reprendre à la lettre vos termes, ce qui me relie au « malade », comme vous l’avez
appelé, n’est pas fondamentalement hétérogène à ce qui me relie à cette « souffrance
psychique » avec laquelle nous pouvons nous sentir apparemment en plus grande capacité de
proximité ou accessibilité par empathie. Il n’existe pas de manière « normale » de voir le
monde mais toujours une manière subjective de s’y engager et lui attribuer un sens provisoire
dont le trouble psychique ne réalise qu’un avatar parmi d’autres. Dans tous les cas, à travers
son invite à la rencontre et mon application à comprendre mon prochain, je suis appelé et
réponds à sa sollicitation qui devient sollicitude. À contre-courant de votre inquiétude, vous
serez peut-être surpris d’apprendre que, dans la traversée périlleuse à laquelle nous expose
parfois les moments dramatiques de chacune de nos vies —ce que Jaspers désignait par
« situation-limite »—, c’est la fréquentation tenace de mes patients qui m’a souvent permis de
revenir à cet essentiel et ramené dans ce « droit chemin » de l’existence dont toutes les lignes
sont courbes…
Une coïncidence bénie, voulue ou non, vous fait recourir à une expression d’Arthur
Rimbaud, celle du « dérèglement de tous les sens »9. Une méthode décisive, d’après ce crâneur
précoce, pour espérer mériter le nom et la renommée de poète. « Travailler à se rendre
voyant », « arriver à l’inconnu par un dérèglement de tous les sens »10, tel était son
programme, assez simple au fond…si l’on ne s’en tient qu’aux principes. Car « Les souffrances
sont énormes », reconnaissait-il en manière d’avertissement à tous les éventuels amateurs
résolus à emprunter ce sillage et fréquenter ces précipices. À cet exercice patient et assidu
nous appellent aussi, non sans risques, probablement plus pour eux que pour nous, rassurezvous, les « mauvaises fréquentations » de nos patients. Ce serait donc trop peu de reconnaître
qu’à leur contact, en se greffant à leur singularité, à leur « étrangeté » nous nous
enrichissons ; en vérité et plus en profondeur, ils nous transforment. « Je est un
8
E. MINKOWSKI, Traité de psychopathologie, cit., p. VII.
A. RIMBAUD, Lettre à Paul Demeny (15 Mai 1871), in Œuvres Complètes, ed. par A. Adam, Paris, Gallimard (Pléiade), 1972, p. 251.
10
Ibid.
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autre »11, clamait Rimbaud, mais, à condition de ne rien redouter de la réciproque, car l’autre
n’en demeure pas moins un Je, un autre Je…
11
Ivi, p. 250.
8
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Intervista a JEAN-MARIE BARTHÉLÉMY
«Poiché l’uomo è fatto per ricercare l’umano»
Riflessioni sullo statuto epistemologico della psichiatria
Oggi la psichiatria sembra sempre di più una “scienza” nel senso tradizionale del termine. Cerca di
“spiegare” le malattie mentali attraverso metodi quantitativi. Cosa pensa di questo approccio? Secondo Lei è
sufficiente per comprendere le malattie mentali? Del resto comprendere una malattia mentale significa
semplicemente individuarne le cause?
«Felix qui potuit rerum conoscere causas! », esclamava il saggio Virgilio. «Felice chi può
conoscere le cause delle cose»: si intende abitualmente l’espressione nel senso che il possesso di
tale conoscenza implichi il raggiungimento della beatitudine…Forse sarebbe meglio rischiare
questa variante: «Molto furbo chi conosce le cause delle cose!». In questo modo si renderebbe
di più il senso di sfida chimerica e la punta di sottile ironia implicita, verosimilmente,
nell’affermazione. L’approccio a cui Lei fa riferimento non soltanto non lo trovo sufficiente,
ma mi sembra soprattutto inadeguato, non adatto al suo fine ultimo, poiché il suo oggetto è,
per definizione e in prima istanza, un “soggetto”. Questo termine lo prendo d’altra parte con le
pinze e provo nei suoi confronti una certa diffidenza, in quanto è stato spesso alterato, da gran
parte della psicologia, da istanze di potere “regale” o auto-conferito, fino ad essere letto solo
nell’accezione della sottomissione. In questo caso il soggetto, nel senso di sottomesso alla “sua
graziosa maestà” o “all’esperienza”, non designa più il centro libero e singolare da cui
provengono il pensiero, i sentimenti e le azioni, ma un puro vassallo obbediente agli ordini di
un’autorità da cui dipende.
Preferisco pertanto parlare di «persona», anche se nella nostra lingua, il vocabolo ha
l’inconveniente di indicare allo stesso tempo una presenza umana e un’assenza. Tale aspetto
potrebbe però presentare per la riflessione fenomenologica anche il vantaggio di rinviare
all’intermittenza dell’esistenza, propria e degli altri, e non a una monolitica e trionfante
sovranità dell’io…
Intendiamoci. Sarebbe assurdo mettere da parte il sostrato neuro-biologico di certe malattie
mentali. Ma è altrettanto inappropriato scartare – per principio o per semplice volontà di
semplificare illusoriamente e con presunzione sul piano analitico e su quello metodologico –
ogni elemento personale e più in generale psicosociale. Da buon fenomenologo che mi sforzo
di essere rimanendo fedele all’insegnamento dei miei maestri, tra cui Eugène Minkowski,
provo nel campo della psichiatria molta reticenza nei confronti della prospettiva lineare e
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«Car l’homme est fait pour rechercher l’humain»
troppo frettolosamente “esplicativa”. «Prima di conoscere i fenomeni, ripeteva spesso
Minkowski, vogliamo sapere ciò che sono». Del resto nella Sua domanda ben si parla di «cause»
e non «della causa», con il suggerimento implicito e intuitivo che malattie diverse potrebbero
avere delle origini diverse e che, forse, una singola malattia potrebbe anche dipendere dalla
combinazione di una molteplicità di fattori eziologici da cogliere contestualmente.
La psichiatria resta figlia della medicina e non sfugge quindi all’evoluzione di quest’ultima, da
cui del resto dipende. Inoltre non è solo visibile in psichiatria l’allontanamento nei confronti
della condizione umana, ma anche in tutto il settore che si occupa della salute, i cui innegabili
processi tecnologici sembrano aver messo da parte la preoccupazione nei confronti della
sofferenza umana, ridotta molto spesso alla misura del dolore a partire da una scala autovalutativa. Questa invasione del quantitativo non è nuova. Ha però assunto negli ultimi decenni
una proporzione senza precedenti in tutti i campi della società senza risparmiare né la
medicina, né conseguentemente la psichiatria. Jaspers lo denuciava già nel 1922, nel suo
Trattato di psicopatologia generale, come una pericolosa deriva: «I pregiudizi della psicologia
intellettualistica si uniscono volentieri ai pregiudizi delle scienze naturali nell’affermare che
solo delle constatazioni quantitative abbiano valore e che l’esame qualitativo puro resta sempre
soggettivo e arbitrario. I metodi statistico-sperimentali, che in certi casi offrono delle misure,
delle cifre, dei grafici, diventano in questa prospettiva il solo metodo per produrre uno studio
scientifico. Lì dove lo studio diretto è impossibile si lavora con dei concetti quantitativi anche
se non rappresentano più nulla». Le voglio proporre un esempio molto più recente fornito da
una delle mie pazienti. Mentre si tormentava, dopo molti anni di vita coniugale, per sapere se
desiderava ancora condividere la propria esistenza con suo marito, le è stato proposto da uno
psichiatra di tracciare una sorta di partita doppia, insomma un classico bilancio contabile, che
presenterebbe da un alto i vantaggi e dall’altro gli inconvenienti derivanti dal lasciarlo e dal
restare con lui. In questo modo la sua decisione finale si sarebbe fondata su una valutazione
oggettiva e sarebbe uscita dal rimuginare ansioso di cui non riusciva a liberarsi. Per
comprendere gli elementi determinanti, la posta in gioco e le vie d’uscita converrebbe
piuttosto – come chiunque, soprattutto non specialista, può intuire – collocare pazientemente
tale insieme nella rispettabile intimità da cui provengono e, prima di rimettere il rapporto in
causa, dargli forma e senso nello sforzo di adattamento ad una singolarità fino ad allora alleata.
Come si può giungere ad una simile mancanza di riflessione e di proposte nei confronti del
proprio paziente riducendo ad un inventario una coesistenza che dura da molti anni? Come è
possibile in un’intenzione analitica o teorica, anche se spinta da motivazioni pragmatiche o dalla
pretesa di efficacia immediata, abbassare l’ambivalenza costitutiva di ognuno di noi e il conflitto
interpersonale, grazie al quale ci costituiamo nella relazione con l’altro, a questa grottesca
caricatura? Come si è giunti con una «scienza» così priva di coscienza a svilirne l’intervento a
simili procedure binarie e dunque sintomatiche della completa svalutazione della pratica clinica
e dell’esercizio di tale arte? Quando la psichiatria si riduce ad una dicotomia semplicista in un
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campo così affascinante e complesso come quello della vita psichica, diventa legittimo e
urgente interrogarsi non soltanto su cosa sia diventata questa scienza ma anche sulla nostra
società mercantile invasa dal «modello» economico capitalista a cui si lega sempre di più senza
il minimo scrupolo. Quando sono di fronte al paziente non mi preoccupo molto, né all’inizio
né in seguito, delle cause che lo hanno condotto da me. Cerco piuttosto di comprendere, di
inserirmi nella traiettoria di un’esistenza singolare che finirà prima o poi per congiungersi alla
mia, se si crede e spera che vi possa essere un’inflessione da un lato come dall’altro.
Quale autori e quali libri consigliereste ai giovani psichiatri di oggi per aprire i loro orizzonti teorici e
epistemologici?
La Sua domanda comporta una candida ingenuità che Le fa onore! In effetti nessun giovane
psichiatra di oggi verrebbe a sollecitarmi per un simile consiglio di lettura e, se invertissi
l’iniziativa, potrebbe apparire come dell’impudenza o dell’impertinenza. L’epoca non molto
lontana, dove si intrecciavano naturalmente delle relazioni di scambio, amicali e professionali,
di reciproca formazione tra maturi e giovani psicologi o psichiatri, mi sembra ormai trascorsa.
Per quanto mi riguarda, ho passato interminabili serate in compagnia di colleghi nell’internato
medico di psichiatria. Qui, tra partite di ping-pong e giochi frivoli da studenti di medicina, ci
cimentavamo in accese conversazioni sui nostri pazienti comuni, sui mutamenti del sistema
sanitario e sulla teoria e pratica delle nostre rispettive discipline, senza disdegnare il riferimento
ai testi per noi importanti.
Quando percorro oggi gli scaffali delle librerie nel settore di psicologia o psichiatria – a volte
mi sorprendo persino di evitarli per non aggiungere altro al mio sconforto! – mi dispero nel
trovarci in maggioranza dei manuali «alimentari» ad uso di studenti, o altri, a scopo
commerciale altrettanto trasparente, che promettono felicità definitive in quattro lezioni di
«nuove terapie», se possibile esotiche – testi destinati ovviamente a un oblio programmato.
Allora ritorno ai miei classici che conservano la loro piena freschezza e capacità di incantare il
mio universo ordinario e immaginario. Non sarà sorpreso di scorgervi i miei maestri, in linea
diretta o per interposta generazione, che non mi inspirano – glielo assicuro –, solo per pura
nostalgia, fedeltà e devozione. È infatti la loro assidua frequentazione a cui inviterei ancora oggi
non solo i miei ipotetici colleghi – che lei così generosamente mi chiede di consigliare – ma
anche tutti coloro che, al di fuori della nostra ristretta comunità, possiedono una curiosità e
un’apertura di spirito sufficienti per interessarsi alle avventure della vita psichica non soltanto
nell’espressione delle sue malattie. Mi è capitato per esempio di raccomandare, al di fuori del
cerchio professionale, la lettura delle opere di Minkowski come Le temps vécu o Vers une
cosmologie che si prestano volentieri a una lettura per non specialisti. Le Traité de psychopathologie
richiede senza dubbio maggiori conoscenze cliniche e nosografiche nel campo della psichiatria,
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ma si apre spesso ad una riflessione sull’esperienza umana. Lo stesso vale per altri trattati di
base – che distinguo dai manuali perché sono spesso le opere di una vita e non un esercizio di
genere – come quello, già citato, di Jaspers e le cui le molteplici riedizioni hanno resistito al
suo abbandono della psichiatria per la filosofia, o ancora quello diretto da Henri Ey, anche se
meno psicopatologico e più semiologico.
Eugène Minkowski è uno degli autori che ha inspirato il suo percorso di ricerca. In che senso, secondo Lei,
il pensiero di Minkowski è ancora attuale? Si tratta di un’attualità da limitare soltanto sul piano del
metodo fenomenologico o vi sono anche delle descrizioni della struttura intima delle malattie mentali che
restano ancora valide? Penso per esempio al suo libro sulla Schizofrenia. Secondo Lei il metodo
fenomenologico di Minkowski va integrato con l’apporto di altre discipline? Se sì, quali e perché?
«La schizofrenia è invecchiata dalla sua nascita – scriveva Minkowski nell’introduzione della sua
opera – sono invecchiato con essa, probabilmente anche più rapidamente di essa», aggiungeva
con un delizioso misto di humour, di rigore metodologico e di lucidità! Ho spesso sottolineato
che l’argomento del “sorpassato”, in nome di una cosiddetta attualità o modernità da
rivendicare, è utilizzato da coloro che denigrano senza aver mai letto. L’opportunità di
ritornare regolarmente sui testi di Minkowski, per ben ricordarmeli, per confrontare
semplicemente l’esattezza di una citazione, per ritrovare le tappe dell’evoluzione del suo
pensiero o ancora per focalizzarmi su uno dei suoi sviluppi in occasione della preparazione di
un intervento per un convegno o di un articolo, mi dà al contrario una boccata d’aria nuova e,
ogni volta, la voglia di allargare la figura e il limite imposti dal contesto della mia relazione.
Poche opere, se ci pensiamo seriamente, si mostrano capaci di un simile invito a riprenderle, a
commentarle o a prolungarle. Per essere più precisi hanno tale capacità proprio in virtù del
loro differenziarsi dai prodotti ad uso unico, funzionale ed effimero. La riflessione meriterebbe
del resto un ampliamento al di là del campo su cui Lei mi interroga.
Certo nessuna opera si sottrae ai momenti legati alle circostanze, nel senso che, intrecciate ad
una vita, non possono essere estrapolate da un panorama e da una Storia che la determinano e a
cui del resto neanche le «scienze dure» possono sfuggire. Tuttavia se in esse fermenta qualcosa,
raggiungono, senza volerlo del resto, un’originalità e una longevità che diventano un criterio
solido del loro persistente valore. Sotto la pressione di meschini detrattori e anche in virtù
della mia costante attività di insegnamento con le relative implicazioni pedagogiche e, in fin dei
conti, cosa ancor più determinante, per un tratto caratteriale tendenzialmente critico, mi è
capitato di rimettere in discussione questa ascendenza metodologica e epistemologica a cui lei
allude, senza che il fondo e la sostanza abbiano subito modificazioni. Quando mi interrogo
sinceramente sul “superamento” dell’opera di Minkowski dall’orizzonte contemporaneo, non
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vedo niente di equivalente che gli possa essere opposto, anche se questo non vuol dire che altri
approcci non siano altrettanto rispettabili e accettabili.
A proposito del libro su La schizophrénie, Lei pensa bene! In ogni caso i nostri due pensieri
convergono, ciò che basta a rallegrarmi e a consolarmi, ma contribuisce anche a farmi
riflettere… È un eccellente esempio di ciò che cercavo di far comprendere nelle mie
precedenti affermazioni. Ho spesso detto a un pubblico di studenti, impaziente di spiegazioni
causali, che il giorno in cui si scoprirà il virus o il gene della schizofrenia, ciò non modificherà
in nulla le descrizioni cliniche di Minkowski né le sue elaborazioni psicopatologiche, né mi
avrebbe fatto cambiare il mio corso…Semplicemente perché, Lei l’avrà compreso, i due
registri di apprensione non solo della stessa natura. L’autore stesso riconosce umilmente, alla
fine del libro e dopo anni di riflessioni dedicati alla schizofrenia, che la questione dell’origine,
che La tormentava all’inizio della nostra intervista, apparteneva al futuro. A quanto ne sappia,
nel nostro presente l’avvenire è ancora davanti a noi dopo cent’anni…
Qualche parola ora sull’ultima parte della Sua domanda, che riguarda l’integrazione di altri
approcci a quello fenomenologico. Lei sa sicuramente che Minkowski in virtù della sua doppia
formazione, medica e filosofica, ha attinto dalla filosofia a lui contemporanea dei concetti che
ha trasposto nella sua psicopatologia senza temere di adattarli. È il caso ad esempio dello
«slancio vitale» o del «tempo vissuto» ripresi da Bergson in funzione della risonanza particolare
con cui tali nozioni si incarnavano nell’ascolto dei suoi pazienti. Anche le concezioni della
metafora in Bachelard, del resto più poetiche che filosofiche, hanno consentito a Minkowski
un’analisi sottile delle affermazioni dei suoi malati, grazie al loro radicarsi nel linguaggio
comune. Husserl poi e soprattutto Jaspers hanno influenzato i principi fondamentali del suo
percorso fenomenologico nonché il loro uso. È questo del resto il versante dell’opera del suo
amico Binswanger a cui si mostrerà particolarmente sensibile, mantenendo sempre delle
reticenze rispetto alla psicoanalisi per non forzare i parallelismi o azzardare delle convergenze.
L’elaborazione del proprio metodo, che Minkowski qualificava come «fenomeno-strutturale»,
è stata sviluppata in completa autonomia nei confronti di quello che sarà definito
«strutturalismo». Minkowski non amava molto gli accostamenti forzati o artificiali e si lasciava
spesso guidare intuitivamente dagli intrinseci potenziali di affinità provenienti dalle diverse
fonti da cui attingeva. Grazie alla sensibilità della moglie, Françoise Minkowska, un ampio
settore di confronto con l’espressione artistica, poetica e più in generale creatrice continua oggi
a rivelare delle fruttuose intersezioni e degli orizzonti a cui sono particolarmente sensibile,
come ha ben potuto percepire o sentirne l’eco nei miei contributi scientifici.
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Qual è il suo rapporto con la sofferenza psichica altrui? Se comprendere il mondo del malato implica
l’immersione nel suo universo di senso e, conseguentemente, un’apertura empatica nei suoi confronti, come
evitare che questa maniera diversa di vedere e percepire il reale non produca alla lunga uno “sregolamento”
dei sensi dello psichiatra? Questo contatto con la sofferenza può arricchire il nostro modo “normale” di
vedere il mondo?
- Salvo forse per le preoccupazioni da Lei sottintese, la sua domanda tocca il cuore
dell’approccio fenomeno-strutturale. Dovrei prolungare troppo il nostro scambio per poter
rispondere alla prima parte: chiarire attraverso uno sguardo allo stesso tempo introspettivo,
retrospettivo e proiettivo; inseguito sforzarmi di trasmetterLe ciò che può legarmi alla
sofferenza psichica altrui. Appoggiarmi di nuovo su Minkowski può farci guadagnare tempo
conducendo verso l’essenziale, ossia verso ciò che eccede le nostre esperienze private e allo
stesso tempo le assimila. Minkowski si riferirebbe, a titolo personale, ad un momento
simbolico, fondatore del senso dato alla propria esistenza così saldata alla sua opera. Mentre si
trovava riverso nel fango in una trincea durante la Grande Guerra, a cui partecipò come
volontario, una mano anonima e sporca si tese verso di lui per aiutarlo ad uscire dal pantano.
«Un patto fu sigillato», commentò sobriamente. Senza che possa riferirmi, per quanto mi
riguarda, ad un evento altrettanto significativo, vi è ben stato un insieme di circostanze che
presenta qualche analogia con questa situazione in cui ognuno potrà riconoscere una parte di
sé…se è un Uomo. «Poiché l’Uomo è fatto per ricercare l’umano», questo era il motto di
Minkowski. Ciò che mi ha fatto indugiare su questa generosa affermazione è il «poiché» del
quale si ha difficoltà a fissare l’origine o le premesse, il che ci riconduce alla Sua perplessità
iniziale sulla causalità. Tali premesse sono probabilmente anteriori alla nostra esistenza,
sorretta dal filo continuo di questa solidarietà interumana a cui Minkowski accordava
un’importanza capitale, non soltanto per sottolineare un gesto altruista ma per definire nello
stesso tempo le basi stratificate del suo pensiero, della sua vita e della sua opera. Questo
«perché» è gratuito, senza un referente anteriore, «ingiustificabile», se si vuole dire così, e
questo rinforza la bellezza di cosa l’annuncia e di quanto ne deriva.
Per riprendere alla lettera le Sue parole, ciò che mi lega al «malato», come Lei lo chiama, non
è fondamentalmente eterogeneo a quello che mi lega a questa «sofferenza psichica» con la quale
possiamo sentirci apparentemente in più grande capacità di prossimità o accessibilità per
empatia. Non esiste una maniera «normale» di vedere il mondo ma sempre e solo una maniera
soggettiva di abitarlo e di attribuirgli un senso provvisorio. La malattia psichica non realizza che
una figura di senso tra le altre. In ogni caso, sono chiamato da questo invito della malattia
all’incontro e all’impegno per comprendere l’altro e rispondo alla sollecitazione che diventa
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sollecitudine. Andando controcorrente rispetto alla Sua preoccupazione, sarà forse sorpreso di
apprendere che, durante la pericolosa traversata alla quale ci espongono a volte i momenti
drammatici delle nostre vite, è stata la frequentazione tenace dei miei pazienti che mi ha
permesso spesso di ritornare a quanto vi è di essenziale e ricondotto sulla «retta via»
dell’esistenza le cui linee sono tutte curve…
Una felice coincidenza, voluta o no, L’ha fatta ricorrere ad un’espressione di Arthur Rimbaud
quella del «dérèglement de tous les sens». Un metodo decisivo, secondo questo genio precoce,
per sperare di meritare il nome e la fama di poeta. «Lavorare per diventare veggente»,
«arrivare allo sconosciuto attraverso uno sregolamento di tutti i sensi», questo era il
programma. Molto semplice in fondo…se ci si ferma al principio. Poiché «Le sofferenze sono
enormi», continua a guisa di avvertimento per tutti gli eventuali amatori risoluti a
incamminarsi sulla medesima strada e ad affrontarne i precipizi. A questo esercizio paziente e
assiduo ci chiamano anche, non senza rischi probabilmente più per loro più che per noi – non si
preoccupi – , le «cattive frequentazioni» dei nostri pazienti. Sarebbe quindi troppo poco
riconoscere che al loro contatto, aggrappandosi alla loro singolarità, allo loro «estraneità» ci
arricchiamo. In verità e più in profondità ci trasformano. «Io è un altro», dichiarava Rimbaud,
ma a condizione di non dubitare mai della reciproca, poiché l’altro resta pur sempre un Io, un
altro Io…
Edizioni italiane dei testi francesi
JASPERS K., Psicopatologia generale (1913), Roma, Il pensiero scientifico, 1994.
MINKOWSKI E., La schizofrenia. Psicopatologia degli schizoidi e degli schizofrenici (1927), Milano, Fabbri, 2014.
ID., Il tempo vissuto. Fenomenologia e psicopatologia (1933), Milano, Fabbri, 2007.
ID., Verso una cosmologia (1936), Milano, Fabbri, 2007.
ID., Trattato di psicopatologia (1966), Milano, Feltrinelli, 1973.
RIMBAUD A., Opere complete, Milano, Mondadori (Meridiani), 2006.
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Entretien avec JEAN-MARIE BARTHÉLÉMY